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53Ô
DE LA CRÉATION ACTUELLE
DE
MOTS NOUVEAUX
DANS LA LANGUE FRANÇAISE
DU MEME AUTEUR.
Trnit<' de la furmatioii «les mots composas dans la laiig^iie fran-
çaise, comparée aux autres langues romanes et au latin; 1 fort vol. grand
in-8". Paris, Vieweg, 1875.
Deux Élégies du Vatican, textes du xiii" siècle publiés pour la pre-
mière fois d'après un manuscrit de la bibliothèque du Vatican, et accompa-
gnés d'un commentaire philologique, historique et littéraire; in-S", Nogent-
le-Rotrou, I81k.
Phonétique française : la protonique non initiale^ non en position j in-8"
Paris, 1876.
Tableau de la littérature et de la langue française au xvi" siècle,
suivi de Morceaux choisis des meilleurs écrivains en prose et en vers de cette
époque (en collaboration avec M. Hatzfeld) ; Paris, Delagrave, 2 vol, grand
in-18, 1876-1877.
Ile Floovante, vetustiorc gallico poemale, et de Meruvingo cyclo
scripsit et adjecit nunc immum cdita Olavianarn F lovent s Sagœ versionem et
excerpta e Parisiensi codice « il libro de Fioravante, » A. Darmcsteter; 1 vol.
in-8o. Paris, Vieweg, 1877.
Typographie Lahure, rue de Flcurus, 9, à Paris.
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DE LA ORKATION ACTUELLE
DE
MOTS NOUVEAUX
DANS LA LANGUE FRANÇAISE
ET DES LOIS QUI LA RÉGISSENT
PAK
A DAR3IESTETER
PARIS
F. VIEWEG, LIBKAIRE-ÉDITËUR
67, nUE DE RIC.IIKLIEU, 67
, 1877
PC
2I7S-
INTRODUCTION.
I
Du jour où les travaux de Raynouard et de Diez eurent fondé
la philologie romane, de tous côtés, en France, en Italie, en
Allemagne, dans les pays Scandinaves, toute une armée d'ou-
vriers se mit à dcfriciier le terrain nouveau conquis à la
science. Notre langue en particulier fut étudiée dans toutes les
époques de sa vie passée et dans tous les éléments de son or-
ganisme. On détermina les lois générales qui ont présidé et à
sa formation et à ses transformations, et qui du latin populaire
transporté en Gaule par les légions de César ont fait sortir
successivement le français des Serments, celui du Roland, celv^
de Froissard, celui de Montaigne, celui de Bossuet.
Ce mouvement scientifique continue avec une force crois-
sante. Après les solutions d'ensemble et les vues générales
données par une première étude, chaque point est repris, étu-
dié à part et pour lui-même : les sons, les formes, les con-
structions, tous les éléments de la langue considérés à toutes
les époques et dans tous les dialectes, passent et repassent à
l'examen d'une critique sévère, qui a un objet défini, une mé-
thode arrêtée, un critérium exact, bref tous les caractères
d'une science constituée.
Mais, dans cette vaste enquête dont notre langue fait l'objet,
presque tous les etîorts de la science n'ont porté jusqu'ici que
sur les questions d'origine et sur le moyen ù,^e. C'est le latin
populaire qu'on étudie, c'est la langue d'oil et la langue d'oc
du neuvième au quatorzième siècle; depuis quelque temps on
descend jusqu'au seizième: si les écrivains du dix-septième
n'ont jamais été négligés, ce qu'on étudie en eux, c'est avant
1
— 2 —
tout la langue des classiques, la langue du grand siècle, c'est-
à-dire l'instrument le plus parfait que notre littérature ait ja-
mais manié. Les recherches dont elle fait Tobjet affectent donc
en général un caractère tout littéraire ; sa beauté même l'a
soustraite à l'analyse froide. Enfin, pour une cause autre,
mais non moins puissante, la langue moderne, la langue con-
temporaine semble absolument exclue du cercle des recher-
ches linguistiques. Gomme nous vivons, comme nous pen-
sons en elle, qu'elle fait partie intégrante de nous-mêmes, les
changements qui se font en elle se dérobent à la conscience
de la même façon et pour la même raison que ceux qui se font
en nous. Son mouvement nous échappe, nous ne la sentons
pas qui change sur nos lèvres ; nous oublions, nous ne son-
geons pas que jamais langue vivante n'est fixée, que la langue
contemporaine, dernier terme des évolutions que notre idiome
a subies dans les époques antérieures, n'est que le point de
départ de celles qu'il doit subir dans l'avenir ; qu'elle aussi,
comme la langue ancienne, a ses transformations, son mou-
vement, son devenir, et que, régie comme elle par des lois,
elle tombe au même titre sous la prise de la science.
Aussi la langue contemporaine ofîre-t-elle au philologue un
aussi riche sujet d'étude que celle des périodes passées; et ce
serait rendre un signalé service à la science que d'en embras-
ser l'ensemble. Esquissons rapidement le cadre de ces re-
cherches.
On peut étudier dans une langue soit les sons, soit les for-
mes grammaticales, soit les constructions, soit les mots. Les
mots eux-mêmes s'étudient soit dans leur variation de sens,
soit dans leurs procédés de formation.
a. Si nous considérons l'étude des sons, la phonétique, quel
est l'état de la prononciation moderne? Qu'est devenu l'ac-
cent d'intensité qui a exercé une action si puissante dans la
formation de notre langue, qui a créé le français? Quel est son
rôle présent, son degré de force? Quelle est la place qu'il oc-
cupe? Existe-t-il encore des diphthongues, et Vi de bien, Vu
de puits sont-ils encore des voyelles? Toi renferme-t-il une
consonne et une diphthongue (f, oi), ou deux consonnes arti-
culées et une voyelle, [t, w, a)? Pourquoi 17 mouillée dispa-
raît-elle? Quelles sont les consonnes qui s'éteignent, et dans
quels cas? Quelle est l'influence de l'orthographe sur la pro-
nonciation? Si l'on commence à prononcer prom-pt itude^
— 3 —
do)n-pl-cr au lieu de prontitude, douter, pourquoi l'ancienne
prononciation le ne ai mars, le cinq mai, etc., commence-t elle
à faire place au neu mars, au cin mai? Quelle modification a
subie la liaison entre les mots? Telles sont, entre beaucoup
d'autres, quelques-unes des questions que soulève la phoné-
tique actuelle*.
6. Passant aux formes grammaticales, il serait intéressant
d'établir que la langue vivante ne forme plus de pluriel par
l'addition d'une s, puisque la prononciation ne distingue plus
le singulier du pluriel (père = ^)èr', pères=-pèr'), et qu'à l'ar-
ticle d'ordinaire est dévolue la charge dp faire cette distinction
[le père, les pères = le pèr' lépèr'); que le passé défini et l'im-
parfait du subjonctif ont disparu de la langue populaire ; que,
par suite d'altérations phonétiques, la prononciation tend à
ramener les formes verbales à des thèmes ; que dans la plu-
part des temps, quatre formes sur six : [je] chante, [tu] chantes,
[il] chante, [ils) chantent-, se ramènent à une forme unique
chant', et que seules la première et la seconde personne du
pluriel [nous) chantons, [vous) chantez conservent une ombre
de flexion [chant-on, chant-é); que quatre fois sur six, dans la
plupart des temps, les pronoms seuls servent à déterminer
les personnes ; bref, que le français descend ici à l'étage an-
glais.
Considérons encore la conjugaison populaire du verbe ai-
mer et du verbe être.
VERBE aim,er.
j'aime, prononcé j'èm\
t'aimes, t'èm',
il aime, il èm',
nous aimons, nouz énion,
vous aim,ez, vouz émé,
ils aiment, iz èm'.
1. Le consciencieux ouvrage de Malvin Cazal sur la prononciation française au
dix-neuvième siècle est rempli d'observations minutieuses et sagaccs. II manque
toutefois à cet ouvrage une connaissance plus approfondie de la physiologie des
sons, et de l'histoire antérieure de la prononciation. Le livre est une statistique
sèche que n'anime pas la vue historique.
2. Et de même à l'imparfait : je chantais, lu clutntais, il chantait, ils chan-
taient ; au conditionnel : je chanterais, tu chanterais, il chanterait, ils chan-
teraient; au présent du subjonctif: (que) je chante, tu chantes, il chante, ils
chantent. Au passé délitii ot à l'imparfait du subjonctif, une forme sert on géné-
ral à trois personnes.
VERBE èlre.
f suis, prononcé cli nul,
Ces, Ce,
il est, il è,
nous sommes, non sàm\
vous êtes, ' vouz et',
ils sont, i son.
Ne semble-t-il pas que dans fèm\ Cèm"; ch' sui, Ce, etc., il
y ait un commencement de fusion du pronom avec le verbe?
que le pronom devienne comme une flexion verbale, analogue,
sinon par l'origine et par la place qu'elle occupe, du moins par
la l'onction {{u'elle remplit, à celle que présentent les fmales-o,
-s, -t dans le latin vicle-o, vides, vide-t? en un mot que, dans
(juatre formes sur six, le français, surtout dans les verbes
commençant par une voyelle, passe à l'étage sémitique?
Arrivons à la conjugaison interrogative ou exclamative. En
voici le paradigme dans la langue populaire.
VERBE être.
suis-je-ti? prononcé sui-f-ti?
es-tu ou es-tu-ti? è-tu ou è-tu-li?
est-il? est-elle ou elle est-ti? è-ti? è-t-èV ou èC è-ti?
aomtnes-nous ou sommes-nous- sôm'-nou ou sùnC-nou-liY
ti?
ètes-vous ou ètes-vous-ti? èC-vou ou èC-vou-ti?
sont-ils? sont-elles on elles sont' son-ti? son-lèC ou èC son-li?
ti?
VERBE aimer.
faime-ti! prononcé fèrrC-ti!
aimes-tu ou aimes-tu-ti! ènC-tu ou èm'-tu-li!
aime-t-il! aime-t-elle ou elle èm'-ti! èm'-t-èC ou cC èm'-ti!
aime-ti !
aimons-nous on aimons-nous-ti! émon-nou ou émon-nou-ti!
aimez-vous ou aimez-vous-ti! émé-vou ou émé-vou-ti!
aiment-ils! aiment-cUen ou elles èm'-ti! èm'-t-èC ou èlz èm'-ti*!
aiment-ti!
1. « Ti ou ty est une enclilique qui s'ajoute à la seconde personne sing. ou plur.
(le n'iinpoitc quel temps, lorsqu'il y a interrogation : Vcux-tu ti? voulez-vous hj'.'
D'où viennent ces formes monstrueuses : mi-f-ti? fèm'-li?
(H' èm'-ti? D'une action de l'analogie. Est-il se prononce èti,
et comme la forme directe est a le son è, le peuple analyse
tHi, non en èt-{-i, mais en 6' + ^*; ^i devient donc le signe de
l'interrogation et se transporte d'abord aux formes comme
suis-je, où l'efîacement du pronom enclitique je rend l'inter-
rogation à peine sensible, puis aux autres formes. De même,
dans aime-t-il = aime-ti, ti se détache de aime et se reporte à
faime^. « La fille à Jérôme, ah! je Vaime-ti! » dit la chanson
populaire.
Cette conjugaison, si monstrueuse qu'elle soit, ne paraît
pas plus illégitime, à qui considère l'action invincible de l'a-
nalogie et les triomphes innombrables qu'elle a remportés
dans notre langue, que celle qui a tiré les formes, jadis bar-
bares, devenues classiques, faide, tu aides, il aide, nous ai-
dons, vous aidez, ils aident, des formes du moyen âge : j'aiu,
tu aiues, il aiuet, nous aidons, vous aidiez, ils aiuent; toutes
formes qui sont les représentants si fidèles et si corrects des
formes latines étymologiques : aiûto, aiûtas, aiûtat, aiutdmus,
aiutâtis, aiûtant. Cette conjugaison barbare de la langue po-
pulaire est aussi naturelle que celle de l'italien classique qui
modèle la déclinaison de son pronom sur la conjugaison de
son verbe [egli egli-no, il eux; d'après cânla cdnta-no); que
celle du portugais qui transporte à l'infinitif les flexions de la
conjugaison [cantar-mos, cantar-des, cantar-em, d'après l'ar-
chaïque cante-mos, cante-des, cant-em^); que celle du dialecte
messin, qui conjugue son infinitif négatif sur le modèle de
son impératif [ne minjer me, ne m,injanr me, ne m,injeur me,
d'après minj, minjan, minjeu^); que celle de l'anglais popu-
as lu li? avcz-vous ii? irons-nous <j/ ? viendras-tu /i?otc. Les exemples en sonl
très-communs dans tous les écrits en langage populaire, depuis la Fronde jusqu'à
présent. >• (Charles Msard, Étude sur le latigarje populaire ou palois de Paria
et de sa banlieue, Paris, 1872, in-S", p. 283). L'auteur a tort de restreindre celte
conjugaison à la seconde personne. Il donne lui-même comme exemple irons-
nous Itj.
1. Aime-t-il, on le sait, est l'archaïque aimet-tl, c'est à-dire amat ille. ].e Iran-
çais populaire snîs-je-ti, faime-ti est donc étymologiquement le latin sum-er/o-
{es)t-iUe; ajo anio-(a)t-ille!
2. Formes du subjonctif.
3. Le patois messin a un impératif négatif forme, comme l'italien, de l'infinitif,
iicconipagné de la négalion : ne minjer me «ne manger mie, ne manger pas»,
c'est-à-dire ne mange pas. Cet '\i\i\mli{ minjer se conjugue sur le modèle de minj
« mange», minjan. «mangeons», minjeu. «mangez », et donne «f minjanr me
(ne pas manger nous), «ne mangeons pas» ; ne minjeur me (ne pas manger vous)
« ne mangez pas ». — Voir E. Holland, dans la Romania, V, p. 22.').
laire qui de ain'l « Je ne suis pas », transformation phoné-
tique de I ani not, tire par analogie you ain'l, « vous n'êtes
pas », littéralement you I mn not, <■<■ vous je ne suis pas « ;
'tain't, « ce n'est pas », littéralement ce ne suis pasK
La théorie des pronoms, des démonstratifs, des mots inva-
riables, la classification des conjugaisons, donneraient lieu à
constater bien des phénomènes de même ordre.
c. L'étude de la syntaxe moderne reste à faire, et chaque
point soulève des questions qui toutes ne se laissent pas en-
core résoudre. Suivant les règles de la grammaire, le participe
passé construit avec l'auxiliaire avoir s'accorde, comme un
attribut, avec son régime direct quand il en est précédé ; sui-
vant les lois de la langue, il doit être aujourd'hui invariable,
parce que la langue n'y reconnaît plus un attribut, un adjec-
tif, mais un verbe. L'ordre des mots de la proposition n'a pas
encore été expliqué. Pourquoi, tandis que le dix-septième siè-
cle disait : il se va promener, je te dois écrire une lettre, le dix-
neuvième dit-il : il va se promener, je dois l'écrire mie lettre?
Pourquoi: il nous le dit, en plaçant le après le régime indirect,
et il le lui dit, en le plaçant devant?
En regard des innovations de la syntaxe contemporaine, il
serait intéressant de retrouver les débris de constructions an-
térieures disparues. Dans les formations du langage, les cou-
ches successives se superposent comme les strates dans le
terrain neptunien, et de même qu'en géologie il arrive qu'un
terrain primaire, perçant les couches supérieures, vienne
affleurer à la surface du sol, ainsi, en linguistique, des restes
de constructions primitives percent à travers les dépôts des
formations nouvelles jusqu'aux temps les plus récents. Qui se
douterait que cette expression se nourrir depain et d'eau nous
offre un fossile, mais wn fossile vivant, qui remonte aux pre-
miers temps de la langue? A l'origine, l'article partitif n'exis-
tant pas encore, on disait : manyer pain, boire eau; se nourrir
avec pain et eau; vivre de pain et d'eau; puis l'article par-
titif a pénétré dans toutes ces expressions : manger au pain,
boire de Veau, se nourrir avec du pain et de Veau; mais l'in-
stinct de l'euphonie se refusait à admettre vivre de du pain et de
de l'eau, et sauva dans ce seul cas la construction archaïque de
1. L'anglais aay I, « dis-je ». sous l'influence de says hc, « <lil-il ». est devenu
(l.ins la Innpiin populaire says I, propremont •■ dii-je ».
la Iransformation qui atteignait les constructions analogues.
Pourquoi disons-nous : toulE honteuse et tout interdite? Pour-
quoi la vieille construction de Corneille et de Malherbe : pour
grands (pie soient les rois, disparaît-elle, en ne se conservant
que dans la locution pour peu que? Pourquoi le pronom qui, au
sens du neutre absolu quod «ce qui»*, ne se maintient-il que
dans les expressions : qui plus est, qui mieux est, qui pis est?
d. Si l'on passe maintenant au matériel même de la langue,
au lexique, quels sont les changements survenus dans le sens
des mots et dans les procédés de formation? La première de
ces études ne se fera pas de longtemps ; car la science de la
Iransformation des sens, cette science qui, le jour où elle sera
fondée, fournira à la psychologie historique un instrument
d'une incomparable puissance, cette science n'est pas encore
constituée : elle n'existe pas. On ne s'est pas encore avisé
d'étudier systématiquement le vocabulaire d'une langue de
manière à suivre dans les changements de l'expression le
mouvement de la pensée. La langue contemporaine fournira
sans doute des faits nombreux à une étude de ce genre ; mais
tant que les principes de la science ne sont pas posés, elle ne
peut guère qu'apporter des matériaux à une enquête plus
vaste, sans faire l'objet d'une recherche se suffisant à elle-
ihême.
e. Enfin il reste à parler des procédés au moyen desquels
la langue crée des mots nouveaux. La langue moderne renou-
velle-t-elle son vocabulaire, et par quels procédés? Quelle
puissance possède-t-elle pour exprimer les idées nouvelles,
les faits nouveaux? La force créatrice qui a produit le voca-
bulaire de la vieille langue et de la langue modernf e^t-elle
toujours active, et dans quelle mesure?
C'est la question que nous nous proposons de résoudre
dans le travail qui suit.
II
Tant qu'une langue est parlée par un peuple, c'est un orga-
nisme qui vit dans sa pensée et sur ses lèvres. Comme tout ce
1 . « J'espère que nous en irons toutes ensemble, quy me fera fort grant plaisir. »
(Marguerite d'Angoulème, Lettres, 97; édit. Gcnin, p. 278).
qui vit, elle se développe, elle change, et non-seulement sa
prononciation, ses formes grammaticales, sa syntaxe, mais son
lexique doivent subir d'incessantes transformations. Le fran-
çais, langue parlée par trente-six millions d'hommes, langue
vivante, doit donc poursuivre la série de ses évolutions natu-
relles, et ainsi avoir en lui-môme les forces nécessaires pour
Jes accomplir.
Aussi notre langue n'a jamais été fixée, pas plus par les
chefs-d'œuvre de nos écrivains classiques au dix-septième
siècle que par ceux de nos trouvères au douzième siècle
et au treizième. « Les langues vulgaires se changent de siècle
en siècle* », disait Estienne Pasquier vers 1590; « il escoule
tous les jours de nos mains *» disait Montaigne, en parlant du
français; et cette mobilité de notre idiome dont se plaignaient
également Vauquelin de laFresnaye au seizième siècle', Pellis-
son * et Bossuet " au dix-septième, ne s'est pas arrêtée. La
langue de Zaïre n'est plus celle du Cid, ni la langue d'Her-
nani celle de Zalire. Ces modifications successives n'ont
point cessé de frapper les écrivains, et, depuis l'époque clas-
sique, on entend des critiques et des grammairiens se plaindre
du néologisme qui vient gâter la pureté de la langue, en même
temps que d'autres, chose curieuse, déplorent sa pauvreté,
son impuissance à créer des mots nouveaux, et accusent la dé-
licatesse de cette « gueuse fière ».
Il ne sera pas inutile de jeter un coup d'œil sur cette histoire
du néologisme.
1. Lettres, II, 12.
■2. « Selon la variation continuelle qui a suivy le nostre {nost7^e langage) jus-
<iue8 a cette heure, qui peult espérer que sa forme présente soit en usage d'icy
à cinquante ans? il escoule tous les jours de nos mains; et, depuis que je vis,
s'est altéré de moitié. Nous disons qu'il est asture parfaict; autant en dict du sien
chasque siècle. Je n'ay garde de l'en tenir là tant qu'il fuyra et s'ira difformnnt
comme il faict. C'est aux bons et utiles escripts de le clouer à eulx. » (Essais,
III, 19).
'i. Car depuis quarante ans desjà quatre ou cinq fois
I,a façon a changé de parler en françois.
[Satires, t. I, p. 244; éd. Travers.)
4. <■ Nos auteurs les plus élégants et les plus polis deviennent barbares en peu
d'années.» (I/isloircde V Académie française, III, Travaux de V Académie; t. 1,
p. 114 de l'édit. l.ivel).
~ ô. <• Comment peut-on lonlier des actions immortelles à des langues toujours
incertaines et toujours changeantes ; et la notre en particulier pouvoit-elle pro-
mellre l'immortalité, elle dont nous voyons tous les jours passer les beautés, ot
qui devenoit barbare à la France même dans le cours de peu d'années? » [Dis-
cours de réception à V Académie française, 1671.)
— 9 —
Quand, en 1549, l'école de Ronsard s'éleva sur les ruines de
l'école de Marot,elle se proposa, entre autres nouveautés, d'en-
richir, d'illustrer la lang-ue française, non pas, comme on le
croit, en inondant le français de grec et de latin; tout au con-
traire, Ronsard réagit contre les tendances des rliétoriqueurs ci
latineurs, Molinet, Crétin, André de la Vigne, J. Lemaire de
Belges ^ D'accord avec Geoffroy Tory et Rabelais pour livrer
au ridicule les écumeurs de latin et les confrères de l'écolier li-
mousin, il recommanda à ses disciples de cultiver la langue
françaisaet de mettre en œuvre toutes les ressources qu'elle peut
trouver en elle-même *. 11 les engagea à rejeter les mots grecs,
latins, italiens, à n'admettre que des termes français ou de
formation française, à recourir à la dérivation et à la composi-
tion, à restaurer les termes vieillis qui menaçaient de disparaî-
tre, à donner droit de cité aux mots dialectaux, aux termes de
métier. La langue que Ronsard rêvait de créer pour la poésie
française était une langue artificielle dans sa formation, mais
toute française dans ses éléments. C'est par ces mêmes procé-
dés de larges emprunts à toutes les sources nationales queLu-
ther créait l'allemand littéraire, que Dante avait créé le vul-
gaire illustre, l'italien classique.
« Je suis d'advis, disait un des plus intelligents disciples de
Ronsard, le président Pasquier^ je suis d'advis que ceste pureté
{de notre langue) n'est restrainte en un certain lieu ou pais,
ains esparse par toute la France. Non que je vueille dire
qu'en langage picard, normand, gascon, provençal, poitevin,
angevin, ou tels autres, séjourne la pureté dont nous discou-
rons. Mais tout ainsi que l'abeille volette sur une et autres fleurs
dont elle forme son miel, aussi veux-je que ceux qui auront
quelque asseurance de leur esprit, se donnent loy de fureter par
toutes les autres langues de nostre France, et rapportent à nos-
tre vulgaire tout ce qu'ils trouverontdigne d'y estre approprié....
Je veux que celuy qui désire reluire par dessus les autres en
1. Voir plus bas, cli. xi, p. 172.
2. Voir VAi'l poétique de Honsard, la préface do la FrnHciade ;la préface que
d'Aubigné a mise en tôte de ses Tragiques, où il rappelle les recommandations
de Honsard de «défendre bardimont les vieux ternies françois contre ces manants
qui ne tiennent pas élégant ce qui nest point escorché du latin et de l'italien.
Tout cela est pour l'escolier limousin. » Cf. plus bas, ch. xi. et le Tableau de
la liltéralure et de la lamjue française au seizième siècle de A. Darmesteter
et A. Ilatzfeld, p. 118 et p. 191.
3. Lettres, H, 12. OKuvres complètes de Pasquier, éd. de 1723, t. II, col. 4.') et
suiv.
— 10 —
sa langue ne se fie tant en son bel esprit qu'il ne recueille et
des modernes et des anciens, soit poëtes ou qui ont écrit en
prose, toutes les belles fleurs qu'il pensera duire à l'illustra-
tion de sa langue... non pas pour nous rendre antiquitaires,
d'autant que je suis d'advis qu'il faut fuir cela comme un banc
ouescueil en pleinemer;ains pour le s transplanter entre nou^,
ny plus ny moins q^ue le bon jardinier, sauvageon ou vieux
arbre ente de greffes nouveaux qui rapportent des fruits
soucfs. Je veux encore que celuy même que je vous figure con-
temne nul quel qu'il soit en sa profession ; pour parler du
faict militaire, qu'il haleine les capitaines et guerriers ; pour
la chasse, les veneurs; pour les finances, les thresoriers ; pour
la pratique, les gens du palais ; voire jusques aux plus petits
artisans en leurs arts et manufactures : car comme ainsi soit
que chaque profession nourrisse diversement de bons esprits,
aussi trouvent-ils en leur sujet des termes hardis dont la
plume d'un homme bien écrivant sçaura faire son profit en
temps et lieu, et peut estre mieux à propos que celuy dont il
les aura appris.... Qui suivra ceste voye, il attaindra, à mon
jugement, à la perfection de nostre langue, laquelle bien
mise en usage est pleine de mots capables de tous sujets. «
Si Ronsard et son école échouèrent dans leur entreprise, le
vaste effort qu'ils avaient tenté ne resta point stérile. La lan-
gue de la seconde moitié du seizième siècle y gagna un carac-
tère original. Rude, inculte, sans élégance, sans finesse, elle
eut l'abondance, la richesse des métaphores, l'énergie pitto-
resque et expressive, familière et noble, brusque, vive, d'une
variété infinie, œuvre savante, mais faite de matériaux popu-
laires.
Mais, déjà à la fin du seizième siècle, et au commencement
du dix-septième, les œuvres de Desportes, Duperron, Bertaut,
Coeffetcau, marquent de nouvelles tendances dans la langue ;
elle vise à l'élégance, au raffinement; il se forme une aristo-
cratie dans les mots. Avec Malherbe et Balzac triomphent des
principes nouveaux. On soumet la langue à un minutieux tra-
vail d'épuration ; l'hôtel de Rambouillet s'ouvre, l'Académie
se fonde, le règne des Précieuses commence. Sous l'influence
des salons, de la cour, la langue s'épure; on fixe la pronon-
ciation ; on décide du sort des particules; on proscrit une par-
tie du vocabulaire au nom de la noblesse et de l'élégance ; la
langue de la cour fait loi, le bel usage a droit de vie et de
— 11 —
mort sur les mots'. Le greffier do cot usage fut Vaugclas qui,
quarante ans durant, se mit en devoir (ïêcouter et de juger le
langage de la cour. De ces observations faites avec soin et pré^
cision sortirent les Remarques sur la lanyue française (1647),
qui furent accueillies par les applaudissements à peu près
unanimes des lettrés ^ Quelques rares partisans de la vieille
liberté du seizième siècle, Lamothe Le Vayer^, Scipion Du-
pleix*, protestèrent, mais en vain; la cause des puristes étail
gagnée.
Un des premiers principes de la nouvelle école est de pro-
scrire la création des mots nouveaux. Le français cesse d'être
une langue ouverte : le lexique se ferme. « Puisque, dit Vau-
gelas dans la préface de ses Remarques (xi), puisque j'ai ré-
solu de traiter à fond toute la matière de l'usage, il faut voir
s'il est vrai, comme quelques-uns le croyent, qu'il y ait de
certains mots qui n'ont jamais été dits, et qui néanmoins ont
quelquefois bonne grâce ; mais que tout consiste à les bien
placer. En voici un exemple d'un des plus beaux et des plus
ingénieux esprits de notre siècle, à qui il devroit bien être
permis d'inventer au moins quelques mots, puisqu'il est si
fertile et si heureux à inventer tant de belles choses en toutes
sortes de sujets, entre lesquels il y en a un d'une invention
admirable, où il a dit
Dédale n'avait pas de ses rames plumeuses
Encore traversé les ondes écumeuses.
11 a fait ce moi plumeuses, qui n'a jamais été dit en notre lan-
1. «Il y eut un genlilhomme qui dit liaulonicnt qu'il n'iroit point voir
M. de Montauzier, tandis que Mlle de Rambouillet y seroit, et qu'elle s'esvanouis-
soit quand elle entcndoit un meschant mot. Un autre, en parlant à elle, hésita
longtemps sur le mot d'avoine, avoine, aveine, avenc. <^ Avoine, avoine, dit-il,
« de par tous les diables ! on ne sçait conmient parler céans. » (Tall. des Réaux,
HislorielteSj cv-cvin, M. et Mme de Montauzier ; t. II, p. 53, de l'édit. de Mon-
mcrqué et P Paris). — Voyez la Comédie des Académistes de Saint-Evremond, le
Unie des présentations aux grands jours de Véloquence française attribué à
Sorel, et la Reqw'te des Dictionnaires de Ménage. Toutefois il faut tenir compte
des réponses très-justes que Pellisson fait à ces pamphlets dans son Histoire de
l'Académie {\, Etablissement de l'Académie).
2. Pellisson^ Hist. de VAcad. franc, (édit. Livet), t. I, 113, 234; Furetière,
Nouv. allégor., 155 ; Ch. Sorel, Bibl. franc., Traité de la pureté de la L. fr,, 19,
20; De la connaissance des bons livres, 51 ; cf. Haillet, Jngemejils des savants,
II, 655 ; Godeau, Lettres, p. 378-391 de l'édit. de 1713; etc.
3. Lamothe Le Vayer, Lettre louchant les Remarques de la langue francoise,
1647, in-8.
4. Scipion Dupleix, La liberté de la langue française dans sa pureté, on Dis-
cussion des Remarques de Vaugelas, in-4, Paris, 1651.
— 12 —
gue « ; il est vrai que ce n'est pas un mot tout entier, mais
seulement allonge, puisque d'un mot reçu plume, il a fait
plumeux, suivant le conseil du poëte dont nous avons déjà
parlé :
Licuit semperque licebit, etc.
Et certainement il l'a si bien placé que, s'il en faut recevoir
quelqu'un, celui-ci mérite son passe-port. Mais avec tout cela
je me contente de ne pointblâmer ceux qui ontces belles har-
diesses, sans vouloir les imiter ni les conseiller aux autres,
notre langue les souffrant moins que langue du monde et
étant certain qu'on ne les sçauroit si bien mettre en œuvre que
la pluspart ne les condamnent. Il n'est permis à qui que ce
soit de faire de nouveaux mots, non pas même au Souverain ;
de sorte que M. Pomponius Marcellus eut raison de reprendre
Tibère d'en avoir fait un et de dire qu'il pouvoit bien donner
le droit de bourgeoisie romaine aux hommes, mais non pas
aux mots, son autorité ne s'étendant pas jusques-là. Ce n'est
pas qu'il ne soit vrai que si quelqu'un en peut faire qui ait
cours, il faut que ce soit un souverain, ou un favori, ou un
principal ministre, non pas que de soi pas un des trois ait ce
pouvoir, comme nous venons de dire avec ce grammairien ro-
main; mais cela se fait par accident, à cause que ces sortes
de personnes ayant inventé un mot, les courtisans le recueil-
lent aussitôt et le disent si souvent que les autres le disent à
leur imitation ; tellement qu'enfin il s'établit dans l'usage et
est entendu de tout le monde; car puisqu'on ne parle que pour
être entendu et qu'un mot nouveau, quoique fait par un sou-
verain, n'en est pas d'abord mieux entendu pour cela, il s'en-
suit qu'il est aussi peu de mise et de service en son commen-
cement, que si le dernier homme de ses États l'avoit fait.
Enfin j'ai oui dire à un grand homme qu'il est justement des
mots comme des modes. Les sages ne se bazardent jamais à
faire ni l'un ni l'autre; mais si quelque téméraire ou quel(|ue
bizarre, pour ne pas lui donner un autre rtom, en veut bien
prendre le hazard, et qu'il soit si heureux, qu'un mot ou
1, Il s'agit de Des Marets de Saint-Sorlin. Malheureusement l'admiration de
Vaupelas tombe à faux : « Cette observation (de Vaugelas) n'est pas vcritaljle, d'Au-
bigné s'en estant servi (du mot plumeux) longtemps avant .M. Des Marets dans son
livre intitulé le Baron de P'éneslc. » (Ménage, Observations sur la langue fran-
roise, I. Aiidilions el changemenls, pour la page ',ik\). D'Aubigné l'emploie éga-
lement dans son Histoire universelle, 111, r>4:j (Un vêtement sale et tout plu-
meux).
— 13 —
qu'une mode qu'il aura inventée, lui réussisse, alors les sages
qui sçavent qu'il faut parler et s'habiller comme les autres,
suivent non pas, à le bien prendre, ce que le téméraire a in-
venté, mais ce que l'usage a reçu ; et la bizarrerie est égale de
vouloir faire des mots et dès modes, ou de ne les vouloir pas
recevoir après l'approbation publique. Il n'est donc pas vrai
qu'il soit permis de faire des mots, si ce n'est qu'on veuille dire
que ce que les sages ne doivent jamais faire soit permis. Gela
s'entend des mots entiers* : car pour les mots allongez ou dé-
rivez, c'est autre chose; on les soulïre quelquefois, comme j'ai
dit, suivant le sens d'Horace et le bon exemple que j'en ai
donné. »
Et ailleurs, à la remarque DXLV [Dio barbarisme) : « H n'est
jamais permis de faire de nouveaux mots, nonobstant cet oracle
latin :
Licuit seiuperque licebit,
Signatum prsesente nota producere verbum.
parce que cela est bon en la langue latine, et plus encore en
la grecque, mais non pas en la nôtre, où jamais cette har-
diesse n'a réussi à qui que ce soit, au moins en écrivant; car
en parlant on sait bien qu'il y a de certains mots que l'on
peut former sur le champ, comme brusgiieté, inaction, impo-
litesse, et d'ordinaire les verbaux qui se terminent en ent,
comme criement, pleurement, ronflement, et encore n'est-ce
qu'en raillerie. Outre 'que ce passage du poëte ne permet que
d'étendre des mots qui sont déjà faits, et non pas d'en faire
de tout nouveaux, qui est ce qui ne nous est point du tout
permis, témoin le mauvais succès qu'ont eu tous les mots
que Ronsard, M. du Vair et plusieurs autres grands person-
nages ont inventez, pensant enrichir notre langue. «
Ces principes allaient régir le dix-septième siècle. Yaugelas
fit écolo : à sa suite toute une série de grammairiens, le P.
Bouhours, Ménage, Andry de Boisregard, Fr. des Gaillères,
L. Alcmand, Delatouche, Th. Corneille, l'abbé Choisy, l'abbé
Tallemand^ etc., continuèrent l'œuvre d'épuration.
1. Yaugelas ciilend par là les mots ompruntés directement au latin. Il distingue
donc les dérivés français nouveaux qu'il est plus porté à tolérer, des mots entiè-
rement latins dont il repousse l'introduction dans notre langue. Mais môme celte
tolérance qu'il att'ectc ici pour les mots allonges, la citation qui suit montre bien
qu'elle est illusoire, et que Yaugelas proscrit dans la langue écrite tous mots nou-
veaux, même les dérivés de radicaux français.
2. Tli. Corneille a réimprimé les Remarques de Yaugelas. en les faisant suivre
— 14 —
Et cependant, au moment même où Yaugelas publiait ses
Remarques et les imposait à la ville et à la cour qu'il faisait
« la main haute obéir à ses lois, « déjà perdaient d'incon-
scientes révoltes. Je ne parle point de Martine, mais de ses
maîtresses, qui, bien que fières de parler Yaugelas, n'en sont
pas moins des rebelles. Les Précieuses, non pas celles de
l'hôtel de Rambouillet, mais celles de la seconde génération,
mettaient en circulation des mots nouveaux et nombre de
métaphores hardies, raffinées, étranges, dont quelques-unes
firent fortune*. Ce sont les Précieuses dont Somaize donna
le dictionnaire, et que Molière livra aux risées du parterre.
La cour, la ville, la province, applaudirent à l'exécution ; les
Précieuses eurent beau se déguiser en Illustres; avec Gathos
etMadelon, elles succombèrent sous le ridicule.
A côté des Précieuses, une autre école défendait la même
cause, une école bien différente dans ses allures et son carac-
tère et dont le nom n'évoque guère le souvenir des vicomtes
de Jodelet et des marquis de Mascarille. Je veux parler des so-
Htaires de Port-Royal. Par leur éducation et leurs traditions,
ils étaient portés à conserver la langue archaïque avec ses
libertés et ses audaces, et le traducteur de Vlmitation de Jé-
sus-Christ^ s'était permis plus d'un néologisme que réprouvait
le goût sévère du temps. On ne distingue pas assez, disait Ni-
cole, les langues vivantes des mortes : « Dans celles ci l'usage
ne change plus; aussi le mot qui n'est pas bon selon l'ancien
usage ne le peut plus devenir ; mais dans les autres , quel-
ques fixées qu'elles semblent être, il est impossible qu'il n'ar-
rive toujours quelque changement dans l'usage. Et ainsi ce
qu'on ne trouve pas bon aujourd'hui, parce qu'il n'est pas
d'observations personnelles (1698). L'abbé Tallcmand a publié des Remarques et
décisions de l'Académie Françoise sur la langue (1(598). L'abbé Cboisy a écrit un
Journal de l'Académie Françoise qu'a recuilli plus tard l'abbé d'Olivet dans ses
Remarques sur la langue françoise (1791). Delatoucbe est un protestant qui se ré-
fugia en Angleterre, à la révocation de l'Kdit de Nantes, et qui comj)osa un Art
de bien parler françois en deux volumes (Amsterdam, 1696) : le premier est un
recueil d'observations sur la grammaire; le second sur la langue. Cet ouvrage a
eu à létrangcr jusqu'à buit éditions. — Les ouvrages des autres auteurs ici nom-
més seront cités plus loin, dans le cours de cette étude.
1. Tenir bureau d\'sj}rit; les yeux, miroirs dcl'dme; une taille éléganle; la
poésie, (ille des dieux; un poëte, nourrisson des Muscs; une vertu sévère; être
sec de conversation ; ces gens-là ont un procédé tout à fait irrégulier, etcj —
Quant aux mots nouveaux, ils n'ont pas duré : délabyrinthcr les cheveux (les
démêler), une quillerie (sé|)aralion), un alcôviste, etc.
2. Lcmaistre de Sacy, sous le pseudonyme de sieur du Beuil.
— 15 —
dans l'usage présent, deviendra bon dans quelque temps,
parce (jne l'usage l'approuvera. Et ainsi rien n'est plus faux
que la règle que M. de Yaugelas semble vouloir établir qu'on
ne peut faire de nouveaux mots, puisqu'il reconnaît dans
ses Remarques que quantité de mots qui n'étaient point au-
trefois en usage y sont devenus depuis. Il est donc avanta-
geux, pour enrichir les langues vivantes, que des personnes
judicieuses soient un peu plus hardies à se servir de nou-
veaux mots et de nouvelles phrases. Il y a bonheur et mal-
heur. Les uns passent et d'autres ne passent pas. Mais les
gens d'esprit doivent être plus portés à leur être favorables
que contraires. C'est ce qui rend les langues belles et abon-
dantes, comme il est arrivé de la grecque*. »
Ces théories hardies ne pouvaient passer inaperçues, sur-
tout venant des jansénistes. Il y avait alors, parmi les disciples
de Yaugelas, un écrivain ingénieux, raffiné, élégant, satta-
chant plus à la politesse de l'expression qu'à la solidité du
fond, écrivain de salon, bel esprit et puriste. C'est le P. Bou-
hours, de la Compagnie de Jésus. Après sa mort, il mérita
d'entrer dans le Temple du goût; mais c'était pour suivre
attentivement, le crayon à la main, Pascal et Bourdaloue s'en-
tretenant sur le grand art de joindre Téloqucnce au raisonne-
ment, et pour marquer sur ses tablettes toutes les fautes de
langage et toutes les négligences qui leur échappaient.
— Quittez, lui disait l'auteur de l'Anti-Lucrèce,
Quittez d'un censeur pointilleux
La pédantesque diligence.
Aimons jusqu'aux défauts heureux
De leur mâle et libre éloquence.
J'aime mieux errer avec eux
Que d'aller, censeur scrupuleux.
Peser des mots dans ma balance*.
Aux audaces des jansénistes, le jésuite puriste prit feu.
M. de Sacy a osé écrire : « D'où viennent tous vos troubles,
sinon des affections immortifiées de votre cœur? » Immortifié,
1. Essais de morale ou Lettres écrites par Monsieur Nicole, t. VIII (édition
de 1715), p. 230, 231. Lettre xcx adressée à M. de laChaize (FiUeaudela Chaise),
.auteur d'une Vie de saint Louis (1688).
2. Voltaire eut, ce semble, un scrupule, et dans les variantes d'une des éditions
de son Temple du yoût mit cette réponse dans la bouche du F. Bouliours:
<. Permettez que je continue mes petites observations. Ce sont les grands hommes
qu'il faut critiquer, de peur que les lautcs (ju'ils font contre les règles ne ser-
vent do ro^'los aux petits écrivains. »
— 16 —
reprend le bon Père, c'est un mot de la façon de ces messieurs
aussi bien qn'inexpé^HTnenté, irréligieux, inallié, inalliable,
incorromfu, inconverlible, intolérance, clairvoyance, inobser-
vation , inattention , désoccup allons , désoccuper , désaveu-
y 1er, coronateur^ insidiateur. « A quoi l'on peut ajouter eleve-
ment, abrègement, brisement, déchirement, reserrement, attie-
dissement; les adverbes declarement, inexplicablement et incon-
testablement. Car ils ne font point difficulté de faire des mots
nouveaux, et ils prétendent même avoir ce droit là comme si
des particuliers et des solitaires avaient une autorité que les
rois mêmes n'ont pas ^ »
Mais le P. Bouhours rencontra parmi les jansénistes un
rude adversaire, l'académicien Barbier d'Aucourt. Les Senti-
ments de Cléanthe sur les Entretiens d'Ariste sont une vigou-
reuse réplique où l'ouvrage du père jésuite est soumis à une
critique toujours impitoyable, rarement injuste. Il défend avec
raison ces mots de reserrement, déchirement, brisement, obscur-
cissement, attiédissement, enyvrement, parce qu'ils expriment
fortement les différents états du cœur humain, ce qui est le
principal objet de la morale. Si quelques autres mots ne sont
pas reconnus par l'usage, y a-t-il là sujet de raillerie et d'ex-
clamation ? Des personnes habiles trouvent des mots nou-
veaux fort raisonnables, pleins de sens ; ils les proposent, les
hasardent pour tâcher d'enrichir la langue. Y a-t-il là de quoi
s'écrier publiquement, « Bon Dieu ! quelle façon de parler !
quel langage ! cela m'est insupportable ! ^ »
l. Entretiens d'Ariste, II. Cf. également les Doutes et les Remarques nouvelles
sur la langue.
'1. Sentiments de Cléanthe, p. 8.5. — L'abbé Villars répondit aux Senlimenls
par un Traité de la délicatesse (1671) qui ne mérite guère son titre, ni par le
style, ni par le sentiment. L'écrivain janséniste lui répondit dans la seconde partie
de ses Sentiments (1672) avec une véritable éloquence où l'on sent vibrer comme
un écho de la langue des Provinciales. Il avait convaincu le P. Bouhours de pla-
giat, et montré que plusieurs pages de ses Entretiens sur la langue étaient vo-
lées à Est. Pasquier (Recherches de la France) et à Lelabourcur [Avantages de
la lamjue l'ranroise sur la langue latine). Villars essaya vainement de justifier
le \\ bouhours : la forme du dialogue empêchait l'auteur des Entretiens de citer
le nom de l'ascpiier: quant à M. Lelabourcur, dit modestement l'abbé Villars, u si
j'estois en sa place, je me ferois beaucoup d'iionneur dans le monde qu'un aussi
bel esprit (lu'esl le 1'. U. eût trouvé dans quelqu'un de mes ouvrages quelque en-
droit assez beau pour être enchâssé dans nu livre aussi universellement estimé
que le sont ses Entretiens. » [Vous leur fîtes, seigneur, En les croquant, beau-
coup d'honneur). — «Toutes ces remarques, réplique Liarbier, n'empêchent pas
que le P. ne soit convaincu d'être plagiaire, et d'autant plus qu'il n'avait que trois
ou quatre mots à diie pour ne l'être pas. Mais enlin il n'a pu réduire son orgueil
à nommer trois ou quatre auteurs, de sorte que si l'on m cl d l,t
— 17 —
En dehors du cercle janséniste, le P. Bouliours eut à lutter
contre un autre adversaire, Ménagea La lutte fut vive et
acharnée, et comme il arrive parfois des querelles entre
grammairiens, elle servit plus souvent au divertissement du
public qu'à son, instruction : « Guerre civile, fort peu civile, »
disaient les rieurs de la galerie*. Ménage a beau jeu de con-
vaincre son adversaire d'ignorance, de prouver que la plupart
de ses remarques sont contraires à l'esprit et à l'histoire de la
langue. Bouhours riposte en se moquant des grotesques éty-
mologies de Ménage. Celui-ci les défend avec une impertur-
bable assurance, et portant ensuite la question sur le droit de
créer des mots nouveaux, proteste contre les décrets de pro-
scription lancés par Yaugelas et son fidèle disciple : Ménage
avait créé le moi prosateur eile faisait sonner haut. Mais est-ce
au nom de la liberté de la langue qu'il fait entendre ses pro-
testations ? Ménage n'est pas homme à traiter la question dans
le fond : il trouve plus facile et sans doute plus concluant de
s'en référer aux autorités, et il accable son adversaire de cita-
tions de grammairiens latins, de Ronsard, de Du Bellay, et de
l'inévitable
Licuit semperque liccbit*....
Toutes ces discussions sont théoriques. L'ouvrage de Fran-
qu'il a faites contre le style, le bon sens, la physique, la morale et la religion, on
aura droit de conclure ([u'il n y eut jamai;? dans un livre tant de fierté avec tant
de faiblesse ; et l'on peut lui appli(iuer justement ce mot de saint Jérôme : Tolus
tumel, tolus jacet. »
1. Observalions sur la lamjue franroise, 1672; deuxième partie, 1673. Entre
les deux ouvrages avaient paru les Doutes et les Nouvelles' remarques du
1'. liouhours sur la langue française.
2. «Monsieur Ménage la pris aveuglément {le parti de Messieurs lie Porl-
Roijal). Le P. Bouhours et lui se sont dit à ce sujet toutes les raisons et toutes les
injures «[ue l'on se pouvoit, raisonnablement ou non, dire de part et d'autre, et
tout cela, ([ui le croiroit? sur de pures questions de langue; en sorte que si la
guerre <jui a esté entre les autres auteurs françois a esté civile, parce ({u'elle
esloit entre gens de mesme nation^ on peut dire que la guerre qui a esté entre le
1*. Bouliours et M. Ménage, car ils sont à présent bons amis, a esté fort incivile par
les manières cliO(|uantes avec lesquelles ils ont écrit lun contre l'autre.» (Nou-
velles observations ou Guerres civiles des Fra7irois sur la lainjuc, 1688, p. 20.)
— L'ouvrage est de L. Alemand, avocat au parlement de Grenoble, (jui publia
en 1690 un recueil de NoureUes remarques (posthumes) de Vawjelas.
3. LeP. Bouhours eut encore à combattre Andru de lioisrcyard; celui-ci avait
publié en 1688 des Ré/lexions et remarques critiqiœs sur Vusaye présent de la
lanijuK françoisc (par M. A. D. B.). Ces Uéllcxions soulevèrent les criti([ues du
P. Bouhours {Suite des Nouvelles remarques, 1692), d'Alemand, et d'autres. An-
dry de Boisregard répliqua par sa Suite des Réflexions critiques car la lanyue
(169;i).
2
— 18 —
çois des Gaillères, Des mots à la mode^, a un intérêt plus pra-
tique. Il y raille certaines expressions nouvelles qui avaient
cours parmi les gens du bel air : « Il y a canal ; il y a ca-
veau ; il y a toilette; il y a barbe, etc.; » c'est-à-dire : « La
cour se divertit sur le canal ; on joue chez Monseigneur
dans la petite chambre (appelée caveau) ; le Roy est à sa toi-
lette; on fait la barbe à Monseigneur, etc. »; « Il chante à la
perfection », au lieu de : « en perfection ». « Quand on est
d'une certaine qualité », au lieu de « quand on est de qua-
lité ». « Des personnes d'un gros relief », c'est-à-dire « d'une
grande qualité »; un « gros » plaisir, une « grosse » santé.
Jamais mot ne fut plus en vogue que gros à la fin du dix-
septième siècle.
Le succès du petit livre de Fr. des Gaillères fut si vif
que Boursault porta cette satire sur la scène; il en ht sa
comédie des Mots à la mode. « Un petit livre, dit-il, intitulé
les Mots à la mode, que l'on vend chez Barbin, et qui a eu
toute la réputation qu'il mérite, m'inspira la pensée de faire
cette comédie. Quelque débit que ce livre ait eu, je crus qu'il
ne feroit pas tout l'effet que son auteur s'étoit proposé, si l'on
ne pesoit un peu plus sur ceux qui se rendent ridicules par des
façon» de parler aussi extravagantes que les personnes qui
ont l'impertinence de les inventer; et je ne doutai point que,
le théâtre étant un miroir plus grand que la boutique d'un
libraire, ceux qui y venoient ne s'aperçussent mieux de leurs
défauts ^ »
La plupart des expressions relevées par des Gaillères repa-
raissent dans la comédie de BoursauU, avec quelques néolo-
gismes. Ces expressions, nées du caprice de la mode, n'ont
pas eu plus de durée qu'elle; à peine si la langue en a gardé
deux ou trois mots ou emplois nouveaux : impolitesse, abdi-
quer (au figuré), aloi (au figuré), avoir du goût à quelque
chose; etc.
A moins d'être du peuple, on ne dit point : ma femme,
C'est une impolitesse'' h faire rendre l'âme;
1. Des mots à la mode et des nouvelles façons de parler, Paris, 1692, in-12.
L'ouvrage est anonyme. — En 1694, paraissait un autre livre de Fr. des Gaillères,
également anonyme : Du bon, cl du mauvais usage dans les manières de s'ex^
•primer; des façons de parler bourgeoises : iSuilte des niols à la mode, in-)2. Cet
ouvrage eut moins de succès que le précédent.
2. Avis au lecteur.
3. « 11 y a des façons de parler élégantes i|ui servent à orner notre langue;...
il y en a d'autres qui servent à l'enrichir, comme est le terme impolitesse qui
— 19
Gela sent son bourgeois du plus méchant alot...
Pour peu qu'on ait de goût, au rang où je me vois,
On abdique aisément ce qu'on a de bourgeois....
Quoi que le nom de père ait de beau, de touchant,
Depuis un an ou deux cela put le marchand....
Vous nous offrez {pour maris) des gens d'une agréable allure.
Il nous faut des partis bien d'une autre tournure.
Puis-je prendre un époux, à moins que de son chef
Il ne soit noble, riche, et d'un gros relief?...
J'en sais (des prétendants) qui sous nos lois sont prêts à se ranger,
Faits comme une peinture et jolis à manger;
Au lieu que les amants dont vous faites l'ébauche
Ont un esprit si louche! un entretien si gauche!... etc., etc.
A l'époque où Boursault protestait contre ces emplois et
contre ces mots nouveaux, La Bruyère, dans une page con-
nue, regrette la perte ou la proscription de certains termes har-
monieux, expressifs ou utiles : ains, maint, moult, cil, heur,
fîner, fétoyer, ouvrer, souloir, poindre, ramentevoir, mauvaistiéj
huis, ost,prée\ etc., «tous mots qui pouvoient durer ensemble
d'une égale beauté et rendre une langue plus abondante. >^
Qu'est-ce que la langue gagne à ces changements? demande
La Bruyère. « Est-ce donc faire pour le progrès d'une langue
que de déférer à l'usage? Seroit-il mieux de secouer le joug de
son empire si despotique? Faudroit-il, dans une langue vi-
vante, écouter la seule raison qui prévient les équivoques,
suit la racine des mots, et le rapport qu'ils ont avec les lan-
gues originaires dont ils sont sortis, si la raison d'ailleurs
veut qu'on suive l'usage''? »
La lutte des puristes et des néologues se poursuit au dix-
huitième siècle.
En 1714, Fénelon déplore la pauvreté de la langue française :
« Notre langue manque d'un grand nombre de mots et de
phrases : il me semble même qu'on l'a gênée et appauvrie,
depuis environ cent ans, en voulant la purifier. Il est vrai
qu'elle étoit encore un peu informe et trop verbeuse. Mais le
vieux langage se fait regretter, quand nous le retrouvons
dans Marot, dans Amyot, dans le cardinal d'Ossat, dans les
ouvrages les plus enjoués et dans les plus sérieux; il avoitje
commence à s'introduire heureusement; et je suis fort d'avis qu'on luy aide à
faire fortune; car c'est un mot dont on a souvent besoin pour exprimer ce qui se
passe parmi plusieurs de nos jeunes courtisans. » (Fr. des Cailléres, Des mots à
la mode, T édit., 1692, p. 43.)
1. Cf. plus bas, p. 3o.
2. Caractères, De quelques usages, fin.
— 20 —
ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de vif et de passionné.
On a retranché, si je ne me trompe, plus de mots qu'on n'en
a introduit. D'ailleurs, je voudrois n'en perdre aucun et en
acquérir de nouveaux. Je voudrois autoriser tout terme qui
nous manque et qui a un son doux, sans danger d'équi-
voque....
« 11 faudroit que des personnes d'un goût et d'un discerne-
ment éprouvés choisissent les termes que nous devrions auto-
riser. Les mots latins paroîtroient les plus propres à être
choisis; les sons en sont doux; ils tiennent à d'autres mots
qui ont déjà pris racine dans notre fonds ; l'oreille y est déjà
accoutumée. Ils n'ont plus qu'un pas à faire pour entrer chez
nous*. «
Onze ans après la Lettre à l'Académie, l'abbé Desfontaines,
mettant à exécution une idée de J.-B. Rousseau ^ faisait pa-
raître son Dictionnaire néologique^, ouvrage satirique où sont
ironiquement proposés à l'admiration publique les mots nou-
veaux, les métaphores nouvelles créées par les écrivains du
commencement du dix-huitième siècle. « Nous lisons les beaux
livres, mais faisons-nous attention aux choses précieuses qu'ils
renferment? Nous ne remarquons point les découvertes et les
cnrichissemens de la langue, les expressions saillantes et les
constructions heureusement imaginées dont d'illustres écri-
vains ont depuis peu décoré leur style....
« La création des pensées est devenue désormais impossible,
et notre esprit a beau penser, il ne travaille plus qu'en vieux.
•Mais ce vieux sera neuf, ou du moins le semblera, si nous
1. Lettre sur les occupations de VAcadémie, III, Projet d'enrichir la lan-
ijue. Fciiclon a mis en |)ratique les conseils qu'il donnait : «On dit que vousper-
ijiuifjuez (pergriccaniini) tous ensemble ; les mœurs antiques pour les cènes ne
m'édifient pas. » [Lettre à Vahbé de Larujeron, 12 oct. 1701.) — «N'allez ni à
Tulle ni à Sarlat.... Vous trouveriez des chemins salébreux et ennemis des roues.»
[Lettre à Vahbè de Beaumont , 1" juin 1714). Il faut avouer que ces néologismes
ue sont pas heureux.
2. « Il règne aujourd'hui dans le langage une affectation si puérile, que le jar-
gon des Précieuses de Molière n'en a jamais approché. Le stile frivole et recher-
ihé passe des caffés jusqu'aux tribunaux les plus graves: et si Dieu n'y met la
main, la Chaire des Prédicateurs sera bientôt infectée de la même contagion. Rien
ne pont nncux réussir à en préserver le public, que quelque ouvrage qui en fasse
sentir le ridicule; et pour cela il n'y a autre chose à faire que de lui présenter,
d:ms un Extrait (idéitî, toutes ces phra.ses vuides et alanibi(iuées, dont les nou-
veaux Scudéris de notre temps ont farci leurs ouvrages, même les sérieux. » (Let-
tre de Housseau dans VJJistuire littéraire de l'Euro]>e, La Haye; citée en tête
du Dictionnaire néologique.)
3. Dictionnaire néolofjique à l'usage des Beaux-Esprits du siècle, avec VéloyC
historit/ue de Pantalon-Phébus, par un avocat de province.
— 21 —
riuahillons do neuf, si nous sravons le revôtir d'expressions
rares, de mots heureusement hazardés et de tours d'élocu-
tion affranchis d'une certaine trivialité insipide, qui confond
l'esprit sublime avec le rampant vulgaire.
« Mais, dira-t-on, il est interdit aux particuliers de s'ériger
en créateurs de termes, et d'introduire dans le langage des
façons déparier insolites? Sur quoi est fondée cette maxime?
Sur un préjugé méprisable. Notre langue est fort différente de
ce qu'elle étoit il y a cent ans. Elle a adopté une infinité de
termes qui auparavant n'étoient pas connus. On a donc créé
des mots dont nous nous servons aujourd'hui, comme s'ils
étoient anciens ; nous ne nous informons pas même de leur
âge : notre langue en est devenue plus riche et plus com-
mode.
« Direz-vous que la langue Françoise est parfaite à présent,
qu'elle renferme tous les mots nécessaires ou utiles, et qu'un
enrichissement ultérieur ne feroit que la gâter? Ce diction-
naire fera voir clairement que ses besoins ri'aguères étoient
extrêmes, avant que les illustres auteurs que j'admire l'eus-
sent soulagée par leurs brillantes largesses. J'ajoute qu'elle
est encore assez pauvre et que son indigence invite toutes les
plumes à lui faire la charité. Car à qui appartient-il de faire
des mots? Est-ce aux sçavans? Est-ce aux ignorans? Il me
semble que c'est aux sçavans *. »
Voici quelques-uns des articles de ce dictionnaire :
« Estomaquer », expression qui a des grâces, surtout en
vers [Fable III, livre v [de La Mothe], où il s'agit du Renard
Prédicateur) :
C'est ainsi que s'estoma/jiioit
Le Pythagore à longue queue.
Ses exclamations s'entendoient d'une iieuë,
Et son zèle le suffoquoit.
« Étrener, au neutre. » Ce terme a toujours passé pour bas,
et n'a été en usage que parmi les petits marchands en détail
qui disent quelquefois : Je n'ai pas étrené de la semaine.
Mais un fameux poëte ayant fait à cette expression l'honneur
de l'adopter, c'est à présent un mot élégant. Dans la fable 12
du IV* livre, il dit :
Et Minerve rCétrena pas.
1. Dictionn. néolog., Préface.
— 22 —
i<Au traversa y> : Un poëte célèbre dit bien ingénieusement
{Iliade, livre III, p. 56) :
Mais quand, à la splendeur, la fille de Léda
Au travers de la vieille eut connu la déesse.
Connoître à la splendeur une déesse au travers d'une vieille,
cela est bien dit. C'est ainsi qu'au travers d'un homme vanté,
on connoît quelquefois, à la splendeur de la critique, un fort
mauvais écrivain. «
Tel est le cadre de ce livre où l'auteur critique, souvent avec
plus d'esprit que de jugement, tantôt la langue maniérée
des Fontenelle et des La Mothe, leurs tournures raffinées,
leurs métaphores forcées et désagréables, tantôt la manie du
néologisme qui crée Vérudit , le sentimenté, le science, etc.
L'abbé Desfontaines mérita en cette occasion un demi-éloge
de Voltaire : « Il parut , il y a quelques années, un Diction-
naire néologique dans lequel on montrait ces fautes dans tout
leur ridicule. Mais malheureusement cet ouvrage, plus satiri-
que que judicieux, était fait par un homme un peu grossier,
qui n'avait ni assez de justesse dans l'esprit, ni assez d'équité
pour ne pas mêler indifféremment les bonnes et les mauvaises
critiques *. »
D'autres protestations s'élevèrent à côté de celles de l'abbé
Desfontaines : celles de Goujet, de Laharpe, de Gresset; enfin,
et surtout, celles de Voltaire qui, tout en se plaignant de la
délicatesse de la « gueuse fière », déplore les nouveautés qui
déforment la langue : « Il me semble, dit-il, que lorsqu'on a
eu dans un siècle une quantité suffisante de bons écrivains
devenus classiques, il n'est plus guère permis d'employer
d'autres expressions que les leurs, et qu'il faut leur donner le
môme sens, ou bien dans peu de temps le siècle présent n'en-
tendrait plus le siècle passé *. »
« Cette envie de briller et de dire d'une manière nouvelle
ce que les autres ont dit est la source des expressions nou-
velles comme des pensées recherchées. Qui ne peut briller par
une pensée veut se faire remarquer par un mot. Voilà pour-
quoi on a voulu, en dernier lieu, substituer rtm«6^7^7és au mot
d'agréments , négligemment à avec négligence , badiner les
1. Dictionnaire philosophique: article {lanyue) française; tout l'article est à
lire.
2. I/»cl.
— 23 —
arnmirR à hfuJincr avec Icfi amours. On a cont autres afTecta-
tions (Je cette espèce. Si on continuait ainsi, la langue des Bos-
suet, des Racine, des Pascal, des Corneille, des Boileau, des
Fénelon, deviendrait bientôt surannée. Pourquoi éviter une
expression qui est d'usage, pour en introduire une qui dit
précisément la même chose ? Un mot nouveau n'est pardonna-
ble que quand il est absolument nécessaire, intelligible et so-
nore. On est obligé d'en créer en physique; une nouvelle dé-
couverte, une nouvelle machine, exigent un nouveau mot :
mais fait-on de nouvelles découvertes dans le cœur humain ?
Y a-t-il une autre grandeur que celle de Corneille et de Bos-
suet? Y a-t-il d'autres passions que celles qui ont été maniées
par Racine, effleurées par Quinault? Y a-t-il une autre mo-
rale évangélique que celle du P. Bourdaloue?
« Ceux qui accusent notre langue de n'être pas assez fé-
conde doivent en effet trouver de la stérilité, mais c'est dans
eux-mêmes. Res verba sequentur^. »
Ici, comme ailleurs, Jean-Jacques est le contre-pied d'Arouet;
il prend son parti du barbarisme avec son ton ordinaire de
sauvage dogmatique : « Ma première règle, à moi, qui ne me
soucie nullement de ce qu'on pensera de mon style, est de me
faire entendre. Toutes les fois qu'à l'aide de dix solécismes
je pourrai m'expliquer plus fortement ou plus clairement, je
ne balancerai jamais. Pourvu que je sois bien compris des
philosophes, je laisse volontiers les puristes courir après les
mots^ »
En 1770, Pons-Auguste Alletz recommence, après quarante-
quatre ans, l'œuvre de Desfontaines, mais sans esprit de sa-
tire ni de critique. Son Dictionnaire des richesses de la langue '
est une collection faite avec soin des néologismes , et surtout
des expressions figurées , des images nouvelles mises à la
1. Dictionnaire philosophique, au mot. Esprit. Cf. également les Lettres à
l'abbé d'Olivet, 17 mars et 20 août 1761.
2. Lettre sur une nouvelle réfutation, t. I, p. 69 de l'édition Hachette, 13 vol.
in-12, 1865. — Ce que Rousseau dit en philosophe, saint Grégoire le disait en pré-
Ire, dix siècles plus tôt. «Non metacismi collisionem fugio, non barbarismi con-
fusionem devito, situs motusque propositionum casusque servaro contemno, quia
indignum vohementor existiino, ut verba ciiilestis oraculi restringam subregulis
Donati. » (Prxf. Job, \, 6). Au fond, c'est l'avis de Martine qui le dit plus simple-
ment (jue l'un et l'autre :
Quand on se fait entendre, on parle toujours bien.
3. Dictionnaire des richesses de la langue française et du néologisme qui
s'y est introduit. Paris, 1770, in-12. L'ouvrage est anonyme.
— 24 —
mode par les écrivains du dix-huitième siècle. « Depuis un
demi-siècle, dit l'auteur, il s'est fait un changement considéra-
ble dans la langue; quantité d'expressions qui n'étoient point
en usage dans le dernier siècle se sont introduites, et elles ont
si bien passé que ce n'est point être néologue que de s'en ser-
vir. Une infinité de métaphores qui auroient paru autrement
trop hardies sont aujourd'hui en usage. »
En parcourant les cinq cents pages de ce livre, on voit com-
bien on est loin de la langue classique de Racine et de Bossuet,
et l'on ne peut s'empêcher de penser que l'abbé d'Olivet, à la
même époque, s'abuse singulièrement quand, réduisant ce
qui a vieilli dans la langue de Racine à un substantif et quel-
ques particules, il conclut : « Je demande s'il y a là de quoi
accuser la langue françoise d'aimer le changement. Car enfin,
à remonter du jour où j'écris ceci (1767) jusqu'au temps oii
parurent les premières tragédies de Racine, nous avons un
siècle révolu *. «
Cette prétendue immobilité de la langue n'empêchera pas l'au -
teur du Méc/ian/ de jeter, dix ans après, un cri d'alarme. Gresset,
dans son discours de réception de M. Suard à l'Académie fran-
çaise (1777), déplore, en un style qui n'est plus celui de Vert-
Vert, que « l'abus que fait du langage la dépravation qui nous
gagne retranche de jour en jour à la langue française beau-
coup de mots et de façons de s'exprimer dont on ne peut
plus se servir impunément; et les gens sensés, les gens ver-
tueux seront bientôt réduits à ne pouvoir plus employer des
termes du plus grand usage sans se voir arrêtés, interrom-
pus, tournés en dérision par l'abus misérable de mots, les pi-
toyables équivoques si bêtement ingénieuses, les stupides al-
lusions de ces demi-plaisants, de ces bouffons épais qui
entendent grossièrement finesse à tout, et dont les plates gen-
tillesses et la triste gaieté s'épanouissent dans la fange.
«Il s'en faut bien, messieurs, que ces pertes réelles de la
langue soient compensées par ses modernes acquisitions. De
quelles tristes richesses, inconnues il y a peu d'années, et de
quelle ridicule bigarrure de noms ne se trouve-t-elle pas sur-
chargée!
« Quel étrange idiome lui est associé par les délires du luxe
et par les variations des fantaisies dans les meubles, les ha-
1. Hemarques sur Racine, dans ses Remarques sur la langue franmisc
(1793), p. 'Ikh.
— 25 —
bits, les coiffures, les ragoûts, les voitures! Quelle foule de
termes nouveau-nés depuis Vottomane ']usqu' h \a. chiffonnière,
depuis le frac et la chenille jusqu'au caraco^ depuis les 6m-
gneuses jusqu'aux iphigémes, depuis le cabriolet et la déso-
bligeante, jusqu'au solo et la dormeuse!... >>
Gresset convient que le mal serait fort léger si les acquisi-
tions nouvelles se bornaient à ces noms : « Ils iraient se ran-
ger dans la classe de tous les mots techniques dont le dépôt
littéraire de notre langue n'est point obligé de se charger (!) » ;
mais ce qu'il faut regretter, c'est l'abus d'expressions qui,
« dénaturées aujourd'hui par un emploi qui leur est étranger,
dégradent la langue française en lui ôtant sa justesse et sa
précision.... A chaque instant, pour les choses les plus sim-
ples, les événements les plus indifférents, pour des misères,
pour des riens, on se dit charmé, pénétré, comblé, transporté,
enchanté, ou désolé, excédé, confondu, désespéré, anéanti, etc. »
Et Gresset, sur ce ton, continue ses doléances durant six ou
huit pages. Qu'aviez-vous fait de votre plume, ô poëte de la
Chartreuse ?
Nous arrivons à la Révolution. Elle va mettre en circulation
un nombre considérable de mots nouveaux appelés par la si-
tuation nouvelle, matérielle et morale. Il se publie alors di-
vers Dictionnaires néologiques' qui sont avant tout des œu-
vres politiques, des écrits de combat. Derrière ces mots
nouveaux, ennemis et amis du nouvel ordre de choses atta-
quent ou défendent les choses nouvelles qu'ils expriment.
En 1794, paraît un livre d'un caractère tout différent qui
ouvre la voie à toute une série de travaux du même genre.
C'est l'œuvre d'un philologue qui propose aux écrivains un
nombre considérable de mots nouveaux ; c'est le néologisme
érigé en système. Le Vocabulaire des nouveaux privatifs fran-
çais du savant Pougens' est une œuvre de travail et de science
1. Petit dictionnaire des grands hommes et des grandes choses qui ont rapport
à la Révolution, par une société d'aristocrates. Paris, imprimerie de l'administra-
tion judiciaire, 179». — Dictionnaire national et anecdotique pour servira l'intel-
ligence des mots dont notre langue s'est enrichie depuis la Révolution, etc., par
M. de l'Kpithète, élève de feu M. Reauzée, à Politicopolis, chez les marchands de
nouveauté, 1790. — Nouveau dictionnaue pour servir à l'intelligence des termes
mis en vogue par la Révolution, dédié aux amis du Roy, de la religion et du sens
commun, 179'2. — Dictionnaire laconique, véridiciuo et impartial, ou Ktrennes aux
démagogues.... l'an 3" de la prétendue liberté. — Dictionnaire néologique des
hommes et des choses, Paris, an viii, tome I (A-BE).
2. (Ih. Pougens, Vocabulaire, de nouveaux privatifs français imités (les
— 26 —
où Tau leur réunit un millier de mots composés avec dé [dés],
dis, in, mé [mes), qu'il forme d'après l'anafo^ie des mots de
même famille existant déjà en français, ou des mêmes mots
existant en latin, en italien, en espagnol ou même en allemand
et en anglais. Le meilleur éloge qu'on puisse faire de ce livre
est que la plupart de ces composés ont été consacrés par
l'usage.
Ce que Pougens faisait pour une classe de mots. Mercier,
l'auteur du Tableau de Paris, le tentait avec une singulière
hardiesse, sur tout le domaine de la langue. Il y revendique le
droit absolu au néologisme ; la seule règle qu'il s'impose est
que les mots nouveaux ne violent pas les lois fondamentales
de la langue, qu'ils soient conformes à l'analogie, qu'ils
soient clairs. « La liberté en ce genre, quoique poussée un
peu loin, est cent fois moins dangereuse que la gêne et la con-
trainte. » D'après ces principes, l'auteur propose une collec-
tion de mots nouveaux, les uns dus à des contemporains ;
d'autres, en petit nombre, repris aux auteurs du seizième
siècle et disparus de la langue; la plupart créés par lui et ac-
compagnés d'exemples de son invention, destinés à en mar-
quer l'emploi. Il faut reconnaître que cette Néologie^, à côté
d'expressions téméraires et mal venues, en contient plus d'une
bien frappée, énergique, nette, et qui a mérité de faire fortune.
Charles Pougens, en 1822, continue l'œuvre de Mercier et la
sienne propre dans son Archéologie française'^. C'est une col-
lection de mots tombés en désuétude et qui méritent, selon
Pougens, d'être rendus au langage moderne. Le choix est
fait avec science et goût.
L'ouvrage de Mercier a un caractère littéraire ; ceux de Pou-
gens un caractère scientifique. On n'en peut dire autant de
ceux qui suivent.
En 1842, M. J. B. Richard, de Radonvilliers, publie un petit
volume in-8'' intitulé : « Enrichissement de la langue fran-
çaise, Dictionnaire de mots nouveaux, système d'éducation,
pensées politiques, philosophiques, morales et sociales. »
langues latine, italienne, espagnole, portugaise, allemande et anglaise. Paris,
1794, in-8.
1. Mercier, Néologie ou Vocabulaire des mots nouveaux. Paris, 1801, 2 vol.
in-8.
2. Ch. Pougens, Archéologie française, ou Vocabulaire des mots anciens
tombés en désuétude, et propres à être restitués au langage moderne, tome I,
1821 \ tome II, 182:); in-8.
— 27 —
L'auteur déclare dans l'avant-propos présenter au public un
recueil de mots « pris dans les écrivains modernes, dans un
grand nombre d'orateurs distingués, enfin, dans toutes les
notabilités de la presse. » Peut-être dans la liste qu'il publie
quelques-uns sont, en effet, pris à des auteurs contemporains;
mais la plupart offrent les traces évidentes de création per-
sonnelle. Après les articles l'auteur ajoute, en exemples, des
réflexions d'un style qui lui appartient en propre ^
La seconde édition a paru en 1845 sous le môme titre % mais
le sous-titre a disparu avec les exemples qui le justifiaient.
L'auteur se reconnaît comme l'inventeur des mots proposés :
il a voulu créer des mots nouveaux en suivant — ce dont on
ne saurait trop le louer — les lois de l'analogie de la langue.
Il termine son avant-propos par cette judicieuse observa-
tion :
« Dans une aussi grande quantité de mots nouveaux que
celle que je présente, sans doute quelques-uns paraîtront d'a-
bord durs, d'une prononciation peut-être difficile, et rinhal)i-
tude elle-même ne contril)uera pas peu à produire cet efl'et.
Mais si on répète quelquefois seulement ces mots et si on
considère leurs sens, ce qu'ils expriment, cet inconvénient
disparaîtra vite, parce qu'ils seront dans l'esprit, et on se fa-
miliarisera avec eux aussitôt qu'on aura fait la part à l'inha-
bitude. »
Dans les vingt mille mots que M. Richard, de Radonvilliers,
présente au lecteur et avec lesquels il l'engage à se familia-
riser, en dépit de l' inhabitude, près de deux mille cinq cents
sont des privatifs nouveaux composés avec dé; l'auteur a pré-
posé la particule négative à tous les mots du dictionnaire ;
avec re l'auteur en compose environ deux mille. La méthode,
1. En voici un échantillon :
« Ahdération, subst. féin.; action d'abdérer, de tenir caché, enseveli, de ne pas
laisser connaître. « [Abdérer, d'où l'auteur tire abdération, abdéralif, est le la-
tin abdere.)
« Abdérntif, ive, adj. ; qui est de Vàbdération, qui concerne Vabdération, qui
marque Vabdéralion. »
« Pour tout ce qui actionne par Ymvrai, Vabdêratif est un indispensable auxi-
liaire; car tons les faux ne conduiraient <à rien s'ils n'étaient bien cachés, impé-
nctrahiUsi's. On ne trompe jamais par la vérité; aussi toujours elle s'inabdère et
s'évideyicie. iMais le mensonfj^e s'abdère, parce que son évidence, sa publicité, lui
amèneraient tous les obstacles, toutes les sévérités, toutes les énergies, et toutes
les justices de la vérité. »
2. Avec un petit changement dans le nom de l'auteur: en 1842, J. B. Richard,
de Radonvilliers ; en 1845, J. B. Richard de Radonvilliers : néologisme par simple
suppression de virgule, procédé assez commun dans l'onomastique contemporain^.
— 28 —
comme l'on voit, est d'une simplicité parfaite, coinmc toutes
les méthodes vraiment fécondes. Quelques-unes de ces créa-
tions sont d'une élégante originaUté: fl muser, ce qui signifie:
dévaster comme un fléau; exemple : « la guerre fléause les
peuples»; héréditariation ; s'amouréiser, amouréisation ; 'mau-
vaisujettisme, inauvaisujettiser , mauvaisujeltisalion, maiivaisu-
jettisable ; immalpropreté, mot indiquant la « qualité'de ce qui
n'est pas malpropre, de ce qui est propre », car deux néga-
tions se détruisent et valent une affirmation ; maingratisable,
c'est-à-dire « qui est susceptible de prendre le penchant, le
caractère de l'abbé Maingrat, de se livrer, comme lui, au viol,
à l'assassinat de ses pénitentes! »
Cette tentative passa inaperçue. De nos jours un publiciste
plus heureux sur d'autres domaines, a de nouveau essayé
d'enrichir le lexique françaisde plusieurs milliers de mots*. De
son travail il n'a paru que quelques livraisons, l'auteur s'é-
tant contenté de tracer un sillon et de marquer la voie. Espé-
rons que les disciples viendront compléter l'œuvre du maître
et que la lettre A ne sera pas la seule à s'enorgueillir de ses
nouvelles conquêtes : amérissement, amérissabilité, assaillatif,
a f frayant, affligible, etc.^.
Il est inutile de faire observer que ces théoriciens du néo-
logisme, en essayant d'épuiser systématiquement toute la
série des barbarismes possibles, ne tombent que rarement
sur des formes capables de naître. Ce n'est point dans ces col-
lections que l'écrivain, à court d'expression, ira jamais cher-
cher le barbarisme nécessaire; il le créera de lui-même, sur
le besoin de l'instant et sous l'action inconsciente de l'analo-
gie. Ce n'est point dans ces œuvres artificielles et par suite
monstrueuses qu'il faut étudier le néologisme; c'est dans les
œuvres réelles et vivantes, dans les barbarismes des écrivains
et du peuple.
Les polémiques des deux siècles derniers se sont naturelle-
ment poursuivies dans le siècle présent, mais moins vives et
moins continues. Jamais, cependant, le néologisme n'a été
plus envahissant, et n'aurait dû, semble-t-il, provoquer une
1. Cinq mille mots logiquement inhérents à la langue française, omis par tous
les dictionnaires et restitués par Alexandre Weil, Paris, 1873. — Il a paru quatre
fascicules de cet ouvrage.
2. Au milieu d'assertions plus qu'originales, il faut noter d'excellentes observa-
tions telles que la suivante : « Tout mot qui n'est pas compris par les enfants et
les femmes est mauvais et anti-national » (p. 72).
— 29 —
réaction plus énergique. Mais c'est que les conditions, d'un
siècle à l'autre, ont changé; une série de révolutions dans
l'ordre politique, industriel et social, en jetant dans la circu-
lation une infinité d'objets nouveaux et d'idées nouvelles,
et sans cesse renouvelées, a fait éclater, sans résistance pos-
sible, les barrières anciennes du lexique.
Ces objets nouveaux et ces idées nouvelles doivent néces-
sairement se faire leurs noms. Nul mot existant dans la lan-
gue ancienne ne pouvait exprimer ce qu'expriment mitrailleuse,
porte-monnaie; vélocipède, photographie, télégraphe; square,
tunnel; réactionnaire, socialisme, nihiliste; budget.
A côté de ce néologisme ^de choses, néologisme nécessaire
parce qu'il correspond à un objet réel, continue, comme dans
les siècles précédents, ce qu'on peut appeler le néologisme
d'expression, qui prétend fonder sa légitimité sur une analyse
nouvelle des sentiments et des sensations.
Ce néologisme, dans son principe, n'est point propre à notre
siècle, mais appartient à toute langue et à toute littérature
savante. C'est lui que dénonce Desfontaines dans son Diction-
naire, contre lequel s'élève éloquemment Voltaire, quand il
demande si l'on a fait de nouvelles découvertes dans le cœur
humain. C'est ce néologisme qui domine dans le style de
Fontenelle, de La Motte, et que Marivaux pousse à l'abus.
Il a pris un singulier développement de nos jours où les vues
vraies ou fausses, saines ou maladives, et les habitudes d'es-
prit plus profondes ou plus raffinées, amenées par le renou-
vellement des systèmes philosophiques, des théories scienti-
fiques, de l'analyse psychologique, ont changé non le fond,
éternel et immuable, des sentiments et des sensations qui
font l'homme, mais leurs apparences, leurs formes, leurs
jeux, leurs combinaisons- C'est ce néologisme qui caractérise
la langue des écrivains romantiques, depuis Chateaubriand*.
Les lignes suivantes de Th. Gautier sur le poëte des Fleurs du
mal nous donnent l'expression de cette théorie ^ :
« Il aimait ce qu'on appelle improprement le style de
décadence, et qui n'est autre chose que l'art arrivé à ce
point de maturité extrême que déterminent à leurs soleils
obliques les civilisations qui vieillissent: slyle ingénieux,
1. Surtout dans ses Mémoires d^outre-tomhe.
2. En môme temps qu'un exemple frappant de ce stylo malsain, morbide, qui
est devenu l'idéal de la plus grande partie de nos poètes (?) contemporains.
— 30 —
compliqué, savant, plein de nuances el de recherches, re-
culant toujours les bornes de la langue, empruntant à
tous les vocabulaires techniques, prenant des couleurs à
toutes les palettes, des notes à tous les claviers, s'efTorçant à
rendre la pensée dans ce qu'elle a de plus ineffable, et la forme
en ses contours les plus vagues et les plus fuyants, écou-
tant pour les traduire les confidences subtiles de la névrose,
les aveux de la passion vieillissante qui se déprave, et les hal-
lucinations bizarres de l'idée fixe tournant à la folie ; le style
de décadence est le dernier mot du verbe sommé de tout
exprimer et poussé à l'extrême outrance. On peut rappeler, à
propos de lui, la langue marbrée déjà des verdeurs de la
décomposition et comme faisandée du bas-empire romain et
les raffinements compliqués de l'école byzantine, dernière
forme de l'art grec tombé en déliquescence ; mais tel est bien
l'idiome nécessaire et fatal des peuples et des civilisations où
la vie factice a remplacé la vie naturelle et développé chez
l'homme des besoins inconnus Ce n'est pas chose aisée, d'ail-
leurs, que ce style méprisé des pédants, car il exprime des
idées neuves avec des formes nouvelles et des mots qu'on n'a
pas entendus encore. A l'encontre du style classique, il admet
l'ombre, et dans cette ombre se meuvent confusément les larves
des superstitions, les fantômes hagards de l'insomnie, les
terreurs nocturnes, les remords qui tressaillent et se retour-
nent au moindre bruit, les rêves monstrueux qu'arrête seule
l'impuissance, les fantaisies obscures dont le jour s'étonnerait,
et tout ce que l'âme, au fond de sa plus profonde et dernière
caverne, recèle de ténébreux, de difforme et de vaguement hor-
rible. On pense bien que les quatorze cents mots du dialecte
racinien ne suffisent pas à l'auteur, qui s'est donné la rude
tâche de rendre les idées et les choses modernes dans leur
infinie complexité et leur multiple coloration ^ »
Les mêmes idées, dans ce qu'elles ont de légitime, nous
sont données par un autre écrivain bien supérieur en bon
sens et en goût, et qui certes représente l'esprit français mieux
que les enfants perdus du romantisme : « J'ai autrefois, dit
Brillât-Savarin, entendu à l'Institut un discours fort gracieux
sur le danger du néologisme et sur la nécessité de s'en tenir à
notre langue telle (ju'elle a été fixée par les auteurs du bon
siècle.
1. Éliuie sur Charles Baudelaire en lôlo des Œuvres couipléles de Bau-
delaire.
— 31 —
«Comme chimiste, je passai cette œuvre à la cornue; il
n'en resta que ceci : Nous avons si bien fait qu'il n'y a pas
moyen de mieux faire, ni de faire aulremenl. Or, j'ai vécu
assez pour savoirque chaque génération en dit autant et que
la génération suivante ne manque jamais de s'en moquer.
« D'ailleurs, comment les mots ne changeraient-ils pas,
quand les mœurs et les idées éprouvent des modifications
continuelles? Si nous faisons les mêmes choses que les anciens,
nous ne les faisons pas de la même manière ; et il est des pages
entières dans quelques livres français qu'on ne pourrait tra-
duire ni en latin, ni en grec. * »
Les protestations contre cette invasion du néologisme fu-
rent rares. La grande querelle littéraire du siècle porte ail-
leurs, sur une question d'esthétique, non sur la langue. Une
voix néanmoins se fit entendre, celle de M. Viennet, qui le
14 août 1855, en séance solennelle de l'Institut, dénonça à
Boileau, avec une verve mordante, les attentats des néo-
logues :
Il faut des noms nouveaux à ces nouveaux artistes,
Ils se nomment entre eux bohèmes, fantaisistes;
Ils ont, pour se louer, des termes inconnus
Que la tour de Babel n'a pas même entendus....
Chacun fait son argot, sa grammaire nouvelle.
Chacun peut à son gré, sans crainte d'un revers,
Dégingander sa prose et déhancher ses vers,
Barbariser son style, empenner son génie
Et, comme ses lecteurs, flouer la prosodie :
Des critiques charmés viendront, le lendemain,
Vanter de ses écrits le lyrisme et V entrain....
Je maudis ces auteurs dont le vocabulaire
Nous encombre de mots dont nous n'avons que l'aire ;
Qui sur de vains succès basant un fol orgueil,
D'un œil ambitieux fixent notre fauteuil ;
Qui pour utiliser leur frivole existence
Des corrupteurs du goût activent la licence,
Formulent leur pensée en style de Purgon ;
Ou qui, gardant au cœur la foi de Saint-Simon,
S'indignant que la femme k l'homme soit soumise.
Demandent que l'Ktat la désubalternise....
On n'entend que des mots à déchirer le fer :
Le railway, le tunnel, le ballast, le tender,
Express, tr-ucks et wagons; une bouche française
Semble broyer du verre ou mâcher de la braise....
1. l'Ivjisinlo'jic du (joût, préface, p. 27 de l'édition Charpentier, 1847, in-12.
— 32 —
Faut-il pour cimenter un merveilleux accord i
Changer l'arène en turf et le plaisir en sport?
Demander à des clubs l'aimable causerie?
Flétrir du nom de grooms nos valets d'écurie,
Traiter nos cavaliers de gentlemen-riders ?
Et de Racine enfin parodiant les vers,
Montrer, au lieu de Phèdre, une lionne anglaise
Qui dans un handicap ou dans un steepie-chasc
Suit de l'œil un wagon de sportsmen escorté
Et fuyant sur le fur/" par un truck emporté?
VÈpître à Boileau eut un succès retentissant; on s'égaya
pendant plusieurs semaines aux dépens du néologisme qui
n'en mourut pas.
Pourquoi ?
m
Les néologismes peuvent se diviser en deux classes
p^uivant qu'ils désignent des faits nouveaux, objets ou idées,
ou qu'ils désignent autrement des faits anciens.
Les faits nouveaux veulent des noms nouveaux : le néolo-
gisme en ce cas est, non-seulement légitime, mais nécessaire:
tels sowi porte-monnaie^ photographie, tramway, socialisme.
Ces noms sont créés par des Français (ils sont alors for-
més d'éléments français, latins ou grecs), ou ils sont reçus des
étrangers. Ils sont étrangers quand l'objet l'est lui-même;
ils viennent et s'acclimatent avec lui.
M. Viennet déplore l'invasion anglaise; le français ne suf-
lirait-il pas à dénommer les objets venus d'outre-Manche ?
Notre langue
Sera-t-elle plus riche, alors que nos marins
Auront du nom de docks baptisé leurs bassins?
Généralisons l'objection : pourquoi ne pas donner un nom
français à l'objet étranger? Pourquoi ne pas dire carré, au
lieu de square qui signifie proprement carré? voilure au lieu
de wagon qui a absolument le môme sens?
Nous touchons ici à un fait de psychologie du langage.
Le jardin anglais, importé en France, est un objet nouveau ;
on l'importe avec son nom ; et ce nom, nouveau comme l'objet,
frappe, comme lui, par sa nouveauté. Le peuple apprend l'un
en môme temps que l'autre ;etle signe et la chose signifiée se
1 . Entre la France et l'AncIcIcrre.
— 33 —
gravent sans peine dans sa mémoire. A square essayez de
substituer carré ; ce mot, compris de tous, a des significations
multiples ; pour en faire le nom de l'objet nouveau, le peuple
sera obligé de faire un travail intellectuel qui, par une ex-
tension dans la signification, approprie le mot à la chose; il
faudra qu'il repasse par l'état d'esprit qui, chez nos voisins
anglais, a donné à square sa signification spéciale. Il y a làun
effort intellectuel inutile, et comme l'esprit d'instinct va droit
au plus simple, comme la nature cherche à dépenser un mini-
mum d'efi'ort, le peuple trouve plus facile d'apprendre un mot
inconnu avec l'objet nouveau dont il est le nom précis , l'ex-
pression adéquate, que d'ajouter à un mot connu et de com-
préhension déjà large une signification nouvelle.
Passons à la seconde sorte de néologisme: il consiste à sub-
stituer à un mot ancien, à une périphrase ancienne, un mot
nouveau. Ce néologisme est soit littéraire, soit populaire,
c'est-à-dire soit créé par les écrivains , soit créé par le
peuple.
Le néologisme de l'écrivain est une création littéraire, con-
sciente, et qui tend à une fin esthétique ; il relève des lois de
la critique. Celui qui l'essaye doit pouvoir justifier la liberté
qu'il a prise avec la langue. Autrement dit, il faut que le mot
soit nécessaire dans la circonstance donnée, qu'il soit l'expres-
sion la plus nette ou la plus forte de l'idée à représenter. A
cette condition, il sera pardonné; bien plus il méritera de
durer et durera : c'est par des audaces de ce genre que nos
grands écrivains ont enrichi la langue.
Parfois le néologisme littéraire est amené par l'ensemble de
la phrase, l'enchaînement des idées et s'impose de lui-même.
M. Villemain , dans la préface du Dictionnaire de l'Académie
(édition de 1835), parlant des langues qui se constituent, se
transforment et périssent suivant les lois qui règlent la vie des
choses humaijies, écrit la phrase suivante: « Dans une contrée
de l'immobile Orient où nulle invasion n'a pénétré, où nulle
barbarie n'a prévalu, une langue parvenue à sa perfection, s'est
déconslruite et altérée d'elle-même, par la seule loi du change-
ment, naturelle à l'esprit humain. » Déconstruire manque au
Dictionnaire de l'Académie; il n'est pas admis par l'usage qui
n'en sent point la nécessité permanente; et toutefois ici il est
si bien amené par l'ensemble des idées qu'on le trouve tout
naturel ; c'est le seul terme propre et toute périphrase serait
vicieuse. C'est un de ces mots éphémères qui naissent avec le
3
— 34 -^
besoin instantané et meurent dès qu'il cesse ; ce ne sont pas
des mort-nés ; ils ont vécu un moment et peuvent revivre avec
la circonstance qui les a créés.
Si le néologisme littéraire relève de la critique et lui doit
compte de ses créations, le néologisme populaire ne relève que
de lui-même, et c'est à la science à en rendre compte.
Les anciens l'avaient déjà reconnu : le peuple est souverain
en matière de langage : Populus in sua potestate, singuli in
illitts^ disait Varron, et avant lui Platon : Le peuple est en ma-
tière de langue un très-excellent maître*. Voltaire le constate
en le regrettant: « Il est triste qu'en fait de langues, comme
en d'autres usages plus importants, ce soit la populace qui
dirige les premiers d'une nation'. »
Le suffrage universel n'a pas toujours existé en politique;
il a existé de tout temps en matière de langue ; là le peuple est
tout-puissant, et il est infaillible, parce que ses erreurs, tôt ou
tard, font loi. Le langage en effet est une création naturelle et
non une construction rationnelle et logique. Les hommes,
pour communiquer entre eux leurs idées, recourent d'instinct
à un ensemble, à un système de signes naturels qui se modi-
fient sans cesse, dans le temps et dans l'espace, sous l'action
de lois physiologiques et de lois psychologiques; mais du mo-
ment que la plus grande partie des hommes se comprennent
à l'aide de ce système , celui-ci a rendu les services qu'on est
en droit de lui demander. Voilà pourquoi même les erreurs de
logique, les anomalies, du moment qu'elles sont acceptées
de tous, cessent d'être anomalies, et deviennent formes
légitimes de la pensée. Tel est le fondement du principe qu'au
pouvoir de l'usage seul est la règle du langage :
Quem pênes arbitrium est et jus et norma loquendi.
Mais cet usage varie sans cesse: Consuetudo loquendi in
motu e8t\ Ainsi notre langue, depuis les origines, a obéi à
certaines tendances qui ont transformé sa phonétique , ses
formes grammaticales, sa syntaxe, son lexique : sa phonétique,
sous l'influence permanente qu'a exercée le besoin d'une pro-
1. De lingua latina, IX, 6. Et plus loin : Ego populi consuetudinis non sUm ut
dominus; at ille meœ est.
2. Toutou |jLèv (=toû iXXrjvîÇeiv) ày^ôo'' SiSàffxaXot ol ttoXXoI, xal 5ixa(o)ç inoli»
voîvt' àv aÙTMv el; ôiSaoxaXîav {Alcibiades, I).
3 Tome XVII, p. 212 de l'édition Hachette, 1866 (40 vol; in-li)
4. Varron, L. L. IX, 17.
— 35 —
nonciation plus rapide; ses formes grammaticales et sa syn-
taxe, sous l'action d'un esprit d'analyse qui lentement a dés-
organisé sa vieille construction à demi synthétique, héritage
du latin, pour lui substituer une construction plus logique et
toute raisonnée ; son lexique, sous l'action de cette vie, tou-
jours mobile et changeante, de l'esprit acquérant sans cesse
des idées nouvelles, apprenant des faits nouveaux , voyant et
percevant les choses sous de nouveaux aspects.
Les transformations de ce dernier ordre, celles du lexique ,
autrement dit les néologismes, ont des causes aussi multi-
ples, aussi infinies que les faits innombrables qui constituent
la vie intellectuelle d'un peuple. Pour nous en tenir aux néolo-
gismes qui substituent de nouvelles expressions à d'anciennes
qui tombent en désuétude, pourguol, par exemple, ains a-t-il
disparu devant mais^ moult devant beaucoup, planté devant
abondance^ ^/loir devant tomber,' heur devant événement, huis
devant porte , c/îere'"9evanî~lnsâ^e , veer devant défendre, ost
devant armée, restor devant restauration, navrer devant bles-
ser, etc.? Pourquoi clore djsparaît-ilj^résent devant fenner^
faillir devant manquer, chaloir devant importer, /bnder oevant
baser, aviver devant activer, etc. * ?
Bien que chacun de ces faits ait sa cause spéciale et déter-
minante, toutefois, si l'on embrasse l'ensemble de ces transfor-
mations dans leurs successions historiques, on voit dominer
une ou deux causes générales, dont les applications varient à
l'infini, mais dont l'action paraît constante.
Le peuple veut une langue à la fois expressive et claire.
Tl aime il s'exprimer pàrTma^es; les mots qu^il emploie doi-
1. Depuis trente années,
On a, par diverses menées,
Banni des romans, des poulets,
Des lettres douces, des billets,
Des madrigaux, des élégies,
Des sonnets et des comédies,
Ces nobles mots : moult, ains, jaçoit.
Ores, adonc, maint, ainsi soit,
Ala7it, si que, piteux, icelle.
Trop plus, trop mieux, je quiers, isnelle,
Il ne m'en chaut, je n'en puis «lais,
A grand randon, à toujours mais,
Mauvaistié, blandice, empirance,
Tollir, cuider, angoisse, usance,
Piéça, servant, illec, ainçois,
Comme étant de mauvais François.
(Ménage, Requête des Dictionnaires.)
Cf. plus haut, p. 19.
— 36 —
vent parler à V imagination et représenter les objets par quelque
caractère sensible, parce que c'est par quelque caractère sen-
sible qu'il les perçoit. Une pièce d'or devient chez lui un jau-
net, une pièce d'argent un blanCj une grosse montre un oi-
gnon, le balayeur des rues est un peintre. Mais la métaphore
s'use à la longue. L'esprit ne voit plus dans le nom de la chose
l'image où elle se peignait, mais la chose elle-même; la tète
n'est plus le tesson de pot, testa; c'est la tête, le chef. Le
terme, ayant cessé d'être expressif, ne désignant plus une qua-
lité spéciale, devient général, abstrait, et donne la représen-
tation complète, adéquate de l'objet. Il faut donc que la mé-
taphore usée se renouvelle ; le tesson fait place à la boule, à la
trogne.
Dans la langue commune, même besoin de l'image, quoique
plus effacée et plus discrète ; elle aussi aspire à la couleur et
passe sans cesse de l'expression où elle s'est ternie, à celle où
elle éclate et reluit; et cela même dans l'expression des idées
abstraites. Autrefois on disait exprimer sa pensée; à présent,
on commence à la. formuler. Pourquoi? C'est que dans expri-
mer on ne sent plus la force première, étymologique du mot.
Exprimer sa pensée., n'est plus la presser, la faire sortir
par pression et la condenser dans des mots ; c'est simplement
la faire connaître par des mots : le terme énonce le fait sans
image, dans une nudité abstraite. Au lieu de Vexprimer^ on la
formule, c'est-à-dire qu'on la jette dans le moule d'une forme
rigide, mathématique. La phrase où la pensée se formule, se
détache devant l'imagination comme une ligne d'équation sur
le tableau noir de l'algébriste. Mais il est évident que si l'ex-
pression est admise, elle finira peu à peu par s'user, de-
viendra le synonyme exact d'exprimer sa pensée, et fera place
à une image nouvelle, sans fin et sans terme.
D'un autre côté, le langage doit exprimer les choses d'une
façon claire, imposant peu de travail à l'esprit. 11 arrive sans
cesse que des mots, parents par l'étymologie et par le sens, et
dont la parenté est visible par les ressemblances de la forme,
se trouvent inégalement et diversement usés par l'action des
lois phonétiques, de sorte que le lien réel qui les unit ne se
marque plus dans le lien apparent de la forme. Par exemple,
le rapport de clore à clôture, de courbattrc à courbaturer, de
émouvoir à émotion, ne paraît plus dans la fornje d'une
façon assez immédiate; le peuple abandonne le verbe usé
et le refait sur l'analogie du substantif : clore est remplacé
— 37 —
par clôùwerj courbattre par courbaturer, émouvoir par émo-
tionner, etc.
C'est à ces causes qu'il faut, croyons-nous, rapporter les néo-
logismes populaires : ils ont donc leur raison d'être, puisqu'ils
reposent sur des besoins naturels de l'esprit. Mais, comme tout
ce qui a vie, le langage est soumis à deux forces contraires, la
force qui innove et celle qui conserve; la marche du langage
consiste à céder graduellement à la première en se laissant
contenir par la seconde; autrement les transformations seraient
trop promptes et les langues n'auraient plus d'unité.
C'est ce qu'on voit dans le passage du latin populaire aux
langues romanes. Lors des invasions barbares, toute civili-
sation, toute tradition disparaît, les forces conservatrices du
langage comme le reste; et l'idiome populaire, que rien ne con-
tient plus, se précipite, si bien qu'en l'espace de trois ou quatre
siècles il aboutit à des idiomes absolument nouveaux. Or cette
transformation rapide est l'anarchie; puisqu'une langue ne
peut se fixer, il faut du moins qu'elle change aussi lentement
que possible. C'est à la langue littéraire qu'est réservé le rôle
de conservatrice. Elle doit s'opposer aux néologismes popu-
laires et ne les accepter que quand ils deviennent un fait uni-
versel. On disait autrefois : il me souvient, le peuple a dit : je
me souviens^ et la langue littéraire l'a répété après lui; aujour-
d'hui la langue littéraire se rappelle le passé; la langue po-
pulaire se rappelle du passé. La langue littéraire doit-elle
l'imiter? Non, jusqu'au jour où l'académicien lui-même, dans
l'abandon de la conversation familière, aura dit : « je m'en
rappelle. »
IV
Le néologisme peut s'étudier de deux façons, dans ses cau-
ses et dans ses procédés de formation. La première étude in-
téresse l'historien et le psychologue : le psychologue, qui se
demande pourquoi le mot ancien a cessé de marquer exacte-
ment l'idée ancienne, quel mouvement s'est accompli dans la
pensée populaire; l'historien, qui recherche les changements
matériels auxquels correspondent les néologismes de faits;
chacun de ces mots nouveaux n'est que le signe et le produit
d'un fait nouveau ; c'est le retentissement de l'histoire dans
la langue. Mais on conçoit qu'une pareille étude soit à la fois
infinie et sans unité propre, au moins dans l'état actuel de
cette partie de la science.
-- 38 —
Les procédés de formation donnent lieu au contraire à une
étude une et simple. Quels sont les procédés que met en œuvre
la langue moderne pour enrichir ou renouveler son matériel?
Quelle en est l'origine, le cercle d'action, la force relative?
Quels sont les changements généraux que leur action a pro-
duits ou est en voie de produire dans le caractère de la langue
française? Tel est l'objet de notre étude.
Elle comprend trois parties : dans la première, nous parlons
de la formation française ; dans la seconde, de la formation
latine et grecque ; dans la troisième, des emprunts faits aux
langues étrangères modernes.
Ces trois parties correspondent à trois procédés différents
d'enrichissement de la langue. Il est inutile de nous arrêter
pour le moment au dernier; les deux autres demandent quel-
ques mots d'explication.
La langue française, sortie du latin populaire, possède en
elle-même un certain nombre de procédés de formation, par
dérivation ou par composition, qui s'exercent sur des radi-
caux français. C'est ainsi que de table elle tire tableau, de
chaud, êchauder ; de naître, naissance; de poison, contre-poi-
son, etc. C'est la formation française proprement dite.
A côté de cette formation, il en existe une autre tout artifi-
cielle, qui consiste à emprunter des mots au latin et au grec,
ou à tirer des dérivés et des composés de mots latins et grecs :
tels sont administration, légiste, géographie, etc. Cette formation
a été appelée savante par opposition à la première, qui a reçu
le nom de formation populaire. Le terme de formation savante
peut être juste; celui de formation populaire ne l'est pas, parce
qu'il donne à entendre que cette sorte de formation appartient
feulement au populaire, à la plèbe; en fait, elle appartient à
toute la nation. ^Un lettré seul a pu créer administration, mais
un lettré, comme un homme du peuple, a pu former le verbe
êchauder. Nous distinguerons donc les deux formations sous
les noms de formation française et formation latine et grecque.
Comme il faut distinguer deux formations, il faut aussi dis-
tinguer deux langues, la langue littéraire ou commune, celle
des livres, des classes élevées, de la bourgeoisie, et la langue
populaire, celle de l'ouvrier, du paysan. La première, plus qu
moins savante, s'apprend surtout par les grammaires, les
livres; l'autre s'apprend par tradition orale.
La première a subi une forte action de la formation latine
et grecque, qui chez elle a notablement restreint la formation
— 39 —
française. La seconde, restée plus complètement à l'abri de
cette influence étrangère, a maintenu la formation française
avec plus de pureté et d'intégrité.
Pour étudier la formation française, nous devrons interro-
ger la langue populaire ; nous aurons donc à citer plus d'un
mot qu'on s'étonnera peut-être de rencontrer dans une étude
grave et sévère ; mais il n'y a rien de vil dans la cité de la
science ; la science purifie tout ce qu'elle touche. La langue
populaire, même dans ses créations les plus audacieuses et
les plus grossières, relève de la philologie au même titre,
bien mieux, à plus juste titre que la langue commune, et sur-
tout que la langue littéraire ; car c'est une formation plus
naturelle et soumise à des lois plus stables et plus fixes,
moins troublées par les hasards de la volonté et du parti pris.
Certains de nos exemples pourront passer pour de V argot. 11
nous arrivera même de citer parfois le livre de M. Lorédan
Larchey, Dictionnaire de V argot parisien * ; mais il ne faut pas
se tromper sur la signification de ce mot, qui, dans les limites
mal déterminées de sa définition, renferme des ordres de
faits absolument difi"érents. Il importe de distinguer la langue
populaire de l'argot.
L'argot est à proprement parler une langue de convention,
une langue artificielle, qu'une certaine classe de la société —
qui a d'excellentes raisons pour cela — crée afin d'échapper
aux oreilles indiscrètes. Il échappe du même coup à la
science, qui atteint seulement ce qui est soumis à des lois
naturelles, et ne connaît pas des actes de la volonté humaine.
Le véritable argot peut être considéré comme le modèle de
cette langue de convention qu'ont rêvée des philosophes. On
peut reconnaître l'argot français à ce trait que la plupart des
mots qui le composent sont formés contrairement aux lois
de la dérivation française, à l'aide de suffixes qu'elle n'a ja-
mais connus : mar, muche^ anche, etc.
Certains termes d'argot ont pénétré dans la langue popu-
laire, tout comme y pénètrent des mots de formation latine
ou grecque. Mais confondre la langue popiïlaire avec l'argot
parce qu'elle renferme des mots d'argot, c'est commettre la
môme erreur que si on la confondait avec la langue savante,
1. Sixième édition des Excentricités du langage parisien, 1872, ouvrage
excellent, fait avec soin et précision. L'auteur toutefois aurait dû donner d'une
façon plus complète les indications des exemples qu'il cite. L'ouvrage de M. Al-
fred Delvan, Dictionnaire de la langue verle, est de beaucoup inférieur,
— 40 —
SOUS prétexte que des mots savants y sont entrés'. La langue
populaire est une forme de la langue française, et qui n'est
pas des moins intéressantes.
Si l'argot ne rentre pas dans le cercle de nos recherches, la
langue populaire y a sa place de droit. Nous devons l'étudier
dans ses procédés de formation, et peut-être cette excursion
au milieu d'un idiome qu'on n'apprend guère que par des li-
vres spéciaux nous apportera plus d'un enseignement de
haute valeur sur l'état et l'avenir de notre langue.
Avant d'entrer dans l'examen des faits, il est inutile de faire
remarquer que nous ne prélendons pas donner la liste com-
plète des néologismes, mais seulement étudier les procédés
qui les produisent. Pour la même raison, nous n'avons pas
eu à dépouiller toute la littérature moderne ; les forces que
nous étudions ne sont pas dans l'écrivain, mais dans la
langue ^
1. C'est cette distinction de l'argot et de la langue populaire que n'a pas faite
l'auteur du Dictionnaire de l'argot parisien, qui confond dans son ouvrage tous
les termes populaires, métaphores, locutions, termes spéciaux, avec les mots de
convention de l'argot. M. Alfred Delvau, dans la préface de son Dictionnaire de
la langue verte, va plus loin, et trouve autant d'argots parisiens que de classes,
de professions, de corps d'état. C'est la même théorie qu'expose Victor Hugo dans
le livre vu de la IV partie des Misérables [V Argot). M. Delvau a été suivi et dé-
passé par un professeur allemand, M. L. Botzon qui, dans une grotesque Étude,
écrite dans un style plus grotesque encore, sur le langage actuel de Paris
(Francfort-sur l'Oder, 1873, in-4), reconnaît dans le français parisien deux cent
quatre-vingt-quatre argots différents !
2. Nous devons plusieurs indications bibliographiques à M. Ch. Marty-Laveaux,
des exemples de néologisme à MM. Banquier et Wogue ; qu'ils veuillent bien
recevoir ici nos remercîments. Nous avons aussi tiré un grand profit des travaux
de M. Franz Scholle sur la langue française. M. Scholle, un des plus éminents
disciples de Fuchs, a rompu plus d'une lance en faveur des langues romanes et
spécialemen' du français contre l'école germanique de Steinthal. Dans le Pro-
gramme annuel de la « Dorotheenstœdtische Realschule», il a publié une inté-
ressante étude sur la question suivante : Faut-il voir dans le changement de
forme et de sens qu'ont subi les mots latins en passant au français une infé-
riorité de cette langue (Berlin, 1866, in-4), et chemin faisant, il montre par une
liste de néologismes, que les forces créatrices du français sont toujours actives.
Cet opuscule est le canevas d'un beau livre publié en 1869 par l'auteur, sous ce
titre : « Sur le concept de langue fille, dans les langues romanes et spécialement
en français» (écrit en allemand ; Berlin, 1869). Préoccupé de cette question de
l'énergie toujours vivante de notre langue, il a donné dans le tome XXXIX (p. 425-
438) et dans le tome XLII (113-134) des Archives de Herrig [Archiv fur Studium
der neueren Sprachen) une collection assez étendue de néologismes, que nous
avons mise à profit. Nous citons la première des trois études de M. Scholle sous le
titre de Programme.
PREMIÈRE PARTIE.
FORMATION FRANÇAISE,
Les procédés d'origine française dont se sert la langue pour
créer des mots nouveaux rentrent dans deux classes : la déri-
vation et la composition.
PREMIERE SECTION.
DÉRIVATION IMPROPRE.
La dérivation est propre ou impropre suivant qu'elle recourt
ou non à des suffixes. Herbette de herbe, lainage de laine, sont
des exemples de la dérivation propre; le substantif appel, tiré
de l'infinitif appe/er, l'adjectif caressant, caressante, tiré du par-
ticipe présent caressant, sont des exemples de la dérivation
impropre. Nous commençons par celle-ci, et nous examinons
comment les diverses parties du discours peuvent fournir,
sans addition de suffixes, des noms et des adjectifs.
CHAPITRE PREMIER.
SUBSTANTIFS.
La langue tire des substantifs, soit de noms propres, soit de
noms communs, soit d'adjectifs, soit de verbes, soit de mots
invariables.
— 42 —
§ 1. Noms communs tirés de noms propres.
1. Les noms propres, pour devenir communs, suivent des
voies diverses. Tantôt ils passent par une sorte d'apposition :
un fusil Chassepot; ici le nom propre est le déterminant d'un
nom commun ; celui-ci ensuite se sous-entend : un chassepot.
Tantôt ils sont immédiatement transformés en noms communs :
un mac- farlane. Quelquefois, et dans certains cas seulement, ils
gardent leur forme primitive précédée de l'article féminin :
fusée à la Congrève ; coiffure à la Titus, à la Fontange. La pré-
position et l'article peuvent ensuite se supprimer : une coif-
fure Fontange, une Fontange. C'est par un procédé analogue
qu'on dit, par exemple : un style à la Chateaubriand, un style
Chateaubriand * .
2. A toutes les époques, la langue a transformé des noms
propres en noms communs : assassin, besant, cordon[nier), es-
clave, galetas, renard, tournois, etc., au moyen âge; béguin^
bicoque, calepin, cannibale, épagneul, espiègle, jarnaCj lambin^
patelin, perse, pistolet, sarrasin, vaudeville, etc., à la fin du
moyen âge et au seizième siècle ; amphitryon, bougie, barème,
cachemire, calicot, carcel, céladon, cravate^ escobard, fontange,
g%dnée, guillemet, mousseline, praline, quinquet, séide, silhouette,
tartuffe, etc., au dix-septième et au dix-huitième siècle.
3. La langue du dix-neuvième siècle n'est pas moins riche
en formations de ce genre. La liste en est même plus con-
sidérable ; c'est que le développement de l'industrie contem-
poraine met sans cesse en circulation le nom de nouvelles
inventions et d'inventeurs nouveaux. D'autres noms, dus à la
mode, à la vogue littéraire, peuvent avoir une vie aussi éphé-
mère qu'éclatante, mais sans survivre aux idées et aux goûts
de l'époque qui les a vus naître.
Noms d'inventeurs devenus noms des objets inventés :
bréguet, montre de précision.
chassepot; ce mot sera peut-être bientôt détrôné par celui
de gras.
colichemarde « lame d'épée extrêmement large; elle ne
peut guère servir que pour la parade. » (Mercier, Néo-
logie, II, 359) ; corruption de Kônigsmark.
1. Cf. A. Darmesleter, Traité de la formation des mots composés, p. 205, et
n. 2.
— 43 —
flaumont, on dit aussi bien une daumont que une voiture
à la Daumont. « Figurez-vous que nous menions en daumont
à quatre chevaux ventre à terre, tout le temps. » (A. Daudet,
Jack, III, § 7.)
gibus, ou chapeau gibus : « chapeau à forme pliante ^>,
comme le désigne l'inventeur (Description des brevets, 1" série,
t. XLI, p. 187^; 23 juillet 1834).
giffard: injecteur pour machines à vapeur (voir Littré,
supplément).
godillots, souliers de troupe ; au fîg., un godillot, un sol-
dat novice.
massicot, machine à rogner les livres ; altération de Mas-
signot, nom de l'inventeur (Description des brevets, 1" série,
t. LXX, p. 447).
raspail, « liqueur de Raspail », eau-de-vie.
Ami, prends un sou de raspail
Pour rincer de tes dents l'émail.
{La maison du Lapin-Blanc.)
(Lorédan Larchey, Dictionnaire de l'argot parisien, au mot
raspail).
rigollot, sorte de sinapisme.
ruolz et maillechort. Ce dernier mot est une bizarre com-
binaison de Maillot et Chorier, noms des deux inventeurs.
Ruolz s'emploie au figuré dans la langue familière : « Une vertu
en ruolz. »
Cette altesse en ruolz, ce prince en chrysocale.
(V. Hugo, Châtiments, III, k.)
taconnet, képi des chasseurs d'Afrique.
4. Quelques personnages historiques ont fait entrer un
instant leurs noms dans la langue. Sous la Révolution, les
assignats de cent sous, signés Corsets, s'appelaient des cor-
sets. A l'administration de M. de Rambuteau nous devons
non -seulement la rue de Rambuteau, mais les colonnes
également baptisées du nom de Vespasiennes. « Dans toutes
les colonnes Rambuteau, le long du boulevard, une main
malicieuse avait mis : « Mon cher Perrottin » (J. Vallès, la
1. l'" série. Description des macliines et procédés pour lesquels des brevets
ont été pris sous le régime de la loi de 1791. Paris, 1811 à 1863, in-4, 93 volumes
pour les années 1791-1844. — 2° série. Description des machines et procédés pour
lesquels des brevets d'invention ont été pris sous le réf^ime de la loi du h juillet
1844. Paris, 1850-1876, in-4, 84 volumes pour les années 1844-1874.
— 44 —
RuBj les Galériens)^ Sous l'Empire, les louis d'or font place
aux napoléons. Les victorias rappellent la reine d'une grande
nation voisine. Le souvenir des bolivars et des murillos n'est
pas encore entièrement effacé. « C'était le temps de la lutte de
l'Amérique méridionale contre le roi d'Espagne, de Bolivar
contre Murillo. Les chapeaux à petits bords étaient royalistes
et se nommaient des murillos; les libéraux portaient des
chapeaux à larges bords qui s'appelaient des bolivars. » {V.
Hugo, dans Lorédan Larchey, Argot parisien).
Les noms géographiques fournissent un contingent im-
portant. A la fin du siècle dernier la guerre d'indépen-
dance de l'Amérique nous envoie le jeu de boston; sous le
premier Empire paraissent les pékins^. Les cotrets nous vien-
nent, dit-on, de Villers-Cotlerets. Les draps de Louviers,
d'Elbeuf, ont conquis la faveur populaire : « En beau linge,
en fm louviers. » (L. Desnoyers, les Béotiens de Paris). « Si
l'étoile de mérite n'orne pas mon elbeuf usé. » (Festeau, dans
L. Larchey, Argot parisien). Combien d'aliments, fruits, bois-
sons, denrées, etc., portent dans leur nom leur état civil : les
neufchâtels, le cognac, le brie, le gruyère, la quessoy, la mont-
morency, le fontainebleau, la valence, etc.
La littérature n'est pas moins féconde. Les riflards nous
viennent d'une pièce de Picard, la Petite ville (1801), où le
personnage Riflard était armé d'un énorme parapluie. Chau^
vin a d'abord été, au temps de la Restauration, un type de
caricatures populaires. En 1825, « un libéralisme plus
large commença à se moquer de ces éloges donnés aux
Français par des Français, de ces railleries lancées par les
Français contre des étrangers. Charlet, en créant le conscrit
Chauvin, fit justice de ces niaiseries de l'opinion. » (A. Jal,
Paris moderne, 1834, dans L. Larchey). Des Mystères de Paris
d'Eugène Sue, est sorti le populaire pipelet. Nestor Roque-
plan, en 1841, baptise du nom de lorettes certaines habitantes
du quartier de Notre-Dame-de-Lorette ^
La grisette, doux rêvel Elle avait ses apôtres,
Balzac et Gavarni mentaient comme les autres;
Mais un jour Roqueplan, s'étant mis à l'affût,
Fit un mot de génie, et la lorette fut!
(Th. de Banville, Evoé,Sat. v, 1866.)
1. Voir sur ce mot le Courrier de Vaugelas, 1872, n° 13.
2. Sur l'origine de ce mot^ voir le Courrier de Vaugelas, 1871, n° 5.
3. Voir Roqueplan, Nouvelles à la main.
— 45 —
T' C'est dans les Scènes populaires d'Henry Monnier que paraît
pour la première fois le maître d'écriture célèbre sous le nom
de Joseph PrudhommeK En 1850, Gustave Nadaud, dans sa
jolie chanson des Deux Gendarmes, met à la mode le nom de
Pandore ' :
Brigadier, répondit Pandore ,
Brigadier, vous avez raison.
« La ville, l'autorité, l'État, apparaissent sous la forme de
deux Pandores alsaciens qui vont à pied, deux à deux, en
regardant dans les fossés, derrière la haie. »[J. Vallès, la Rue^
Le dernier soir). En 1854, les Parisiens de Th. Barrière nous
enrichissent des gandins^. A l'auteur des Misérables on doit
le gavroche. Le Calino date de 1858 où une pièce de Th. Bar-
rière et d'Antoine Fouchery le mit à la mode*. La. Famille
Benoiton de Sardou (1866) a fait souche : une Benoiton, une
toilette benoitonne, benoitonner, benoitonnerie.
Rappelons encore quelques créations bizarres dans cet ordre
de faits. Lors de la fondation de l'École polytechnique, l'infor-
tuné époux de Jocaste, Laïus ayant inauguré la série des com-
positions françaises, a donné son nom aux exercices de style
dans les écoles militaires, et de là ce nom est passé dans
la langue de nos lycéens. Le mot capharnaûm, qui manque
au Dictionnaire de l'Académie de 1835, et au dictionnaire de
N. Landais de 1836, vient en droite ligne de l'Évangile (Ev. de
S. MarCf II, 2).
Ces exemples, qu'on pourrait multiplier, suffisent à mon-
trer l'activité de la langue dans les créations de ce genre.
§ 2. Nom,s communs tirés de nom,s communs.
Les noms communs forment des mots nouveaux soit par
changement de sens, soit par changement de genre. Les chan-
gements de sens n'entrent pas dans notre étude', nous ne nous
1. Lire les ingénieuses réflexions de M. Fr. Sarcey sur ce nom de Prudhomme :
Le mot et la chose ; PrucUwmme.
2. Le Pandore de Nadaud n'est-il pas un souvenir des Pandours ?
3. Gandin est le nom d'un élégant; peut-ôtre l'auteur a-t-il songé, en créant cd
nom, au boulevard de Gand.
4. Le personnage qu'ils portaient sur la scène du Vaudeville était d'ailleurs de-
puis longtemps légendaire parmi les peintres et les sculpteurs parisiens. Voir le
Courrier de Vaugelas, 1874, n° 4 et 1876, n» 20.
5. Voir plus haut, p. 7.
__ 46 —
y arrêterons pas. Quant aux changements de genre, les exem-
ples intéressants sont peu nombreux.
On a récemment donné le nom de tribun à l'employé qui,
dans certaines maisons de commerce, siège à la tribune ou
estrade. Ici le masculin dérive du féminin, et ce tribun n'a
plus qu'un rapport éloigné de parenté avec le tribun du peu-
ple. Dans certains magasins, l'employé qui tient les livres à la
tribune est une femme; bientôt à côté du tribun on aura aussi
la tribune.
Des substantifs masculins on tire facilement des féminins ;
cette lormation n'a rien que de normal ; citons seulement un
exemple : dans les ateliers de typographie, les ouvriers s'ap-
pellent des typos, les ouvrières des typotes * ; ce féminin est for-
mé sur l'analogie de Chariot^ Charlotte.
Au siècle dernier, ce semble, de vaurien on a fait vaurienne,
par abus, dit M. Littré, « comme si vaurien était un adjectif
en ien. » Y a-t-il eu abus ? Nullement. Quand on a tiré le
féminin du masculin, vaurien avait déjà perdu sa signification
étymologique de vau et rien {vale nihil) ; devenu substantif,
avec la signification beaucoup plus vague de personne cor-
rompue, il a pu avoir un féminin qui ne pouvait être que
vaurienne. C'est ainsi que fainéant a donné fainéante qui éty-
mologiquement est barbare, puisque fainéant se décompose
en fai néant =^fac nihil.
§ 3. Noms communs tirés (f adjectifs.
Les exemples d'adjectifs pris substantivement abondent dans
l'histoire de la langue. Notre époque en a vu créer un nombre
considérable. Tantôt ils désignent des personnes : les conser-
vateurs, les réactionnaires, les révolutionnaires; les alliés; les
ruraux; les romantiques, les chevelus; les fédérés, les Versail-
lais; les manifestants; les Parnassiens ; les déclassés, les crevés, les
petits crevés, etc. ; tantôt des choses : un périodique, c'est-à-
dire Mn^'owrna/pénodiq'we; un imperméable, c'est-à-dire U7i par-
dessus im,perméable; un ordinaire, c'est-à-dire un dîner ordi-
naire (bouillon et bœuf) ; le brutal (le canon) ; la royale (coupe
de la moustache), l'impériale (barbiche), l'impériale (des
1. Boulmy, Les Typographes parisiens, avec un Dictionnaire de la langue
verte lypoyraphù/ue, in-8, 1874.
— 47 —
omnibus); l'Intemalionale, la Marseillaise, la Citoyenne^ la
Brabançonne * .
La garde nationale, la garde mobile ont donné les masculins
gardes nationaux, gardes mobiles (d'où, par simplification,
les mobiles). L'armée territoriale vient de donner directement
naissance aux territoriaux, sans passer par l'intermédiaire
d'un adjectif masculin.
11 est une formation de noms tirés d'adjectifs en eur,
euse, qui a un caractère tout à fait populaire, et qui donne à la
nomenclature des arts et métiers de nombreuses dénomina-
tions. Ainsi, de nos jours, on a créé les substantifs sui-
vants :
hrindilleur, machine inventée en 1847 (Description des
brevets, 2" série ; t. XIII, p. 92).
condenseur: « appareil pour la fabrication des produits
chimiques. » (Descript. des brev., 1846; 2" série; table pour
le t. VIII, p. 27).
décortiqueur : « appareil pour enlever l'écorce de certains
produits. » (Descript. des brev., 1846; 2" série; t. IX, p. 242).
diviseur, « instrument propre à diviser les racines, tuber-
cules, etc., servant à la nourriture des animaux. » (Descript.
des brev., 1834; l^" série; t. XXXVIII, p. 357).
emballeur: « machine dite emballeur des roues. » (Des-
cript. des brev., 1832; t. XXXII, p. 305).
enrayeur^ sorte de galet (Descript. des brev., 1845 ;
2" série; t. VII, p. 44).
folioteur, appareil propre à folioter les pages des registres,
etc.
macérateur: « appareil dit macérateur continu, à effet
constant, propre à extraire, sous l'action de la presse, la to-
talité du suc des fruits, et notamment de la betterave. » (Des-
cript. des brev., 1835; V série; t. XXXVI, p. 307).
numéroteur, appareil propre à marquer de numéros d'or-
dre des papiers, etc.
1 . Il est inutile de signaler l'emploi tle l'adjectif pris absolument ou au neutre
comme substantif :
Au fond de VimmanoU et de Villimitéi.
(V. Hugo, Légende des siècles, La trompetle du jugement.)
Insatiablement avide
De Vobscur et de Yincertain.
(Baudelaire, Fleura du mal, lxxxiv.)
— 48 —
pétrisseur: «■ pétrisseur mécanique. » (Descript. des bre.v.,
2* série, t. X, p. 216).
réducteur : « appareil distillateur, dit réducteur, propre à
réduire le titre de l'esprit-de-vin. » (Descript. des brev., 1813;
1" série; t. X, p. 91).
vérificateur: « appareil dit vérificateur, et qui a pour objet
d'intercepter le contact de l'air avec le vin, etc. » (Descript.
des brev., 1828; V série; t. XXVI, p. 5).
balayeuse, machine dite « balayeuse des rues ^y (Descript.
des brev., 1835; 1" série; t. XLIII, p. 54); « balayeuses méca-
niques » (Bottin, Annuaire du Commerce, 1875, p. 682).
barboteuse, machine employée dans le blanchissage. .
batteuse, machine employée à battre le blé.
broyeuse: « broyeuses à plâtre, matières dures, etc.» (Bottin,
1875, p. 1322).
causeuses : «.causeuses mécaniques. » (Bottin, 1875, p. 888).
couveuse: « coîweuse artificielle. » (Descript. des brev.^
1850; 2" série; t. XVIII, p. 176).
débourreuse : « débourreuse mécanique. » (Descript. des
brev., 1849; 2" série; t. XVI, p. 120).
découpeuse : « machine dite décaupeuse, propre à découper
les châles, bordures et autres tissus brochés. » (Descript. des
brev., 1829; 1" série; t. XL, p. 398).
décrotteuse: « brosses minérales dites décratteuses. » (Des-
crip. des brev., 1844; 1" série; t. XL, p. 445).
délisseuse: « machine à diviser les chiffons, dite délisseuse
mécanique. » (Descript. des brev., 1834; P« série; t. XXXV,
p. 128).
épentisseuse : « machine appelée épentisseuse , destinée à
dégager les tissus de toute espèce de nœuds, vrilles et autres
aspérités. » (Descript. des brev., 1826; 1" série; t. XXVI,
p. 129).
épincetevse : « épinceteuse mécanique, mécanisme propre,
par l'application de pièces mouvantes, à remplacer l'épince-
tage manuel dans la fabrique des étoffes et des tissus de toute
espèce. » (Descript. des brev., 1825; !■•« série; t. XIX, p. 248).
égreneuse (Bottin, 1875, p. 713).
étoffeuse, voir yratteuse.
faucheuse, machine à faucher.
finisseuse, « machine à tondre les draps, dite finisseuse. »
(Descript. des brev., 1828; l« série; t. XXXVIII, p. 198).
— 49 —
glaneuse (Descnpt des brev., 1840 ; 1" série; t. LU, p. 449).
gratteuse, machines dites « yratteuses ou étoffeuses. »
(Descript. des brev., 1829; 1" série; t. XXVIII, p. 104).
laineuse, « machine à lainer ou garnir les draps, dite
laineuse à double effet. » (Descript. des brev., 1824; l'^" série ;
t. XVIII, p. 173).
laveuse , machine employée dans les filatures (Descript.
des brev., 1845; 2« série; t. IV, p. 93).
moissonneuse : « mécanique, moissonneuse destinée à couper
le blé, etc. » (Descript. des brev., 1834; 1'* série; t. XXXV,
p. 315).
mitrailleuse, « nom récemment donné à une bouche à feu
dite aussi canon à balles, qui peut, à l'aide d'un mécanisme
spécial, lancer à une grande distance des balles avec une
grande rapidité. » (Littré, supplément).
ploqueuse (de laine) (Descript. des brev. ; 2" série ; t. LXVI,
p. 37).
promeneuse, sorte de bougeoir.
traineuse, « machine propre à accélérer et à perfectionner
le bobinage de la trame, etc. » (Descript. des brev., 1825 ;
r« série; t. XXIX, p. 318).
trieuse, machine pour filature (Descript. des brev., 1844;
2« série; t. II, p. 94).
verseuse, sorte de cafetière. — Etc., etc.
On voit, par cette liste qu'il serait facile de doubler, com-
bien est simple et commode cette formation de qualificatifs, et
quel heureux parti en sait tirer l'industrie.
5 4. Nom^ communs tirés de déterminatifs et de pronoms.
Les adjectifs numéraux, certains adjectifs démonstratifs,
possessifs, indéfinis, peuvent se prendre substantivement,
comme les qualificatifs : Le conseil des Cinq-Cent^; Ferragus,
le chef des Onze; le vote des douzièmes. Cette formation n'oiï're
rien de particulier.
^ 5. Nom^ communs tirés des verbes.
Le verbe fournit des noms, au présent de l'indicatif, à l'im-
pératif, à l'infinitif, au participe présent, au participe passé.
1. Présent de Vindicatif. — Les langues romanes connais-
4
— 50 —
sent un procédé curieux de formation qui a été étudié pour
la première fois par Diez% et qui depuis a été l'objet de re-
clierches approfondies de la part de divers savants, notam-
ment de M. Egger'^ Ce procédé consiste à tirer un substantif
du radical du verbe. M. Egger voit dans ce radical celui de
l'infinitif; Diez, avec plus de raison, celui du verbe aux per-
sonnes du singulier de l'indicatif présent.
Comment, en effet, expliquer autrement les formes telles
que maintien^ soutien, relief, qui supposent l'accent sur le ra-
dical du verbe et non sur la terminaison? Revient conserve la
forme de l'indicatif sans changement. L'espagnol pido vientj
non de l'infinitif /^erfer, mais du présent de l'indicatif /ii':/e^
Cette dérivation, comme l'a montré M. Egger, est toujours
vivante ; la force créatrice qui l'anime deptiis les origines de
la langue ne s'est pas épuisée :
balade, action de se balader, de se promener. Terme popu-
laire. « Un petit tour de balade l'après-midi. « (E. Zola, l'As-
sommoir, p. 78.)
boulange, mot nouveau blâmé par M. Viennet :
Que dire à l'ouvrier qui, pour son industrie,
Fait les mots de boulange et de droguisterie ?
(Epître à Boilcau.)
Il y a deux mots bouloAigc, l'un dialectal, qui désigne un
mélange de foin et de paille, préparé pour la nourriture des
bestiaux, et qui est masculin, « Faire du boulange » (Jaubert,
Glossaire du centre de la France). De ce mot est sorti le verbe
boulanger. L'autre est le substantif verbal féminin de bou-
langer, la boulange, l'action de pétrir la pâte. Ce dernier
est de formation récente.
1. Grammaire des lauf^ucs romanes, 1. 11, liv. III, S 1, i, 2; première édition (1838).
2. M. Maïtzner dans sa FranzusischeOrainhialik (Berlin, 18.")()); M. Egger, une
première fois en 1864 dans les Mt-moires de VAeadémii' desinscriplions el bcHcs-
leitres; M. A. lirachet, dans son Dictionnaim étijinologigue où il ajoute aux re-
clierches de ces savants ; M. Egger, une seconde fois, dans un mémoire fort étu-
dié et rempli de faits, qui a paru en 1874 dans la Revue des langues romanex
(Les substantifs verbaux formés par apocope de l'infinitif). Nous citons l'é-
lude de M. Egger, d'après le tirage à part (Montpellier et Paris, 1875).
3. ïontefois on y pourrait voir aussi bien le radical du singulier de l'imjjératif
DU du subjonctif, puisqu'il présente les mêmes conditions phonétiques que le sin-
gulier de l'indicaiif ])résent. Mais l'impératif a déjà sa formafion propre, comme
nous Je veiTons plus loin ; cpiant au subjonctif, il est diflicile de comprendre que
ce mode indirect puisse; logiquement douner naissance à un dérivé nominal.
Toutes les vraisemblances sont donc pour le présent de l'indicatif: en tout cas,
on ne peut d'aucune manière admettre l'inlinitif.
— 51 —
bous, s. m. pi. « Des bous de sucre, du sucre qui a bouilli,
DoRMOY, Revue contemporaine, 15 août 1870, p. 489. » (Litlré,
snp])lé)nent) . M. Littré ne s'explique pas sur l'ori^Mue de ce
mot (l'apparence si bizarre; c'est le radical de bouillir au pré-
sent de l'indicatif bouil-t^ bout, et l'origine de bouillon.
boxe, dérivé de boxer qui est l'anglais to box,
casse, bris accidentel d'objets fragiles. « Je ne réponds
pas de la casse. » « Tant pour la casse. «
cavalle, évasion, action de se cavaler ; terme populaire.
chauffe : « la surface de chauffe. »
cogne, la gendarmerie, la police; terme populaire. Le
gendarme est le cognard, celui qui saisit le voleur, et le
jette dans le coin, le cogne ou, comme on dit encore, le
rencogne. De là, un cogne, un gendarme, un agent de po-
lice : « Les cognes sont là. » (V. Hugo, les Misérables, III,
VII, 20).
colle: ce simulacre d'examen, examen préparatoire à un
examen véritable ; appelé ainsi parce qu'on cherche à coller
(embarrasser) l'étudiant. » (L. Larchey, Argot jmrisien].
débine, action de débiner quelqu'un, état de celui qui est
débiné : « Les moindres bisbilles, maintenant, finissaient par
des attrapages, où l'on se jetait la débine de la maison à la
la tête. » (E. Zola, l'Assommoir, p. 339). Terme populaire. —
Débiner est un mot d'origine dialectale ; il vient, ce semble,
des patois du Nord.
déblai, remblai, mots « sortis de nos ateliers de construc-
tion et du cabinet de nos ingénieurs. » (Egger, p. 82).
détourne : « le vol à la détourne. »
épate, action d'épater quelqu'un, de l'étonner. « Faire de
Vépate «; t«rme populaire.
flâne : « Les discussions et la flâne avaient apporté là
cette banalité qui erre dans les salles d'eslaminet. » (A. Dau-
det, J«c/c, 1, J^ 11).
gare, terme de clieinins de fer; l'expression « gm^ à'éyi-
tement » a conservé la signification première de ce mot.
gratte, « pièce grattée, retenue en cachette par la coutu-
rière sur les étoffes confiées par la pratique. » (L. Larchey,
Argot parisien). Par extension, tout i)ront fait par abus de
confiance. Terme populaire.
jappe, action de japper ; au figuré, action de bavarder,
c Tais ta jappe. » Terme populaire.
loue, action de louer, de prendre (vn location, « IjA loue
52 -"
(les serviteurs (G. Sand, Petite Fadelte). » Le mot est dialectal,
et peut-ôtre ancien.
mouille. M. Littré donne à ce mot les deux significations
suivantes : « 1° Terme rural, particulièrement du canton de
Genève. Source qui ne fait que suinter dans une prairie et qui
y produit une herbe précoce et excellente ; 2" endroit d'une
rivière où Teau a quelque profondeur. Dans les mouilles, il
[le tirant d'eau du fleuve) est souvent de 0 m. 80 c. (E. de
Granger, Voies navigables en France^ p. 317.)» Il faut y ajouter
un troisième sens : action de mouiller, en parlant de la pluie
qui détériore les marchandises laissées en magasin. C'est un
terme d'administration des chemins de fer, qui n'est pas une
extension des deux premières significations, mais un mot
nouveau, tiré directement de mouiller; excellent mot que
M. Viennet a tort de blâmer, quand il reproche au shérif d'af-
franchir « le transport des risques de la mouille. » [EpUre à
Boileau. )
pousse. La pousse est la police, comme la cogne est la gen-
darmerie. Ce terme populaire, il n'est pas inutile de le dire,
ne* vient pas d'une extension de sens du substantif verbal
pousse, action de pousser, de grandir, mais dérive de pousser,
verbe actif.
protêt, acte par lequel on proteste ; date de la fin du siècle
dernier.
réclame : « Le mot de réclame est si récent qu'on ne le
trouve point encore dans le Dictionnaire de l'Académie au sens
où nous le prenons aujourd'hui. C'est pourtant un mot fort
bien fait ; il signifie au propre cri répété. La réclame n'est pas
autre chose. La Révolution de 89, en donnant à tous les mé-
tiers et à tous les commerces la liberté du travail^ fit naître
la concurrence, et elle élargit en même temps le cercle du
public auquel on dut s'adresser. Il fallut crier pour se faire
entendre; crier fort et souvent ; crier partout et toujours. »
(Fr. Sarcey, Le mot et la chose. Réclame).
relaxe, action de cesser les poursuites contre un accusé
risonnier (Littré, supplément).
remblai, voir déblai.
repèche, action de repêcher (Littré, supplément).
report, déport, termes de bourse.
repousse: « repousse des cheveux. » {réclame d'un parfu-
meur, aux annonces des journaux) ; mot expressif et bien fait.
revient : « le prix de revient. »
— 53 —
Los substantifs verbaux qui procèdent' olTrent les mêmes ca-
ractères que les nombreux dérivés analogues qui existent dans
la langue. Ils ont pour la plupart une signification abstraite;
ils sont presque tous de la première conjugaison. Ce qui
leur est propre, c'est (juils appartiennent à la langue popu-
laire ou à la langue de l'industrie et du commerce. Ici l'on
saisit sur le fait l'action perturbatrice de la formation savante
qui restreint et étoulîe la formation française. M. Egger cite
le mot dénonce qui ligure dans un document révolutionnaire
du 22 germinal, an il de la République, et il exprime le regret
que ce mot « ne se soit pas accrédité de préférence à dénon-
ciation, mot plus long et plus lourd, qui ajuste le môme
sens. Ce fait n'est mallieureusement pas isolé. Diffamation a
fait disparaître diffame qui s'est dit jusqu'au commencement
du dix-septième siècle: « Diffame, infamie, obloquic, reproach,
discrédit, ignominie, dishonour, disgrâce, an ill report, an
cvill name, an imputation. » i^Cotgrave). — Consultation a chassé
consulte : « (II) passait au Mans pour faire une consulte au
médecin sur sa maladie. » (Scarron, Rom. comiqne, \ll). C'est
l'italien consulta : la sacra consnlta. — Prononciation a pris
la place de prononce :
(La langue) Que ce peuple ignorant, par mauvaise prononce
Des vulgaires plus bas, diversement énonce.
(V. de la Fresnaye, Art'poét., II.)
Restauration s'est substitué à roMor : « Restor, a recovery, or
remedy against a vouchee or any one by whom a man is dam-
nilied. » (Cotgrave).
loue disparaît devant location; purge cède la place kpur-
(jation; conserve a restreint sa signification devant conserva-
tion; viol devant violation.
C'est ainsi qu'un procédé de dérivation, qui avait donné à la
langue tant de mots élégants, nets, courts et simples % se ré-
1. Hausse, baisse, cités par M. Eggcr comine mois « crées pres(Hic de nos jours »,
existaient déjà au siècle dernier; conserve de même appartient à la vieille langue.
Parcours, donné parmi les substantifs verbaux de création récente, est un sub-
stantif participial : parcours est à parcourir ce ipie cours (cursus) est à
courir.
'î. Accord, accueil, adresse, affront, amas, amende, annonce, appel, approche,
appui, arrêt, aveu, blâme, cesse, charge, combat, concert, conte, couche, cri, dé-
cor, dégoût, demande, déni, dépouille, désir, destin, détour, dispute, ettbrl,
élan, emprunt, entrave, espoir, fatigue, foule, intrigue, juge, mépris, offre, par-
don, pli, pose, pousse, prêt, recel, recul, reflet, relais, rempart, réserve, séjour,
souci, soutien, trépas, etc., etc. Cf. E^ger, op. cit.. p. *21-29, où sont cités plus de
trois cents exemples.
— 54 —
duit devant les envahissements de la langue savante, et on
trouve pour dernier refuge que la langue du peuple ou la lan-
gue spéciale,
2. Impératif. — La formation des mots à l'aide de l'impé-
ratif ne donne guère que des mots composés : porte-monnaie^
serre-papier; nous l'étudierons plus loin^
3. Infinitif. — Dans la vieille langue, l'infinitif pouvait,
comme en grec, s'employer substantivement, en se faisant
précéder de l'article. Dans un texte bas-latin de l'an 584, on
lit : « qui cis donavit ipsum vivere vel regnare. » (Bréquigny,
81 d) ^; ipsum est l'article, ce qui prouve que vivere et regnare
sont pris substantivement. Dans les Serments de 842, savir et
fjodir^ sont des substantifs. Voici des exemples du onzième,
du douzième et du treizième siècle :
Dreit à Lalice revint li sons edrers {Saint- Alexis, 38 c).
Demain quant li rois Hugun (lire Hugues) serrât a son deignier.
{Charlem. à Jérus., .584.)
Li cuens Guillames se hasta de Ventrer. {Aliscans, 1645.)
Fintement parolent et lor coisier n'est pas simple.
{Dialogus anime conquerentis, V, 12.)
S'ore estes povres, ains demain Vavesprer. {Huon de Bordeaux, 1282.)
Lipanres ni Vocires de moi. (Floovant, 1059.)
Après le mangier amedui
Parlèrent ensemble et veillèrent.
{Chrestien de Troyes, Graal, dans Bartsch^, 145, 7.)
L'infinitif peut même s'employer au pluriel : les hoivres
(Marie de France, II, 91).
Cette construction se maintint jusqu'au seizième siècle, où
elle reprit avec une singulière recrudescence, sous l'in-
fluence de la construction latine que les écrivains essayaient
alors de transporter dans notre langue. « Le longtemps vivre
et le peu de temps vivre est rendu tout un par la mort. » (Mon-
taigne, I, 19). « L'estre mort ne les fasche plus; mais oui bien
le mourir. :» {Jd., II, 13). « Que diray-je de cest autre grand
1. Page 161.
2. Cf. Diez, Grammaire, 111, p. 199 de la traduction française.
3. In quant Deus savir et podir me dunat.
— 55 —
Monarque, qui desiroil plus le renaislre d'Homère, (jue le
gaing d'une grosse balaille? » (Du Bellay, Illustr., II, 5).
Mais, vers la fin du seizième siècle, cette construction tend
à disparaître. L'esprit d'analyse qui, dès les derniers temps
du moyen âge, transforme la syntaxe de notre langue, ne
pouvait laisser subsister une construction aussi synthétique,
qui confond dans une seule et môme expression la forme et
l'idée du verbe avec la forme et l'idée du nom. Dans blanchis-
sage, la notion nominale et la notion verbale sont réunies ;
mais la forme reste nominale : « action de blanchir « ; dans le
blanchir, à l'idée double s'ajoute encore une forme à la fois
verbale et nominale ; et c'est cette complication que repousse
aujourd'hui l'esprit analytique de la langue. Désormais la
construction de l'infinitif avec l'article qui le change en sub-
stantif n'est plus vivante.
C'est donc en vain que des écrivains, regrettant la conci-
sion pittoresque de cette construction archaïque, ont cherché
à la rajeunir. La Fontaine a créé le dormir ' ;
.... Le financier se plaignoit
Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir
Comme le manger et le boire. (Fables, VIII, 2.)
Fénelon a dit le sentir et le consentir : « Ce n'est pas le sentir,
mais le consentir qui nous rend coupables. » [Lettres spir.,
136). Voltaire, imitant le style marotique, a écrit :
Sous la raison les grâces étouffées
Livrent nos cœurs à l'insipidité.
Le raisonner tristement s'accrédite.
{Ce qui plaît aux dames).
Lamartine a dit : .
Et toute notre vie était un seul aimer. {Harmonies^ IV, 14.)
ou, s' inspirant de l'italien [al cader del sole) :
Ou plutôt que ne puis-jo, au doux tomber du jour.
{Méditations, I, 120.)
Récemment encore Mme Ackermann écrivait :
Si son œil éternel considère, impassible.
Le naître et le mourir.
{L Amour et la Mort)*.
1. Il l'a peul-ùtre pris à Rabelais : « De ma nature, je dors salé, et ic dormir
m'a valu autant de (</ue) jambon. » (Pantagruel, I, 22.)
2. Sous l'inlluence de l'allemand, la langue pliilosophique a créé le devenir,
l'être, le non-être.
— 56 —
Toutes ces hardiesses sont condamnées par la langue. Celle-
ci ne garde plus qu'un certain nombre d'infinitifs devenus
substantifs, derniers débris d'un âge où la langue jouissait
d'une liberté aujourd'hui disparue. Et ces infinitifs ont si bien
revêtu leur forme nouvelle de substantifs qu'ils peuvent pres-
que tous s'employer au pluriel, et que pour quelques-uns
c'est la critique scientifique seule qui permet d'y reconnaître
d'anciens infinitifs : un avoir, des baisers, le boire, des dé-
jeuners, des devoirs, des dîners, des dires, les êtres, des loisirs,
le manger, des manoirs, des pensers, des plaisirs, des pouvoirs,
des repentirs, des soupers, des souvenirs, des vivres'^.
4. Participe présent. — Le participe présent se transforme
aisément en adjectif, comme nous le verrons plus bas, et par
suite en substantif. Tantôt il prend directement la valeur du
substantif : exécutant^ les exécutants (dans un orchestre), une
exécutante; débutant, un débutant, une débutante; manifestant,
les manifestants. « On comprendra qu'avec ces idées je fasse
bon marché de la philosophie et des philosophants. » (J. Vallès,
la Rue, Proudhon). « La solennité méthodique qu'apportait à
ses moindres actions cet éternel pontifiant. » (Daudet, Jack, I,
§ 8). Tantôt il passe par l'adjectif : constituant, V Assemblée
constituante, les constituants. Cette formation n'ofTre rien de
particulier.
5. Participe passé. — On a appelé d'un nom barbare sub-
stantifs participiaux, les substantifs masculins ou féminins ti-
rés du participe passé : 2in fait, un reçu; une armée, la criée.
Cette formation n'est pas propre au français, elle se retrouve
dans les autres langues romanes, et elle remonte au latin po-
pulaire, qui transformait volontiers ses participes passés en
substantifs, généralement féminins ^
Il est arrivé souvent que la langue a reformé à plusieurs
reprises ses participes suivant les principes qui ont dirigé la
refonte de sa conjugaison ; et ces diverses formes ont laissé
1. Four sentir la différence de V'miinHU employé substantivement et de .l'infi-
nilif devenu substantif, que l'on compare l'italien il pcntirsi ou l'espagnol el de-
mayarsK avec le français le repentir.
1. Voy. bicz, Grammaire, t. II, p. 330etsuiv. de la traduction française ; Malz-
ner, Franzos. Grammalik, p. 268; A. hrnchel, Dictionnai7'e étymologique, aiumot
absoute ; Canello, Storia di alcuni participa nelV italiano e in altre lingue ro-
manze, dans la liivisla di filologia rowianza, I, 9-20.
— 57 —
des traces de leur existence dans les substantifs qui en ont
été tirés.
Teiidere, à l'époque classique, faisait au participe, dans le
latin littéraire, tensiis, dans le latin populaire testis, d'où le
substantif tem qui est resté en français dans toise. A l'époque
romane, tesus semblait trop s'éloigner du radical de tendere,
et le participe fut refait sur le modèle de venditus, de vendere.
De là tendilus qui donna un substantif lendiln conservé dans
tente., comme vendita est conservé dans vente. Plus tard le
participe tent, tente^ fut encore modifié d'après l'analogie des
participes en u : il devint tendu, et sous cette forme il a donné
un troisième substantif : une tendue.
C'est ainsi encore que fendere donne, par fissus fîssa, le fé-
minin fesse, par fendilus fendita,\e îémin'in fente, pour aboutir
à fendu; que ponere donne successivement posita= poste (au
onzième siècle, au sens de ponte); pont ponte conservé dans
« une ponte d'œufs »; et enfin pondu; etc. Chacun de ces mots
toise, tente, tendue; fesse, fente, fendu ;2Joste, ponte, pondu, etc.,
nous reportant à des âges divers de l'histoire de la langue,
sont autant de monuments des formations successives qui se
sont superposées depuis les origines jusqu'à nos jours.
La dérivation par le participe esc toujours féconde. De-
puis la Révolution, la langue a reçu de nombreux substan-
tifs participiaux. Nous ne nous arrêterons pas aux parti-
cipes qui, devenus substantifs, désignent des personnes : les
émigrés, les insurgés, les fédérés (de 1790 et de 1871), les appelés
sous les drapeaux [Loi sur le recrutement de 1831), les diplômés,
les médaillés de Sainte-Hélène; V adjoint au maire; le tiré (celui
à qui une lettre de change est adressée), etc., etc. Le participe
devient un adjectif pris substantivement, par l'ellipse normale
de ^eH6', /iommes. C'est ainsi que Balzac a dit : ^^ On asseyait le
gratifié dans un fauteuil en lui disant, pendant un certain
temps: Devine ce que nous t'allons donner. » [Les Employés,
éd. de 1856, p. 212).
Dans les mots suivants, qui désignent des choses, on se
trouve en présence de vrais neutres :
Un aggloméré, sorte de charbon fait de poussier de char-
bon agglutiné avec du bitume.
Un communiqué du ministère.
Un cliché; s'emploie au ligure, pour désigner une phrase
banale, qu'on lit partout.
— 58 —
Le dégourdiy terme de céramique.
Le 'parcours d'une ligne ferrée; voir plus haut^ p. 53,
n. 1.
Le pointé d'un instrument trigonométrique (Blerzy, Revue
des Deux Mondes, V avril 1864, p. 631 ; cité par Scholle, Ar-
chives de HerrÎQy t. XXXIX, p. 434).
Le tracé d'une voie ferrée.
Voici enfin des féminins tout à fait analogues aux vieux mots
que nous avons cités plus haut : toise, tente, tendue, ponte, ou
aux suivants : course, criée, jjointe, source, vente, rente, dette,
emplette.
champlevée , action de creuser, dans des émaux, les inter-
valles qui doivent être remplis de matière vitrifiable.
donnée; la donnée d'un problème.
flambée, feu qui flambe et s'éteint aussi vite (Eug. Sue,
dans Scholle, Programme, p. 15).
grondée: «Si elle savait que j'ai logé un homme, c'est
moi qui aurais une fière grondée. « (Ed. About, VAssassinj
se. 2).
rayée: « Elle avait aperçu une rayée de poussière oubliée
par le plumeau sur un de mes cartons. » (Emile Souvestre,
Souvenirs, II).
retombée : « Ce sont ces jets de vagues, ces luttes, ces re-
tombées épouvantables dont les marins parlent. » (Michelet,
La Mer, 2* édit., p. 63). Retombée existe déjà dans des signi-
fications tout à fait spéciales et éloignées; l'emploi propre
qu'en fait ici Michelet montre bien que ce n'est pas une ex-
tension du terme d'architecture ou d'imprimerie, mais une
dérivation directe du verbe retomber.
Si la langue commune ne fournit aujourd'hui qu'un petit
nombre de mots, la langue populaire est d'une richesse incon-
testable : une brossée, une ciiitc, une dégelée, une floppée\ une
peignée, une raclée, une rincée, une rossée, une roulée, une
saucée, une tapée^, une trempée, une tripotée, etc. Voilà donc
1. Telle est l'orthographe de liai bert d'Angers (Nouveau diclionnaire complet
(Tarijot. 1840, Le Hailly) et de I.orédan Larchey [Diclionnaire de V argot pari-
sien, 1872). M. Zola, dans YAasommoir, écrit flopce. Les gens du peuple. îY Pa-
ris, prononcent flaupée ou flopée, aux deux sens de volée de coups cl foule de
monde.
2. Signifie : grande quantité d'objets: «Regarde-moi cette caisse [de livres),
petit. Il y en a une vraie tapée, hein?» (Daudet, Jack, I, § 11.)
— 59 —
encore un procédé (te l'ormation disparuissanl à peu près de
la langue commune pour ne plus trouver place que dans la
langue populaire.
5 6. Nomn communs tirés de mots ùivariables.
Le nombre de substantils tirés de mots invariables est na-
turellement restreint; la plupart des mots qu'on en pouvait
tirer, l'ont été depuis longtemps : les si, les car, pour un oui,
pour un non, le poiirrjuo}, le comment, les hi! les hn! mettre le
kola! etc., etc. Voici quelques exemples nouveaux :
Qu'ai-je à faire vraiment de votre là-haut morno,
Moi qui ne suis qu'élan, que tendresse et transports?
(Mme Ackermann, Poc'stes philosophiques, Paroles d'un amant.)
« 11 y a de l'au-delà dans Molière. » ( P. Albert, La Littérature
française au dix-septième siècle, 1873, p. 259). « De loin en loin
l'homme entrevoit cet au-delà et se relève du fond de son
cloaque. » (Taine, Littérature anglaise. II, v, §3), La vénéra-
tion, la préoccupation de l'obscur au-delà. » {Id.,ibid,y §4).
CHAPITRE IL
ADJECTIFS.
g 1. Adjectifs tirés de substantifs.
Les langues romanes, écrivait Fuchs en 1846 *, doivent une
partie de leur richesse et de leur grâce à l'avantage qu'elles
possèdent d'employer directement comme adjectifs nombre de
substantifs, notamment les mots en tor; cette faculté, quoique
plus restreinte, n'était pas inconnue en latin; l'allemand
l'ignore. Kolbe a raison d'y voir une supériorité pour les lan-
gues romanes. « On a déjà remarqué, dit-il, qu'en français
« un substantif peut devenir adjectif: un homme rêveur, une
« divinité vengeresse; un animal imitateur. En latin aussi
1. August Fuchs, Die romanische Sprachcn in ihrem Verhaltniss mit dem
Latein, 1846, § 59.
— GO —
« cette forme avait double emploi : liberalor animus , vie-
« irices laurL Un grand nombre de mots planent ainsi entre
« l'adjectif et le substantif. Cette liberté d'employer dans deux
^t sens différents un seul et même mot doit être regardée
« comme un avantage important; elle est malheureusement
« étrangère à l'allemand*. »
Cette remarquable propriété des langues romanes, qui a
frappé depuis longtemps les philologues allemands, a échappé
à peu près complètement à l'attention de nos grammairiens.
Aussi laissent- ils sans explication nombre de tournures, d'ex-
pressions, de faits^ d'apparence étrange, dont elle rend aisé-
naent compte. Que l'adjectif devienne substantif, cela est tout
naturel; et l'on sait que tout substantif est un ancien adjectif
qui, ayant d'abord désigné un objet par une de ses qua-
lités, a fini par le désigner tout entier; mais qu'un substantif
se transforme absolument en adjectif, sans laisser aucune
trace de sa fonction primitive, il y a là un renversement de
l'ordre naturel qui méritait d'éveiller l'attention. Comment
ont-ils pu prendre leur fonction présente, tous ces adjectifs
qui, désignant des couleurs, ont commencé par exprimer des
objets : écarlale, cramoisi, pourpre, violet, etc. ? Comment a-t-on
pu faire un adjectif du mot vermeil, qui signifie à l'origine
ic un petit ver, » {ver mien lus)? Cette transformation devient
chose toute naturelle dès qu'on a reconnu la propriété que
possède le substantif de devenir, par r«/>jjos«//on, _qualificalif
d'un autre substantif. On dit : « un ruban lilas, un ruban
rose; » lilas, rose élantdcs substantifs qui quaVxiïcni momenta-
nément le substantif ruban; puis, suivant l'emploi plus ou
moins fréquent de cette construction, le substantif apposé
passe complètement à l'adjectif, ou reste à mi-chemin sur la
voie de la transformation ; rose devient adjectif; lilas, non"''.
C'est en suivant la même voie que canaille, cochon, drôle,
espiègle, fainéant, ladre, etc., sont devenus adjectifs.
La langue contemporaine use et abuse de cet emploi du
substantif.
« Le réformateur ne s'arrêtera que lorsque la France sera
assez caserne pour que les généraux disent : A la bonne heure,
1. K. W. Kolbc, Ue.ber dem Wovlreiclilhum dcr deulschcn und franzosischen
Sprac/ie, und beidrr Anlage zur Poésie, 2* Aiispabe, Berlin, 1818-1820; 3 vol. ;
t. I, p. 277.
2. Cf. Diez, Grammaire, t. II, p. 2Go de la traduclion française; A. Darmeste-
tcr, Traité de la formation des mots composés, p. 122 et suiv.
— 61 —
et assez séminaire pour que les évoques disent : C'est assez. »
(V. Hugo, Napoléon le Petit, II, 10). «Florine l'avait guéri du
genre Régence. » (Balzac, Maison de Nucingen, 1856, p. 52). «Je
serai si fatal et si vague, j'aurai l'air si ange déchn^ si volcan,
si échevclé qu'il n'y aura pas moyen de se rendre.... »(ïh. Gan-
tier, les Jeune France, préface; 1839, p. 30). « Il lui apprit à
faire du rêveur, de l'intime, de Vartiste, du dantesque, du
fatal, et tout cela dans la même matinée. » (Ibid., 147). « Mon
très-cher, lui dit-il, c'est plus que faux toupet, c'est empire,
c'est perruque, c'est rococo, c'est Pompadour ' ; il faut être
momie ou fossile, membre de l'Institut ou fouilles de Pompéi
pour trouver du plaisir à de pareilles billevesées.» (Ibid., 135).»
« Finot restera classique, constitutionnel et /îcitm^wô. » (Balzac,
Maison de Nucinyen, p. 53). «Une chanteuse genre Tliérésa. »
(Veuillot, Odeurs de Paris, III, 5). « Ne prenez donc pas cet air
sainte nitouche. » (Gondinet, Gavaud, Minard et C'., I, 3).
« Mitral, homme à perruque sinistre, à visage de la couleur
de la Seine, et où brillaient deux yeux tabac d'Espagne, froid
comme une corde à puits, et sentant la souris, gardait le
secret de sa fortune. «(Balzac, les Employés, 1856, in-18,
p. 211).
des derniers exemples nous montrent l'apposition en voie
de formation ; les expressions sont déjà des demi-composés ;
de là un procédé de composition que nous étudierons plus
loin 2.
La langue populaire contemporaine a réduit certains sub-
stantifs à l'état de véritables adjectifs :
1. Voici une page de Th. Gautier, précieuse pour l'histoire de la langue vers
l'an 1830, aux beaux jours de l'école romantique. « Il lui révéla le sens intime de
l'argot en usage cette semaine-là; il lui dit ce que c'était que ficelle, chic, galbe
art, artiste et artistique; il lui apprit ce que voulait dire cartonné, égayé, damné
il lui ouvrit un vaste répertoire de formules admiratives et réprobatives. phos-
phorescent, transcendantal, pyramidal, stupidiliant, foudroyant, annihilant, e
mille autres qu'il serait fastidieux de rapporter ici ; il lui lit voir l'échelle ascen-
dante et descendante de l'esprit humain, comment à vingt ans l'on était jeune
France, Beau jeune mélancolique jusqu'à vingt-cinq ans, et Childe Harold de vingt-
cinq à vingt-liuit, pourvu que l'on eût été à Saint-Denis et à Saint-Cloud; com-
ment ensuite l'on ne comptait plus et que l'on arrivait i)ar lafilièred'épithètesqui
suivent : ci-devant, faux toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque, mâchoire,
ganache, au dernier degré de la décrépitude, à l'épi théte la plus infamante, aca-
démicien ou membre de l'Institut, ce qui ne manquait pas d'arriver à l'âge de
quarante ans environ. » (Les Jeune France, Daniel Juvard, 1832.) Voir également
une lettre d'Alexandre Duval à V. Hugo, De. la littérature dramatique. Paris,
1833.
2. Chap. X, .sect. i, p. 147 et suiv.
— 62 —
bœuf : « monstrueux, énorme comme un bœuf. » {L. Lar-
chey, Argot parisien).
camelotte: « Mon ami, quel mariage cawe^^^e j'allais faire. »
(Cogniard frères et Bourdois, Le monde camelotLe, III, 16).
crâne : hardi, fort, beau : « Il portait son joli costume
d'un air si fendant et si crâne. » (A. Daudet, Jack, II, g 5).
monstre, monstrueux : « un dîner monstre, w
panade : sans consistance, sans force. « Notre gouver-
nement panade. » (Ricard, dans L. Larchey).
popote : « Ce qui prouvait combien ça devenait popote et
bonhomme, c'était qu'elle ne détestait pas plus Coupeau que
Lantier. » (E. Zola, V Assommoir, p. 369.)
pot-au-feu : casanier, retiré. « Ce n'est pas cet imbécile
qui m'aurait éclairée... il est d'ailleurs bien trop pot-au-feu. ^^
{Balzac, dans Larchey).
§ 2. Adjectifs tirés de participes.
De tout adjectif on peut tirer un autx'e adjectif par transfor-
mation de sens ; nous n'avons pas à nous occuper de ce pro-
cédé qui rentre dans l'étude de la signification des mots. Les
déterminatifs et les pronoms ne peuvent fournir d'adjectifs.
Le verbe n'en forme qu'au participe présent et au participe
passé; ces deux temps sont une source abondante d'adjectifs.
1. Participe passé. — Par suite de la disparition du passif
latin en roman, les deux formes du présent et du parfait,
laudor, laudatus sum, sont venues se fondre dans une forme
unique : je suis loué. Or, les verbes transitifs, susceptibles de
prendre la conjugaison passive en latin, se rangent dans deux
classes, suivant qu'ils expriment, soit une action momen-
tanée ou de courte durée, soit une action prolongée, et qui
peut se poursuivre plus ou moins longtemps, sans que la
pensée se porte sur l'idée de l'achèvement : à la première
classe appartiennent, par exemple, cœc/o, vinco, ferio, etc. ; à
la seconde, anio, video, audio, etc. Le passif français, je suis
a4/mé, traduira aussi bien amor que amalus sum, parce qu'il
exprime aussi bien l'idée de l'amour qui commence que de
l'amour qui se poursuit. Mais je suis frappé, ne rendra que
cœsus sum ; et ciador ne pourra se traduire que par ou me
frappe. Ainsi, tandis que les passifs des verbes de la première
- 6i .-
classe expriment une action qui se continue, ceux de la
seconde classe expriment l'action qui vient d'avoir lieu, et
l'état qui résulte de cette action. Je suis frappé, veut dire : je
xuis dans l'état d\in homme qui vient d'être frappé. Que main-
tenant l'on fasse abstraction de l'idée d'action, pour ne plus
considérer que l'état, le participe deviendra un véritable
adjectif. De là cette propriété des participes passés des verbes
de la seconde classe de se transformer en adjectifs, quand ils
n'expriment plus l'action. Dans cette proposition, « la potion
est composée par le médecin, « composée est participe; dans
« l'homme est composé de corps et d'dme, » composé est adjec-
tif. Dans ce le temple fut or-né ce matin de fleurs ; » orné est
participe; dans : « du temple, or?ié partout de festons magni-
fiques, » il est adjectif.
Il résulte de cette analyse * que c'est une propriété perma-
nente de certains participes passés d'être employés adjective-
ment. Cette propriété tient à une cause historique et à une
cause logique. La cause historique est la suppression du
passif dans les langues romanes; la cause logique est le fait
que les verbes se classent d'après leur sens, dans l'une ou
l'autre des deux catégories que nous avons indiquées. Par
suite, nous n'avons pas à parler de participes qui seraient
adjectifs dans la langue actuelle : tous les participes passés
de verbes exprimant une action de courte durée peuvent être
pris en qualité d'adjectifs, à tout moment de l'histoire de la
langue.
2. Participe présent. — A l'origine, et dans la vieille langue,
le participe présent était variable. Il pouvait exprimer l'ac-
tion : « Ils mcttoyent eu avant aucunes lettres interceptées,
venantes de ftome et d'Espagne. » (La Noue, Discours, xxvi, 2);
ou l'état : « personne charmante » ; dans ce dernier emploi les
grammairiens modernes lui donnent le nom d'adjectif verbal.
Mais, à côté du participe i>i"ésent, existait le gérondif en ant =
ando [endo] qui exprimait toujours l'action, et qui, en vertu
de son origine, était invariable. Peu à peu le gérondif se sub-
stitua au participe présent, dans le cas où ce temps exprimait
l'action, si bien que vers la lin du dix-septième siècle le par-
ticipe actif devint décidément invariable. Le 3 juin 1679, par
1. Cf. Diez, Grammaire, t. TTl, p. 186 de la traduction française.
— 64 —
«
décret de l'Académie française, la règle est failc^ qu'on ne dé-
clinera plus les -participes actifs'^.
Certes, il est bizarre de voir des grammairiens trancher en
souverains des questions de la langue ; celte décision pour-
tant était moins arbitraire qu'elle ne le semble d'abord. L'Aca-
démie ne fit ici que réduire en règle une tendance qui poussait
la langue à distinguer le participe exprimant l'action, c'est-
à-dire faisant fonction du verbe, du participe exprimant l'é-
tat, c'est-à-dire faisant fonction d'adjectif. Cette distinction,
on la voit naître dès la fin du moyen âge, et s'affirmer de plus
en plus nettement jusqu'au dix-septième siècle'; elle était
inspirée par cet esprit d'analyse dont nous avons déjà re-
connu plusieurs fois l'action et qui a transformé la syntaxe
du français.
Mais si l'adjectif verbal a seul maintenant le privilège des
variations flcxionnelles, il ne faut pas croire, comme l'admet-
tent trop facilement les grammairiens, qu'il n'y a d'adjectifs
verbaux que ceux que consacre l'usage, c'est-à-dire ceux qui
sont devenus de véritables adjectifs : « une lumière écla-
tante » ; « une femme charmante » ; « des personnes obli-
geantes ». Tout participe présent, du moment qu'on l'emploie
absolument, sans l'accompagner d'un complément qui mette
en lumière sa fonction de verbe, peut exprimer un état, et par
suite devenir adjectif. La langue populaire transforme le par-
ticipe présent en adjectif avec une singulière facilité', et la
langue technique lui emprunte cette faculté, non sans raison.
La langue littéraire en use volontiers, surtout chez les écri-
vains romantiques. Le caractère propre du romantisme n'est-il
pas, pour Dupuis et Cotonnet, l'emploi excessif de l'adjec-
tif?
Voici une liste — fort incomplète — de participes présents
employés comme adjectifs et dont l'Académie n'a pas encore
sanctionné l'usage dans ce sens.
1. opuscules sur la langue franeotse, par divers académiciens, Paris. 1754
in-12, p. 343.
2. C'est ainsi que le participe présent, au seizième siècle, s'accorde souvent en
nombre, mais non en genre, la variation du nombre n'étant pas indiquée par la
prononciation : « Femmes venans à être veuves. » (Montaigne, III, 5.) « Passions
servans seulement à....» (Id.. ibid., 1.)
3. Elle use d'ailleurs fort rarement du participe présent, c'est-à-dire de la forme
en ant accompagnée d'un complément : elle n'emploie guère, quand elle veut ex-
primer l'action verbale du participe présent, que le gérondif en ant précédé de la
préposition en.
4. A. de Musset, Lettres de Dupuis et Cotonnet,
— 65 —
ahracadabranl : « Le flûtiste Gérold doit exécuter les va-
riations les plus abracadabrantes. » [Figaro^ 1867, dans L. Lar-
chey). « C'est écrasant, renversant, horripilant, abracada-
brant, de plus fort en plus fort. » {Ahnanach du Hanneton,
1867, ibid.) — Cet adjectif, plus que familier, est tiré de abra-
cadabra, sans que le verbe abracadabrer existe* .
acidulant: « Des substances acidulantes. » (Littré).
activant : « L'engrais possède des qualités activantes qui . . . »
(Littré).
administrant : « Dans le ministère de Tinstruction pu-
blique il y a la partie enseignante et la partie administrante. »
(Littré).
affadissant: « Une saveur affadissante. Des louanges affa-
dissantes. » (Littré).
agglutinant : a Les langues agglutinantes. »
aiguillonnant : « Des passions aiguillonnantes. » (Littré).
alléchant: «Le plaisir alléchant d'un bon dîner. » (Littré).
arrangeant : « C'est un homme arrangeant. Une mar-
chande arrangeante. » (Littré).
asphyxiant : « Odeur asphyxiante. » (Littré).
aveuglant :
Ce milieu
De rayons aveuglants, d'êphêinèro verdure.
(Phil. Boyer, .1 une patricienne, I.)
« Misérable passion aveuglante et despotique, dont il sent le
poids et la honte et dont pourtant il ne pouvait ni ne voulait
se délivrer. » (Taine, Littér. angl., II, iv, § 1).
bouleversant: « cette nouvelle est bouleversante. «(Littré).
canulant, synonyme très-populaire d'ennuyeux.
ca If entrant : u Plinthes calfeutrantes, y (Bottin, A)uiuaire
du Commerce, 1875, p. 1322).
capitulant : « Les cantons capitulants de la Suisse. »
captivant ; « Sans doute Andréina était bien captivante et
bien belle. ^) (J. Claretie, Le beau Solignac, 1876, t. I, p. 309).
chiffonnant : « Voilà qui est chiffonnant»; synonyme po-
pulaire de ennuyeux.
clapotant: « Une mer clapotante. » (Littré).
coassant: « Le peuple coassant des grenouilles. »
compromettant : « Homme compromettant, tenut; conipro-
1. (If. j)liis l);\s. |). 71.
— 66 —
mcUantc. y> (Liltré); adjectif proposé comme néologisme par
Richard, en 1845.
contrastant: « Figures contrastantes. >•> (Litlré).
croassant : «Le peuple croassant^ les grenouilles.» (Littré).
décomposant: « Les forces décomposantes.» (Littré).
dégradant: « Une conduite dégradante. » (Littré).
délassant: « C'est un exercice délassant. » (Littré).
démoralisant: «Des influences démoralisantes. •>^ (Littré).
dépilant: « Poudre dépilante. » (Littré).
dépravant : <■ La civilisation des siècles précédents était
fausse et dépravante. » (Littré).
désopilant : « Une nouvelle désopilante. » (Littré).
désoxydant : « Une action désoxydante. » (Littré).
détonant : « Mélanges détonants. »
développant : « Courbe développante. »
ébahissant: « C'est un spectacle ébahissant. »
ébouriffant : « Néologisme du langage comique. Qui
ébourilTe, qui surprend extrêmement. Succès ébouriffant.
Expression ébouriffante. » (Littré). « Il était, pour parler son
beau langage, ébouriffant, rutilant, fulgurant, et même trucu-
lent. » (Gh. de Bernard, Les ailes d'Icare, I, xii).
écœurant: « Une odeur écœurante; un spectacle écœu-
rant. »
écrasant: « Il est d'une force écrasante. »
effarouchant : « Une brusquerie effarouchante. »
électrisant : « Une éloquence électrisante. »
émouvant : « Une scène émouvante. » (Littré).
empoignant : « Une réalité empoignante. » {Journal offi-
cielj 24 juin 1872, p. 4259, 2'^ col. ; Littré, Supplément).
énervant: « Les sons d'une musique énervante et câline. »
fCh. Baudelaire, Les F/ewrs du mal, 2« édit., p. 131).
engainant: « Feuille engainante, coquille engainante.-»
(Littré).
engourdissant, voir paralysant.
enseignant : « Vous apprécierez les motifs qui m'ont in-
duit à refuser coup sur coup deux professions honorées pour
m'enrôler dans la bohème enseignante. » (Ed. About, Vlnfâme^
III). Cf. administrant.
envahissant: « L'armée envahissante; une ambition enva-
hissante. »
enveloppant: « La ligne enveloppante et la ligne enve-
loppée. »
— 67 —
épatant : « Une nouvelle épatante. »; très-populaire.
graciant : « Vous allez ajouter d'une main candide sur la
liste graciante les noms des ministres de Charles X. » (A. de
Musset, 3* lettre de Dupuis et Cotonnet).
grandissant :'<■ Une puissance grandissante. » (Littré). Pro-
posé comme néologisme par Richard, en 1845.
grelottant : « Elle est toute grelottante de froid. » (Littré).
Là frissonnent, plus bas que les égoutsdes rues,
Familles de la vie et du jour disparues,
Des groupes grelottants !
(V. Hugo, Châtiments, III, ix, 2.)
grossissant : « verres grossissants. »
horripilant, voir abracadabrant.
palpitant n'est un néologisme qu'au sens figuré : ouvrage
d'un intérêt palpitant. Au propre, il est ancien. « Dans son cœur
palpitant (d'Iphigénie) consultera les dieux. » (Racine, Iphig.,
IV, 4).
papillonnant: «Des femmes dont les coiffes étoffées, papil-
lonnantes, avaient la blancheur et le scintillement du sel. »
(Daudet, Jack, II, S !)•
paralysant: « H lui lance (le poulpe à son adversaire),
avant tout combat, ses eî^uwes paralysantes, engourdissantes,
un magnétisme qui dispense du combat. » (Michelet, la Mer,
20 édit., p. 202).
protégeant: « Elle avait eu jusqu'alors pour son mari une
affection tranquille et protégeante. » (Daudet, Jack, II, § 2).
renversant, voir abracadabrant.
rougissant : « Des nuages rougissants au lever du soleil. »
(Littré).
sommeillant : « La littérature portait dans son sein une
bâtardise encore sommeillante. » (A. de Musset, V lettre de
Dupuis et Cotonnet).
souillant : « Voltaire, le polémiste le plus diffamant, le
plus souillant, le plus emporté qui fut jamais. » (Veuillot,
Odeurs de Paris, I, 7).
surplombant: « Aux dunes de Scheveningen on voit ses
eaux (du Zuiderzée) surplombantes, toujours prêtes à franchir
la digue. » (Michelet, la Mer, 2" édit., p. 24).
torturant: « Les remords torturants. » (Littré). «Cette tor-
turante envie de pleurer qui n'ôte point l'envie de bâiller. >
(Veuillot, Odeurs de Paris, IV, 6).
— 68 —
troublant : « Cette image troublante. Astre troublant. »
(Littré).
végétant : « C'était bien cela, une race végétante, embryon-
naire, inachevée. » (Daudet, Jack, I, $2).
vexant : « Voilà qui est vexant. », populaire.
Si le participe présent se change si facilement en adjectif,
on comprend aussi bien qu'il passe à l'état de substantif.
Nous en avons vu plus haut des exemples.
CHAPITRE III.
PRONOMS, VERBES, MOTS INVARIABLES.
Les déterminatifs et les pronoms sont en nombre limité. Les
verbes nouveaux ne se forment que par dérivation; on les
étudiera plus loin. Les adverbes se tirent d'adjectifs, à l'aide
de la particule ment; ils seront également étudiés plus loin.
Pour les adjectifs employés adverbialement, la langue con-
temporaine se contente des expressions anciennes : chanter
faux, bas, haut; filer doux; voir clair; frapper /'or/; boire
sec; etc. Les prépositions simples ne présentent pas de néolo-
gismes : concernant est déjà ancien. Quant aux interjections,
il faut signaler un mot populaire, d'origine récente, d'étymo-
logie inconnue : zut!
DEUXIÈME SECTION.
DÉRIVATION PROPRE.
L'auteur de la grammaire comparée des langues romanes a
mis en pleine lumière l'incomparable richesse de dérivation
que possèdent les idiomes issus du latin. C'est là une faculté
qui leur donne leur physionomie propre en regard du latin et
des langues germaniques. La liste des différents suffixes
étudiés par Diez, telle qu'elle est donnée à la fin de la gram-
— 69 —
maire', s'élève pourl espagnol au nombre de cent soixante-trois,
pour l'italien à celui de cent cinquante-huit. Le français est
moins bien partagé et ne compte que cent quatorze suffixes,
nombre fort respectable encore, ce nous semble ^
Des nombreux suffixes qui ont servi ou servent encore à
former les mots français, les uns sont propres à la langue
populaire, les autres à la langue savante; les uns vivaient
aux premiers temps de la langue ou durant le moyen âge, et,
épuisant graduellement leur fécondité, sont morts aujour-
d'hui ; d'autres sont nés à une époque relativement moderne
et sont aujourd'hui en pleine vigueur, Quelques-uns ont vu se
réduire ou s'étendre leur domaine; un certain nombre,
nés avec le français, ont traversé quinze siècles d'existence
sans rien perdre de leur activité ni de leur énergie créatrice.
Les suffixes de dérivation se divisent en suffixes nominaux
et verbaux, selon qu'ils forment, soit des noms ou des adjec-
tifs, soit des verbes. Avant de commencer l'étude des suf-
fixes de la langue populaire qui, aujourd'hui, servit à créer
des noms, des adjectifs, des verbes nouveaux, quelques obser-
vations générales sont indispensables.
CHAPITRE IV.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA DÉRIVATION.
La dérivation des divers suffixes que nous allons étudier
présente des caractères généraux et des traits communs qu'il
importe de mettre en lumière.
1. Les noms concrets éveillent dans la pensée l'image des
objets qu'ils désignent: fleur, table, cheval, maison; les suf-
fixes rappellent à l'esprit une notion générale abstraite. £"886
dans sagesse^ richesse, rudesse, représente l'idée abstraite de
qualité; oir dans fermoir, grattoir, polissoir, celle d'instru-
ment d'action ; ier dans pommier, prunier, cerisier, celle de
1. A la fin du tome II de la troisième édition allemande.
2. Ces listes, il est vrai, présentent quelques doubles et même quelques triples
emplois : les suffixes français oi, oie, aie, par exemple, ne sont que des formes
différentes d'un môme suffixe êlum êla. Les cent quatorze suffixes donnés par
Diez se réduisent à environ quatre-vingt-dix.
— 70 —
producteur. Le suffixe s'ajoute donc au radical (nom, adjectif,
verbe) pour en modifier l'idée par l'idée secondaire qui lui est
propre.
Pour qu'un suffixe soit vivant, il faut et il suffit que l'idée
abstraite générale soit présente à l'esprit, qu'elle se détache
nettement de l'image éveillée par le radical; autrement dit,
que le dérivé présente une double idée.
Cette condition est nécessaire; car si la notion du suffixe
et celle du radical s'évanouissent toutes deux devant l'unité
d'image que présente le dérivé, celui-ci cesse d'être dérivé ;
il devient mot simple. Agneau, taureau, soleil, menton^ sont
aujourd'hui des mots simples, parce qu'on n'y reconnaît plus
la présence des radicaux agnius), taur[us), sol, ment[urn), ni
par suite la présence des suffixes. Bien plus, des mots où le
radical est reconnaissable peuvent devenir simples, quand le
suffixe ne s'en détache plus avec netteté : épouvantail, plumail,
gouvernail, soupirail, vitrail. Qu'ajoute ail ^épouvante, plume,
gouvern-e§, soupir-er, vitre? On ne le voit plus bien. Dès lors
on perd aussi de vue la signification des radicaux, et l'esprit
substitue à la double idée qu'otïrait le radical enrichi du suf-
fixe l'idée une ou l'image une du dérivé devenu simple *.
Cette condition est suffisante; car, [ pour être vivant, le
suffixe n'a pas besoin de produire des mots nouveaux. Son
énergie reste latente et ne paraît au dehors que quand une
circonstance extérieure, le hasard d'une nouvelle idée, d'un
nouvel objet à exprimer, lui en ofïre l'occasioij^Dans herbette,
fillette, garçonnet, le radical garde sa valeur propre et éveille
dans l'esprit l'image de l'herbe, d'une fille, d'un garçon ; le
suffixe y ajoute l'idée générale de quelque chose de petit, de
jeune, idée qui vient s'ajouter à la première image et la
modifier. Il ne faut rien de plus; le suffixe et, ette, est bien
vivant dans la langue. S'il n'agit pas, il peut agir, et il don-
nera de nouveaux dérivés lorsque le besoin s'en fera sentir.
2. Un certain nombre de dérivés supposent des radicaux do
même nature. Les dérivés en oir, en eur, en âge, par exemple,
supposeni des radicaux verbaux, et non adjectifs: grattoir,
fermoir, brunissoir, polissoir, etc., de gratt-er, de ferm-er, de
brunir (par bruniss-ant), de polir [par poliss-ant); marcheur^
1. L'esprit suit la même marche dans la réduction des mots composés à des
mots simples Voir A. Darmesteter. Traité de la formation des mots composés en
français, p. 12, et cf. plus bas, p. 124.
— 71 —
menteur, joueurj chercheur, de march-er^ ment-ir, jou-er,
che)^clir-er ; lavage, coulage, lessivage, brossage, de lav-er,
coul-er, lessiv-er, bross-er. Les dérivés en esse supposent des
adjectifs : tendr-esse, rud-esse, sag-esse, fin-esse.
Toutefois il arrive qu'un dérivé soit créé sans que le radical
qu'exigerait la loi de l'analogie du suffixe existe ou ait jamais
existé. Le suffixe âge suppose un verbe; cependant on a fait
factage sans le verbe facter, charronnage, sans charron-
ner. Les adjectifs verbaux en ant supposent également des
verbes: charmant, qui charme; obligeant, qui oblige; cepen-
dant croustillant vient directement de croustille; abracada-
brant de abracadabra. Aimable vient d'aimer, louable de louer ^
blâmable de blâmer; mais charitable? mais équitable? On
a créé récemment joos^ic/iewr, fa.hnca.nt de postiches, chinoiseur,
fabricant, marchand de chinoiseries ; où sont les verbes posti-
cher, chinoiser, qu'ils supposent?
Ces anomalies diverses s'expliquent aisément. A l'origine,
les dérivés en âge, en ant, en eur, en able, appelaient néces-
sairement un verbe, qui servît à leur formation. Mais quand
le nombre en est devenu assez considérable pour que l'idée
verbale que le suffixe doit au verbe radical soit elle-même
devenue parfaitement visible dans le suffixe, il n'est plus
besoin que le dérivé s'appuie sur le verbe ; il prend pour
point de départ le substantif ou l'adjectif d'où aurait pu
sortir ce verbe, et y ajoute son suffixe. C'est ce qui arrive
pour certains adjectifs verbaux en ant. Ou bien il sous-en-
tend le verbe, et le suppose momentanément par abstraction.
Ainsi on crée chinoiseur, en partant de chinois et en supposant
ou en sous-entendant un verbe chinoiser. Il peut arriver ajssi
qu'il y ait extension analogique. Aimable, louable, viennent
bien de verbes; raisonnable aussi; mais dans raisonnable on
pense en même temps au substantif raison; on perd de vue
la première dérivation pour voir dans raisonnable un substan-
tif suivi d'un suffixe, et raisonnable ainsi expliqué entraîne
charitable, équitable, favorable. Enfin l'analogie s'exerce par
la comparaison de plusieurs suffixes. On dit laveur et lavage
(tous deux de laver); or, on dit facteur; donc, on dxTa. factage,
malgré l'absence d'un verbe facter. En un mot, la dérivation
ne se renferme pas dans les limites dictées par une logique
rigoureuse, mathématique; l'analogie en étend le cercle de
mille manières ; cette extension analogique, diverse et mul-
tiple, n'est qu'une forme môme de la dérivation, qui en
— 72 —
montre en même temps la puissance toujours active, l'énergie
toujours créatrice, puisque le principe essentiel de la déri-
vation est précisément l'analogie.
3. Diez fait remarquer* que les langues romanes intercalent
volontiers entre le radical et le suffixe des mots dérivés certaines
syllabes ayant valeur de suffixes, et dont la consonne est ç (s, z)
ou r ; ainsi l'italien : don-z-ello, libr-icc-iuolo ^ bab-ic-ina^nom'
ic-iatlo; l'espagnol : av-ec-ica, hombr-ec-illo , hombr-ez-uelo ,
vellon-c-ino,muger-c-ita;\e roumain : vàl-c-icà, domn-ic-ea, cân-
is-or; ou bien l'italien : diavol-er-ia, infant-er-ia, leccon-er-ia^
camp-er-eccio, cas-er-eccio, acqu-er-ella, oss-er-ello^ nav-er-esco;
l'espagnol : flech-er-ia, porqu-er-ia, sed-er-ento^med-r-oso; le pro-
vençal : parelh-ar-ia, porc-ar-ia, trich-ar-ia, bal-ar-esc, camb-
ar-ut, etc.
Le français a connu ou connaît trois intercalations de ce
genre : a. celle du ç (s); b. celle de l'r; c. celle du t.
a. L'intercalation du c se rencontre dans des mots de for-
mation ancienne : ham-eç-on, dern-ois-elle. Elle a disparu de
la langue moderne.
b. L'intercalation de IV est encore vivante : mouche-r-on
de mouche, aile-r-on d'ai/e, puce-r-on de puce, laide-r-on de
laide, etc.; poéte-r-eau de poète, flamme-r-ole de flamme, fave-
r-ole de fève, mouche-r-ole de mouche, etc. Cet allongement de
on, oie, eau, etc., en eron erole, ereau, etc., est dû sans doute
à une fausse analogie : de forgeur on tire régulièrement for-
geron^ de bûcher, bilcher on, de voleur, volereau; puis on oublie
la dérivation immédiate de ces mots pour les rattacher à /br^e,
bûche, vol; et le suffixe cesse d'être on, eau, pour se trans-
former en eron, ereau : mouche, inouch-eron, puce puc-eron,
poëte poét-ereau; eron, ereau, à leur tour, entraînent erole.
Cette erreur d'analogie est visible dans la substitution du
suffixe erie au suffixe le. Le point de départ est donné par les
mots tels que chevalier chevalerie, bonnetier bonneterie, où la
terminaison ier(=ânMs) s'allonge régulièrementeneWe(- aria)
par l'addition du suffixe ie{=îa). Mais l'on perd de vue que,
dans les innombrables dérivés en er/e, la syllabe er appartient
au radical, et que ie seul constitue le suffixe; et erie peu à peu
prend la place de ie, si bien qu'aujourd'hui ce dernier suffixe
1. Grammaire, t. II. p. •2r)9 de la traduction française.
— 73 —
n'existe plus. Nous verrons plus bas les preuves de cette affir-
mation.
c, L'intercalation du t repose sur une erreur du môme
genre. On la retrouve dans les mots suivants :
abri — ahri-ter. Jusqu'à la fin du seizième siècle, on dit
abrier ; abri-ter semble inconnu au dix-septième siècle qui se
servait de la périphrase r/ie/^/-e à l'abri; il ne paraît qu'à la fin
du siècle dernier.
agio — agio-ter, agio-teur; agio a pénétré en France dans
les vingt premières années du dix-huitième siècle, et y a donné
immédiatement les deux dérivés.
bambou — bambou-tier* .
bigarreau — bigarreau^tier.
biseau — biseau-ter.
bijou — bijou-tier, bijou-terie. Bijou existe déjà au seizième
siècle; pour bijoutier^ M. Littré ne donne d'exemples que du
dix-septième siècle (cardinal de Retz).
caillou — caillou-tage, caillou-tée, caillou-ter, caillou-teur,
caillou-teux, caillou^tis. Cailloutage paraît au seizième siècle
sous la forme caillotage.
café — cafc-tier, cafe-lière, café-terie. Cafèterie avait été
précédé de caféière. Les formes qui présentent le t datent de
la seconde partie du siècle dernier.
caoutchouc — caoutchou-ter ; mot récent.
clou — clou-ter, clou-tère, clou-terie, clou-tier, clou-tière.
Clouterie existe au treizième siècle sous la forme cloueterie.
coco - coco-tier. Datent de la fin du siècle dernier.
domino — domino-terie, domino-tier. Existent déjà au
seizième siècle.
* ergo — ergo-ter, ergo-terie, ergo-teur, ergo-tiser. Ergoter est
dans Rabelais ; on trouve au quinzième siècle hargoteur au
sens de ergoteur, ce qui indique une autre étymologic que le
latin ergo. Hargoteur a pu se changer en ergoteur par suite
d'une confusion avec ergo.
écho —écho-tier; mot de création toute récente,
ferblanc — ferblan-terie, ferblan-tier.
filou — filou-tage, filou-ter, filou-terie, filou-tier. — Filoutage
est dans Retz, filoutier dans Scarron.
1. Voir plus bas, p. 10.î et p. 152.
— 74 — .
folio — folio-tage, folio-ter, folio-teur : néologismes.
glouglou (cri du dindon) — glouglou-ter ou ^/ow^/o-ier (pous-
ser un glouglou, se dit du dindon) , glouglouter est plus usité.
indigo — indigo-tier, indigo-terie.
jus — ju^teuXy M. Littré cite un exemple du quatorzième
siècle. — ver juter.
numéro — numéro-tage, numéro-ter, numéro-teur; mots d'o-
rigine récente.
panneau — pamieau-ter, panneau^teur ; mots de formation
récente.
pap{ier) — pape-tier, pape-terie; datent du siècle dernier.
peau — dépiau-ter ; mot de formation récente.
pinceau — pinceau-ter, pinceau-tage; mots de formation
récente.
râteau— rateauter, néologisme populaire qui commence à
se répandre.
rein — érein-ter, érein-teur, érein-tement. Ereinter d'où sont
sortis, de nos jours, éreinteur et éreintement, date du siècle
dernier. On disait antérieurement éreiner.
tabac — tabatière. Fr. des Caillères dans ses Mots à la mode *
emploie tabaquière, qui est la forme primitive.
tableau — tableautin, néologisme.
A cette série, ajoutons encore les deux féminins usités dans la
langue populaire, voyou-te, typo-te.
Quelle est l'origine de ce tl Selon Diez, il dérive probable-
ment du t flexionnel du verbe. « L'oreille, en effet, s'était faite
à la variation il est et est-il, il y a et y a-t-il, et ce t fut trans-
porté dans le domaine de la dérivation ^ » Cette explication
ne ressort pas des faits que nous venons de réunir. On n'a pas
d'exemple en effet de dérivés verbaux en ter antérieurs au dix-
septième siècle ; on a au contraire des exemples de dérivés no-
minaux remontantau seizième siècle et au moyen âge : domino-
tier,cloueterie,caillotage. Caillotageesi un dérivé régulier de l'ar-
chaïque caillot quia été ensuite remplacé par caillou; caillou a
entraîné le changement de caillotage en cailloutage, d'où tous les
autres dérivés de la famille. Cloueterie et clouetier, qu'il suppose,
viennent de clouet, c'est-à-dire clavettus; clouetier devient claue-
tier, clouetier et finalement cloutier qui se trouve rattaché indû-
1. Voy. plus haut, p. 18.
2. Grammaire, l, p. 175 de la traduction française.
— 75 —
ment à clou, comme rtnllindarfe, rallloutis, caillouter^ à caillou.
Si l'on son^Cjd'un autre côté, aux nombreux dérivés en t-ier r=
t-arius, dans lesquels / appartient au radical, et qui étaient
déjà usités au moyen âge: [arbalestier, argentier, blaetier, bon-
netier, cabaretier, carlier [quartier], chantier, charpentier, chaus-
setier, côtier, couretier [courtier), doigtier, forestier, fruitier, gan-
tier, hatier, héritier, pannetier, pelletier, portier, rentier, routier,
sentier, tabletier, testière, etc., etc.), on s'expliquera que, grâce
à l'erreur produite par des formes telles que cloutier, la ter-
minaison lier ait été considérée comme un suffixe simple, et
se soit ajoutée à des radicaux terminés par une voyelle. Pour
les verbes, la terminaison oter (ou otter) des verbes dérivés de
noms en ol joue Iç même rôle que lier pour les substantifs :
glouglou donne glougloter, comme jabot jaboter. Ainsi se forme
peu à peu cette série de nouveaux suffixes commençant par un
t et dont l'emploi, dès le dix-septième siècle, devient normal.
De nos jours la dérivation en lier, terie, ter, leur, tage, est
régulière pour les radicaux terminés par une voyelle (pure ou
nasale). C'est ainsi que, abrier étant sorti de l'usage, abri donne
abriter, que éreiner est remplacé par éreinter ;hien plus, miroir,
papier, donnent non iniroirier, paperier, qui auraient manqué
d'harmonie, mais miroitier (et de même miroiter, miroitement,
etc.), et papetier {papeterie). C'est pour une cause analogue que
tahaquière cède la place à tabatière, et que le peuple, ayant
oublié l'origine des mots en eau, en tire non des dérivés en
eller, allier, mais des dérivés en eauter, eautier, etc.
4. De cette intercalation de consonne, due à une fausse ana-
logie, il faut distinguer l'intercalation de suffixes secondaires
entre le radical et le suffixe final. Les langues romanes en-
chaînent volontiers plusieurs suffixes au thème du nom :
français: roi-t-cl-et; italien : besti-ol~vcci-accia ; espagnol:
moc-et-on-azo ; roumain: naz-ion-al-ic; déjà en latin: agn-ic-
ell-ul-us. Ces additions ne sont pas toujours successives: si
roitelet est un diminutif de roitel , roietel, et celui-ci de royet ;
chevrillard , chambrillon , cendrillon , moussaillon, aigrelet, ar-
chèlet, corselet, gantelet, maigrelet, tiercelet, verdelet, dérivent
non de chevrille, etc., aigrel, etc., mais de chèvre, aigre. Les
1. De môme dans roi-t-el-et il faut voir, non un t euphonique, mais le reste du
suffixe et : roi-et-el-et, dér'wé de roietel :
Si n'avoit aillors grans escoles
De roietiaus et tourteroles. {Rose, 652.)
— 76 —
suffixes ill,el ne servent que de traits d'union entre le radical
et le suffixe final.
5. On dit croydible alors que le latin credibilis ferait sup-
poser croî/iô/e ; on dit faiseur, liseur alors qu'avec faciorem,
leciorem, on s'attendrait à faiieur, Hieur. Quelle est la cause
de cette déviation? Ici nous voyons les conséquences d'une
vaste action analogique qui a transformé toute une partie de
la dérivation du latin populaire dans son passage au fran-
çais.
Dès les origines de la langue, les participes présents de la
seconde, de la troisième et de la quatrième conjugaison
avaient été assimilés à celui de la première. Le nombre des
participes en antem était si considérable qjae les populations
de langue d'oil, entraînées par l'analogie, dirent veddintem,
legantem, finiscdintem, vesta.ntem, au lieu du vedentem, legen-
tem, finiscentem, vestientem ; de là des formes ve-ant (plus
tard voy-ant), lis-ant, finiss-ant, vest-ant [vêt-ant). Les autres
langues romanes restèrent fidèles au type latin ; seul le sarde,
par une assimilation inverse, a transformé la terminaison de
la première conjugaison en celle qui est commune aux trois
autres*.
Or, cette action que la première conjugaison en français a
exercée sur les autres au participe présent, elle l'a exercée
également dans la dérivation ^ Le latin dit : am-a-hilis, fl-e-
bilis, vis-î-bilis, aud-ï-bilis, vol-u-bilis, en ajoutant le suffixe
bilis, au thème du verbe ou du participe terminé en a, e, ï,
î, u. De ces diverses terminaisons, la langue populaire, dès
les premiers temps (vi-viii« siècle), n'a retenu que la première,
a-bilis. Quelques mots en i-bilis ont bien passé avec leur ter-
minaison ible; ainsi horribilis, devenu orible, (plus tard transcrit
horrible); mais dans ces mots le peuple ne reconnaissait plus
le suffixe verbal ; horribilis n'était plus rattaché à horrere ; il
était considéré comme simple adjectif, au même titre que bo-
7iM.s, mnctu^ , forlis, et n'avait par suite qu'à passer par les
transformations physiologiques de la phonétique sans se sou-
mettre aux lois psychologiques de l'analogie. Pour les autres
1. Ascoli, Del poslo che spetta al ligure nelsislema deidialetti italiani, dans
VArchivio gloltnloyico ilaliano, II, p. 133, note. L'analogie s'étend égalementàla
première personne du pluriel de l'indicatif présent : manemu maneddi = man-
giamo mangiate.
2. Cf. Darmesteter, La protoniqxie non initiale, non en position. Remania. V,
p. 143.
— 77 —
dérivés en hilis qui avaient cours dans la langue populaire,
et que le peuple décomposait en thème verbal et en suffixe,
ebilis, ibili.s firent place à abilis; et c'est ainsi que l'on trouve,
dès le début du douzième siècle, credable, d'où plus tard croya-
ble^ desfendable, pendable, vendable, faisable, mettable, contrai-
gnable, convenable, prenable, secourable, abolissable, et autres
mots en issable, connaissable, etc. On peut exprimer le fait en
disant que, par suite de la transformation de bilis en abilis, le
suffixe able s'adjoint au thème du participe présent des verbes,
c'est-à-dire qu'on remplace la terminaison ant par la termi-
naison able, quelle que soit la conjug-aison : aim-ant, aim-able;
finiss-ant, finiss-able; recev-ant, recev-able ; pren-ant,pren-able.
Les dérivés en ible sont de formation savante*.
Mêmes modifications analogiques se produisent pour les suf-
fixes ment, eur, ure, oir, is.
Mentum s'ajoute en latin au thème verbal; delector-mentum,
monu-mentum, nulrl-mentum , alî-mentum, frag-mentum. Le
français, dès les premiers temps, partant des formes de la
première conjugaison {delecta-mentum), a considéré la voyelle
a comme appartenant non plus au thème, mais au suffixe, qui
devient amentum. Par suite î-mentum, î-mentum,, u-^mentum,
disparaissent devant anientum-ement, suffixe nouveau, de for-
mation analogique, qui s'ajoute au thème du participe présent
des diverses conjugaisons : batt-ant, batt-ement; connaiss-ant,
connaiss-ement ; banniss-ant, banniss-ement. Blanchiment, sen-
timent el les analogues sont de formation savante.
Ura, or^, orius, icim^ , s'ajoutaient au thème du participe
passé ou du supin :
nat-um nat-ura , pict-um pict-ura , fact-um fact-ura,
mens-um mens-ura, etc.
imperat-um imperat-or, bibit-um bibit-or, tradit-um
tradit-or^ cess-um cess-or, doct-um doct-or, etc.
amat-wm amal-orius, transit-uni transit-orius , cens-um
cens-urius, advent-um advent-orius , etc.
advent-wm advent-icius , fact-um fact-icius, fict-um fict-
icius, etc.
Or, dès les premiers temps, le français a remplacé ces quatre
1. Je ne vois guère que paisible et loisible qui puissent être considérés comme
mots de formation populaire.
2. Ura, or, suffixes romans sortis des suffixes latins -lura, -tor, dans les-
quels le t a été rattaché au radical du verbe ; t-ura, t-or.
— 78 —
suffixes dans les verbes des trois dernières conjugaisons par
les suffixes de la première; partout, reprenant la (orme antem
du participe présent, il lui a substitué les suffixes atura, ator
atorem, atorius atorium, atirius aticium. Ceux-ci sont devenus
dans le cours de la langue successivement : edure eûre eure
ure [armedure, armeûre, armeure, armure); ère au nominatif,
à l'accusatif edor eor eeur eur [armere; artnedor, armeor, ar-
meeur, armeur); edoirs au nominatif, à l'accusatif edoir eoir
air (fermedoirs; fermedoir, fermeuir, fermoir); ediz eïz eïs is
{levediz, leveïz, leveis, levis).
Sauf dans quelques mots comm.e morsura morsure, t^crip-
lura écriture, facticius faitis, pictura * pinctura peinture, ficticius
.*fincticius feintis, etc., qui, dans le latin populaire, étaient con-
sidérés comme substantifs ou adjectifs, et où le peuple ne re-
connaissait plus un thème verbal accompagné d'un suffixe,
le génie de la langue a transformé la dérivation, en générali-
sant les suffixes de la première conjugaison, et en les appli-
quant à toutes les formations nouvelles. Preuve de la puis-
sance que l'analogie, ou que le besoin de simplification et de
clarté a exercée sur notre idiome*. Nous verrons, au contraire,
que la tendance de la langue savante a été d'aller à rencontre
de ce grand mouvement. Elle a essayé de faire revivre ces
distinctions de suffixes particulières au latin, de faire revivre
dans la dérivation les diverses conjugaisons d'une langue
morte : et malheureusement cette tentative a été couronnée de
succès.
CHAPITRE V.
SUFFIXES NOMINAUX.
Nous passons maintenant en revue les divers suffixes qui
de nos jours sont encore usités, en commençant par ceux qui
1. « Tendunt omnino omnes linguœ ab orif^ino sua deflcxsc et degencraUB in
aîqualilalem quamdam malc simplicem, et id tantiim curant quomodo possint sine
multa arte ad eanidem anuissim oiunes formœ cogi. » Ainsi s'exprime Lassen dans
ses Inslitutiones lingux prâcrilicx. III. 297. (Cf. M. Hrcal, dans les Mémoires de
la Six-ii'U de linyaistir/ue, II, 189). Lo pi'ùcrit est an sanscrit ce que les langues
romanes sont au latin. Lassen, en conq)arant la simplicité méthodique du pràcrit
à la savante complexité du sanscrit, se prend à accuser la langue iille de déforma-
tion et de dégénérescence ; à tort. Les formes anciennes ne disparaissent que
pour faire place à de nouvelles formations.
— 79 --
servent à former des noms et des adjectifs. Nous ne suivrons
pas l'ordre alphabétique des suffixes latins d'où ils dérivent,
parce que nous ne faisons pas ici une étude étymologique ;
étudiant les suffixes actuellement vivants, nous devons y voir
autant de mots différents; c'est donc sous leur forme oc^we//e
que nous devons les considérer.
1. able.
Ce suffixe se joint au thème du participe présent des ver-
bes *, pour indiquer une possibilité passive, quand le verbe
est actif : faisable, qui peut être fait; et une possibilité active,
quand le verbe est neutre : valable, qui peut valoir. Il se joint
aussi à des substantifs : charit-able, équit-able, raison-nable.
Dans la langue actuelle il est très-fécond ; il sert à former
de nombreux adjectifs : ceux que nous citons manquent au
Dictionnaire de l'Académie française.
abattable: « Ces chevaux sont abattables. » (Littré), abolis-
sable (id.).
abrogeable : « Qui peut être abrogé. Ces lois sont abrogea-
bles. » (Littré).
animalisable : « Qui peut être animalisé. » (Littré). « Qui
sait.... si la mer animalisée ne donne pas le branle à la mer
aniinaUsable , non organisée encore? » (Michelet, la Mer,
2" édit. p. 57).
arrosable: « Qui peut être arrosé. » (Littré). Se trouve déjà
dans Rutebeuf (treizième siècle) :
Arousable fontaine
Et délitable et saine.
(Edit. Jubinal *, II, 97.)
Mais, comme le fait remarquer M. Littré, arousable est ici
actif et veut dire : « Qui peut arroser, qui arrose. »
assurable : « Qui peut être assuré, admis à recevoir les
avantages d'une compagnie d'assurances. » — « Le nouveau
client est-il reconnu as.^urable.., » [Revue des Deux Momies,
1" février 1867, p. 569). » (Littré, supplém.).
brevetablc : « Le procédé n'est pas brevetable. >> (Littré).
Mot propose en 1845 par Richard.
1; Dicz, Gratninaire, t. II, p. 30.) de la traduction française.
— 80 —
capitalisable (Littré) : « Rente capitalisable », cicatrisable
(id.), civilisable (id.).
congédiable : « C'est un des hommes congédiables. Tous les
congédiables du régiment. » (Littré),
convertissable (Littré), mot créé par Mercier {Néologie);
convocablt (Littré), déguisable (id.).
dépensable : « L'équivalence entre les quantités de force
dépensables. » (Cournot, Enchaînement des idées fondamentales,
t. I, p. 152, dans Littré, supplément).
déracinable (Littré).
dérailable .« Se dit de locomotives qu'on peut faire dérailer
à volonté, sur les chemins de fer américains. « ( Littré, supplé-
ment). On dit plutôt déraillable.
dérivable : « Ce principe est dérivable de tel autre. » (Littré).
désagrégeable : « Roche îd.c\\emenl désagrégeable » (Ch. MdiV-
t\ns, Académie des sciences, comptes rendus, t. LXVII, p. 934 _ dans
Littré, supplément).
dirigeable, proposé en 1845 par Richard; reçu aujour-
d'hui : « Ballon dirigeable. »
discutable : « Cela n'est pas discutable. » (Littré) .
éludable : « Néologisme. Qu'on peut éluder. » (Littré).
encaissable (Littré, supplément), escomptable (id.).
/er^i/isa6/e (Littré) ; M. Scholle {Programme, p. 15) re-
lève ce mot dans George Sand.
formidable : « Principes facilement formidables. » (Maury,
dans Scholle, Programme, p. 15).
grondable (Littré).
impressionnable: « Néologisme. Susceptible de recevoir de
vives impressions. Esprit impressionnable. Fig. se dit de la
rente, des valeurs commerciales. » (Littré).
libérable: « Qui peut être libéré, renvoyé d'un service, et
surtout du service militaire. Les hommes libérables. « (Littré);
proposé, en 1845, par Richard.
maîtrimble (Littré) ; proposé par Richard.
organisable : « Qui peut recevoir l'organisation ou y parti-
ciper (Littré).» « Une matière à demi organisée et déjà toute
organisable. » (Michclet, la Mer, 2" édit., p. 113).
simplifiable (Littré).
Cette liste de dérivés, dont la plupart obtiendraient difficile-
ment droit de cité dans la bonne langue littéraire, nous montre
que la langue actuelle ne forme plus d'adjectifs en a6/e qu'avec
— 81 —
des verbes actifs, c'est-à-dire qu'elle attache à able la sif^nifica-
tion de « qui peut être.... » ; et qu'elle ne forme plus des déri-
vés de noms : un mot tel que bontable, analogue à équitable, se-
rait monstrueux.
Ace, voir asse.
2. a de.
Suffixe qui nous est venu par emprunt de l'espagnol, du
provençal et de l'italien. Il correspond au français ée : caval-
cade est étymologiquement identique à chevauchée. Ce suffixe
s'est introduit dans la langue au seizième siècle, et y a pris
droit de cité sous l'influence de mots comme arcade, arlequi-
nade, aubade, ballotade, barricade, cacade, capucinade, cascade,
claquade, débandade, drar/onnade, enfilade, estacade, estrade,
gambade, marmelade, pétarade, rasade, reculade, sérénade, etc.
Il a formé de nos jours quelques dérivés : guillotinade, fusil-
lade, mitraillade, mots qui rappellent dragonnade *. Th. Gau-
tier a, d'après le provençal, recréé à la dérobade [Capitaine
Fracasse, X), et jylamussade : « Le beau Sigognac flattait le col
de son cheval avec detiplamussades. » [ibid., II). Chateaubriand
a créé effarade : « Au milieu de Veffarade des maîtres du logis. »
[Mémoires, t. XI, p. 317).
Ce suffixe est encore vivant dans la langue populaire, té-
moin les dérivés suivants :
bousculade : « Il comparait ce tableau aux cris, aux bous-
culades, sur les trottoirs qui animent à Paris les sorties d'ate-
liers. « (Daudet, Jack, II, § 1). Ce mot est d'un emploi usuel
dans le peuple.
cognade : « gendarmerie » (Francisque Michel, Études sur
V argot) ^.
cotonnade, donné pour la première fois par Boistc, dans son
Pan-Lexique, a passé de là dans le Dictionnaire de l'Acadé-
mie (édition de 1835). Il s'emploie figurément : « Les cotonna-
des théophilanthropiques du grand vicaire Louis Jourdan et
du bedeau Labédollière. » (Veuillot, Odeurs de Paris, lY, 6).
gobichonnade [ L. Larchey , Dictionnaire de l'argot pari-
sien).
1. Cf. Fr. Wcy, Manuel des droits et des devoirs, 1848, p. 270.
2. i'.(. plus haut, p. .")l.
— 82 —
rigolade, j mot très -populaire, que ne donne aucun dic-
tionnaire.
toquade, voir Littré.
Rappelons le masculin troubade, i^nne. soldat, jeune homme.
Le troubadour, sorti de la littérature romantique, a été recueilli
par le langage de l'armée qui, en le mutilant, en a fait le
troubade.
3. âge.
Vient de aticus aticum. Il formait à l'origine des adjectifs :
chant ramage, chant de la ramée, chant des oiseaux sur la
ramée; lait formage ou lait fromage, lait caillé, durci, qui a
pris forme ; poisson marage, poisson marin; le message était
aussi bien « l'homme envoyé » missaticus que « la chose en-
voyée » missaticuin. L'adjectif fut ensuite pris au sens neutre,
et devint nom de chose : corage, edage [eage age^=aetaticum),
charriage, plumage. De là la signification collective attachée à
nombre d'anciens dérivés : feuillage, cailloutage, laitage, plu-
mage, ombrage, herbage, et qui se conserve dans quelques dé-
rivés nouveaux. Enfin, par une transformation et une spécifi-
cation de sens, âge désigne maintenant l'action exprimée par
le verbe, et s'attache au thème du participe présent, pour for-
mer des noms abstraits d'action.
Ce suffixe possède une grande fécondité ; il fournit à la
langue technique ou familière nombre de néologismes aux-
quels la langue littéraire ne fait pas toujours accueil. Les
mots que nous citons du Dictionnaire de M. Littré ne sont
pas donnés par l'Académie :
aciérage (Littré, supplém.), aiguillage sur une voie fer-
rée (Littré, supplém.), allumage (Littré).
bobinage, bœuvonnage, boitage (Littré, supplém.).
bouqihinage : « Us doivent.... s'étonner beaucoup de la cu-
riosité rétrograde et stérile de ces dandys du bouquinage. »
(J. Vallès , la Rue, La messe de Liszt).
captage (d'une source) (Littré), carreaudage (de carreau^
der, de carreau), charronnage (Littré, supplém.).
chamarrage : « Il y a dans la mise des femmes moins de
prétention et plus d'harmonie ; on évite le chamarrage avec
autant de soin qu'on le recherchait autrefois. « ( L. Roybaud,
l'Exposition universelle, II, 1, dans la Revue des Deux Mondes,
15 juillet 1867, p. 934).
— 83 —
cuivrage (Littrc), désargentage (Litlré, supplém.)^ drai-
nage.
drelindinage: « Tous les drelindinages de la maison et du
quartier. » {Vie parisienne, 18 nov. 1876, p. 654, col. 2).
enfumage (des poissons) (Payen, Revue dea Deux Mondes,
15 déc. 1867, passim, dans Scholle, Archives de Herrig,
t. LXII, p. 120).
escargotage (Littré, siipplém.).
factage : « Le factage parisien, » Mot de dérivation bizarre :
il vient de facteur, dans lequel on a cru voir un dérivé d'un
verbe facter : il est amené par l'analogie de laveur lavage,
loueur louage, batteur battage, etc.
foliotage : « Foliotage mécanique » (Bottin, Annuaire du
commerce, 1875, p. 1011 et 1239).
gavage, action de gaver les pigeons. (Voir le journal la
Patrie au 19 janvier 1877).
gemmage: « Le gemmage a, comme on sait, pour objet
l'extraction de la résine au moyen d'incisions plus ou moins
profondes, suivant que l'arbre doit être prochainement abattu
ou qu'il doit continuer à végéter encore. » (Clavé, Études fo-
restières. Revue des Deux Mondes, Ihvcidii \%&k, 1^. 375; dans
Scholle, ibid.).
lotissage, action de faire les lots à vendre à la criée (aux
Halles). (Voir le journal la Patrie du 19 janvier 1877).
marchandage : « Le travail à domicile équivaut dès lors à
un marchandage dans la plus mauvaise acception du mot. »
(Audiganne, Revue des Deux Mondes; dans Scholle, Pro-
gramme, p. 15).
notage des airs de musique sur le cylindre des serinettes
(Littré).
numérotage: «■ Numérotage mécanique.» (Bottin, Annuaire
du commerce, 1875, p. 1011 et 1239).
outillage, ensemble des outils nécessaires dans un métier;
patinage des roues d'une locomotive (Littré); piquetage, ac-
tion do planter des piquets (Littré, supplém.); pourcentage,
terme de banque, dérivé de pour cent , comme s'il existait un
verbe pourcenter « compter tant pour cent. »
racontage. « Néologisme. Bavardage ; petits contes faits à
plaisir, petites médisances. » (Littré).
remisage des voitures (Littré, supplém.).
rodage :k Rodage de robinets à gaz. » (Prix des règlements
applicables a'ux travaux du bâtiment, 1875-1876, p. 124).
— 84 —
sabotage: « Opération qui consiste ù entailler les traverses
(des rails) pour y placer les coussinets. » (Cousy de FageoUes,
Dictionnaire des chemins de fer).
sauvetage.
taquinage : « Les égoïstes.... n'embarrassent point la vie
de ceux qui les entourent par les ronces du conseil, par les
épines de la remontrance, ni par les laquinages de guêpe que
se permettent les amitiés excessives. » (Balzac, Maison Nu-
cingen, édit. 1856, p. 47).
3 bis. Les suffixes ag7ie aigne {montagne, cha/mpagne, châ-
taigne), ai (ver-ai vrai), ail [épouvantail, travail, vantail, etc ),
appartiennent au latin populaire ou à la vieille langue, et ont
disparu. Il en est de même, ce semble, de [ai) aie (ou oie oie)
(de ëtum ëta) à qui l'on doit aulnaie, ronceraie, pommeraie,
saussaie, fresnaie, cerisaie, et les analogues. M. Perret, dans
la Revue des Deux Mondes, écrit hêtrée : « C'était une superbe
hètrée, dernier vestige d'une grande forêt. » (cité par Scholle,
Progranune, p. 15); M. Savenay écrit de même saulée {ibid.,
p. 17). M. Scholle signale ces mots comme des néologismes; ce
ne sont que des fautes d'orthographe pour liêtraie, saulaie.
Ces fautes montrent bien que la valeur du suffixe aie est près
de disparaître, si elle n'est pas déjà effacée.
4. aille. ■
Aille repose sur le latin dlia. Le pluriel neutre de certains
adjectifs en âlis, ïlis, ilis, a donné naissance à des substan-
tifs féminins, par suite de l'erreur qui a fait voir des noms de
la première déclinaison dans lcs-4ioms pluriels en lia : de là
batualia bataille , mirabiliay-jjierveilla^De ces diverses formes
en lia, celle qui appartient à la première conjugaison, alia,
a seule servi à des formations nouvelles, où l'idée primitive
de pluralité se laisse reconnaître encore dans le caractère
collectif qui leur est propre : brosse broussaille, lime limaille,
fer ferraille, roc rocaille. Le suffixe prend ensuite une accep-
tion méprisante : rimaille, tripaille, gueusaille, marmaille,
chiennaille. Ce dernier mot a été remplacé par l'italien cana-
glia, canaille, qui offre le même sens : « réunion de chiens » et
figurément : « vile multitude ». Le sens se restreint ensuite :
« C'est une canaille. Une manière d'agir canaille^. »
. 1. Cf. Diez, Grammaire, II, p. 305 de la traduction française.
— 85 —
Le suffixe aille qui, dans la langue populaire, a conservé
sa pleine et entière signification péjorative, a donné de nos
jours quelques dérivés nouveaux que ne revendiquera jamais
la langue noble : radicaille, cléricaille. Le Dictionnaire d'ar-
got de M. Fr. Michel donne la duraille comme synonyme de
la dure, « la terre. » De crèjje on a tiré, de nos jours, croyons-
nous, crépaudaille, qui est fait sur le modèle de crapau-
daille,
4 bis. Ain (aim) de amen {essaim, levain, airain, etc.), a à
peine laissé quelques traces en français. Ain aine, de anus
ana, a donné des adjectifs tirés d'adjectifs [cert-ain], de noms
[vil-ain], d'adverbes [derr-ain, v. fr.),et des substantifs : écriv-
ain (scriba), font-aine, ou des noms de nombre : douz-aine,
quinz-aine, vingt-aine. Il ne fournit plus de dérivés nouveaux.
5. ais, aise ou ois, oise.
Le suffixe latin ensis, devenu dans le latin populaire esis, a
donné le français ois ou ais : Suédois, Norois, Gallois, Hon-
grois, etc.; Hollandais, Français, Anglais. Ce suffixe, sous sa
double forme, est encore vivant. Nous avons vu depuis 1869
les Bellevillois paraître sur la scène politique. M. É. Reclus a
employé Basquais (pour Basque) [Revue des Deux Mondes,
15 oct. 1864, p. 192). Les habitants de New- York reçoivent
chez nous le nom de New-Yorkais.
5 bis. aison.
Le suffixe aison vient de ationem. Il a fourni à la vieille
langue un grand nombre de noms d'action. Le latin avait des
substantifs en atio ationis, venant des verbes de la première
conjugaison, et des substantifs en lio lionis, sio sionis, venant
des verbes des autres conjugaisons. Un certain nombre de
ces derniers a passé au français : lectionem leçon ; dictionem
diçon (dans maudiçon tnaudisson, etc.), factionem façon, nu-
tritionem nourrisson, prehensionem prison, etc. Mais la dériva-
tion normale, qui a créé des formes nouvelles, a été celle des
noms en ationem aison : de là assemblaison, fauchaison, fenai-
son, crevaison, pendaison, etc. Cette dérivation est totalement
éteinte. Elle a disparu devant la dérivation* en ation; perte
1. Ce mot même en est un exemple. Jusqu'au dix-septième siècle on disait dé-
riva ison.
86 —
regrettable, comme bien d'autres qu'on doit à la funeste ac-
tion de la formation savante.
6. al, el.
Du latin alis. La vieille langue a hésité entre al et e/, et à
cette hésitation nous devons deux suffixes qui, ajoutés aux
noms, les transforment en adjectifs. Ces adjectifs désignent
une manière d'être possédée par le radical, ou une manière
d'être analogue.
Al, el forment de nos jours d'abondants dérivés :
auroral: « Lumière aurorale. Phénomènes auroraux. y>
(Littré, supplém.).
global : « Il attribue l'épître aux Hébreux à saint Paul,
sans la ranger dans la masse globale des épîtres paulinien-
nes. » (Réville, Revue des Deux Mondes, 15 juillet 1864, p. 413,
dans SchoUe, Arch. de Herrig, xxxix, 432).
gouvernemental : « Néologisme fort lourd, mais qui est
régulier et dont l'usage se consolide. » (Littré). « Cette ma-
chine à rouages compliqués, qui s'appelle en mauvais fran-
çais : pondération gouvernementale. » (Ch. de Bernard, Les
ailes d'Icare, II, 4).
obéliscal : « Merveilleux. — Date du transport de l'obé-
lisque sur la place de la Concorde. » — « Admirable ! pyramy-
dal ! obéliscal! » (L. Larchey, Argot parisien). \oir pyramidal.
orchestral, phénoménal.
pyramidal: « Ce drame pt/ramirfa^, obéliscal, granitique,
qui m'a fait frémir. » [Almanach du Hanneton, 1866, dans L.
Larchey, au mot granitique).
postal : « Quand deux gouvernements, la Suisse et la
France, je suppose, convenaient ensemble de faire payer dix
ou douze sous un port de lettre, on disait jadis trivialement :
« C'est une convention de poste ; maintenant on dit : Conven-
tion postale. » Quelle différence et quelle magnificence ! »
(A. de Musset, Première lettre de Dupuis et Cotonnet).
spectral : « Analyse spectrale. »
transcendantal : Cl knolYse transcendantale. » Mot venu de
la philosophie de Kant. Fénelon disait transcendantel ; ,\oir
Littré, à transcendantal.
traversai:» Lampe qu'ils {les inventeurs) nomment tra-
— 87 —
versale. » (Descript. des brevets; 1833, 1'* série, t. L, p. 262)
additionnel : « Vncie. additionnel. »
alluvionnel : « Humus alluvionnel. » (Lejean, Revue des
Deux Mondes, dans Scholle, Programme, p. 13).
convictionnel (Littré), exceptionnel (id.).
flexionnel : «. Les éléments flexionnels d'un mot. »
fonctionnel: « Entretien fonctionnel d'un être. » (Cl. Ber-
nard, Revue des Deux Mondes, dans Scholle, Programme), in-
cidentel.
insurrectionnel : « Mouweïneni insurrectionnel. »
passionnel: « L'attraction passionnelle. » expression de
Fourier.
professionnel, sériel : « La loi sérielle. » expression de
Proudhon (Scholle, Programme, p. 17).
7 et 8. ant (and), ance.
Ant [and) et ance correspondent au latin antem et antiam.
Par suite de l'extension qu'a prise le participe présent de la
première conjugaison dans la langue populaire*, les dérivés
des autres conjugaisons affectent la terminaison ant ance; et
les mots en eut ence décèlent, par cette seule forme, leur ori-
gine savante ^
Les dérivés en ant sont les participes présents pris adjecti-
vement ou substantivement; nous en avons déjà parlé '.
Quant aux dérivés en ance, ils sont tirés d'ordinaire de
l'adjectif ou du participe en ant. Cette formation, très-abon-
dante dans la vieille langue, éminemment française, disparaît
peu à peu devant la formation savante. Th. Gautier a créé
attirance. « La Râpée... éprouvait la vertigineuse horreur de
la chute mêlée (^attirance qu'inspire la suspension au-dessus
d'un gouffre. » {Gapit. Fracasse, xvii). Baudelaire parle de
« y attirance du goufi*re. » {Fleurs du mal. Spleen et idéal, xlvii).
Assurément attirance est préférable à attraction. Chateau-
briand a employé luisance [Mémoires, ix, 228), unisonance
{deunisona)U), « L'unisonance dos vagues, ^^ [ihid., i,263) ; com-
patissance: « A Namur, la première femme qui m'aperçut sor-
1. Voir plus haut, p. 76.
2. Voir P. Meyer, Mémoires de la Société de linguistique, I, 244 et suiv.
3. Plus haut, p. 56, 63 et suiv,
tit de sa boutique, me donna le bras avec un air de compatis-
sance, et m'aida à me traîner » [IbicL, m, 127).
Citons encore ambulance, de ambulant, transhumance, de
transhumant (Littré), sémillance, de sémillant, créé par Mer-
cier.
9. (ande) andier.
Le participe futur latin de la première conjugaison sert dans
les dérivés français aux verbes des autres conjugaisons : de là,
à côté de lavande (lavanda), jurande (juranda), des mots
comme buvande [bibenda), viande [vivenda vienda), o/fraindo
[ufferenda) *, Ce suffixe s'est éteint dans le français moderne
sous l'action du suffixe savant ende.
Toutefois, constatons que ande a donné une dérivation se-
condaire andier [brelandier, buandier, lavandier, taillandier,
vivandier; dinandier, tiré de dinanderie qui vient lui-même
de Dinant, faisandier, tiré de faisanderie, faisan), et que cette •
dérivation a fourni à l'imitation. M. Littré, au supplément
de son dictionnaire, donne battendier, « celui qui exploite
un moulin à battre le chanvre. » [Tarif des patentes de 1858);
il faut lire battandier. Dans les manufactures de l'Ouest, à
Indret, près de Nantes, les ouvriers dessinateurs sur toile,
trouvant le mot de dessinateur trop ambitieux, l'ont rem-
placé par dessinandier : « 11 n'y a pas un dessinandier pareil
dans Indret. » (A. Daudet, Jack, II, § 1.)
9 bis. Le suffixe ange, de emia, dans les substantifs [ven-
dange, louange, etc.), de aneus dans les adjectifs [étrange, etc.),
et le suffixe aque qui se trouve dans quelques mots d'origine
étrangère, ont fourni peu de dérivés à la langue, et sonti^au-
jourd'hui éteints.
10, ard, arde.
Ce suffixe d'origine germanique [hart) a pénétré dans notre
langue, dès les premiers temps, avec des noms propres : Ay-
mard, Bernard, Guiard, Guichard, Renard, etc. Il a passé
de là à des noms communs auxquels il a donné, comme
en allemand d'ailleurs, une signification généralement défa-
vorable ; il s'applique aux noms de personne comme aux
noms de chose; il a un caractère populaire bien marqué, et
1. Cf. plus liaut, p. 76.
— 89 —
il est très-fécond . On peut en juger par cette liste de mots ré-
cents :
badouillard: « Pour être badouillard, il fallait passer trois
ou quatre nuits au bal, déjeuner et courir en costume de mas-
que dans tous les cafés du quartier latin jusqu'à minuit. »
(Privât d'Anglemont). — Le badouillard fut de mode de 1840
à 1850. » (L. Larchey, Argot parisien.)
balochard : « Usité à Paris, avec le sens de bambocheur,
de libertin. » (Fr. Michel, É^u^/es sur l'argot, 1856). — « Le balo-
cliard représente surtout la gaieté du peuple; c'est l'ouvrier
spirituel, insouciant, tapageur, qui trône à la barrière. «
(Taxile Delord). C'est le nom d'un personnage de carnaval
qui florissait entre 1840 et 1850 (Voir L. Larchey). Le mot
dérive de balocher, augmentatif populaire de baller, danser.
bondieuzard, mot créé dans ces dernières années par cer-
tains journalistes de la presse radicale, pour désigner le
parti religieux. Il n'est pas nécessaire, pour expliquer la for-
mation du mot, d'admettre l'existence d'un verbe bondieuzerK
briscard : « vieux soldat à chevrons » (L. Larchey) ; de
brisque.
camisard, soldat pionnier des compagnies de discipline,
couvert d'une longue capote. Le mot n'a de commun que l'i-
dentité de formation avec le nom des célèbres Camisards des
Gévennes. Ils viennent tous deux du provençal camisa, che-
mise.
capitulard. Cette désignation injurieuse date de la der-
nière guerre et des capitulations de Metz et de Paris.
chicard, personnage de carnaval, à la mode de 1830 à 1850;
de chic. Les transformations de sens de ce mot sont curieuses
et instructives à divers égards. C/iican/ est d'abord créé comme
nom propre. « Maître Chicard, » c'est l'homme, le danseur
très-chic; celui-ci inventeunpas dénommé, d'après lui, le pas
chicard. Dans cette expression, chicard redevient adjectif et re-
prend sa signification étymologique : pas chicard, pas qui est
très-chic. L'emploi de l'adjectif se généralise; le mot s'enrichit
de syllabes bizarres, à valeur superlative, et l'on a chican-
dard, chicocandard, chicandardo (chicandardot).
communard, partisan de la Commune (1871). il est à re-
marquer que la langue a hésité entre communard et commu-
1. Voir plus haut, p. 71.
— 90 —
neux (voyez au suffixe eux), pour se décider finalement en fa-
veur de communard.
cumulard : « Pour ces gens qui sont titulaires nés de
toutes les places, on a créé dans la langue un terme de mé-
pris de plus, celui de cumulard. » (Teulet, dans le Dict. de
Larousse.)
décembraillard, nom donné, de 1849 à 1852, aux membres
de la société bonapartiste du Dix décembre*. Ce mot est attri-
bué à M. de Lasteyrie.
fusionnard, partisan de la fusion de la branche aînée
des Bourbons avec la branche cadette.
lignard, soldat de la ligne, et, dans le langage des typo-
graphes, ouvrier qui compose spécialement la ligne courante.
(Boutmy, Dict. de V argot typographique).
pochard, ivrogne qui se poche, se remplit.
pudibard : « faussement pudibond » (L. Larchey). C'est
pudibond dont la finale est remplacée, dans une intention mé-
prisante, par notre suffixe péjoratif.
roublard d'origine inconnue; n'a rien d^e commun avec
les roubles russes. Fr. Michel ne donne à ce mot que le sens
de laid, défectueux; L. Larchey les deux significations de laid,
incomplet, gâté et de homme de mauvaise foi. Roublard, ac-
tuellement, signifie artificieux, rusé, habile à duper les gens.
soudrillard: « libertin, mauvais sujet. » (Fr. Michel), dé-
rivé de soudrille, vieux mot qu'il a remplacé de nos jours.
Soudrille est dans le Dictionnaire de l'Académie.
torpillard, nom donné récemment aux soldats de marine
chargés de placer les torpilles.
tortillard, bancal, boiteux, qui marche en tortillant.
E. Sue en a fait un nom propre dans les Mystères de Paris.
veinard : « homme qui a habituellement de la veine. »
(L. Larchey).
Dans quelques-uns de ces dérivés, la signification dépré-
ciative du suffixe paraît s'effacer : dans veinard, ard indique
seulement une sorte d'admiration jalouse; dans chicard, l'ad-
miration pure et simple. Les suffixes les mieux, caractérisés
ont souvent cette mobilité de signification, cette extension ir-
régulière qui répond à l'instabilité de l'imagination populaire.
Toutefois, ard a conservé en général sa valeur dénigrante.
1. Décembraillard, de décembre, avec l'intercalation de la syllable péjorative
aille (cf. plus haut, p. 84) pour rappeler braillard.
— 91 —
Voilà pourquoi nous avons vu récemment les Niçards, mé-
contents de la finale de leur nom, se transformer en Niçois.
Cette formation est irréprochable : Nice a pu produire des Ni-
çois aussi bien que des Niçards. Mais que dire des Savoyards
qui, au mépris des lois de la dérivation, se déguisent en -Sa-
voisiens?
Les gens du peuple tendent à confondre les adjectifs en are
avec les adjectifs en ard, que la prononciation ne distingue pas,
et par suite à leur donner des féminins en arde^ quand ils ont
une signification quelque peu dépréciative. Un même numéro
du journal le Pays ofi"re, à côté du masculin ignare, le fémi-
nin iyndrde : « Plus un individu est ignare^ plus il est affir-
matif; le plus obtus crie le plus fort. » — « Sachez-le, mon-
sieur le ministre, il n'y aura jamais rien de commun entre
votre Université alhée-matérialiste, et par-dessus tout ignarde^
et les Facultés libres, fondées par des hommes avides d'échap-
per à la routine universitaire*. « Les gens du peuple disent
encore un avare, une avarde.
11. as, a&se, ace, ache; is, isse, iche; oche, uche.
Ces suffixes dérivent de aceus [acea); iceus{icea), icius [icia];
oceus [ocea); uceus [ucea). Ils ont formé des adjectifs et des
substantifs ayant en général une signification collective, aug-
mentative ou péjorative : coutelas^ embarras^ tracas, plâtras,
cuirasse, liasse, paperasse, lavasse, rondache; châssis, lattis,
lavis, pelisse, saucisse, caniche, lévriche; mailloche, sacoche;
guenuchc, peluche.
De nos jours, seuls les suffixes as, asse et is sont encore vi-
vants ; as, asse a une signification péjorative très-nette : on en
sent la valeur dans lavasse, bestiasse, paperasse ; blondasse, fa-
dasse; dans les dérivés secondaires, écrivassier, finassier. Ce-
pendant, les créations nouvelles sont rares : je ne vois à citer
que cocasse, qui date de notre siècle.
Is est en vieux français eïs, eïz, plus anciennement ediz, de
aticius. Le suffixe de la première conjugaison at-icius s'est
substitué aux suffixes t-icius s-icius, etc., des autres conju-
gaisons *. Il a une signification collective : arrachis, couchis,
1. Lfi Pays, journal quotidien, politique, littéraire, etc.; n" du lundi 24 avril
1876, page 3, col. 2 ; page 1, col. 2.
2, Voir plus haut, p. 77, 78.
(
— 92 —
gûcJiis, gnillochifi, hachis, lattis, etc. Il a fourni à la langue
contemporaine le moi cailloutis : « Entre la maison et le jardin
règne un cailloutis en cuvette. » (Balzac, le Père Goriot).
12. aire.
Aster annonce une ressemblance incomplète avec l'idée du
thème; de là une signification généralement péjorative*. Il a
formé des substantifs : parâtre, marâtre, écolâtre, gentillâ-
tre, etc., et des a.ô}eci[îs : bellâtre, douceâtre, folâtre; spéciale-
ment des adjectifs indiquant la nuance affaiblie d'une couleur :
blanchâtre, brunâtre, grisâtre, jaunâtre, noirâtre, olivâtre,
rougeâtre, roussâtre, verdâtre.
A interroger le sentiment de la langue, il semble qu'aujour-
d'hui ce suffixe n'ait plus gardé sa valeur propre que dans ce
dernier emploi, et que les créations nouvelles, si elles doivent
se produire, consisteront dans des adjectifs désignant des
couleurs voisines de celles qu'indique le radical : rosâtre,
blondâtre, fauvâtre^- —
\ 13. aud, aude.
En vieux françaîs^açfcFi^. Ce suffixe vient, comme ard, d'un
suffixe germanique [wald], par l'intermédiaire des noms pro-
pres francs : Grimwakl, Answald, Herwald. Il a d'abord servi
à former des noms propres, soit avec des radicaux germani-
ques, Guiraud, Guinaud, Regnaud, soit avec des radicaux
jomans, Bellaud, Bonaud, Brunaud, Clairaud, etc. lia ensuite
passé à des noms communs de personnes, d'animaux, à des
adjectifs auxquels il a ajouté d'ordinaire une mauvaise si-
gnification : nigaud, ribaud, clabaud, pataud, levraut; lour-
daud, saligaud, salaud, finaud, noiraud, rougeaud, cour-
taud, etc.
La signification de ce suffixe dans les dérivés d'adjectifs est
encore très-sensible; nous ne connaissons cependant pas de
dérivations nouvelles.
14-15. c, e'e.
Terminaison du participe passé de la première conjugaison
{atus, ata), ce suffixe forme des adjectifs ou des participes
passés ayant la valeur d'adjectifs. D'un substantif la langue
1. Diez. Grammaire, l. H, p. :i60de la traduction française.
— 93 —
peut tirer un adjectif ou un participe, sans passer par le verbe
en er; parfois même on ne peut créer le verbe d'où semble
dériver le participe. Soleillé se disait au dix-septième et au
dix-huitième siècle : « Deux petites chambres bien soleillées. »
(Mercier, Néologie). Soleiller n'a jamais existé. Le verbe peut
dériver postérieurement du participe. Imager le style est un
néologisme contemporain; style imagé a été créé par Mercier
en 1801. M. Littré a donc tort de faire de imagé le participe
passé du verbe imager.
Cette formation est très-vivante dans la langue populaire,
commune ou savante. Elle a les mêmes caractères que la dé-
rivation, d'une singulière richesse et d'une fécondité inépui-
sable, à laquelle on doit les verbes en er. Voici quelques
exemples :
abeille : « Le manteau impérial est abeille » (Littré, su^j-
plém,.).
accidenté : « A droite se creusait en abhne un immense
ravin déchiré, accidenté de la façon la plus sauvagement ro-
mantique. » (Th. Gautier, dans le Dict. de Larousse). Au fig.
« Guillen de Castro traita le théâtre à sa mode, et non selon
celle du temps : il préféra les sujets héroïques et accidentés. »
(Phil. Chastes, ibid.)
auréolé : « Que de regards fanés, de crânes déplumés, en-
core auréolés de rêves. » (Daudet, Jack^ I, § 6).
baugé : « Un vieil ermite baugé dans l'enceinte des grands
mélèzes. » (E. About, dans SchoUe, Archives de Herrig, XLll,
p. 116)
bouqueté : « Sur les reliefs perpendiculaires du paysage,
des pentes roses ou bouquetées de cépées de hêtres ; des pics
dardant la nue, des dômes coiffés de glace. » (Chateaubriand,
Mémoires., X, 217).
chaudronné : « Je ne sais pourquoi je m'étais figuré que
Prague était niché dans un trou de montagnes, qui portaient
leur ombre noire sur un tapon de maisons chaudronnées. »
(Chateaubr., ibid.., X, 453).
chocolaté : « crème chocolatée. »
corsé :^( un cheval corsé» au figuré: « Ah çà! vous tâcherez
que le déjeuner soit un peu corsé. » (E. Scribe, dans le Dict.
de Larousse.) La vieille langue disait corsa.
cosmétique: « Sa forte moustache blonde, trbs-cosméti-
— 94 —
quée^ sa face large et pâle, lui donnaient l'air d'un mousque-
taire malade. « (Daudet, Jack^ I, S 2).
couleuré a été employé par G. Sand dans la Petite Fadette
(Scholle, Programme^ p. 14).
crêmé : « Toile crêmée. » (Catalogue du magasin des Trois
Quartiers, p. 39).
fuchsine : « Vins fuchsines. » Mot créé récemment.
(jouaché : « Miniature gouachée. « (Littré, supplément.)
imagé : « style imagé, » créé par Mercier dans sa Néologie
(1801). Le mot a réussi.
kilométré: «Une route kilométrée. » (G. Bousquet, Revue
des Deux Mondes, 1876, t. V, p. 722). ,
laitonné: «Tulle laitonné. » (Littré).
mélasse: «Eau mélassée.^^ (Littré, supplément).
meringué: «Glaces meringuées. y> [Description des brevets,
1842, 1" série, t. LVII, 278).
mouvementé : « style mouvementé. »
ornementé : « plafond ornementé. »
paraffiné : « huile paraffinée. r>
phylloxéré: « l'immersion des vignes phylloxérées.^^ [Compt.
rend, des séances de VAcad. des sciences, 20 nov. 1876).
référencé: « homme bien référencé, » qui a dé bonnes réfé-
rences. Mot familier.
typé: « Alfred, brimborion maigre et muselé, typé comme
Murray. » (Tôpfer, Voyages, II, V^ journée).
vanillé : crème vanillée, chocolat vanillé.
On peut compléter cette liste avec l'aide de celle des dérivés
en er (dérivation verbale).
Le participe passé, sous la forme féminine ée, donne nais-
sance à des substantifs qui ne gardent plus trace de la signi-
fication verbale que leur conférait l'étymologie. Ils désignent
le plus souvent la quantité de ce que peut contenir un récep-
tacle^ : une bouchée, une poignée, une pelletée, une charretée,
une cuillerée, une assiettée, une platée.
Ce suffixe est encore vivement senti, quoique les créations
nouvelles soient fort rares : pochetée, de pochette'=^ poche, ce
qu'un pochard peut absorber de boisson : par extension,
ivresse, et au figuré, bêtise.
1. Pour d'autres significations qu'on retrouve dan>< des mots datant de la vieille
langue, voir Diez, II, 330 de la traduction française. — Ce suffixe est une forme
du substantif participial ; cf. plus haut, p< 57.
— 95 —
16. eau, elle; creau, evelle.
Eau, elle est le latin Mua ella; ereau erelle en est une forme
allongée*. Ces deux suffixes ont gardé leur pleine valeur de
diminutifs, surtout erran, erelle; néanmoins, nous trouvons
à peine deux ou trois mots nouveaux. M. Scholle signale
comme néologismes {Programme, p. 15), faiteau employé par
Balzac, et [Archives de Herrig, XLII, 127) sapineau, employé
parÉm. Souvestre [Les/lngesdu foyer, le Sagar des Vosges, II).
Nuelle se dit pour petite nue. Les botanistes désignent les
corps reproducteurs des cryptogames sous le nom d'embryon-
nelles. Si l'on considère embryon non plus comme un mot
grec, mais comme un mot français, cette dérivation devient
normale et tout à fait conforme aux lois de la langue.
15 bis. eil eille, de iculus icula [sommeil, oreille) , n'existe
plus comme suffixe actif.
15 ter. et, voir al.
17. ement.
Nous avons expliqué plus haut^ comment le suffixe latin
menlum est devenu en français ement. Ement est aujourd'hui
un suffixe d'une singulière richesse, formant sans cesse des
dérivés de verbe qui expriment, soit l'action indiquée par le
radical, soit l'état, soit l'objet qui résulte de cette action. La
plupart des créations nouvelles appartiennent à la langue po-
pulaire et à la terminologie scientifique ou industrielle. Il en
est bien peu pour lesquels la langue littéraire puisse se dé-
partir de sa sévérité.
abêtissement (Littré).
acclimatement, proposé par Mercier (Néologie); aujour-
d'hui reçu.
affouillement : « Quelques-uns pensent que les glaciers
ont creusé les lacs ou du moins leurs bassins... ils soutien-
nent la théorie de V affouillement glaciaire. » (Ch. Martins, jRe-
i)uedes Deux Mondes, 1" février 1867, p. 607)*
affairement (Littré, supplémeiit).
affriolement, mot usité dans la conversation.
1. Cf. plushaul, p. 72.
2. W 77.
— 96 —
agissement (Littré, suppUmeni). S'emploie surtout au
pluriel : « Les agissements de cet homme. » Selon M. F. Wey
[Remarques sur la langue française, II, 93) , ce mot est dû à
M. Billaud.
ahurissement, terme populaire très-ùsité. (Littré, supplé-
ment) .
alluvionnement (Littré, supplém.) ; apitoiement, proposé
en 1845 par Richard; assainissement (Littré, supplém.)^ assou-
plissement (G. Sand, cité par Scholle, Programme, p. 13).
assourdissement :
N'ai-je donc point assez, mes filles,
De Vassourdissemenl des flots?
(V. Hugo, Orientales, xxxv.)
atterrissement, employé par M. Saveney pour atterrissage
[SchoWe, Programme, p. 13).
bâillonnement, le bâillonnement de la presse ; cachotement
(Littré); canonnement- le canonnement de la place; collationne-
ment (Littré, supplém.).
débraillement, mot familier, usité à côté de débraillé.
débroussaillement, déguisement, désolernent (Littré, sup-
plém ).
déraillement, auquel M. Littré préfère dérailement qui est
tout à fait inusité.
dragonnement (Littré, s wpjî^em.j; effarement (Littré).
e/T'rértemen/ ;« Néologisme, État d'une âme effrénée; Dé-
chaînement des passions. » (Littré.)
encanaillement : « V encanaillement , prélude aristocra-
tique, commence ce que la Révolution devait achever. »
(V. Hugo, l'Homme qui rit, II, I, 3.)
endimanchement: «La foule s'était amassée aux abords de
la halle avec un tumulte, un brouhaha d'endimanchement. »
(Daudet, Jack, II, § 3.)
endossement d'un effet de commerce (Littré, supplém.).
engloutissement, proposé en 1845 par Richard, et devenu
aujourd'hui très-français : « Et quelque jour le colosse, cou-
ronné de chants d'oiseaux, de vols d'abeilles.... prenait l'as-
pect d'un arbre frappé de la foudre et s'abattait enfin en lais-
sant là-haut sur le flot des cimes le vide d'un engloutisse-
ment. » (Daudet, Jack, l,$8.)
envolement: «Avec sa nature d'oiseau étourdi, ses envole-
ments et cette volonté du zigzag. » (Id. ibid., § 9).
— 97 —
éreintement : « C'est leur souvenir [le souvenir des journa-
listes) qui vient le premier à l'esprit, quand on entend parler
d'érem/ewr et d' éreintement. Le mot est né chez eux et a été
fait pour eux. Il ne paraît pas qu'il date de fort loin. Je crois
même, sauf meilleur avis, qu'il est de notre génération. »
(Fr. Sarcey, Le mot et la cliose^ p. 108).
éploiement: « De beaux faisans atteints dans Véploiement
de leurs brillantes ailes. » (N. Roqueplan, Parisine^-p. 193).
framboisement (Littré, supplém.].
grisollement : « Le grisollement de l'alouette.» (Cherbulliez,
Prosper Randoce, II).
jointement, mandatement (Littré, supplétn.), ordonnance^
nient (Littré).
pépiement des moineaux: E. Souvestre dans Scholle [Pro-
gramme, p. 16), Ch. Nodier, dans le dict. de Dochez.
pelotonnement ; pleurnichement à côté de pleurnicherie,
Th. Gautier [le Capit. Fracasse, XII).
refrènement : « Le refrènement de la politique de con-
quête. » (Laveleye, Rev. des Deux Mondes, P' nov. 1867, p. 41,
cité par Scholle, Archives de Herrig, XLII, 126).
renfrognement : « Ses yeux ridés, dont l'expression passe
du sourire prescrit aux danseurs à l'amer renfrognement de
l'escompteur.» (Balzac, le Père Goriot).
retombement : « Pourquoi ce retombement dans la dou-
leur?» (E. de Guérin, Journal).
trimbalement, mot familier, très-usité, omis par M. Littré.
18. erîe.
Voici encore un suffixe très-riche. C'est un allongement
de ie qui se trouve dans courtoisie, folie, jalousie, et qui vient
du latin populaire îa, altération du latin classique îa; erie
s'est si bien substitué à ie que ce dernier ne forme plus de
nouveaux dérivés ; car dans les dérivés des mots en ier, tels
que chemisier, chemiserie, on ne décompose plus ene en e?*
(affaiblissement de ier) et en ie (chemis-ier; chem.is-er-ie) ,
mais on considère ier et erie comme deux suffixes différents
d'un même thème {chemis-ier, chemis-eric). Erie se fixe au
thème des substantifs, des adjectifs et des verbes, et il ajoute
à l'idée qu'ils expriment des nuances très-diverses. Tantôt il
indique l'idée de la qualité (généralement défavorable) expri-
— 98 —
lïiée par le thème, comme dans poltronnerie, singerie, diable-
lie, bigoterie, pruderie ; tantôt il marque le résultat de l'action
verbale, comme dans badinerie, criaillerie, tricherie, plaisan-
terie, causerie. Ce résultat est conçu ail sens concret, avec
une idée collective, dans argenterie, bijouterie, orfèvrerie, ma-
çonnerie, verrerie. L'idée collective se développe dans hôtelle-
rie, boulangerie, bonneterie, ladrerie, laiterie, huilerie, qui
indicjuent des établissements ; elle reste seule dans cavalerie,
infanterie, boiserie, verroterie, bimbeloterie^
Voici des dérivés nouveaux qui montrerit la grande fécon-
dité de ce suffixe. La plupart manquent au Dictionnaire de
M. Littré :
bonasserie : « On rit à pleine goi'ge de la cànaillerie nàîvë
d'une reine et de la bonasserie d'un roi. » (J. Vallès, la Rue,
l'A cadémie) .
bonhommerie : « Aussi les personnages de M. feai*rière
(dans la comédie des Faux Bonshommes) ne sont-ils vrai-
ment que des bonshommes. Leur bonhomie peut être fausse;
leur « bonhommerie » est hors de doute. « (Weiss, Essais sur
ïhist. de la Littér. franc., 1865, p. 102).
cànaillerie, voir bonasserie.
cocasserie : « Drôlerie comique. »(L. Larchey), crâiierie.
cucotterie: « Monde des cocottes. » (L. Larchey).
crasserie : « Vous lui avez fait .... je suis trop poli pour
dire une crasserie, mais enfin une chose qui ne se fait pas. «
(E. About, VInfâme, II).
désœuvrerie: « Se faire gentil par fatuitisme et par désœu-
vrerie. » (L. Desnoyers, les Béotiens de Paris).
flânerie,
gâterie : « Et encore les gâteries continuelles de la mère
rendaient elles assez difficile la tâche de l'époux. » (Balzac,
les Employés, éd. de 1856, p. 161). iBalzac souligne le mot,
le signalant ainsi comme néologisme. M. Littré cite, d'après
Dochez, un exemple tiré des Souvenirs de la marquise de Cre-
qui, ce qui prouverait que le mot est beaucoup plus ancien;
mais ces Mémoires sont apocryphes et datent de l'époque où
écrivait Balzac.
griserie : « Cotte griserie farouche de la bataille. » (J. Clare-
1. Cl. Maelzner, Franzosische Grammatik, p. 280,
— 99 —
lie, Le beau Soiignûc, 1876, I, p. 81). « Cette Odeur fraîche et
salée, ce coiij) (d'éventail que la marée montante dégage h
chaque vague, lui mit au cœur la griserie du voyage. » (Dau-
det, Jach, II, §8).
histrionnerie : « hliistrionnerie monte aux honneurs, le
patriciàt descend à V histrionnerie. » (L. Veuillot, Odeurs de
Paris, III, 1). M. de Montégut a créé Jiistrionie : « H y a de ces
mots qui viennent, en droite ligne, du royaume àliistrionie et
du puissant empire du cabotinage. » {Revue des Deux Mondes,
V"" mars 1859, p. 222). La dérivation lùstrionie et l'expression
même royaume dliislrionie ont un caractère marqué d'ar-
chaïsme.
humanitairerie : « Messieurs (et mesdames) de l'avenir
et de V humanitairerie, qu'entendez- vous par ces paroles ?
Entendez-vous que, dans les temps futurs, on perfectionnera
les moyens matériels du bien-être de tous?... ôii enten-
dez-vous que l'objet de perfectionnement sera l'homme
lui-même?» (A. de Musset, 2'= Lettre de Dupais et Coton-
net) .
rnarmitomierie : <■<■ Holà! ho! toute \di marmilonnerie,(\\Ji on
se dépêche! » (Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, III).
nwmerie : « Le populaire et la môm&iie se portent à la
rencontre du bataillon qui vient. » (J. Vallès, la Rue, la Vie
de Province), Ce mot, dérivé de môme, est à distinguer de
momerie.
narquoiserie : « Les narquoiseries d'une critique.... »
(Veuillot, Odeurs de Paris, II, 4).
patrioterie : « Lui qui avait été élevé dans la, patrioterie et
la religion de la baïonnette souveraine. » (Th. Gautier, Les
Jeune France, 1833, p. 145).
pocharderie (Fr. Michel; L. Larchey).
pudiharderie (L. Larchey), dériVê de pudibard ; voir plus
haut, p. 90.
rouerie paraît dater de notre siècle.
songerie : « Dévorés de noires songeries. » (Baudelaire,
Fleurs du mal, cxxiv); « L'éternelle songerie des gens et des
peuples qui rêvent l'impossible. » (J, Claretie, Le beau
Solignac, 1876, I, p. 216). — Soiigerie dit autre chose que
rêverie.
Les noms qui précèdent peuvent se diviser en deux classes,
suivant la nature du radical auquel se joint le suflixe : si
_ 100 —
c'est un verbe, le suffixe forme des noms d'action {griserie,
songerie)] si c'est un nom ou un adjectif, il forme un nom de
qualité qui a une valeur plus ou moins dépréciative.
Il nous reste à rappeler l'emploi de ce suffixe dans la langue
technique ; on jugera par ces exemples combien lui est rede-
vable la nomenclature du commerce et de l'industrie :
beurrerie, biscuiterie, carrosserie, charronnerie, chemiserie,
chocolaterie, clicher ie [Liiiré, sripplément), confiturerie, droguis-
terie*, fîleterie^, guimperie (Littré, suppL), gailletlerie (Littré,
suppL), gypserie, indiennerie (Littré, suppl.), ivoirerie, lampis-
terie, lunetterie, œufrerie^ (Littré, suppl.) , ossellerie, tourne-
rie, etc., etc.
19, esse. ise.
Viennent du latin i^ia : justitia .-justesse etjoutise (v. franc.).
A esse appartiennent des dérivés tels que richesse, rudesse,
sagesse, liardiesse, faiblesse, mollesse, etc.; à ise, des dérivés
tels que franchise, cafardise, couardise, gaillardise, gourman-
dise, mignardise, etc. Les deux suffixes sont encore vivants.
robustesse : « Des graines apportées par le vent se dévelop-
paient avec cette robustesse vivace particulière aux mauvaises
herbes. » (Th. Gautier, le Capit. Fracasse, I).
grandesse : « Un rayon à la Rembrandt ou un trait de
grandesse à la Velasquez. » (Th. Gautier, Étude sur Baude-
laire''),
vantardise : « Une vantardise insupportable. » (Réville,
Revue des Deux Mondes, l*"" juillet 1867, p. 157, dans Littré).
roublardise (E. Zola, V Assommoir, p. 408).
20. esse.
De issa qui vient lui-même de icaot, suffixe grec passé dans
le latin. Ce suffixe forme des féminins de noms d'hommes et
1. Que dire à l'ouvrier qui, pour son industrie,
Fait les mots de boulange et de droguisterie?
(Vicnnet, Èpîlre à Boileau.)^
2. « Au milieu, la filature proprement dite ; à droite, la filelerie ou fabrique du
fil à coudre.» (E. About, l'Infâme, VII.)
3. Dérive A'œufriev, mot mal fait, qui devrait ôlre œuvier et donner œuverie.
4. Grandesse a peut-être clé repris au vieux français où il est usuel; mais
même dans ce cas, pour être com|)ris, il doit présenter une dérivation conforme à
celle de la langue actuelle; radical et suffixe y doivent être reconnaissables et sé-
parables; par suite le mot a toute la valeur d'un dérivé nouveau.
— 101 —
d'animaux : maitresse, princesse, doctoresse, Suissesse, sauva-
r/esse, mulâtrestie, pauvrefise, diablesse, ânesse, tigresse, etc.
Formations nouvelles :
mômesse : « Malgré les cris, les rêves, mômes, indnœsscs,
lantcs et père, tous chantonnaient. » (.1. Vallès, la Rue, AU
right) .
no t air esse : « Eh ! eh! insinua le notaire,... elle s'est mise,
en frais pour lui. — Césarine est si coquette ! dit la notai-
resse. » (André Theuriet, Lncile Désenclos, II).
21. el, elle; ol, olle.
Le latin populaire possédait un suffixe diminutif Utus qui
a affecté en roman les formes attus ettus iltus ottus : ainsi en
français alglat, pauvret, petit, pâlot. De ces quatres formes, et
et ot seuls sont restés dans la langue actuelle.
Et, ot se fixent soit à des substantifs existants : herbe herbette,
île îlot, soit à des thèmes verbaux allum-er allum-ette, brûl-er
brid-ot. Dans les deux cas ils forment des substantifs. Ils se
joignent aussi à des adjectifs pour donner naissance à d'au-
tres adjectifs : long longuet, pâle pâlot. Entre le radical et le
suffixe peuvent s'intercaler les syllabes el ou er : enfant-el-et
verd-el-et, ang-el-ot; abl-er-et, guill-er-et.
Parmi les dérivés nouveaux, citons :
affichette : « Une affîcliette de rien. » (Yeuillot, Odeurs de
Paris, 11,7).
bubelette : « Un nez cardinalisé, tout fleuri de bubelettes
s'épanouissant en bubes entre deux petits yeux vairons. »
(Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, II).
causette, devuielte (Littré, supplément), termes fami-
liers.
douillette, pardessus de soie ouatée.
formulette : « formulette de donation entre enfants. »
(Mélusine, 1877, I, col. 29).
risette (faire). Ce mot du langage enfantin est-il récent?
wagonnet, ou vagonet (Littré) et vagonette, petite voiture
de campagnô.
boulot, boulotte, petite personne grosse et grasse.
bousingot, terme populaire, de boudin. L'intercalation du
g est difficile à expliquer.
— 102 —
jugeotte, terme familier, très-usité : on l'accompagne
d'ordinaire de l'adjectif ^se^if : « selon ma petite jugeotte. » —
Manque dans le Dictionnaire de M, Littré. Est-il récent?
moblot, mot créé en 1869 : mobile devient mohelot
mohlot.
parlotte : « ha. parlotte des avocats, » le lieu où ils se réu-
nissent pour parler ensemble. Mot familier, qui comporte une
.idée défavorable.
tringlot, soldat du train des équipages militaires. Ce mot
est-il fait sur l'analogie de moblot [mo-b-lot = trin-g-lot]l S'il
lui est antérieur, n'y a-t-il pas eu confusion entre train et
tringle ?
21 bis. Les suffixes eul eule, euil, ol oie, de eolus eola, olus
ola [filleul fill-cule, chevr-euil; campag-nol, rouge-ole, flamm-
er-ole), semblent aujourd'hui éteints.
22. eur.
'Latin or orem : a donné des substantifs dérivés à significa-
tion abstraite : blancheur^ douceur, froideur, verdeur, noirceur,
fraîcheur, maigreur, etc.
Nous ne connaissons pas de dérivés nouveaux; ce suffixe
cependant est encore capable d'en former.
23 et 24. eur, euse; eux, euse.
atorem est devenu en français edor (xi" siècle), cor {xw-
x\u'), eeur (xiii«), eur (xiV'j.Le suffixe qui en latin appartenait
à la première conjugaison s'est étendu à toutes les autres et,
s'attachant au radical du participe présent, est devenu le suf-
fixe général des noms d'agents. Il a fourni et fournit encore
à la langue une foule de dérivés; chaque verbe en effet est
capable de donner naissance à un nom d'agent. Nous n'es-
saierons pas de présenter une liste complète.
acclimateur (Littré, supplém.), aiguilleur (sur une ligne
ferrée).
amincisseur : « Il faut des amincisseurs, des aplatisseurs,
des ayilisseurs qui ôtent aux doctrines criminelles certaines
âpretés. » (Veuillot, Odeurs de Paris, lY, 7).
— 103 —
aplatisseiir, voir l'exemple précédent. Aplatisacur a été
essayé par Voltaire dans une lettre familière à Maupertuis où
il l'appelle Vaplatissevr du globe, pour avoir découvert l'apla-
tissement de la terre aux pôles.
approfondisseur : « Les approfondisseurs des sciences oc-«
cultes. « (Th. Gautier, Prem. poésies, Albertus, CXI).
asservisseur, voir Littré, supplém.
atermoyeur [G. Sand, dans Scholle, Programme, p. 13).
baptiseur : Jean le Baptiseur (saint Jean-Baptiste) (E. Bur-
nouf, dans Scholle, Prograrxtme, p. 13).
baugeur (Littré, supplém ).
bénisseur, terme familier : « un père bénisseur », qui a
toujours des prières, des bénédictions sur les lèvres; biseau^
teur (Littré, supplém.) ; blagueur, terme très-populaire.
bonisseur, saltimbanque qui récite le boniment. « Les en-
tendez vous sur les tréteaux? Le bonisseur aboie, le paillasses
glapit. » (J. Vallès, la Rue, la Parade).
boxeur, proposé par Mercier (1801).
Voilà des boxeurs à Paris,
Courons vite ouvrir des paris.
(Béranger, les Boxeurs, dans Littré.)
caramboleur, cascadeur (Littré, supplém.).
circuleur: « C'est un singulier peuple, un étrange amal-
game que ce tas de çirculeurs. » (L. Desnoyers, les Béotiens de»
Paris).
chapardeur, terme populaire , comme le suivant.
chippeur: « Insulteur comme un feuilleton, hardi et chip-
peur comme un gamin de Paris. » (Balzac, la Maison Nu-*
cingen, éd. de 1856, p. 23).
collectionneur, condenseur, confectionneur^^, dérangeur^
désireur, discuteur, disposeur, émetteur, enregistreur, entasseur,
rprouveur (Littré, Dict. et Supplém.).
éreinteur, voir éreintement, plus haut, p. 97.
flâneur; folioteur, appareil pour folioter les pages d'un
registre; fricoteur.
frôleur : « De cette voix caressante et frôleuse qu'ont les
mères, elle murmurait... » (Daudet, Jack, I, § 11).
gaveur (de pigeons), gêneur, gommeur (Littré, Dict. el
Suppl.).
1. Voir plus bas, page 107, a.n mot chemisier.
— 104 —
insulleuï\ proposé par Mercier (1801). \ o'ir chippeur,
lâcheur (Littré), limousineur (Fr. Michel, Études sur Var~
got), lotisseur^, numéroteur (Littré, supplém.).
pélroleur^ priseur (de tabac), prodigueur, prostitueur (Lit-
tré, suppL).
rabatteur. 31. Scholle [Archives de Herrig, XLII, 126) signale
ce mot comme un néologisme dans kho\x\.[Rev . desD. Mond.j
l"mars 1867, p. 97). Il manque en effet dans les dictionnaires
spéciaux de chasse, mais il est donné par M. Littré.
racineur (Littré, supplém.).
rageur signifiait au seizième siècle folâtre, comme rager
signifiait folâtrer. La signification moderne paraît récente, et
rageur est un mot nouveau refait sur rage.
rentoileurs de caries géographiques (Bottin, 1875, p. 771.)
repêcheur de noyés : « Madame, le voici, le repêcheur de
noyés; faut qu'on l'écoute. » (E. About, Jacques Mainfroi, II).
roulageur, synonyme de roulier (E. Souvestre, Souvenirs,
XXX; dans Scholle, ibid.).
sauveteur; septembriseur, mot qui date de la Révolution;
transmetteur, transporteur.
transvaseur : « appareil dit transvaseur ou pompe porta-
tive à jet continu, pour transvaser le vin et autres liquides. »
(Descript. des brevets, 1824; V série, t. XXYIII, p. 244).
viveur: « Voilà donc Mozart viveur, mais ce n'est qu'un
petit mérite ou ce n'est rien; il faut que Mozart soit penseur. «
(Veuillot, Odeurs de Paris, IV, 3).
La liste qui précède trouve son complément dans celle qui
a été donnée, p. 47.
La terminaison eur dans la bouche du peuple s'est long-
temps prononcée eu^, et s'est écrite eux, par suite d'une con-
fusion avec eux de osus. De là un suffixe secondaire eux euse
qui doit à son origine populaire une signification péjorative.
C'est ainsi que les parlageurs sont devenus les parlageux.
Les partisans de la Commune ont reçu le nom de communeux
avant d'être définitivement appelés communards. Sous la
1. Celui qui fait les lots à vendie à la criée, aux Halles. Voir un article du jour-
nal la Patrie, du 19 janvier 18T7, sur les mois employés aux Halles. Gaveur,
donné plus haut, est cité également dans cet article.
2. R final, dans la prononciation populaire des noms en eur et des infinitifs en
ir, ne se faisait pas entendre au quinzième ni au seizième siècle ; il reparut au
dix-septième, sous l'influence de la prononciation plus soignée des gens du
monde.
— 105 —
plume de plus d'un journaliste, dans ces dernières années,
les bonapartistes se sont métamorphosés en bonaparteux. Les
gommeux qui florissaient sur les boulevards vers 1873 étaient
les élégants qui n'avaient d'autre occupation que de se gom-
mer, de se pommader, de se parfumer.
Comme variante dialectale de ce suffixe eux, il faut citer ou
dans voyou, c'est-à-dire voyeux, proprement « gamin des
rues (des voies). »
Ce suffixe péjoratif doit être distingué du suffixe suivant :
•25. eu-x, euse.
Latin osus osa; suffixe riche en adjectifs, et dont l'énergie
ne s'est pas alîaiblie depuis les origines de la langue jusqu'à
nos jours. Dérivés nouveaux :
cireux: ii Le teint presque livide ou plutôt cireux.» (Clarc-
tie, Le beau Solignac, 1876, I, p. 10).
décheleux (Littré , supplém.), ébouleux (Liltré), mureiix
(id., supplém.), ponceux (id.).
poussiéreux, proposé par Mercier, avec une nuance parti-
culière que n'a pas poudreux: « Nos arsenaux poussiéreux. »
Les deux adjectifs auraient pu vivre l'un à côté de l'autre :
malheureusement poussiéreux commence à détrôner poudreux.
<t Les bouteilles poussiéreuses arrivant du cellier. » (Daudet,
Jackj 111, § 2). « Les couloirs poussiéreux s'emplissent de défilés
plus ou moins longs. » (Id., ibid., § 6).
pisseux : « Roux pisseux, » — « Une teinte pissevse. » (Th.
Gautier, Cap. Fracasse, 1 et 11.)
précautionneux (Littré).
25 bis. is, iche, voir as; ie, voir erie.
26. ien, ienne.
L'origine de ce suffixe est curieuse. A latin accentué est de-
venu e dans les syllabes ouvertes : cantkre chantEr, cantktum
chantÉ, pktrem ptre. Précédé d'une palatale, il est devenu ié en
vieux français, dans des cas déterminés : ckput chie/*, laxkre
/aissiEr, etc. Suivi de m ou n, il est devenu ain ; ^JANem pAiN,
Auat Ame, etc. Suivi de m ou n et précédé de la palatale, il est
devenu ié, c'est-à-dire que la nasale n'a pas exercé d'influence :
— 106 —
CAïiem, CHiEn, paOiknum pamn (v. l'r.), chrisùiAnv/m chrestiiEn
(v. fr.). Ce groupe ien, issu de anum dans quelques cas spé-
ciaux seulemepl, a été utilisé ensuite par la langue, traité
par elle comme un suffixe nouveau, et appliqué à des substan-
tifs pour former soit des substantifs, soit des adjectifs : garde
gardien, Prusse Prussien, monarchie monarchien, collège collé-
gien ^
Ce suffixe, qui a donné un très-grand nombre de dérivés, ap-
partient plutôt à la langue littéraire qu'à la langue populaire.
Les créations nouvelles, assez nombreuses, sont presque tou-
tes formées d'après des types latins : nous les examinerons
plus tard ; il n'y a guère que faubourien qui puisse revendi-
quer une origine populaire; mais je ne sais si ce mot n'est
pas plus ancien que notre siècle.
27. ier, ière.
Dô arius aria arium; suffixe qui, dès les origines, a donné à
la langue un nombre copsidérable de dérivés, et qui n'a point
épuisé sa féconde action. On peut en juger par la liste sui-
vante, fort incomplète d'ailleurs :
NOMS DE PERSONNES.
animalier, peintre d'animaux.
ambulancier, employé d'une ambulance.
avironnier, fabricant d'avirons.
baissier, boursier qui joue à la baisse.
baonboutier, chinoiseur - bamboutier ^.
boulevardier, boulevardière : « homme qu'on rencontre
tous les jours flânant sur les boulevards; — femme galante
fréquentant les boulevards. » (Lorédan Larchey).
boursicotier, homme qui joue à la Bourse; synonyme de
boursier, auquel toutefois il ajoute une nuance de dénigre-
ment due au suffixe, diminutif et péjoratif, icol de boursicot
(ou boursicaut'"). On a dit aussi boursicoteur, mais la langue
s'est définitivement décidée pour boursicotier.
1. Cf. Romania, IV, 124.
2. Cf. plus haut, p. 73, et plus bas, p. 152.
3. Seul donné par le Dict. de l'Académie.
— 107 —
brochurievy cejui qui n'écrit que des brochures.
chemisier :
Que dire à l'ouvrier....
Qui, rougissant des noms de linger, de tailleur,
Se nomme cliemisier et confectionneur?
(Viennet, Epître à Boileau.)
coupletier, celui qui fait les couplets 'd'un opéra comique,
d'un vaudeville.
crinolinier, fabricant de crinolines.
conférencier^ celui qui fait des conférences.
coulissier :
Messe de l'agio que la voix des huissiers
Colporte par versets aux lointains coulissiers.
(Barthélémy, Némésis, V Archevêché et la Bourse.)
caricaturier, dessinateur de caricatures.
carottier: « Vient le soldat carotlier qui, sous prétexte de
conseils pour l'avenir, se fait rincer la gorge (par le con-
scrit). » (J. Vallès, la Rue, Prends ton sac).
ceinturonnier, fabricant de ceinturons.
'centrier, membre du centre dans une assemblée parle-
mentaire.
centre-gaucher, membre du centre gauche*.
droitier, membre de la droite.
chocolatier, fabricant, marchand de chocolat.
échotier : « Rédacteur chargé des Échos de Paris dans un
journal. » (L. Larchey).
épauletier, fabricant d'épaulettes.
équipier, homme d'équipe.
haussier, boursier qui joue à la hausse.
limousinier, entrepreneur de maçonnerie, de limousin, ma-
çon; la plupart des maçons viennent du Limousin.
ordre-moralier, nom donné par quelques journaux (de
1873 à 1875) aux partisans de r« ordre moral. »
oulrancier, partisan de la guerre à outrance; mot créé
pendant la guerre de 1870-1871.
1. Centre-gaucher est formé de centre-gauche avec le suffixe er de gaucher.
Ce suffixe n'est pas différent du suffixe ter : la vieille langue disait : gauchier, et
de môme bouchier, vachier, etc. Mais vers le quatorzième siècle la terminaison
ier s'est réduite k cr dans tous les substantifs où elle était précédée de ch ou g :
boucher j vacher, berger, verger, etc.
— 108 —
parolier, celui qui fait les paroles d'un opéra comique.
petil-fournier : « Cette multitude de pâtisseries légères qui
constituent l'art assez récent du pâtissier petit- fournier. »
(Brillât-Savarin, Pltysiologie du Goût, i, 45).
policier, homme de police.
présurier, marchand de présure.
robinetier, fabricant ou marchand de robinets.
salonnier, critique qui rend compte des salons, des expo-
sitions d'œuvres d'art.
tahleautier : « compositeur qui fait spécialement les ta-
bleaux et ouvrages à filets et à chiffres. » (Boutmy, Dict. de
U argot typogr.).
NOMS DE CHOSES.
boulier ou boulier - compteur, appareil formé de dix trin-
gles garnies chacune de dix boules, pour apprendre à compter.
chéquier, carnet de chèques.
échéancier, carnets de négociants pour inscrire les échéan-
ces des effets à recevoir ou à acquitter.
œufrier, vase où l'on met des œufs pour les conserver
fraisa
plumier, boîte à recevoir plumes et porte-plumes.
gentilhommière, terme de mépris pour désigner la de-
meure d'un hobereau. Voir enlomber, p. 139.
glissière [Règlement de U Expositio7i universelle de 1867, dans
Scholle, Programme, p. 15).
ADJECTIFS.
balconnier. L'éloquence balconnière de M. Gambetla a ali-
menté un instant la verve d'une partie de la presse.
betteravier : « H ne peut décidément se traiter à la Cham-
bre une question un peu importante sans que MM. les avocats
n'en profitent pour créer un barbarisme; on a, ce mois-ci,
parlé pendant trois jours de l'industrie betteravière. » (A. Karr,
/es Guêpes, juin 1840; dans Littré, supplém.). .
gazier, l'industrie gazière.
mulassier : « L'industrie mulassière » [Règlement de l'Ex-
position universelle de 1867, dans Scholle, Progra/mmej p. 15).
1. Voirolus haut, p. 100, n. 3.
— 109 —
Le suffixe ier, comme on le voit par ces quelques exemples,
est encore très-vivant. Toutefois il a perdu une partie de sa
force primitive. Le vieux français tirait des dérivées en ier de
substantifs abstraits indiquant des qualités, des faits moraux :
droiturier, losengier, justicier, orgueillier, mençongier (subst.),
pautonier, etc., ou de thèmes verbaux : encombrier, destour-
bier, recouvrier, consirier, destrier. Ces deux sortes de dériva-
tion dont l'une fournissait des qualificatifs, l'autre des sub-
stantifs abstraits, semblent disparues. On ne créerait plus
un mensongier pour « un menteur 5), un orgueillier pour
« un orgueilleux «; on ne comprendrait pas davantage une
dérivation telle que un embarrassier (c'est-à-dire un embar-
ras)j faite sur le modèle de encombrier. Le vieux français
disait communier pour « partisan de la commune ». Quand
éclata, en 1871, l'insurrection de la Commune, les chefs du
mouvement ne surent de quel nom se désigner : communiste
avait déjà pris une acception spéciale; ils ne voulaient pas
accepter la dénomination méprisante de communeux ni de
communard; ils adoptèrent communaliste, qui avait le tort
de ne pas rappeler le mot essentiel de commune; la déri-
vation communier se serait imposée d'elle-même, si l'emploi
du suffixe ne s'était restreint. Quand madame de la Sablière
appelait La Fontaine son fablier, elle donnait ingénieusement
à entendre qu'à son avis le bonhomme produisait naturelle-
ment ses fables comme le pommier des pommes et le poirier
des poires. Cette fine expression ne pouvait être créée qu'à une
époque où la langue ne reconnaissait déjà plus au suffixe
toute son ancienne signification. Un fablier, au moyen âge,
si le mot avait existé, aurait été un auteur de fables.
1er de nos jours crée donc des dérivés désignant des per-
sonnes agissantes, qui produisent, fabriquent l'objet indiqué
par le radical.
28. ille.
Le suffixe latin -culus se présentait d'ordinaire précédé d'une
voyelle : a-culus^ e-culus, ï-culus, î-culus, u-culus. De là ail
aille, eil eille, il ille, ouil (archaïque : genouil, etc.) ouille.
Il ille ont laissé un certain nombre de dérivés : chenil, péril,
persil, grésil, etc. ; chenille, pointillé, flottille, etc. Il n'est plus
vivant; ille semble encore capable de formations nouvelles,
au sens spécial de collection de menues choses : en effet, dans
flottille, brindille, pacotille, ramille, on sent encore l'idée parti-
— 110 —
cuiière que le suffixe donne aux dérivés : réunion de petits
navires, de petits brins, de petits paquets, de petites bran-
ches. De là les mots qui paraissent de formation moderne,
sinon contemporaine, charmille^ ormille, coiulrille, plantation
de petites branches de charme, d'orme, de coudrier. Ce suf-
fixe viendrait-il, avec une acception spéciale, prendre place à
côté du suffixe aie?
29 et 30. 171, ine.
Du latin inus. Ce suffixe a eu divers emplois et diverses si-
gnifications : témoin les dérivés suivants : Poitev-in, Mess-in;
argent-in, ferr-in, ov-in (v. franc.); en/ani-m, bad-in; grapp-in,
tet-in; — rout-ine, sais-ine; 7iar-ine, terr-ine, etc. De hOs
jours, il donne naissance à des adjectifs et à des sub-.
stantifs.
Adjectifs. — On a créé crépusculin (Littré), azurin (Littré),
zéphyrin : « Ils se glissent parés de robes zéphyrmes. » (Bar-
thélémy, Némésis, Le Palais-Royal en hiver).
Le vieux français avait ivorin, devenu aii seizième siècle
ivoirin, sous l'influence cVivoire. Ivoirin est rentré de nos jours
dans l'usage; est-ce le mot archaïque rajeuni? est-ce un litlot
nouveau?
L'expression [race] bovine a amené {racé) asine.
Substantifs. — Le suffixe in ine forme des substantifs ayant
une signification diminutive : fort fortin, ours oursin^ ignorant
ignorantin; cette signification devient facilement péjorative :
plaisantin, calotin. Voici des dérivés nouveaux :
baguenaudine : « canne-éventail-écran, dite baguenau-
dine. « (Descript. des brevets, 1829, t. XXVII, p. 216).
balancin :
Le balancin de canne où Miss ïilda repose
Obéit à son poids léger.
(E. d'Hervilly, A la Louisiaifïe.)
maquereau tin. M. L. Larchey, conformant J'orthograDhe
à la prononciation, éci'it macrotin.
régeniin : « Boileau était un peu adonné à la théorie et
au précepte, un peu régentin. » (Scherer dans Littré, supplé-
ment) .
sabotine : « Sortes de sabots légers dits sabotines. » ( Des-
cript. des brevets, 1" série, 1839, t. XLVII, p. 208).
— 111 -
tableautin : « Un tableautin, chcf-d'beuvrc d'esprit et de
couleur. » (Théophile Gautier, dans Littré).
taUladin, nom que les confiseurs donnent à des tranches
rninces de citron ou d'orange.
Ces substantifs en vi nous amènent à la nomenclature
spéciale qui a fait de la terminaison féminine ine un intéres-
sjiht emploi. Ine désigne des étoffes, des parfumeries, et, dans
le langage de la chimie, les principes essentiels de certains
composés. Créations de savants ou d'industriels à demi let-
ti"és, les dérivés de ce suffixe offrent un mélange de formes
populaires, demî-savantes et savantes, difficiles à classer.
Brillantine, viulettine, amandine, etc., laissent facilement re-
connaître comme radicaux dés mots français : brillant, violette,
amande. Mais ongidine, citrine, bandoline, etc., ribiis font jre-
monter à des thèmes étrangers à la langue [ungul-us, citr-us,
bçindolo?). De même dans la nomenclature chimique, caféine,
fibrine, <;wartme, etc., sont décomposablcs en inots ffànçaîs:
café, fibre, guano, etc.; mais morphine, stéanne, albumine, etc.,
rie pèuveiit trouver leur explication dans des radicaux de la
langue.
Le sufflxie ine et les dérives qu'il produit soiit donc un exem-
ple de la formation de cette langue commune, demi-savante,
demi-française, où tantôt, comme ici, des suffixes populaires
s'ajoutent à des radicaux français ou latins et grecs, tantôt des
suffixes d'origine latine ou grecque s'attachent à des mots
français {divin-atoire, journal-isme).
Comme la nomenclature scientifique, malgré quelques déri-
vations conformes au caractère du français, recourt spéciale-
ment à des thèmes grecs oii latihs, nous parlerons plus tard
(dans la section consacrée cà la dérivation savante) de l'emploi
que font les chimistes du suffixe ine. Nous passerons ici en
revue divers dérivés que l'on doit à la terminologie indus-
trielle. Nous parlons des mots que créent les fabricants ou
marchands de « nouveautés '>, de parfumerie. Nous entrons
ici dans le domaine de la mode. Chaque année voit se suc-
céder de nouvelles élégances, de nouvelles façons de vête-
ments, de nouvelles étoffes; des noms nouveaux, aussi bi-
zarres que les caprices de la mode, sont mis en circulation
appelés à vivre.... ce que vivent les modes; l'espace d'une sai-
son. Le philologue ne dédaigne pas d'étudier ces dénomina-
— 112 —
lions incessamment renouvelées , où se montre d'une manière
visible l'activité de la langue.
Un des plus riches éléments de formation nouvelle est la
dérivation par ine. Pour les noms d'étoffe, les modèles étaient
donnés par la mousseline, la popeline, la lustrine, la percaline,
la huratine, Yalepine; celles-ci nous ont amené la taffetaline, la
crêpeline, la tartaline, la veloutine, la castorine % la moleskine,
la crinoline, etc. L'année dernière les magasins de nouveautés
mettaient en vente la diamantine, la levantine, la mulhousine,
la louisine. Dans la collection des brevets (P* série, t. XXXI,
p. 205), je vois un inventeur prendre un brevet, en 1831, pour
une étoffe de sa fabrication à laquelle il donne — fort à pro-
pos — le nom de philippine.
On remarquera que la plupart de ces noms ne sont pas des
diminutifs de noms d'étoffe ; preuve que le suffixe a reçu de
l'usage un emploi assez spécial pour emporter avec lui l'idée
d'étoffe.
La parfumerie s'est également appropriée ce suffixe. Elle
nous fournit Vamandine, inventée et dénommée en 1834 (Des-
cript. des brevets, 1'" série, t. XXXIX, p. 296); la brillantine (pour
moustaches); la handoline, préparation pour les cheveux, dit
le catalogue de M. Pi ver; la poudre citrine, fort utile à l'en-
tretien des mains; la cornélineei la violettine, sortes d'huile;
la lustraline, qui sert à fixer les cheveux et leur donne du
brillant; Vonguline, pâte pour les ongles; la poncine, savon où
entre la ponce, etc., etc.,
La chimie nous fournira d'autres dérivés plus barbares,
plus obscurs que ceux qui précèdent. Ces derniers, en effet,
malgré quelques bizarreries [bandoline, cornéline, crinoline,
onguline, citrine), sont formés selon le génie de la langue,
et l'oh ne peut, dans cette mesure, qu'approuver l'usage de
cette dérivation.
30 bis. — ise, voir esse; ochey voir as.
31. oir, oire.
De atorium, atoria, devenus edoir edoire, eoir eoire, oir oire.
Ce suffixe est représenté dans la langue moderne par plus
de deux cents mots, indiquant des objets, moyens d'action :
1. Chaudement cuirassé dans une mstorine. (Barthélémy, Némcsis, Qu'est-ce
qu'an pair?)
— 113 —
abreuvoir j accotoir, accordoir, accoudoir, affînoir, ajusloir,
arrosoir, a^persoir, assommoir, etc.; attrapoire,avaloirc, bai-
gnoire, balançoire, bassinoire, bouilloire, brandilloire, branloire,
etc.
Ce suffixe est toujours vivant : voici quelques noms relevés
dans le recueil des descriptions de brevets ; ce sont des mots
créés par les inventeurs, et ces formations nouvelles, éphé-
mères ou durables, suffisent à montrer l'activité incessante
du suffixe.
aiguisoir, instrument à aiguiser les couteaux (Descript.
des brevets, 1828, 1" série, t. XXVI, p. 17).
bobinoir : « instrument dit 6o6moîV destiné à préparer des
mèches de coton au fil en gros, pour être ensuite filées en plus
fin. » [Ibid., 1834, t. XXX, p. 4).
découpoir à rubans {ibid., 1842, t. LIV, p. 38) ; dételoir [ibid,,
1845, 2" série, t. VI, p. 174).
glanoir [ibid. P* série, t. LU, p. kk9);méchoir : «broche mé-
canique dite méchoir. » [Ibid., 1827, 1" série, l. XXII, p. 341) ;
suspensoir (appareil pour malades, ibid., 1846, 2" série, t. VIII,
p. 229); « métier à tisser d'un nouveau genre dit tortoir porte-
volants. » [Ibid., 1811, 1" série, t. IX, p. 222), etc., etc.
31 bis. — ois oise, voir ais aise; ol oie, voir eul.
32. on.
Latin onem. Ce suffixe s'est joint à des thèmes verbaux ou
nominaux sans ajouter beajcoup à leur signification propre:
espie devient espion, forgeur forgeron, chiffe chiffon, manclte
manchon, etc. * C'est à cette signification large et vague qu'il
doit d'avoir reçu des valeurs tout à fait opposées suivant les
pays. En italien et en espagnol il est souvent augmentatif,
en provençal et en français diminutif. Les deux significations
contradictoires se rencontrent dans le mot médaillon qui,
comme dérivé français du français médaille, veut dire petite
médaille, et qui, comme représentant de l'italien medaglione,
dérivé de medaglia, signifie grande médaille.
Dans la langue actuelle il n'a qu'une valeur diminutive. Il
a donné, à notre connaissance, le mot : veston, petite veste.
1. Il a forme aussi des noms de peuples : Gascon, Breton, Bourguignon, La-
pon.
8
— 114 —
L'idée diminulivc s'accenluc par l'intercalation de syllabes
entre le radical et le suffixe * : barb-ill-on, houv-ill-on^ négr-
ill-on, barb-ich-07ij berr-ich-on, fol-ich-on; choc-aill~on, mor-
aill-on, etc. Voici un dérivé nouveau de ce genre : moussaillon:
« Un moussaillon^ au-dessus de la machine, transmet ses or-
dres (du capitaine). » (J. Vallès, la Rue, AU right).
31 bis. — Ot otte, voir et ette.
33. té.
Latin tatem. Suffixe qui s'ajoute aux adjectifs pour former
des noms abstraits exprimant la qualité de l'adjectif : bon-té,
san-té, loyal-té loyau-té, pur-té (vieux français). Par suite
d'influences diverses, actions phonétiques des groupes de
consonnes, qui terminent parfois le radical, essai de retour à
l'orthographe latine, té est devenu de bonne heure été, ou
plutôt té s'est fixé à la forme terminée en e des adjectifs :
ancienne-té, briève-té, chaste-té^ débonnaire-té^ fausse-té, ferme-
té, gracieuse-té, grossière-té, habile-té, joyeuse-té, lâche-té,
méchance-té, naïve-té, oisive-té, pure-té, rare-té, sale-té, etc.
Ce suffixe disparaît de la langue actuelle, étouffé par le
suffixe de formation savante ité, qui est repris directement au
latin. On ne peut citer que de rares néologismes. Selon M. F.
Wey ^, c'est à Beaumarchais qu'on doit citoyenneté. Rétiveté,
que donne M. Littré dans son Dictionnaire, paraît récent.
A/freuseté, qu'il n'a pas recueilli, se dit dans le peuple.
34. u.
Le suffixe ** (lat. utus), si expressif dans la vieille langue,
s'appliquait aux noms désignant certaines parties du corps
pour en indiquer le fort développement : têtu, lippu, membru,
charnu, pansu, ventru, corsu, etc. \ La signification de ce
1. Voir plus bautj p. 75.
2. Remarques sur la langue française au dix-neuvième siècle, t. I, p. 147.
L'auteur de cet ouvrage remarque (p. 127), à propos du mot tendreté, que « le
plus grand obstacle à l'admission de ce mot, indépendamment de celui qui
résulte de sa forme vicieuse, consiste dans la bizarrerie, dalis la recherche de
celte expression.» Le mot est très-français; quant à sa forme, comme on le voit
par les dérivés analogues, elle a toute la correction possible. Tendre ne peut
donner, comme substantifs abstraits, que tendresse (ou tendrise), tendreur et
tendreté. Tendresse a été reçu pour le sens figuré ou moral; au sens propre, il
n'y avait à hésiter qu'entre tendreur et tendreté; tendreté a triomphé.
3 De voir l'autre tout cpaulu,
Ossu, memOrUj fessu, velu, (Scarron, Virgile travesti, V.)
— 115 —
suffixe est encore comprise : Balzac a fait revivre l'archaïque
(jrifju, et V. Hugo a créé moustachu :
Ce masque moustachu dont la bouche vantarde
S'ouvrait dans toute sa grandeur.
(Châtiments^ VII, ii, la Reculade, k.)
Ce César moits^ac/iM. (Ibid., III, vin, Splendeurs, 2.)
Uche, voir as. Ce suffixe a eu un développement spécial dans
l'argot.
35. ure.
De atura, devenu edure eûre eure ure. Ce suffixe a donné nais-
sance à de nombreux dérivés, noms et verbes. De nos jours
il est encore vivant, comme le montrent quelques créations
nouvelles :,
crêpelure: « Deux longues mèches se détachaient capricieu-
sement des crêpelures. « (Th. Gautier, le Capit. Fracasse^ II).
nacrure : « La nacrure de ses épaules. » (J. Glaretie, le Beau
Solignac, 1876, 1. 1, p. 151).
Mais ce suffixe cède peu à peu la place à son rival de forma-
tion savante : al-ure. Ici encore la formation française se res-
treint de jour en jour devant les envahissements ininter-
rompus de la langue savante, du latin.
CHAPITRE VI.
SUFFIXES VERBAUX.
La dérivation verbale se fait à l'aide du suffixe er qui
s'ajoute à l'adjectif ou au substantif dont on veut tirer un
verbe. Quelquefois entre le radical et la terminaison er s'in-
tercale une syllabe qui modifie par une nuance spéciale la si-
gnification du dérivé.
Rien ne saurait donner une idée de la fécondité de la déri-
vation verbale dans les langues romanes en général, dans le
français en particulier. « Les langues romanes, dit Fuchs, ont
une foule extraordinaire de verbes ; car elles peuvent de tout
— 116 —
substantif qu'il leur plaît, par simple addition des terminai-
sons de conjugaison, former des verbes nouveaux. « En tout
temps le français a joui de cette liberté illimitée, et la langue
contemporaine n'a pas hésité pour son compte à en user et
à en abuser. Voici une liste qui, toute longue qu'elle est,
ne présente assurément qu'une faible partie des dérivations
nouvelles:
s'absinther.
activer :k Néologisme. Donner de l'activité, hâter, pousser.
Activer les travaux. » (Littré). « L'homme qui s'en allait déjà
en clopinant, activant de toutes ses forces, mais sans grand
résultat, ses jambes tordues. »(A. Daudet, Jack, I, S 9). « Cha-
cun retourne à son poste et s'active avec le furieux du déses-
poir. « (Id., ibid., II, § 8). « Jack, au fond du fossé, ivhs-activé
de sa recherche. » (Id., ibid., I, ^ 9). Cf. plus haut, p. 31.
agrémenter : « On dirait fort bien agrémenter une robe. »
(Mercier, 7Véo^o^ie.)cc Un corsage de taffetas gris, agrémenté de
velours noir et de soie. »(Th. Gautier, le Capitaine Fracasse^W).
Maître Watteau, dans l'art (ïagrémenter un rêve,
Je suis votre confrère et non pas votre élève.
(Gh. Coran, à Watteau.)
ankyloser (Littré), aquapuncturer (Littré, supplém.), atro-
phier (Littré), autographier (Littré), autopsier (Littré, supplém.).
ballaster [hiiiré, supplém,.), bambocher (Littré).
baser, Voir p. 31, la citation de M. Viennet. « Ce néolo-
gisme, dit M. Littré, n'a rien de condamnable en soi, puisque
baser est formé par rapport à base, comme fonder, par rapport
kfond; mais il est inutile. » Baser au propre (si le sens propre
était usité) se distinguerait de fonder, en ce que, la base étant
la surface inférieure par laquelle l'objet repose sur le fonde-
ment, baser une chose serait la poser sur sa base, la fonder
serait la poser sur un fondement. Mais au figuré la distinc-
tion s'efface, et baser se confondant avec fonder est, en effet,
inutile.
benoitonner : « Porter une toilette ridicule, c'est-à-dire à la
Benoiton. » (L. Larchey).
berlholler (Littré), biscuiter (ibid.), biseauter (ibid.), bisser
(ibid.).
blaguer :u Le voyou, le Parisien naturel ne pleure pas, il
pleurniche; il ne rit pas, il ricane; il ne plaisante pas, il bla-
— 117 —
gue; il ne danse pas, il chahute. » (Veuillot, Odeurs de PariSy
III, 4.). « Il ne blaguait plus les sergents de ville. » (E. Zola,
VAsfiommoirj p. 370).
bordurer (un jardin).
boursicoter (Littré)^, bouturer (id.).
brochiirer, écrire une brochure.
ca/o^/er quelqu'un (Littré); caoutchouter ^camelotter{ih\d.).
Camelotter au sens de « fabriquer de mauvaises marchan-
dises » est récent et vient de camelotte ; au sens de « imiter le
camelot », il est ancien et vient de camelot.
capitonner (Littré), caricaturer (id.), cavalcader (id.).
chahuter, terme bas ; voir blaguer.
chaparder, terme populaire que nos soldats d'Afrique ont
acclimaté en France.
chouchouter: « Tu seras chouchouté comme un chouchou,
comme un dieu. » (Balzac, dans L. Larchey). Chouchou, re-
doublement de chou, terme très-familier d'amitié, de ten-
dresse : « Mon petit chou. »
clayonner, clôturer : « La séance est clôturée, »; collecter :
« Les sommes collectées, » ; commanditer (une société), con-
currencer (Littré, supplém.), confectionner un vêtement, une
robe; vêtements confectionnés; de là confectionneur, voir plus
haut, p. 103.
contagionner, synonyme populaire du terme scientifique
contagier.
controverser : « Peu d'hommes ont été plus controversés,
plus attaqués que M. Buloz. » {Liberté du 14 janvier 1877).
cotillonner, populaire, fréquenter des cotillons.
courbaturer : « Ce mot nouveau est régulièrement formé de
courbature, comme conjecturer de conjecture. Il n'a pas d'autre
sens que courbattre, qui n'est resté usité que dans le parler
populaire de certains cantons. Il est un peu comme clôturer
qu'on dit souvent, parce qu'on ne connaît pas assez le verbe
clore. Ces allongements de mots ne sont pas toujours une
richesse dans la langue. » (Littré, remarque au mot courba-
turer).
courbouillonner : « Les écureuils gris courbouillonnés au
vin de Madère. » (Brillât-Savarin, Physiologie du goût, I, 38).
crâner, faire le crâne : « Sans chercher à crâner, il enten-
dait agir en homme propre. « (E. Zola, V Assommoir, p. 79).
croûtonner : « Peindre des croûtes. » (L, Larchey).
1. Cf. plus haut boursicotier, p. 106.
— 118 —
défectionner : « Néologisme. Faire défection. » (Littré).
distancer (Littré), diagnostiquer (id.), drainer (id.).
électionner [hiiiré, suppl.).
émotionner : « Elle était très-blanche , et si émotionnée^
qu'elle avait failli tomber. »(Zola, r Assommoir, p. 264). « Ce
verbe nouveau est d'un assez mauvais style; cependant il est
régulièrement fait, comme affectionner, d'affection. » (Littré).
éreinter: « Ceci est un auteur? disent-ils [les journalistes) ;
chacun peut en parler, puisqu'il s'imprime : donc je Véreinte. »
(A. de Musset, 3^ lettre de Dupuis et Cotonnet). Voir p. 97.
esclavager : « Elle avouait aussi naïvement combien elle
était esclavagée. 5> (A. Daudet, Jack, III, 5 2).
explosionner (Littré, supplém.).
fac-similer (Littré), folioter (id.), fluxionner.
fuchsiner les vins. Mot de formation toute récente.
gaminer :
Je gaminais après l'école,
Avec le trèfle et le mouron.
(Ch. Coran, Dans Vherbe.)
gaudrioler, terme populaire : « Il aime à gaudrioler. »
géographier : « Un ciel (plafond) passé de couleur et géo-
graphie d'îles inconnues par l'infiltration des eaux delà pluie.»
(Th. Gautier, dans Scholle, Archives de Herrig, XLII, 122).
gemmer, faire le gemmage (Clavé, Études forestières) ; voix
plus haut, p. 83, au mot gemmage.
handicaper, terme du turf (Littré, supplém.).
horizonner : a La blanche Loire qui nous horizonne. »
(E. de Guérin, Journal). « Des ports fleuris, horizonnés de forêts
de palmiers, de bananiers au vert panache, de collines vio-
lettes. » (A. Daudet, Jack, II, § 8).
illusionner : « La pauvre fille ne s'illusionnait pas sur elle-
même. * (A. Daudet, Jack, II, ^ 4). « Ce néologisme est accep-
table ; illusionner est formé comme affectionner. » (Littré) Le
mot est proposé par Mercier, dans sa Néologie.
impressionner: « La mort de son camarade l'avait beaucoup
impressionné. » ( A. Daudet, Jack, I, § 6 ). « Ce mot est nou-
veau sans doute, mais il est régulièrement fait, comme affec-
Honner d'affection. » (Littré) .
influencer ne paraît dans le Dictionnaire de l'Académie
qu'à partir de l'édition de 1835.
iwnc/ier, dérivé de lunch; cf. plus bas, p. 256.
— 119 —
métaphysiquer : « Je ne sais point métaphyfiiquer mes sen-
timents. » (E. de Guérin, Journal).
menoUer ;
Et tu crois follement, dans tes mains de pygmée,
Menotter notre zèle et bâillonner nos cris.
(Barthélémy, Némésis, Liberté de la presse.)
molletonner une étoffe.
mouvementer: « Il faut un peu plus mouvementer cet acte,
cette scène. » L'adjectif mouvementé d'où est tiré le verbe est
également un néologisme fort usité : paysage mouvementé^
scène mouvementée, style mouvementé.
numéroter (Littré), ornementer (id.), panneauter (id.).
pasticher :<i On no, pastiche pas que les mots, on copie les
idées. » (J. Vallès, la Rue, Proudhon.)
patronner (Littré), perquisitionner {[À\Xvé,,supplém.),pétrO'
ler [id., ibid.); pouler, t. de turf {id., ibid.) , primer (Littré),
priser du tabac (id.), progresser (id.).
pistonner, terme trivial, importuner (L. Larchey). Se dit
également pour : aider quelqu'un à préparer ses examens ;
par extension, appuyer, protéger quelqu'un.
rébellionner, mot qui date du commencement du siècle;
réglementer, révolutionner .
saluter : « Il éleva son verre en salutant et en vida le
contenu. » (Th. Gautier, dans Scholle, Archives de Herrig,
XLII, 117).
sauvegarder : « Ce néologisme incorrect n'est pas à imiter ;
sauvegarde ne peut se transformer en verbe ; le verbe serait
sauf-garder et non sauvegarder. » (Littré). Si de sauvegarde on
a tiré sauvegarder, c'est qu'on ne reconnaît plus dans (le sub-
stantif les deux éléments composants sauve et garde, et qu'il
s'est réduit à un mot simple. C'est ainsi que clairvoyant
donne clairvoyance et non clairevoyance.
subventionner, se suicider, soutacher.
tricolorer :
Mille drapeaux levés tricolorent l'espace.
(Barthélémy, Némésis, Au Roi.)
trôner ; truquer , vivre de trucs , de roueries. M. Littré a
truque^ir.
turbiner, terme populaire, travailler (L. Larchey); se
turbiner, se fatiguer.
— 120 —
tuyauter^ vallonner^ valser.
victimer : « Le canut... a mis la probité à la porte en
songeant que les négociants le victimaient. » (Balzac, la Mai-
son Nucingen, éd. de 1856, p. 62).
La langue a formé jadis, spécialement avec des adjectifs, un
certain nombre de verbes en ir: grand, grandir; frais, fraî-
chir, etc. Nous ne voyons pas de nouvelles formations de
ce genre , sauf blondir et quelques parasyntlcétiques verbaux
(voir plus loin, p. 130, n' 4).
Les verbes que nous venons de citer sont des exemples de
la dérivation immédiate. La dérivation peut aussi ^ivo, médiate,
lorsque entre le radical et la terminaison er s'intercale une
syllabe qui ajoute à l'idée exprimée par le dérivé une nuance
spéciale, généralement méprisante.
AILLER : intrigailler : « L'homme incapable a une femme
pleine de tête qui l'a poussé par là, qui l'a fait nommer dé-
puté ; s'il n'a pas de talent dans les bureaux, il intrigaille
à la Chambre. » (Balzac, les Employés, éd. de 1856,
p. 220).
philosophailler, proposé par Mercier, qui dans sa Néologie
imagine l'exemple suivant : « Ce bureau d'esprit qu'on appe-
lait Académie française a beaucoup nui aux talents originaux;
mais il menait à la fortune les abbés qui consentaient à phi-
losophailler. » Mercier propose également réglern entailler.
semailler : « Ils prêchent et courent, et vont semaillant ]&
ne sais quoi que le vent emporte. » (A. de Musset, 'i" lettre de
Dupuis et Cotonnet).
toussailler et toussoter, qui manquent dans le Dictionnaire
de M. Littré, sont usités dans le langage familier. 11 en est
de môme de courailler dont M. L. Larchey cite un exemple de
Balzac, au sens de : mener une vie peu régulière.
iLLER : égorgiller : «Cette nuit même, si vous n'aviez pas
veillé sous les armes, ils vous auraient gentiment égorgillé
dans votre chambrette. » (Th. Gautier, le Capit. Fracasse, XL)
ERONNER : chanteronner : « Cet impertinent... chanteronna
quelque roulade italienne. » (Balzac, le Père Goriot j 1835, 1. 1,
p. 153).
OCHER : flânocher : « Alors l'après-midi entière, il fiâno-
chait dans le quartier. » (E. Zola, l'Assommoir, p. 191).
OTER OTTER : « Avcc ccla on vivote, on pensotte. » (L. Des-
noyers, les Béçtiens de Paris).
— 121 —
bouloUer, de boule ; proprement rouler doucement ; terme
populaire : « Pendant une année encore, la maison boulotta.y»
(E. Zola, U Assommoir^ p. 363.)
Rappelons l'expression f ordonne dans « c'est une Madame
f ordonne » pour dire : « c'est une femme impérieuse. » De là
le \QYhej ordonner. « Le conseil d'État va, vient, entre, sort,
revient, règle, dispose, décrète, tranche, jordonne, voit
face à face Louis-Napoléon. » (V. Hugo, Napoléon le Petit^
II, iii)S
CHAPITRE VIL
:- -iî ~ SUFFIXE ADVERBIAL.
Nous n'avons rien à observer sur les adjectifs, pronoms,
verbes, formes verbales, formés par juxtaposition ^ Nous ne
constatons pas de néologismes dans ces parties du discours.
Parmi les mots invariables, il faut considérer les adverbes.
Remarquons d'abord l'emploi populaire et, croyons-nous,
récent, de ici-/à au sens de ici. « Où est mon livre? /ci-/à. •>
On ne paraît plus se douter que là a une signification absolu-
ment opposée à celle de ici et on le fait servir à renforcer la
valeur de l'autre particule adverbiale. Exemple curieux de
l'afTaiblissement graduel que subissent dans l'usage les
significations des mots et du besoin incesssant de les fortifier
par des additions nouvelles \
Les adverbes en ment sont, comme on le sait, formés d'ad-
jectifs féminins auxquels s'attache la syllable ment, qui repré-
sente l'ablatif latin mente. La signification étymologique de
ment s'est si bien élargie et a pris un tel caractère de généra-
lité et d'abstraction qu'on peut aujourd'hui considérer cette
syllabe comme un suffixe*.
La dérivation des adverbes en ment est très-féconde ; il n'est
1. Cf. Fr.Wey, Remarques sur la langue française au dix-neuvième siècle, l,
p. 271.
2. Types : aigre-doux; celui-ci; (nous) faisons frire; f ai aimé.
3. Cf. notre Traité de la formation des mots composés, p. 61.
4. Considérant cette formation au point de vue de l'origine, nous avons dû, dans
notre Traité, la placer au chapitre de la composition. Ici, étudiant l'usage actuel,
qui ne voit plus dans ment qu'un suffixe, nous devons la placer dans la dérivation.
— 122 —
pas d'adjectif qui, à l'occasion, ne puisse se transformer en
adverbe. Voici des exemples de quelques adverbes nouvelle-
ment entrés dans l'usage ou essayés par des écrivains ; ils
serviront à montrer la richesse de cette dérivation :
adorablementj mot très-usité dans ce genre de phrases :
« Elle est adorablement belle. »
anxieusement, artistiquement, automatiquement (proposé
par Mercier).
cabalistiquement: « En remuant dans son chaudron toute
sorte d'ingrédients fantastiquement bizarres et cabalistique-
m,ent vénéneux. » (Th. Gautier, Étude sur Baudelaire).
caustiquement, proposé par Richard (1845), donné par
M. Littré.
cocassement: « (II) venait me raconter les détails cocasse-
ment tragiques de quelque expédition nocturne. » (J. Vallès,
la Rue, la Servitude).
crânement : « Le chapeau de toile cirée crânement renversé
sur la tête. » (A. Daudet, Jack, II, § 5). /
créolement :
Miss Tilda Jefferson, une enfant paresseuse ,
Paresseuse créolement.
(Ernest d'Hervilly, A la Louisiane.)
débordement : « Néologisme. D'une façon débordée, im-
morale. » (Littré.)
dictatorialement [Liiiré, suppl.), discrétionnairement (ibid.).
égoïstement : « Néologisme. D'une manière égoïste. »
(Littré.)
européennement: « Le terrain des Feuillans et le bois des
marronniers du côté de l'eau étant si européennement reconnus
comme lieux solitaires. » (Th. Gautier, les Jeune France, Da-
niel Jovard).
formidablement (Litlré, supplém.).
frileusement, proposé par Richard, manque dans Littré,
Le mot est maintenant reçu.
inconvenablement, industriellement, insurrectionnellement
(Littré).
ineffablement : « La pensée a des jours ineffablement cal-
mes. » (Ph. Boyer, Lassitude).
morbldernent : « Il a su trouver ces nuances morbidement
riches. » (Th. Gautier, Élude sur Baudelaire).
— 123 —
orientalement: (^ Onento/emen/ accroupi devant le poftle. »
(Ch. de Bernard, /e.s Ailes d'Icare, I, 2).
parlementairement :
Ce bel art si choisi d'offenser poliment
Et de se souffleter parlementairement.
(A. de Musset, Sur la Paresse.)
phosphoriquement : « Sa lueur phosphoriquement bleuâ-
tre. » (Th. Gautier, Etude sur Baudelaire).
précautionneusement : « Eugène marchait précautionneuse-
ment. » (Balzac, le Père Goriot, 1835, t. I, p. 150).
providentiellement. Vdi(\]QçX\i providentiel date de la fin du
siècle dernier.
réglementairement,
rêveusement : « Il était allé s'appuyer rêveusement à la
rampe de la terrasse. » (A. Daudet, Jack, I, § 9).
routinièrement : « Isidore était tout simplement un bureau-
crate, peu capable comme chef de bureau, mais routinièrement
formé au travail. » (Balzac, les Employés, édit. de 1856,
p. 213).
sanguinairement, proposé en 1845 par Richard, manque
encore dans le Dictionnaire de M. Littré.
sataniquement : « Il avançait quelque axiome satanique-
ment monstrueux. » (Th. Gautier, Élude sur Baudelaire).
sélectivement (Littré).
sempiternellement,
(Voulez-vous montrer)
Que tout, même la Mort, nous ment,
Et que sempiternellement,
Hélas ! il nous faudra peut-être,
Dans quelque pays inconnu,
Ecorcher la terre revêche
Et pousser une lourde bêche
Sous notre pied sanglant et nu?
(Baudelaire, Fleurs du mat, cxvin.;
sociêtairement (Littré),
soucieusement, proposé par Richard, mot reçu aujourd'hui.
tempêtueusement :
Fauve avec des tons d'écarlate.
Une aurore de fin d'été
Tempêtueusement éclate
A l'horizon ensanglanté.
(Paul Verlaine, VAngclns du matin.)
— 124 —
vivacement: « Il étaittrop vwacemeni jeune pour...» (Balzac,
le Père Goriot),
TROISIÈME SECTION,
COMPOSITION.
Les mots composés que possède la langue française se divi-
sent en trois classes : 1 : composés formés par voie de juxtapo-
sition ; 2 : composés formés à l'aide de particules ; 3 : composés
formés par composition proprement dite^.
CHAPITRE VIII.
JUXTAPOSITION.
La juxtaposition consiste dans la réunion de deux ou plu-
sieurs termes qui ont été joints l'un à l'autre suivant les rè-
gles ordinaires de la syntaxe, sans ellipse, et qui, avec le
temps, et par la force de l'usage, ont fini par se souder. Pla-
fond, formé de plat fond, piédestal, c'est-à-dire pied d'estal,
justaucorps, c'est-à-dire juste au corps, vinaigre, verjus, gen-
darme, y o'ûk des juxtaposés. Il n'est pas nécessaire que la
soudure des éléments composants soit rendue visible par
l'orthographe ; arc-en-ciel, char-à-bancs, rez-de-chaussée, et
même des mots tels que pomme de terre, corps de garde,
champ de mars, sergent de ville, sont aussi bien des juxtaposés.
Les juxtaposés se reconnaissent à ce trait que les éléments
composants perdent chacun leur signification propre, pour
rappeler seulement l'image une et simple de l'objet. Arc-en-
ciel, char-à-bancs, rez-de-chaussée, pomme de' terre, corps de
garde, sergent de ville, malgré les deux éléments significatifs
qui composent chacun de ces mots, sont devenus pour l'es-
prit des mots simples, désignant chacun un objet propre.
1. Voir notre Traité de la formation des mots composés, préface, et ch. i".
~ 125 —
La réduction des éléments composants à l'unité est l'œuvre
du temps et de l'usage. Aussi il arrive que des expressions
flottent entre deux états, n'étant pas assez simples pour de-
venir de véritables juxtaposés, étant trop simplifiées pour
n'être pas considérées comme des locutions spéciales. Les ex-
pressions qui présentent cet état intermédiaire peuvent se
désigner sous le nom de locutions par juxtaposition. Les ex-
pressions que nous allons citer ne peuvent ôtre considérées
que comme des locutions par juxtaposition; car il est difficile
que des juxtaposés se produisent sous nos yeux, puisque leur
naissance n'est que le résultat de lentes modifications anté-
rieures.
§ 1. Adjectifs et substantifs (l'un qualifiant l'autre) :
Les cent-gardes, nom d'un corps de troupe, sous le se-
cond empire.
centre droit, centre gauche, membres du centre d'une as-
semblée qui inclinent vers les opinions de la droite, de la
gauche.
demi-monde, mot mis à la mode par Al. Dumas fils :
« Il survient des querelles entre la demi-presse et le demi-
monde. » (Veuillot, Odeurs de Paris, II, 6).
franc-fileur, expression créée au temps de la guerre de
1870-1871.
haute-cour de justice.
libre-penseur; ce néologisme a succédé à franc-pensant
qui était usité au dix-huitième siècle et a remplacé le liber-
tin du dix-septième siècle.
petit - crevé , une des nombreuses appellations mépri-
santes qui ont servi à désigner les jeunes élégants de notre
temps.
Rappelons encore madame et mademoiselle, dont l'emploi
actuel, dans certaines locutions, présente des caractères de
néologisme.
Depuis longtemps monsieur et messieurs, par suite de l'u-
sage restreint que présente le mot sieur sieurs^, n'ont plus
formé que des mots simples où on ne reconnaît plus mon mes
1. Il n'est plus employé au sens propre que comme terme de pratique :/.«
sieur X. Dans la langue commune, il comporte une idée méprisante.
— 126 —
et sieur sieurs, et sont employés comme de simples substan-
tifs
Mais, MON petit UQNsieur, prenez-le un peu moins haut.
Ma foi, MON grand MONsiewr, je le prends comme il faut.
(Molière, Misanthrope, I, ii.)
Mon bon uotisieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
(La Fontaine, Fables, 1, ii.)
Son MONsiewr Trissotin me chagrine et m'assomme.
(Molière, Femmes savantes, I, m.)
Les Beaux UESsieurs de Boisdoré (G. Sand).
Il n'en est pas de même de madame mesdames, ni de mor-
demoiselle mesdemoiselles, parce que dame et demoiselle sont
encore usités de nos jours : une jeune da/me; la dame du pre-
mier étage; des dames de charité; une jeune demoiselle; ma
belle demoiselle; une demoiselle de comptoir; demoiselle d'hon-
neur; c'est la demoiselle de M. X.
Toutefois dame, ainsi que demoiselle, a quelque tendance
à sortir de l'usage, et par suite madame et mademoiselle ten-
dent de leur côté à devenir des mots simples, M. Fr. Sarcey,
dans un article du journal le Temps (25 nov. 1872), fait remar-
quer qu'il n'y a pas de « locution plus mal faite et plus ridicule
que chère madame ou chère mademoiselle. Il est évident que
chère est fort mal placé avant le pronom possessif. » L'émi-
nent critique ne voit pas que mada/me et mademoiselle devien-
nent des mots simples comme monsieur, et que, comme on n'y
sent plus l'adjectif possessif, on est tout naturellement prêt à
le redoubler. On dira chère madame comme on dit cher mon-
sieur ou chère mère ; chère mademoiselle comme on dit chère
fille. Bien plus, on ira, on va même jusqu'à dire ma chère ma-
da/me, comme on dit mon cher monsieur ' .
Il faut remarquer que dans mademoiselle les deux éléments
sont moins fortement unis que dans madame, et que chère ma^-
demoiselle, et à plus forte raison ma chère mademoiselle, se
1. M. LiUré fait observer (au mot demoiselle) qu'il est de mauvais ton de dire
votre dame, sa dam,e, voire demoiselle, sa demoiselle, et qu'il faut dire madam,e,
mademoiselle. C'est que madame, mademoiselle, devenus des mots simples, ont
un caractère plus impersonnel, plus général, et par suite plus respectueux : sans
l'adjectif possessif, votre, sa, qui en particularise l'emploi, ils ont presque
l'apparence do noms propres.
— 127 —
diront moins volontiers que c/tère madame^ma chère madame.
C'est que demoiselle est plus substantif que dame, et que les
convenances et les usages du monde en rendent l'emploi plus
usuel.
Au pluriel, l'union entre mes et dames, entre mes et demoi-
selles, n'est pas encore achevée, parce que l'emploi du pluriel
mesdames, mesdemoiselles, est moins fréquent que celui du sin-
gulier. On dit donc mesdames et mes chères dames, mesde-
moiselles et mes chères demoiselles. « Après un silence : —
M. de Lucan? reprit Julia. — Chère madame? — Expliquez-
moi donc les usages... » (Octave Feuillet, Jidia de Trécœur, v).
« Chè7'e madame... chères demoiselles! » (Th. Barrière et L. Thi-
boust, les Jocrisses de l'amour,!, 7).
Monseigneur présente le même caractère que monsieur:
monseigneur d'Orléans, le célèbre monseigneur Affre. Mais au
pluriel, et pour les mêmes raisons que mesdames, messei-
gneurs n'offre pas encore la soudure. On ne dira pas les nos-
seigneurs de Paris et de Rouen ^.
L'emploi des mêmes expressions, dans les langues voisines,
donnerait lieu à des observations analogues. Ainsi l'italien
Santa Madonna.
g II. Substantifs et substantifs (ou verbes), l'un régissant
l'autre. Nous citerons :
chemin de fer homme de peine bateau à vapeur
sergent de ville machine à vapeur machine à coudre
gardien de la paix salle d'asile etc., etc.
juge de paix voiture de place
§111. Certaines locutions forrnées par juxtaposition, mais
dont les éléments ne sont pas encore soudés entre eux, peuvent
prendre des acceptions figurées qui leur donnent l'apparence
de noms composés, en transformant leur signification, soit
1. Les nègres et les Indiens des colonies françaises donnent aux prêtres leuoni
de Monpère qui vient des pères Jésuites. Monpère est un substantif simple
comme monsieur. «Venir trouver le monpère» {Voyages et travaux des mis-
sionnaires de la Compagnie de Jésus, pour servir de complément aux Lettres
édifiantes, l, Mission de Cayenne, etc., Paris, 1857, in-12, p. 452). « Tiens! to7i
bon monpère, li mort?» (ibid., p. 455.) — Cf. «Bonjour, notre monsieur. »
(X. de Montépin, Amours d'un fou, Paris, 1856, p. 161). — Je dois ces indications
ainsi que le principe des observations qui précèdent à AI. J. Bauquier.
— 128 —
par synecdoque, soit par métaphore, soit par synecdoque et
métaphore.
un pied-bleu, conscrit portant encore les guêtres bleues
du paysan (L. Larchey).
les pantalons rouges, les soldats.
un huit-ressorts, voiture de luxe, très-suspendue (L. Lar-
chey).
un quatre-coins, un mouchoir (L. Larchey).
un trente sous, garde national qui pendant la guerre re-
cevait une solde de trente sous par jour*.
un quinze cents francs, engagé conditionnel d'un an qui
doit, au moment de son engagement, verser une somme de
quinze cents francs à l'État. — C'est à peu près de la même
manière que le vieux français disait un missoudor, c'est-à-
dire un mil sous d'or, pour désigner un cheval valant mille
sous d'or.
du trois-six, de l'eau-de-vie marquant le degré 3/6 à l'a-
réomètre.
un coin du feu, robe de chambre.
un bain de pied, excédant de liquide qui déborde dans la
soucoupe et fait prendre à la tasse comme un bain de pied.
un fruit sec, élève d'une école supérieure incapable de
réussir; par extension, celui qui ne répond pas aux espérances
qu'il avait fait concevoir. Voir sur ce mot L. Larchey.
un ver rongeur, voiture prise à l'heure.
un casque à mèche, bonnet de coton.
un tuyau de poêle, chapeau à haute forme droit.
CHAPITRE IX.
\0ÔMPOSITION A L'AIDE DE PARTICULES.
Les particules (adverbes ou prépositions) se combment
comme préfixes de diverses manières avec les substantifs, les
adjectifs, les verbes.
1. «D'autres pétrels (ossifraga gigantea, procellaria capensis) et des alcyons
(puffinus ajquinoctialis) se voyaient fréquemment autour de Saint-Paul, mais n'at-
terrissaient pas sur l'île. Ces derniers n'apparaissaient que vers le soir; aussi les
pêcheurs les nommaient quarante sous, parce qu'à l'heure où ils les aperce-
vaient ils pouvaient considérer leur journée comme gagnée.» (Voisin, Les oiseaux
de Vile Saint-Paul, Revue scientifique, 29 avril 1870.)
— 129 --
1° Elles se joignent, avec la valeur d'adverbes, à des verbes
pour en modifier la signification : prendre, sur-prondre ; man-
der, contre-mander .
2" Elles se joignent à des noms ou à des adjectifs.
1. En qualité d'adverbes.
mal-aise, bien-heureux,
dés 'honnête, dé-loyauté,
arrière-cour, sur-abondance.
2. En qualité de prépositions.
à-compte, contre-poison.
3° Elles se joignent à des noms ou à des adjectifs pour for-
mer un verbe par l'adjonction d'un suffixe verbal : er, ir :
courage en-courag-er : hardi en-hard-ir.
Ces sortes de composés reçoivent le nom de parasgnthéti-
ques verbaux, parce qu'ils sont formés synthétiquement, tout
d'un jet, par l'union simultanée du préfixe et du suffixe au
radical.
4» Elles se joignent à des noms ou à des adjectifs pour for-
mer un substantif ou un adjectif par l'addition d'un suffixe
nominal (suffixe de substantif ou d'adjectif) :
vergue en-verg-ure ; place em'j)lace-ment ; mer sous-mar-in.
Ces sortes de composés reçoivent le nom de parasynthétiques
nominaux, parce que, substantifs ou adjectifs, ils sont formés
synthéliqueinent, par l'union simultanée du préfixe et du suf-
fixe au radical.
Nous avons ailiçùrs longuement étudié ces diverses forma-
tions de composés; nous constaterons ici qu'elles sont toutes
encore vivantes et fécondes en mots nouveaux.
Les particules qui aujourd'hui, dans la langue, peuvent
former des composés, sont .- à {= ad), après, arrière, avant,
bien, contre, de, dé- ou dés-, é- ou es-, en, entre, mal, moins,
outre, par, pour, presque, re, sous, sur, sus, très.
Il est rare qu'elles entrent toutes dans les quatre combinai-
sons que nous venons d'énumérer.
A. -— I. Se combine avec les verbes (ou participes) :
appâli : l'azur appàli, les teintes appâlies du ciel. De là
dérive appâlissement, seul donné par M. Littré.
9
— 130 —
accrêlé : « Un feutre, retroussé par un bord et accrèté de
plumes rouges et blondes. » (Th. Gautier, Capitaine Fracasse,
V). « Un vieux feutre accrêté d'une plume de coq .» (Id.. ibid.,
XI).
af fouiller : « Un glacier ne pénètre pas dans un terrain
meuble à la manière d'un soc de charrue qui l'entame et Vaf-
fouille. » (Gh. Martins, Revue des Deux Mondes, P' mars 1864,
dans Scholle, Archives àQ Herrig, XLl, p. 114). De là affouille-
ment, voir plus haut, p. 95.
2. Se combine avec un substantif (ou un infinitif) en qualité
de préposition : Des à-bon-compte, terme d'administration
militaire. A-compte est déik ancien. Aval, terme de commerce,
est-il pour à-valoir ?
3. Ne se combine pas en qualité d'adverbe avec les noms.
4. Donne encore naissance à des parasynthétiques verbaux :
gourmand, a-gourmand-i : a Puisque l'argent filait quand
même, autant valait-il faire gagner au boucher qu'au mar-
chand de vin. Et Gervaise, agourmandie, s'abandonnait à cette
excuse. ^^ (E. Zola, l'Assommoir, p. 248.) — Veule, a-veul-
ir : « Ce refrain qu'elle aveulissait encore en ralentissant les
notes finales l'obsédait, la poursuivait. » (A. Daudet, Jack, I,
S 7.)
APRÈS. N'a donné que après-midi, après-dîner [-née], après-
souper {-éé), mots déjà anciens.
ARRIÈRE se combine seulement avec les noms en qualité
d'adverbe. M. Littré donne un certain nombre de composés
pour lesquels il n'apporte aucun exemple ancien ou moderne,
aucune indication de date quelconque. Peyt-être sont-ils ré-
cents : arrière-caution, -charte, -chœur, -fente, -foin, -graisse,
-narines, -nièce, -panage, -pointeuse, point-arrière, arrière-
rang, -sens, -vieillesse. En tout cas voici deux néologismes :
arrière-appartement que M. Scliolle {Programme, p. 13) relève
dans un article de la Revue des Deux-Mondes dû à M. Perrot, et
arrières-prétention : « Vous dites môme, non gans arrière-pré^
tention, que, etc. » (L. Desnoyers, les Béotiens de Paris),
AVANT ne se combine qu'avec des noms, l.en qualité d'ad-*
verbe, 2. en qualité de préposition. Parmi les composés de
avant, qui manquent au Dictionnaire de l'Académie, et que
donne M. Littré, il y en a quelques-uns sans exemples anciens
— 131 —
ou modernes ; peut-on en conclure qu'ils sont modernes?
1. avant-bouche, -cale, -courrier, -duc, -fossé, -glacis,
-mur, -pied, -poignet, -projet, -terrasse. 2. avant-lait, avant-
pieu.
Si la date de ces composés est incertaine, en voici un qui a
son état civil dûment constaté : « Avant-soc, bascule avec un
régulateur, destiné à être adapté aux charrues ordinaires. »
[Description des brevets, 1" série, t. XVI, p. 141; brevet pris
en 1818.)
BIEN. « Les journaux bien pensants. »
CONTRE se combine en qualité d'adverbe avec des verbes, en
qualité d'adverbe et de préposition avec des noms de choseK
Le Dictionnaire de M. Littré donne une liste très-riche de com-
posés avec contre; la plus grande partie de ces mots manquent
au Dictionnaire de l'Académie et ne sont accompagnés d'au-
cune indication historique. Il est à peu près sûr que les ter-
mes de blason et de marine sont anciens. Quant aux autres,
on n'en peut rien affirmer; nous les donnons toutefois ici en
y ajoutant quelques autres créés de nos jours.
1. contre-brasser , -dater, -indiquer, -lorgner, -mailler,
-percer, -planter,] -poser, -rêver, -révolutionner, -sempler,
-sommer, - tailler, -timbrer (Littré, supplém.).
Notons les composés avec participes ou adjectifs : contre--
alizé, -fleuré, -harmonique.
Ce dernier mot que M. Littré définit : « Qui est opposé à
l'harmonie, aux rapports harmoniques », est un composé pa-
rasynthétique : il ne s'analyse pas : « qui est harmonique en
opposition à d'autres sons harmoniques ; dont l'harmonie est
en opposition à d'autres sons harmoniques, »mais : « qui est
contraire aux sons harmoniques ». En d'autres termes, le mot
se décompose, non en harmonique contre, mais en ique ( = qui
est), contre, (F) harmonie. La finale ique ne joue donc pas le
même rôle que dans harmonique; ici elle tire de harmonie un
adjectif; là elle s'applique au composé total contre-harmonie.
Cette composition rappelle la composition latine ou grecque ;
dans anguimanus [angui-man-us), us est la terminaison adjec-
tive du composé a^i^m-man; de même (jLeyaXôôuixo; est non [xsyaXo-
OutAoç, mais uEYaXo-ôujA-oç. Cette composition parasynthé tique
1. Sur les diverses significations de contre en composition, voir notre Traité,
p. 89.
— 132 —
d'adjectifs tend à se développer sous une double influence,
celle de l'analogie et celle de la langue savante. Nous aurons
occasion de la rencontrer et de l'étudier encore plus loin.
2. contre-appel^ -augment, -aveu, -basson, -brodé, -cani-
veau, - charge, - clavette, - courbe, - dame, - déclaration, - déga-
gement, -dénonciation, -digue, -émail, -empois, -em-
preinte, -enquête, -épaulette, -estampe, -expertise, -exten-
sion, -fendis, -fenêtre, -fossé, -foulement, -fracture, -frase,
-fruit, -heurtoir, -jambage, -jan, -jumelles, -larmes, - ligne,
-maille, -mandat, -manœuvre, -tnarc, -mission, -mot, -mo-
tif, -moule, - opération, - ordre, -panneton, -paroi, -pas, -pas-
sation, -pente, -pilastre, -planche, -poinçon, -police, -potence,
"pouce, -pression, -projet, -promesse, -propos, -proposition,
^puff, -jJuitSy -rétable, -révolution^, -ronde, -signal, -signa-
taire, -sommation, -sommier, -sortie, -stimulant, -sujet, -taille,
-tasseau, -timbre (Littré, supplém.), - tranchée, -valeur, -verge,
-volte, -vue.
Ajoutons contre-rampe qui a le même sens que contre-pente
et que donne le Dict. des chemins de fer de M. C. de Fageolles.
contre-révolutionnaire est un parasynthétique de même
genre que contre-harmonique*.
3. contre-arc, -arêtier, -attaque, -aube, -biseau, -jet, -sai-
son [a], -sol.
Ajoutons contre-morfll : « Instrument propre à faire les ra-
soirs. » [Description des brevets, 1" série, t. XXVII, p. 106 ;
année 1828), et contre-bon sens, dans la locution familière:
« c'est un contre-bon sens. »
Cette formation est tout à fait dans le génie de la langue.
Les composés qu'elle produit ont le véritable caractère des
mots composés, qui est de pouvoir être créés et abandonnés
à l'instant suivant les caprices ou les besoins de l'idée. Expri-
ment-ils des idées qui vivent dans l'esprit du peuple, dési-
gnent-ils des objets qui durent, ils reçoivent alors la vie qui
les fait entrer dans le trésor commun de la langue. Répondent-
ils à des rapports momentanés, ils se désunissent aussitôt que
1. « Mol nouveau; il a vu le jour après celui de révolution.» {Dictionnaire na-
tional et anecdolique, pour servir à Vintelligence des mots dont la langue s'est
enrichie depuis la Révolution, etc., 1790, p. h'i.)
2. Dans notre Traité, p. 90, nous avoAs fait de contre-révolutionnaire, non
un parasynthétique, mais un dérivé de contre-révolution. Nous n'avons re-
connu que plus tard le vrai caractère de cette sorte de formation. Cf. notre Traité,
p. 323, note à la page 103, ligne il.
— 133 —
le rapport qu'ils exprimaient a disparu. Ce double fait est sen-
sible dans l'exemple suivant : « Ah! l'on trouve ici des com-
plots.. . me voilà prévenu ! et c'est à moi, à mon tour, par quel-
que contre-mine, quelque contre-jniff...\ » (E. Scribe, le Puff,
m, 7.) Contre-mine est un mot reçu dans la langue, et vivant,
parce qu'il répond ù une idée vivante; contre-puff est un mot
de circonstance, et qui ne survit pas à la situation, à l'occa-
sion qui l'a fait naître. Ces créations sont légitimes: c'est par
elles que se manifeste la vitalité de la langue.
DE (du latin de). Dans le Supplément du Dictionnaire de
M. Littré, on trouve le mot delaine « mousseline de laine. Des
delaines imprimés (par abréviation, de de et de laine). » Ce
mot, sorti de la langue industrielle, et qui a tous les carac-
tère d'un néologisme, est, à notre connaissance, le seul sub-
stantif composé de la langue moderne où entre la préposition
de avec un substantif par elle régi. La langue ancienne a créé
deputaire, débonnaire ; mais c'étaient des adjectifs : débonnaire
existe encore comme tel. Debout, qui présente une formation
analogue, est resté adverbe, quoique en voie de devenir ad-
jectif. Il faut donc signaler ce mot delaine comme l'unique re-
présentant d'une formation nouvelle où s'exerce la langue.
DÉ-, devant une voyelle ou une h muette dés-. Particule in-
séparable du mot, verbe, substantif, adjectif, participe, avec
lequel elle se combine. Elle est tantôt privative, tantôt aug-
mentative : démaigrir, par exemple, signifie rendre plus maigre,
et devenir moins maigre. Les deux significations paraissent
contradictoires, mais se concilient sans difficulté. Au fond dés
garde toujours et partout sa valeur privative. Mais tantôt, et
c'est le cas le plus ordinaire, elle porte sur l'action qu'exprime
le radical : défaire, déjuger, désenchanter, déshonorer ^ désar-
mer, etc.; ici dés annule l'idée qu'expriment faire, juger, en-
chanter, honorer, armer, etc. Tantôt elle porte sur l'état anté-
rieur k l'action qu'exprime le verbe : démaigrir, au sens actif,
est : a rendre maigre [maigrir) en faisant sortir [dés) de l'état
antérieur, en faisant cesser d'être non maigre. » Délisser, dit
M. Littré dans son Dictionnaire, signifie : « 1° Défaire ce qui était
lisse. Délisser ses cheveux ; 2" trier les feuilles de papier, de
chiffons. » Quel est le rapport de la seconde définition avec la
première? On ne le voit pas. C'est que cette définition doit être
ainsi corrigée : « Lisser les feuilles de papier, de chiffons, en
— 134 —
en défaisant les plis » (pour les mettre de côté et en faire du
papier de premier choix). On voit que dans la première défini-
tion ridée privative tombe sur le verbe lisser; dans la seconde,
sur l'état dans lequel se trouvait l'objet avant de subir l'action
verbale, état que l'idée privative de la particule, concurrem-
ment avec cette action, vient annuler. Dés ajoute donc son ef-
fet négatif à celui qu'exprime le verbe, et c'est ainsi qu'on a
pu y voir un augmentatif.
La même chose se passe pour é (es), qui vient de ex et ren-
ferme en soi une idée privative. Or, aucun des composés de ex
n'a de signification négative : émouvoir, éjouir (arch.), échauf-
fer, — éclairer, émousser, etc. D'où vient ce fait, d'apparence
si étrange, sinon que la négation porte, non sur le radical,
mais sur l'état antérieur à l'action qu'exprime le radicaP?
Dé, avec valeur privative, appartient h. la langue du peuple
et à la langue commune; avec valeur augmentative, il n'ap-
partient qu'à la langue populaire : c'est à celle-ci qu'il faut
rapporter les verbes tels que démaigrir (terme de métier) ,
délisser (terme de métier), dégueniller, dépenailler, déplumer,
déguerpir, etc., et le composé de création récente décesser (il
ne décesse de parler), blâmé par tous les grammairiens. « Dé-
cesser, employé pour cesser, dit Boiste, signifie tout le con-
traire de ce qu'on lui fait dire, le dé étant un privatif. » *< Bar-
barisme populaire, qui est une grosse faute, « dit M. Littré.
Mais en quoi décesser est-il plus incorrect que déplumer? Ils
sont de formation identique ; supprimez de part et d'autre la
particule intensive, et vous avez cesser et plumer^, qui tous
deux renferment une idée négative*.
Dé privatif se joint 1" aux verbes {dé- faire) ; 2° aux noms et
adjectifs [dés-honneur, dé-loyal) ; 3» aux noms et adjectifs pour
1. Cf. Traité de la fm^mation des mois composés, p. 84.
2. On serait tente d'expliquer déplumer pnv dé -\- plume -\- er , c'est-à-dire : dé-
garnir de plumes : cf. dé-barqu-er, dé-conlenanc-er, etc. : celte explication est
inexacte. Plumer en vieux français était d'un usage général et fort commun au
sens de dégarnir de ses plumes; et il n'a pas cessé un moment d'être en usage
jusqu'à nos jours ; vers le quinzième siècle paraît déplumer composé de plu~
mer; oX comme déplumer dit exactement la môme chose quo plumer, il faut que
dé soit pris avec une valeur intensive.
3. La valeur augmentative de dé a été fort bien reconnue, mais non expliquée,
par M. Agnel, De Vinfluence du langage populaire sur la forme de certains
mots de la langue française (in-8, 1870, p. 16 et suiv.). Il cite un certain nombre
d'exemples intéressants. 11 a toutefois le tort d'identifier le dé français (= lat.
de ex) avec le de qui est le latin de. Il est vrai que le privatif latin de arrive, par
un développement de sens analogue à celui de dés, à prendre une signification in-
tensive cependant les deux particules doivent être distinguées.
— 135 —
former des parasyiithétiques verbaux [dé-barqu-er, dé-niais-
er) ; 4» aux noms et aux adjectifs pour former des parasynthé-
tiques nominaux. Les formations nouvelles dans ces genres
de composition sont très-nombreuses. Nous n'en choisirons
qu'un petit nombre d'exemples.
1. rfécanoniser, proposé par Pougens dans son Vocabulaire^.
décarboniser; décentraliser^ « néologisme. Opérer la dé-
centralisation. » (Littré); déciviliser ^ « néologisme. Détruire
la civilisation. « (Littré).
décomprimer (Littré, supplém.).
déflagorner : « Demain, je vous attaque, et de telle façon,
monseigneur, que si je vous flagornai six mois, je vous défla-
gornerai en six jours. >» (A. de Musset, 3* lettre de Dupuis et
Cotonnet.) Le mot est souligné dans le texte.
dégalonner : « Le coulage consiste à faire faire des travaux
qui ne sont pas urgents ou nécessaires, à dégalonner et rega-
lonner les troupes. » (Balzac, les Employés, éd. de 1856, p. 432).
démoraliser : « Ce mot n'était pas connu avant la Révolu-
tion. » (Littré.)
dépoétiser: « C'est lui qui a été assassiné comme ça le
dépoétise. » (Gondinet, Gavaud, Minard et C% III, 8.)
désaffamer: « Nous avons altéré et désaltéré, et nous n'a-
vons pas désaffamé; pourquoi? » (La Harpe, cité par Mercier,
Néologie.) M. Littré donne désaffamer avec un exemple du sei-
zième siècle. Le mot, comme on voit, s'était perdu et a été
créé à nouveau.
désaffectionner: «Son tailleur qui finirait, comme la France,
par se désaffectionner. » (Balzac, Maison Nucingen, éd. de
1856, p. 20). Mercier proposa-it en 1801 désaffectionné. M. Lïiiré
signale le verbe comme un néologisme.
désaimanter ;« Un électro-aimant qui cent fois par seconde
s'aimante et se désaimante. » (Laugel, Rev. des Deux Mondes,
dans Scholle, Archives de Herrig, XLII, 119).
désappauvrir est proposé par Pougens dans son Archéo-
logie française *.
désencanailler (se) : « Les goûts bas contractés dès la jeu-
nesse ne se désencanaillent idimais. » (E. About, l'Infâme, I).
désencapuchonner : « Comme un faucon désencapuchonné. »
(Th. Gautier, le Capit. Fracasse, VII).
1. Voir plus haut, p. 25.
2. Voir plus haut, p. 26.
— 136 —
désennoblir: « Ne se sentant point la capacité de l'étude,
ils (les bohèmes) ont regardé l'étude comme une bassesse qui
désennoblit le génie. » (Veuillot, Odeurs de Paris, II, 5).
désharmoniser : « Néologisme. Troubler l'harmonie des
choses, des opinions. » (Littré.)
déshydrater, déshydro gêner.
désillusionner^ Ce mot est postérieur à illusionner, qui est
un néologisme.
"i,. Décompression, décrépissage (Littré, supplém.), décentra-
lisahle (Littré), désagrégeable (Littré, supplém.).
désabonnement : ce l\ y a des hommes qui ne plieront pas
devant l'épée, ni devant les chaînes..., ni devant la gloire ni
devant le désabonnement. » (Veuillot, Odeurs de Paris, II, k).
désaffection, désaffectionnement , signalés par M. Littré
comme néologismes.
désassociation (Littré). Le mot a été proposé par Pou-
gens [Vocabulaire).
désécluse7nent (Littré, supplém.].
détaxe, déveine (Littré).
désillusionnement (Littré), déconclu,
3. débroussailler (Littré, supplém.), décapitaliser ^ (ibid.),
mot qui date de 1872.
décarbonater , décarburer.
décapuchonner, proposé par Pougens [Vocahtdaire)-, admis
par M. Littré.
décravater : « 11 contrefaisait le docteur Gall à son cours,
de manière à décravater de rire le diplomate le mieux bou-
tonné. » (Balzac, les Employés, éd. de 1856, p. 217).
défraîchir: « C'était un papier plié en quatre, froissé, dé-
fraîchi. » (Albane , Rev. des Deux Mondes, dans Scholle, Pro-
gramme-, p. 14).
dégommer, terme populaire, pour destituer.
démoder: « Je suis déjà, de la tête aux pieds, un peu dé-
modé. » (G. Sand, dans Scholle, ibid.).
dépailler: « Des chapeaux dépaillés. » (J, Vallès, la Rue,
AU right).
dépanneauter (Littré). On dit aussi épannekr; celui-ci est
ancien, l'autre est moderne».
1. Cette formation est demi-savante, demi-populaire : le préfixe est populaire
{dé); le suffixe est savant (iser); il en est de môme des autres parasynthétiques
en iser cités dans cette liste.
2. Cf. plus haut, p. 75.
— 137 —
dépiauter (Littré, supplém.), mot très-usité dans le peuple
et formé comme le précédent.
dérailler, que M. Littré veut remplacer à tort par dérailer.
désincriister , désincrustation .
désentrailler : « Où es-tu, que je te larde, que je te cri-
ble..., que je te désentraille. y> (Th. Gautier, le Capit. Fracasse ^
V).
déveuver (Littré, suppL).
dévirginiser : «Une grosse dame.... me priait de dêvirgi-
imer sa bouteille pour l'exonérer (des frais de douane). «
(J. Vallès, la Rue, AU ricjht).
4. Comme parasynthétiques nominaux, je ne vois à citer
que dessainissemenl (Littré, supplém.), formé sur le modèle
d'assainissement, et dessouchement.
É-, ES- devant une voyelle ou une h muette. Cette parti-
cule connaît les quatre sortes de compositions. La liste des
composés qu'elle a donnés à la langue est fort considérable ,
M. Littré en cite beaucoup qui ne sont accompagnés d'aucun
exemple ancien ou moderne; ce sont, pour la plupart, des
termes de métier, qui, à moins de preuve du contraire, doi-
vent être tenus pour anciens.
Nous n'avons que très-peu d'exemples de formations ré-
centes : évalve, épalpé, époucê, qui appartiennent à la termi-
nologie de l'histoire naturelle, sont assurément modernes; de
même éhergement, terme des ponts et chaussées. M. Scholle
cite [Programme, p. 14) un verbe parasynthétique e/Jranger
dû à M. Reclus [Rev. des Deux Mondes).
EN, EM devant m, b,p, du latin in. Cette particule se préfixe
aux verbes en qualité d'adverbe, aux noms et aux adjectifs en
qualité de préposition. Elle se combine avec des noms et des
adjectifs pour produire des parasynthétiques verbaux et no-
minaux. Les quatre procédés ont enrichi la langue d'une foule
de composés; ils sont encore aujourd'hui vivants, les deux
derniers surtout.
1. s'embarbotter : « Va donc et ne Vembarbotte pas comme
tout à l'heure. » (Théaulon et Bayard, le Père de la Débutante^
111, 4, dans Littré).
emplanter, proposé par Mercier comme mot nouveau : « La
ronce s'emplante sous le rocher. » ; cité sans exemple dans le
Dict. de M. Littré.
— 138 —
2. A la liste des nombreux composés formés de la préposi-
tion en et d'un régime, la langue contemporaine a ajouté en-
dos^ terme de banque; en-tout-cas, ombrelle pouvant servir de
parapluie; entrain, contre lequel protestait M. Viennet'.
3. embander : « Néologisme. Envelopper un enfant de bandes,
de linges très-serrés. » (Littré).
embourgeoiser (Littré, supplém.). « Le siècle embourgeoisé
s'énerve. » (Th. Gautier, le Capit. Fracasse, XII).
emparadiser existait au dix-septième siècle. « L'art d'em-
paradiser les âmes. » Tel est le titre d'un ouvrage édifiant du
temps. M. Gautier l'a recréé d'après l'anglais :
Comme emparadisés dans Jes bras l'un de l'autre,
Nous ne concevions pas d'autre ciel que le nôtre.
{Prem. poés., Albertiis, IV.)
Le premier vers est le calque littéral de ce vers de Milton :
Imparadis'' d in one another's arms. (P. L. iv, 506.)
encast&riner. M. Saveney, après avoir rapporté l'opinion
de M. Hœfer, qui voyait des constructions de castors dans les
habitations lacustres, dit que M. Meunier combat cette opi-
nion. « M. Meunier presse vivement son adversaire et ne le
quitte enfin que quand il espère lui avoir fait regretter de
s'être trop légèrement encastoriné. » (Cité par Scholle, Pro-
gramme, p. 14). Le mot est assez mal créé; il faudrait en-
castorer.
encotonner: «Je ne sais pas..., quand l'ennemi passe, en-
co/onner ma cloche. » (J. 'Y(û\bs,la Bue, à un rédacteur en chef).
endiamanter (Littré, supplém.).
englauder, mot populaire actuellement en usage, et qui
est sans doute une contraction de engluauder. « Au marché
on a voulu m'englauder pour me faire dire si je lui voyais
passer sa chemise. » (Balzac, le Père Goriot).
enrubanné : « Ces quatre ou cinq personnages coiffés ,
poudrés, enrubannés, qui pendaient au mur dans leur petit
cadre flétri. » (Droz, les Étangs, p. 84). « Hercule enrubanné
file aux genoux d'Omphale. » (Th. de Banville, Odes funamb.j
La ville enchantée). « Fantasio est le type enrubanné de cette
espèce charmante. » (Veuillot, Odeurs de Paris, IV, 6).
ensoleillé, néologisme fort à la mode aujourd'hui et qui a
remplacé l'ancien soleillé. « M. Hugo semble ne pouvoir faire
un vers prosaï(iue, ni se servir d'une couleur qui ne soit aus-
1. Voir plus haut, p. 25.
— 139 —
sitôt ensoleillée. » (Veuillot, Odeurs de Paris, IV, 4). « Il ne
pouvait manquer de récolter sur les pentes du Sorata des
moissons d'idées et d'images tropicales, et d'en rapporter une
palette ensoleillée, dont il répandrait à pleine brosse dans son
drame les éblouissantes bigarrures. « (CherbuUiez, Prosper
Randoce, Revue des Deux Mondes, 15 août 1867, p. 800; dans
SchoUe, Archives de Herrig, XLII, p. 120).
ensommeillé : «Voix ensommeillée.» (Perret, cité par SchoUe,
Programme, p. 14.)
enténébrer : « (Je vois) la Grèce envahie , pénétrée par les
sombres dieux de l'Orient. Qu'adviendra -t-il du genre hu-
main, si le pays de la lumière est enlénéhré de leur culte? »
(Michelet, Bible de l'Humanité, p. 327).
entomber : « Cette famille, qui avait semé l'or, selon sa de-
vise, voyait de sa gentilhommière les riches abbayes qu'elle
avait fondées, et qui entombaient ses aïeux. » (Chateaubriand,
Mémoires, t. I, p. 29). Ce néologisme serait heureux, s'il ne
faisait songer à tomber plutôt qu'à tombe.
envagonner (Littré, supplém.).
4. Les parasynthétiques nominaux qui suivent appartien-
nent à la langue de l'administration. Faut-il y voir des mots
nouveaux? Vraisemblablement.
encellulement, endivisionnement, envasement. Ajoutons en-
cravatement.
ENTRE se combine comme adverbe avec des verbes, comme
adverbe et préposition avec des substantifs. Il ne forme pas
de parasynthétiques verbaux , mais peut-être des parasynthé-
tiques nominaux.
Les formations nouvelles certaines sont rares. Je ne puis
citer que les entrefilets d'un journal. Ventre-voie d'une voie
ferrée, les entretoises, « barres de fer qui servent à relier les
parois latérales du foyer des locomotives avec l'enveloppe
extérieure, pour pouvoir résister à la pression de la vapeur. »
(Cousy de Fageolles, Dictionnaire des chemins de fer.)
Nous n'avons pas trouvé d'exemples nouveaux de entre con-
struit avec un verbe; peut-être parmi les nombreux composés
que M. Littré cite quelques-uns sont-ils de création contem-
poraine.
Quoi qu'il en soit, cette composition est pleinement dans
l'esprit de la langue, toujours comprise et par suite toujours
vivante.
— 140 —
MAL. M. Scholle [Archives de Herrig, t. XLII, p. 124) cite
cet exemple de M. Du Camp : « La Seine s'est épurée, elle
a rejeté loin de ses rives tous les corps d'état malllairants qui
les encombraient. » [Rev.des D. Mond., l"' nov., 1867, p. 105).
MES. M, Littré au Supplément donne mésestimation, qui doit
être un mot nouveau. Pougens [Vocab ) propose (.se) méjuger,
qui paraît dater de la fin du siècle dernier.
MOINS, voir plus.
NON se joint aux substantifs, aux adjectifs et aux participes.
« En cas de non-paiement. » (Gh. de Bernard, les Ailes d'Icare,
I, 4). « Nous parlerons d'abord de la catégorie des non-pen-
seurs. » (L. Desnoyers, les Béotiens de Paris). « Ce n'est pas
tout à fait l'homme, mais c'est un peu mieux que le bœuf;
c'est l'orang-outang qui a reçu le baptême et qui est né
non-velu, et a fait ses études. ^ (Id., ibid.) Rappelons une for-
mation qui date du dernier concile, les 7ion-opportunistes. Le
non-'moi et le non-être nous viennent d'au delà du Rhin, avec
la philosophie de Fichte et de Hegel.
OUTRE n'a pas formé de composés nouveaux.
PAR entre en composition dans des locutions adverbiales,
par-dessus, par contre, par à peu près. Ces locutions peuvent
devenir des substantifs. Un pardessus, manteau qu'on met
par-dessus les vêtements ; « un par contre 3>, terme de banque,
« négociation de lettres ou billets de change contre d'autres
de même valeur. » (Sévy). « Forcé d'accoucher, coûte que
coûte, à la seconde, d'un calembour ou d'un sonnet, d'un
quatrain piquant ou d'un par à peu près inattendu. » (J. Val-
lès, la Rue, les Galériens).
POUR est également peu fécond. PowHéc/ier date de la fin du
siècle dernier; j)ourtourner est moderne, mais il est tiré de
pourtour d'après tourner. .Te ne vois que le substantif yjottr-
cent qui soit nouveau ; il a donné un dérivé pourcentage.
PLUS. Plus-value a amené son correspondant moins-value :
« moins-value, pour pavage non fait par mètre superficiel. »
[Prix de base et de règlement applicables aux travaux de bâti-
ments, 1875-1876, p. 120).
— 141 —
PRESQUE. « Par néologisme il se construit avec un substan-
tif. » (Littré).
Roulez dans vos sentiers de flamme,
Astres, rois de l'immensité ;
Insultez, écrasez mon àme
Par votre presque élevnité.
(Lamartine, Harmonies, IV, 3.)
La langue, moins élégante, des journaux, a créé la presque
unanimité, la presque totalité, la presque certitude. Cette con-
struction, qui a son point de départ dans presqu'île, est fort
commode et très-usuelle. Le latin qua^i présente le même
emploi : quasi-légitimité. (Voir plus bas, p. 228.)
RE possédait en vieux français les acceptions diverses de
répétition, rétablissement dans le premier état, augmenta-
tion, réaction, réciprocité, opposition ' ; elles se ramènent
toutes à l'idée simple d'opposition.
De nos jours, la langue commune ou littéraire ne connaît
plus que la première de ces acceptions, celle de répétition ; la
langue populaire les connaît encore toutes.
Dans la langue littéraire, re peut se préposer à tous les
verbes indiquant une action, quand on veut marquer l'itéra-
tion, la répétition de cette action ; il se prépose de même aux
substantifs exprimant l'action ou le résultat de l'action qu'in-
dique le verbe. Les créations individuelles n'ont ici d'autres
limites que celle des mots, verbes ou substantifs, qui peu-
vent recevoir la particule re.
Voici quelques exemples pris dans la langue actuelle :
réadopter, réarmer (Littré, si<^j3/ém.).
réagenouiller (G. Sand,dans Scholle, Programme, p. 16).
rebadigeonner, rebannir, recalculer, recarboniser (Littré).
reclasser : « Déclassé, je ne veux pas me reclasser ailleurs. »
(G. Sand, dans Scholle, Programme, p. 16).
redébattre (Littré), redéployer, rediviser (V. Hugo, Monté-
gut, dans Scholle, Programme,!^. 16).
redormir (Littré).
réemboîler le pas (E. Souvestre, dans Scholle, Programme,
p. 16).
réescompter QÏ réescompte (Littré).
1. Voir notre Traité de la formation des mots composés en français, p. 98.
— 142 —
réexposition (Règlement de l'Exposition universelle de
1867, dans Scholle, Programme, p. 16).
réépouser (E. About, V Infâme, III).
regalonner, voir dégalonner, à dé, p. d35,
réincarcérer, réincarcération (Aylies et Rémusat, Rev. des
Deux Mondes, dans Scholle, Programme, p. 16).
réincarnation : « Retour de l'esprit à la vie corporelle. »
[Répertoire du spiritisme).
réinventer (Michel Chevalier , Rev. des Deux Mondes ,
P' déc. 1867, p. 531, dans Scholle, ^rc/uves de Herrig, t. XLII,
p. 126).
réouverture, réorganiser (Littré) .
renflouer, mot qui paraît pour la première fois dans le
Dictionnaire de marine de l'amiral Willaumez (1825) et qui
paraît être un composé de flot [renflouer, renfîoer, = remettre
à flot), ce Les fédéraux attendaient alors le jour, soit pour
essayer de renflouer le navire, soit pour le détruire à coups
de canon, s'il était trop enfoncé. » (De Mars, Rev. des Deux
Mondes, 15 août 1865, p. 782, dans Scholle, Archives de Her-
rig, t. XXXIX, p. 435).
ressaluer : « H fit un profond salut, se retira, fut rappelé,
ressalua. » (Veuillot, Odeurs de Paris, III, 4).
retraverser (Rémusat, Revue des Deux Mondes, V novem-
bre 1866, p. 10, dans Littré).
retransplanter (G. Sand, dans Scholle, Programme^
p. 16).
Dans tous ces exemples, re conserve sa signification pleine
et entière de répétition; c'est ce qui distingue sur ce point la
langue commune ou écrite de la langue populaire. Celle-ci
prépose volontiers re (r') à un grand nombre de verbes ou de
noms que la langue littéraire emploie sous la forme simple.
« Ainsi le peuple emploie rappeler pour appeler : il a perdu
son procès et il en a rappelé; resserre pour serre : il faut ren-
trer les fleurs dans la resserre; ramasser pour amasser : je
suis tombé dans la rue et le monde s'est ramassé autour de
moi ; remplir pour emplir : il faut prendre les bouteilles vides
et les remplir; remonter pour monter, ma montre n'est pas
remontée, etc. Les gens du peuple placent aussi le préfixe
re devant certains noms et certains verbes simples dont ils
forment des noms et des verbes composés que répi'ouve le
bon usage de la langue : tels sont^ par exemple : rétameut,
— 143 —
rétamer^ récureur, rêcaraf/Cy récurer, ramincir, rapproprier,
rassortir, raiguiser, renforcir, au lieu de étameur, étanter,
écureur, curage, écurer, amincir, approprier, assortir, aiguiser,
671 forcir *. »
Dans ces divers composés, la particule ajoute une nuance
propre aux simples : dans remonter, raiguiser, elle indique le
rétablissement dans le premier état : la montre n'était plus
montée, il faut la remonter; le canif n'était plus aiguisé, il
faut le raiguiser. La valeur intensive, augmentative, est sen-
sible dans rétamer, récurer, ren forcir. Rappeler n'ajoute-t-il
pas à appeler l'idée de réaction, de contre-action ? Resserrer
pour serrer, rassortir pour assortir, remplir pour emplir, indi-
quent une opposition entre l'état qui résulte de l'action expri-
mée par le composé et l'état antérieur. Un verre empli indi-
que seulement que le verre n'est pas vide ; un verre rempli
donne à entendre qu'il n'est plus vide. Une voiture, dans une
rue encombrée, suivait une autre voiture : la première s'arrête
brusquement; le cocher de la seconde subit le contre-coup et
s'écrie : Il s'arrête et il ne ravertit pas !
Cette phrase, entendue à Paris ^ l'an de grâce 1876, est, à
s'y méprendre, une phrase du moyen âge. C'est le même
emploi de re que dans les exemples suivants :
Et 11 fil Ganelon et Auboïn et Miles
Sont venus au palais quant la messe fut dite;
Devant le roi jurèrent si que François l'oirent.
Que Garniers vot mordrir le roi par felonnie.
Et li dus rejura, por son cors escondire,
Onkes a Karlemaine ne quist mort en sa vie.
{Aye (t Avignon, vers 349 et suiv.)
Il est passé avant, mist son gage en présent,
Dus Naimes le repleige, li et Miles d'Aiglant.
(Gui de Nanteuil, vers 390, 391.)
Lors broche le cheval, le frain abandonné,
Et Guis relaissô courre, qui n'i a demoré.
(Gui de Bourgogne, vers 2408, 2409.)
La tradition de la vieille langue s'est ainsi conservée intacte
jusqu'à nos jours dans la langue populaire.
L'emploi de re présente le plus souvent des niiances si déli-
1. Agnèl, Dé Vinfluerice du langage populaire sw la forme de la langue
française, p. 2;
2> Par Mi Gaston Paris.
— 144 —
cates que dans l'esprit du peuple elles disparaissent, et que
la particule devient souvent explôtive : de là ces nombreux
composés en re r', qui finissent par mettre hors d'usage et
abolir les simples. Emplir disparaît devant remplir, épandre
devant répandre, apetisser devant rapetisser; mercier a disparu
devant remercier, encontrer devant rencontrer, alentir devant
ralentir, éjouir devant réjouir '. De nos jours, il appartient à
la langue écrite de se prémunir conlre cette tendance souvent
abusive de la langue populaire, et de maintenir autant que
possible l'intégrité des droits du mot simple ^
SANS ne se combine qu'avec des noms, en qualité de prépo-
sition : un sans-souci. Compositions nouvelles : Les sans-
culottes; du sans-gêne. « Le sans-gêne princier donne un pri-
vilège d'essai, et une personne ducale s'amuse où un bourgeois
se perdrait. » (Y. Hugo, l'Homme qui rit, II, i, 3).
SOUS se combine soit avec des verbes : sou-peser, sou-rire, il
est alors adverbe ; soit avec des substantifs ou adjectifs, dans
ce cas il peut être adverbe [sous-préfet, sous-maître) ou prépo-
sition [sou-coupe). Il forme également des parasynthétiques
nominaux [sou-bass-ement) , mais non des parasynthétiques
verbaux.
Les composés suivants sont de formation récente :
1. sous-amender, sous-déléguer, sous-diviser, sous-limiler, etc.
2. a : sous-amendement, sous-arrondissement, sous-azotate,
et tous les termes de chimie analogues, sous-centre, sous-chef,
sous-classe, sous-colline, sous-directeur, sous-genre, sous-jupe,
sous-préfecture, sous-préfet, sous-pression, sous-titre.
b : sous-bois, sous-main, sous-sol.
3. Les parasynthétiques de formation nouvelle appartien-
nent à la langue savante, quoiqu'ils ne soient pas incompa-
tibles avec la formation populaire. Ils présentent un caractère
spécial que nous avons déjà remarqué plus haut% et qu'ils
doivent à leur mode de formation. Ils consistent dans la
combinaison de la préposition avec un adjectif; mais,
tandis que, dans l'adjectif simple, la terminaison adjectivale,
1. Cf. Agnel, op. cit., p. 4.
2. 11 n'y a pas de mal quand le simple prend une signification spéciale à côté
du composé : amasser et ramasser, courir et recourir, tenir et retenir. Il y a
môme là véritable enrichissement.
3. P. 131.
— 145 —
en s'ajoutant au substantif radical, le change en adjectif [la-
custre = lac + ustre), dans les parasynthétiques, par le seul
fait du rapprochement de la préposition et de l'adjectif, celui-
ci se décompose en ses deux éléments; le premier, le sub-
stantif, devient logiquement le régime de la préposition, et le
second, le suffixe, détermine non plus le substantif simple,
mais le composé formé par la préposition et le substantif [sous-
lac -\-uslre= qui est sous lac : kabitations sous-lacustres).
Ainsi sont formés de nombreux composés modernes : sous-
axillaire, -clavier j -costal, -cutané, -dorsal, -épineux, -géné-
rique, -lombaire, -marin, -maxillaire, -périoste, -sternal, etc.
Ils appartiennent à la langue populaire ou commune par la
préposition, à la langue savante par l'adjectif qui le plus sou-
vent a la forme latine. Que l'on compare sous-genre et son
dérivé sous-générique, et l'on saisira la différence des deux
procédés de formation. Sous-genre est de formation française ;
sous-générique est semi-latin.
SUR se combine avec des verbes en qualité d'adverbe [sur-
abonder], avec des noms en qualité d'adverbe [surabondance)
ou de préposition (surtout). Il produit également, comme
sous, des parasynthétiques d'adjectifs.
Mots nouveaux :
1. surchauffer, terme scientifique qui s'emploie déjà au
figuré : «Notre dix-neuvième siècle, surchauffé, troublant,
trop plein d'idées. » (Daudet, Jack, I, g 9.) « Ces temps de vie
rapide, surchauffée et comme instinctive, avaient, il est vrai,
supprimé dans la vie humaine ce qu'on nomme au théâtre
des longueurs. » (J. Claretie, le Beau Solignac, 1876, 1, 162.)
surélever (Littré) .
surexciter : « Ils échangèrent quelques œillades rapides, de
ces regards qui résument par leur éloquence sensuelle toute
une scène, tout un drame de passion surexcitée. » (G. Sand,
Le dernier Amour, III.) « Sa petite imagination que surexci-
tait la fièvre de la course était dominée par la crainte. » (Dau-
det, Jack, I, § 7.)
surexhausser : « Ces rhizopodes qui, de leurs petits man-
teaux, ont fait leur part des Apennins, surexhaussé les Cordi-
llères. » (Michelet, la Mer, 2" édit., p. 130.)
surincomber (Scholle, Programme, p. 17), sursaturer.
2. surchauffe, surcroissance, suroffre, surépaisseur, surélé-
vation (des rails), surenchère, sur fusion, survaleur.
10
— 146 —
Il n'existe pas, à notre connaissance, de composés nou-
veaux où sur soit préposition.
3, surcostal, surépineux, surlaryngien.
SUS, du latin susum, était en vieux français préposition et
adverbe : « Devant l'autel sus les degrez. » {Benoît, v. 25,228).
« Li princes n'est pas sus la loi, mes la loi est sus le prince. »
(Le livre de jostice, 6.) — « Pois, sunt muntet sus el palais
altisme. » [Roland, 2708.)
Dans la langue populaire, sus a conservé en composition
cette double valeur. Il est préposition dans les composés
techniques sus-bande, sus-bec, sus-pied; il est adverbe dans
susdit, susmentionné, susdénommé, susnommé, susrelaté. De
nos jours la langue savante a utilisé cette dernière formation
en créant des parasynthétiques analogues à ceux que donne
sous, c'est-à-dire où sus est préposition : sus-carpien, sus-
coccygien, sus-épineux, sus-hépatique, sus-hyoïdien, sus-maxil-
laire, sus-métatarsien, sus-nasal, sus-orbitaire, sus-pubien, sus-
scapulaire, sus-sphénuïdal, etc.
TRÈS ne s'emploie plus que devant des adjectifs, comme
signe du superlatif.
CHAPITRE X.
COMPOSITION PROPREMENT DITE.
Le caractère essentiel de la composition proprement dite est
Vellipse; la composition est une union intime de mots dont
la combinaison présente à l'esprit une idée nouvelle que ne
fournissent pas les éléments composants pris à part. Le jux-
taposé arc-en-ciel n'exprime à l'origine rien de plus que cha-
cun des trois termes arc, en, ciel. Le composé timbre-poste pré-
sente non-seulement l'idée de timbre et celle de poste, mais
encore la notion — non exprimée — d'un rapport de dépen-
dance unissant poste à timbre.
En laissant de côté la juxtaposition soit simple, soit trans-
formée par la synecdoque ou la métaphore dont il a été parlé
plus haut*, et la composition par particules dans ce qu'elle
1. Voir p. 12b-l28.
— 147 —
olïre de tout à fait spécial', nous avons pour la composition
proprement dite les formations suivantes ;
1. Composition par apposition : chou-fleur j proprement c/iou
qui est une fleur.
2. Composition dont le premier terme est une préposition,
le second un substantif ou un infinitif régi par cette préposi-
tion : Or-compte^ pourboire.
3. Composition dont le premier terme est un adverbe, le
second un substantif : arrière-cour, contr'ordre.
k. Composition avec génitif ou datif : timbre-poste.
5. Composition d'un nom et d'un verbe qui le régit : col-
porter.
6. Composition d'un verbe (à l'impératif) et d'un nom qui
en est régi : porte-plume.
De ces diverses sortes de compositions, la seconde et la
troisième se forment à l'aide de particules; nous les avons
étudiées dans le chapitre précédent aux prépositions à, après,
arrière, avant, contre, de, en, entre, par, sans, sous^ stts, et sur.
La cinquième a disparu de la langue. Il ne nous reste donc
qu'à considérer la composition par apposition, la composition
avec génitif ou datif, et la composition avec impératif. La lan-
gue contemporaine leur donne. un remarquable développe-
ment.
§ 1. Composition par apposition.
Cette formation repose sur la faculté que le substantif pos-
sède, dans notre langue, comme dans les autres langues
romanes, de prendre le rôle de l'adjectif*. C'est ce précieux
avantage qui fait de la composition par apposition une mine
inépuisable de mots nouveaux. Elle date du latin populaire et
on en suit la trace, de siècle en siècle, à travers la lan-
gue du moyen âge et la langue moderne. De nos jours elle
a reçu une extension considérable par suite du puissant déve-
loppement du commerce et de l'industrie. Elle a été utilisée
pour dénommer ces innombrables inventions, fécondes ou
stériles, éphémères ou durables, où se manifeste l'incessante
activité de notre époque positive, et dont, pour la plupart, la
1. La formation des parasynthétiques nominaux et verbaux.
2. Voir plus haut, p. 59.
— 148 —
Description des brevets * nous offre le volumineux état
civil.
Nous avons feuilleté cette collection afin d'y prendre sur le
fait la création des mots nouveaux, avec la date précise de leur
naissance ; afin d'y voir les ressources que les inventeurs trou-
vent dans la langue pour dénommer leurs inventions. Que les
noms qu'ils ont trouvés aient eu vie ou qu'ils aient succombé
avec les inventions auxquelles ils étaient attachés, ils n'en
témoignent pas moins de l'activité du langage; les noms
étaient viables: les inventions seules étaient mort-nées, et
celles-ci ont entraîné les autres dans l'oubli et le néant.
Voici une série de noms formés par apposition désignant des
objets :
« accotoirs-dormeuses propres à toutes les voitures. » (Bre-
vets, 1836; A, XLi, p. 218.)
asphalte-planche (1849; B, xvi, 2).
« baignoires malléables et élastiques, dites baignoires-dor-
meuses. » (1827 ; A, XXXVI, 78.)
« baignoire à réservoir dite baignoire-serre. » (1821; A, x,
367.)
« mouvement perpétuel dit balancier-moteur, ventilateur. »
(1828; A, xxiii, 185.)
balles-obus (1840; A, lvi, 473),
bas-jarretières (1823; A, xxvii, 53).
« instrument de musique dit basse-trompette. » (1810; A, v,
354.)
bateaux-cloche (1845; B, ii, 253).
bateau-mouche et par abréviation, moins usité, mouche.
C'est l'anglais ftyboat.
« bateau-rabot, propre à creuser les ports.» (1833; A, l,
133.)
« machine dite bateaur-voiture aérien, aquatique, terrestre.»
(1827; A, xxxviii, 435.)
i< boîtes-livres destinées aux collections d'histoire naturelle.»
(1838; A, XLiv, 57.)
1. La collection se compose de deux séries : la première contenant la descrip-
tion des brevets pris depuis l'année 1791 jusqu'à l'année 1844 ; nous la désignons
par A. La seconde série (B) commence en 1844, avec la nouvelle loi sur les bre-
vets d'invention, et se continue jusqu'à nos jours. Nous nous sommes surtout servi
des nombreuses et utiles tables générales qui complètent les deux collections.
Cf. plus haut, p. 43, n. 1.
— 149 —
bouchon-tampon (1851; B, xix, 366).
bouée-pompe (1846 ; B, vu, 180).
« procédé de fabrication d'un nouveau genre de chandelles
dîtes bouyies-chandell es. » (1835; A, xxxvii, 204),
briquet-lanterne,
« brosse-démêloir. » (1842; A, lvii, 238).
« buffet-commode, buffet-étagère. » (prospectus d'un mar-
chand de meubles, 1876).
café-concert (voir toutefois, p. 167).
canapé-sofa-lit [ISkb] B, iv, 58).
candélabres-affiches {lS3b] A., xliv, 409).
« canne-éventail-écran dite baguenaudine.» (1829; A, xxvii,
216.)
« carton-cuir imperméable, dit cuir factice. » (1837; A, xliv,
80.)
carton-pierre {Boiiin, Ann. du commerce, 1876, p. 773).
chapeaux-cachemires (1844; A, liv, 112).
charrette-semoir (1836; A, xlv, 174).
charrue-semoir (1832; A, xxxv, 278; cf. Mém. de la Soc.
royale d'Arras, 1834, p. 182).
« chaufferette dont la chaleur est entretenue par une petite
lampe dite chaufferette-lanterne à six fins. »(1815 ; A, viii,351.)
cheval-vapeur, terme de physique et de mécanique.
« fabrication de clous-chevilles. » (1840; A, 393.)
« clysettes-seringues-bouteilles. » (1838; A, xliv, 71.)
col-cravate.
colle-fécule (1845; B, ii, 237).
commode-toilette [\8hb] B, vi, 6).
« instrument de précision dit compas-triangle. » (1832; A,
xxxii, 229.)
compteur-mesureur des liquides (1839; A, xli, 183).
corsage-fourreau, yoir robe-fourreau. *
■ ^t- corset-cuirasse, propre à redresser les difformités. » (1834 ;
A, XLI, 237).
coton-poudre.
« lampe de nuit dite coupe-veilleuse. :>i (1828; A, xxii, 44.)
« voiture dite coupé-cabriolet. » (1831; A, xxxii, 121.)
cravate-écharpe (Catalogue des magasins du Louvre, dé-
cembre 1876).
cnble-tarare {I8k9 ; B, xiii, 328).
« croiseur-compteur, applicable au dévidage des soies. »
(1838; A, XLiii, 200.)
— 150 —
« nouvelle cuve-grilloir (pour brasser la bière).» (1829;
A, XXVIII, 330.)
dentelle-torchon (Catalogue des magasins du Louvre, dé-
cembre 1876).
élastiques-ressorts (1825; A, xxxii, 27).
encrier-filtre (1840; A, lui, 438).
étrille-cure-pied (1844; B, i, 238).
fauteuils-crapauds (Prospectus d'un magasin de meubles,
décembre 1876).
fauteuil-lit (Catalogue des magasins du Louvre, déc. 1876).
fichu-coiffure, fichur-mantille (ibid.).
filtre-charbon (1838; A, l, 249).
fusil-harpon (1834; A, Lv, 33).
guitare-basson, -harpe, -lyre (A, 1826, xxi, 163; 1825, xxi,
43; 1811, VI, 263).
herse-rateau (1848; B, xii, 337).
jupe-cage ou crinoline.
lampe-bocal,-theière, -modérateur (1844;B, ii, 44; 1831; A,
xxxiil, 109; 1845; B, m, 172).
« lanterne-fonte propre à éclairer les cavaliers.» (1839; A,
LUI, 168.)
lavabos-toilettes (Bottin, 1875, p. 1136).
levier-frein {lSk9 ] B, xviii, 76).
lit-canapé, -divan, -f.auteuil,-toilette (A, 1849, xviii, 76;
B, 1846, VI, 201; ix, 93; iv, 58; m, 230).
« machine dite loup-batteur. » (1833; A, xxxviii, 185).
K poulies mains-douces. » (1848; B, xiv, 180).
orgue-orchestre (1834; A, xli, 235).
ouate-laine (1847; B, xii, 317).
ourdissoir-dévideur, -plieur[k, 1824, xxix, 62; xxxvii, 288).
« C'était le paletot-sac taillé dans un manteau d'aïeul. »
' (J. Vallès, la Rue, la Messe de Listz.)
paliers-graisseurs (Bottin, 1875, p. 1260).
moule à ziguTtiits, papier-tube ( ibid., p. 1318).
papier-brouillard, -granit, -marbre, -monnaie, -tenture.
parasol-ombrelle ( 1 837 ; A, xlvi, 330). *
patins-souliers (1816; A, ix, 79).
peignes-parures (1838; A, xliv, 70).
laines peignées- filées (Bottin, 1875, p. 1128).
photographie-carte, photographie-vignette. — On dit aussi
poHrviit-carte.
piano-lyre (1849 ; A, xlvii, 203).
— 151 —
pistolets-tabatières (1835; A, xxxvi, 253).
pont-bascule (Cousy de FageoUes, Dict. des chem. de fer).
portrait-dépêche. « Les portraits-dépêches de la justice, »
titre d'un BiTticle du Petit Journal {n° du 5déc. 1876), sur un nou-
veau système de dépêches contenant, avec le signalement, le
portrait des malfaiteurs poursuivis par la justice. Dans cet
article, je trouve encore les composés : dépêches-photographies,
papier-dépêche.
pupitre-chevalet (1840; A, lvi, 153).
rail-digue de halage (1838; A, li, 154).
« Cet hiver les femmes porteraient encore les robes-four-
reavjx.... On continuera à porter les corsages- fourreaux. » [Ré-
publique française du mardi 31 octobre 1876, p. 3, col. 1).
roue-moteur à palettes (1841 ; A, liv, 317).
rouet-moissonneur (1844; B, i, 15).
sabot-brodequin (1845 ; B, vi, 5).
sabot-galoche (Bottin, 1875, p. 1027).
semoir-plantoir (1829; A, xxviii, 286).
silencieuse-expéditive , nom d'une nouvelle machine h
coudre.
« espèce de socque, dite soque-agrafe. » (1833 ; A, xxxiv, 55).
souliers-chaussons : «Vêtu avec le laisser-aller du vaude-
villiste, le sous-chef portait un pantalon à pied, des souliers-
chaussons, un gilet mis à la réforme, une redingote olive et
une cravate noire. « (Balzac, les Employés, éd. de 1856, p. 242.)
sphère-horloge (1829; A, xxvii, 204).
stores-annonces (1845 ; B, iv, 187).
toilette-commode, voir commode-toilette.
tables-consoles (1849; B, xv, 144).
table de nuit-chiffonnier, table de nuit-vide-poches cintrée.
(Prospectus d'un magasin de meubles, déc. 1876).
tamis-bluteau (1830; A, xxx, 363).
tente-abri, *
tissu^filet en caoutchouc (1837; A, xliv, 94).
tordoir-ourdissoir (1816; A, ix, 80).
trottoirs-ruisseaux {I8k\; A, Liv, 114).
turbine-hélice (1845; B, m, 11).
verre-marbre, verre-vitre (A, 1839, xlvi, 305; 1827, xxii, 363).
« ^witure-guérite, voiture surmontée d'une guérite dans
laquelle se tient la vigie ou le conducteur, chargé de surveiller
le train. (C. de Fageolles, Dict. des chem. de fer).
voiture-nacelle (1840; A, lvi, 366)»
— 152 —
voitures-saluns (G. de Fageolles, Dict. des chem. de fer).
wagon-cuisine, etc. « En dehors du wagon-table d'hôte, du
wagon-cuisine, du wagon-glacière ou l'on prépare les sorbets, —
comme il y en a sur la plupart des chemins de fer américains
d'une certaine étendue, — le railway du Grand-Pacifique pos-
sède un wagon-imprimerie avec bureau de rédaction, etc. »
{République française, 28 oct. 1876, p. k, col. 5.)
wagons-freins. Wagons spéciaux sur les plans inclinés
destinés à porter des freins (G. de Fageolles, Dict. des chem.
de fer).
Voici maintenant des composés du même genre désignant
des personnes :
« Artiste-danseur , artiste-comédien, artiste-ventriloque,
artiste-violon; et on a été sur le point de dire l'artiste Montes-
quieu, l'artiste BufFon ; mais le règne du mot artiste vient de
finir depuis le procès des artistes- poulaillers de La Flèche in-
tenté aux artistes-poulaillers du Mans. » (Mercier, Néol.).
bijoutiers-garnisseurs-tablettiers (Bottin, 1875, p. 710).
chimistes-experts (Id., 992).
chinoiseur-bamboutier, triple néologisme (1876) renfermant
deux dérivés nouveaux et un composé.
commissionnaires-entrepositaires (Bottin, 1875, p. 909).
courtiers-gourmets (Id., 887).
« Etienne Lavouste, dit Sept-Épées , le coutelier-armurier. »
(G. Sand, la Ville Noire, I.)
couvreurs-entrepreneurs (Bottin, 1875, p. 901).
« Mardi 24 novembre, réunion mensuelle des ouvriers cou-
vreurs-plombiers-zingueurs au siège social. » {Petit Journal ^
lundi 13 nov. 1876).
épinglier-grillageur (Littré, supplém.).
fteuristes-j'ardiniers, grainier s- fleuristes, herniaires-banda-
gistes, horlogers-pierristes (Bottin, 1041 et 1079, 1041, 683
1316).
jardiniers-fleuristes (Id., 1066 et 1107)/
joailliers-sertisseurs, justificateurs -typographes (Id. , 1394,
1126).
layetiers-emballeurs, libraires-éditeurs.
marbriers-sculpjteurs (Bottin, 1173).
menuisiers -modeleurs, -parqueteurs^ -rampistes, -treilla-
geurs (Id., 1214, 1280, 1356, 1458).
— 153 —
métreurs-vérificateur)^, mouleurs- figuristes^'pastilleurs-fuju-
risles (Id., 1466, 1220, 1286).
poêliers-fumistes (Id. 1327).
sculpteurs-statuaires, -marbriers, -ornem,anistes (Id., 1383,
1173, 1384).
« chambre syndicale des ouvriers tourneurs-décolteurs [sic)
sur métaux. » [Petit Journal, 1876).
On comprend qu'une composition aussi féconde ne reste pas
confinée dans la langue spéciale , et qu'elle pénètre dans la
langue littéraire. Les exemples en sont] nombreux ; en voici
quelques-uns :
a amour-goût plutôt qu'amour-passion. » (Claretie, le Beau
Solignac, 1876,1, 270).
«Qui peut prévoir, deviner l'histoire de cette goutte d'eau?
— Plante - animal, animal-plante, qui le premier doit en sor-
tir? » (Michelet, la Mer, 2« édit., p. 116).
« L'upas, arbre-poison, dont l'ombrage est mortel. » (Barthé-
lémy, Némésis, à M. d'Argout).
« C'est un bric-à-brac de rimailles ; vrais vers d'un artisan-
poëte. » (Veuillot, Odeurs de Paris, u, 5).
« Sa doctrine (de Buffon) est un mélange de conceptions
incohérentes où l'on voit passer tour à tour la bête-machine^
la bête- sentiment, la, bête-intelligence. -> (Damas-Hinard, Revue
critique et bibliographique, 1864, p. 28).
« Ce monstre.... aurait un corps énorme, des bras-suçoirs
épouvantables, de vingt ou trente pieds peut-être. » (Michelet,
la Mer, p. 200).
« Le bureau - capharnaiim. » (G. Debans, Revue de France,
1876, p. 270).
« Aussi clairement que prédit la pluie le capucin-thermomè-
tre. » (G. de Bernard, les Ailes d'Icare, ii, 6).
« Il n'y a pas de seigneur et maître sous le règne de la
charte-vérité. » (Id., ibid., i, 5).
« Le vent à chaque instant les retourne [les méduses); alors,
leurs cheveux-nageoires étant par-dessus, elles flottent à l'a-
venture. » (Michelet, la Mer, p. 105).
Le grand-duc donne un bal à la cité-cadavre.
(Barthélémy, Némésis, Varsovie.)
La Grèce n'offre plus que des cités-squelettes.
(Barthélémy, Némésis, Vltalie.)
— 154 —
Tu n'as pas (ô ma Muse)....
Fait surgir à ta voix les colonnes-affiches.
(Th. de Banville, Evohé, sat. i.)
Les dieux-titans avec les satyres champêtres.
|(Th. de Banville, la Cithare, Paru. Contemp., i.)
Venez, courtiers-marrons de la diplomatie.
(Barthélémy, Némésis, Lyon.)
« Fonctionnaires - entonnoirs. » (Victor Tissot, Revue de
France, 31 oct. 1876, p. 165.)
(Voyez)
Les Tom-Pouces âgés de quatre centimètres
Le lézard-violon, le hanneton-verrier.
(Th. de Banville, Evohé, sat. i.)
« Sous ce gouvernement-caporal et sous cette constitution-
consigne, tout marche militairement. » (V. Hugo, Napoléon le
Petit, 11, 10).
« Il eut l'idée de faire promener le nom si laborieusement
forgé sur les épaules et la poitrine de V homme-affiche. » (Th.
Gautier, les Jeune France, 1833, p. 151).
Vhom/me-chèvre ébloui regarde ses pieds nus.
(V. Hugo, Légende des siècles, I, le Satyre.)
« Première espèce de non-penseurs : Vhomme-jocko;...
deuxième espèce : V homme -pen^oquet;... troisième espèce :
l'homme- vautour.... Dans cette foule vous distinguez une
millième espèce de non-penseurs.... c'est V homme-autruche. »
(L. Desnoyers, les Béotiens de Paris).
« Homme-mémoire, chargé de mettre en musique les cou-
plets, d'arranger les chœurs et les morceaux d'ensemble, de
les chanter, de les superposer à la situation. » (Balzac, les
Employés, édit. de 1856, p. 243).
« Marcher au plafond, la tête en bas, comme Vhomme-mou-
che du Cirque. » (H. Babou, lettre à Th. de Banville , Revue
française, 1«' avril 1857).
« Eugène Sue a fait de Léonidas Requin l'histoire amusante
et lamentable d'un fort en thème qui, après avoir été un lau-
réat des luttes universitaires, en est réduit au métier bizarre
d'homme-poisson. » (J. Vallès, la Rue, Proudhon).
Brise V homme-sépulcre, ô France, ressuscite (V. Hugo, Châtiments).
« Il avait rêvé son vieux rêve discordant des lézards-pois-
— 155 —
sons, des dragons volants, le règne effrayant des reptiles. »
(Michelet, la Mer, p. 238).
On ne sait, en entrant dans leurs maisons-tanières,
Si l'on voit des enfants ou bien des lionceaux.
(V. Hugo, la Légende des siècles, 2« série, le Cid exilé.)
f. Du côté de Mayence rayonne, étincelle et verdoie la (a.-
mense plaine-paradis qui couvre leRhingau. — La Nahe (ri-
vière), qui arrive tranquille et lente, sort de dessous \e potit-
limite. » (V. Hugo, le Rhin, Bringen.)
« Les lophies, qui doivent vivre souvent accrochées aux ro-
chers, ont des nageoires-mains qui rappellent le poisson moins
que la grenouille. » (Michelet, la Mer, p. 227).
Ils tombèrent frappés par le peuple-jvry.
(Barthélémy, Némésis, Chambre des Députés.)
Sublime d'impudeur, reine du peuple-roi.
(Barthélémy, Némésis, à M. Casimir Périer.)
« Je ne vois dans le Nord que des serfs avilis, que des peu-
ples-troupeaux dont se jouent de grands propriétaires. « (Mer-
cier, Néologie.)
« Vénérez, quoi qu'il fasse, quiconque a ce signe, la prunelle-
étoile, hdi prunelle-ombre est l'autre signe. » (V. Hugo, les Mi-
sérables, t. VI, p. 56, édit. princ).
Elle me révélait, en style financier.
Que le Roi^Citoyen était mon créancier.
(Barthélémy, Némésis, le Timbre.)
« Tant d'inquiétude et de gène avait mis un froid excessif
dans ce repas-illusion. » (A. Daudet, Jack, ii, § 6).
« Ils ne racontaient aucun procès criminel, n'entamaient
aucun roman- feuilleton. » (Veuillot, Odeurs de Paris, n, 1).
« Dans ce sépulcre-enfer, que faisaient-ils ? » (V. Hugo, les
Misérables, IV, vu, 2).
« Il ressemblait beaucoup à ces sacristains-bedeaux-sonneurs-
suisses-fossoyeurs-chantres de village, que l'on prend pour des
fantaisies de caricaturiste jusqu'à ce qu'on les ait vus fonc-
tionnant. » (Balzac, les Employés, p. 210).
« Il fît des découvertes, s'avança hardiment avec un traîneavr-
barque qui tour à tour flottait ou passait les glaçons. » (Mi-
chelet, la Mer, p. 309).
M. V. Hugo, dans ses Contemplations et dans les poésies qui
— 156 —
les suivent, a usé et abusé de ce genre de composition, dont
il a modifié quelque peu le caractère, lise plaît en effet à com-
biner deux mots dont l'un est abstrait, l'autre concret, ou
dont l'un est employé par métaphore. Nous avons signalé cet
emploi dans notre Traite de la formation des mots composés*,
auquel nous nous permettons de renvoyer le lecteur.
§ 2. Compositions avec génitif ou datif
[com,posés de dépendance).
Le plus riche procédé de formation des mots composés en
allemand et en anglais est celui qui consiste à combiner deux
termes, dont le premier est uni au second par un rapport de
dépendance : blockaus, feldspath, hundszahn, landsmanti,
landwehr, wagenmeister, — • beefsteak, coimtrydance, railway,
roastbeef, waterproof, etc. Cette sorte de composition est à peu
près inconnue aux langues romanes : de là Tinfériorité rela-
tive qu'elles présentent comparées aux langues germaniques,
et le reproche qu'on leur fait d'être incapables de créer des mots
composés. En réalité elles ne sont impuissantes qu'à former
des composés de dépendance où le premier des deux termes
est régi par le second. L'allemand dit Korrespondenz-Karte
pour désigner ce que nous appelons carte postale : la Suisse
traduit ce mot en français et en fait carte-correspondance, en
intervertissant les deux termes. La construction germanique
en effet, toute synthétique, est contraire à l'esprit analytique
des langues romanes ; et nous ne pouvons dire chambre- fille,
chambre-femme, comme nos voisins d'outre-Rhin ou d'outre-
Manche disent Haus-magd, housemaid, « fille de maison, ser-
vante^ ».
Cette impuissance, toutefois, n'est pas absolue. Nous avons
montré ailleurs ' que le vieux français, langue à demi synthéti-
que, a formé des composés qui rappellent la composition ger-
manique. Un procédé fort usité au moyen âge a été celui
où un nom propre est suivi de ville : Adanville, Ancerville,
Charleville, Courville, Banville, etc. Cette formation est encore
vivante. En Algérie, on a fondé Affreville, Géry ville, Orléans-
1. Page 244 , et note 2.
2. Cf. notre Traité de la formation des mots composés, p. 139, note 2, et
p. 24.^, 248.
3. Cf. notre Traité de la formation des mots composés, p. 51.
— 157 —
ville, Philippevilley etc. Elle s'est même étendue dans la lan-
gue familière des camps : le quartier du camp réservé aux
marchands ou mercantis * qui accompagnent les colonnes en
expédition a reçu le nom , quelque peu épigrammatique , de
Friponville*, et le quartier de Paris qu'occupent aujourd'hui
les chiffonniers a été baptisé par les profanes du nom de Chif-
fonville.
Mais cette formation de noms composés est trop restreinte,
et ne s'applique qu'à un ordre de faits trop spécial pour qu'on
puisse l'ériger en procédé général de composilion.
La mode anglaise, la fashion, a introduit dans la langue un
petit nombre de composés anglais ou imités de l'anglais.
Paris-A rchitecte , Paris-Caprice , Paris-Journal , Paris-Pro-
gramme, Paris-Spectacle, Paris-Théâtre, Comic- finance, Di-
manche-Programme, sont autant de titres de revues ou jour-
naux qui existaient ou existent encore à Paris '. Paris-Expo-
sition était le titre d'un Guide à Paris durant l'Exposition de
1867. Certains bureaux de la Compagnie des chemins de fer
de l'Ouest ont reçu le nom de Ouest- factage. L'anglais South-
American, N or th- American, est traduit, par nos publicistes :
Sud-A méricain, Nord- A inéricain .
Cette composition est également restreinte, et quoique la
mode anglaise, l'imitation de la gentry soit toujours de bon
goût, cependant cette formation de mots n'a pas pénétré, ne
peut pénétrer dans la langue. Toute synthétique, elle est con-
traire à l'esprit analytique du français moderne.
Mais tournons-nous d'un autre côté et ne dédaignons pas
de fixer notre attention sur un certain genre de phrases où,
avec la meilleure volonté du monde, on ne saurait voir de la
littérature : nous parlons de la littérature de prospectus et
d'annonces. Un catalogue de marchands est utile à consulter,
même pour un philologue ; le style des affiches, aux regards
de la philologie, a sa valeur, tout comme l'idiome populaire et
la langue des classiques.
Or, en considérant la syntaxe de ces annonces, on est frappé
d'un fait, c'est la facilité avec laquelle sont supprimées les
prépositions marquant les rapports de dépendance. A, de, en
ont à peu près totalement disparu d'un certain genre de phra-
1. De mercanti, pluriel de l'italien mercante.
2. Je tiens ce détail de M. Bauquier.
3. Cf. Courrier de Vaugelas, 18T0, n° 15.
— 158 —
ses. Qu'on en juge par les suivantes, prises à des catalogues
de magasins de nouveautés.
« Costume en soie et laine, grande garniture effilé^ » c.-à-d.
grande garniture en effilé. « Costume 'percale à volant, garni
camaïeux, avec application broderie, » c.-à-d. costume en per-
cale à volant, garni de camaïeux avec application en broderie.
« Plissés cretonne grosses teintes avec dépassant ou broderies
blanches, » c.-à-d. [jupons] plissés en cretonne à grosses teintes
avec [bordure] dépassant ou broderies blanches. « Vêtement ca-
chemire double, piqué, ouaté, capitonné soie, motifs passemen-
terie, bordé fourrure, » c.-à-d. vêtement de [ou en) cachemire
double, piqué, ouaté, capitonné de soie, avec motifs de passe-
menterie, bordé de fourrure ^ Quelles phrases barbares, mons-
trueuses! Et cependant, à la réflexion, on doit se dire que de
pareilles ellipses, pour être possibles, ne doivent pas être
contraires à l'esprit de la langue.
Ces phrases de télégramme supporteraient-elles, par exem-
ple, l'inversion? Les directeurs des magasins du Louvre s'avi-
seraient-ils d'écrire : « Vêtement cachemire, passewen^ene mo-
tifs, fourrure bordé? » Non, assurément.
Et, de fait, ce qui choque surtout dans ces phrases, c'est l'ac-
cumulation des ellipses. Chacune prise séparément est sup-
portable : costume percale, jupon cretonne, n'ont rien qui
étonne; cretonne grosses teintes n'est pas plus étrange que habit
marron. Il faut donc en conclure que la suppression de la
préposition n'est pas contraire à l'esprit du français ^
1. Deux lignes plus bas dans ce même catalogue des Magasins du Louvre, je
lis : «Joli paletot, etc., entièrement bordé de fourrure. » Ici la préposition est
présente. C'est que dans bordé fourrure, bordé et fourrure sont des sortes de
thèmes représentant l'idée d'une façon absolue; ce ne sont pas des mots, des par-
ties du discours. Mais dès que entièrement détermine bordé, celui-ci reprend sa
valeur de participe; redevenu une forme grammaticale, il régit grammaticale-
ment bordure, et le rapport grammatical de rection qu'indique la préposition de
doit être exprimé. Exemple curieux, qui prouve combien sont instinctives les lois
qui régissent la langue. Assurément l'employé qui a rédigé ces phrases n'avait
pas la moindre idée du travail d'analyse qui préside à la formation de ces deux
expressions.
2. Nous ne parlons pas de la construction syntactique où un nom propre de per-
sonne au génitif dépend d'un nom (pii le précède : rue Saint- Jacques, affaire Cle-
menceau, fauteuil Voltaire, elc. Voirnotre Traité, etc., p. 50. Nous ne parlons pas
non plus de la construction propre aux termes désignant des couleurs. Dans notre
Traité (p. 122, note 3), nous distinguions trois cas : 1 . Nom commun d'objet coloré
devenant nom de couleur : habit marron; 2. nom commun d'objet coloré déter-
minant un nom de couleur : brun marron; 3. adjectif désignant une couleur ou
un ton et déterminant un autre adjectif désignant une couleur : brun foncé. Ces
distinctions sont plus apparentes que réelles. Dans les constructions piopres à ces
— 159 —
Voici une liste des composés qui ne peuvent s'expliquer que
par l'ellipse d'une préposition :
des abris-vent, c'est-à-dire
des cartes-correspondayice,
du carton-paille,
le cas-sujet,
le cas-régime,
(/es c/a/Z'/'es-toxe (Littré, suppl. ) ,
des cravates-dentelle (Cat.mag.
du Louvre),
des fauteuils-médaillon (ibid.),
r homme-canon,
V homme-chandelle ,
de la laitue-chêne,
la malle-poste,
des livrets-police,
des mandats-poste,
des portraits-carte,
(les premiers-Paris,
des timbres-poste,
des timbres-quittance,
des trains-^oste,
des abHs du, contre le vent,
des cartespouT correspondance* .
du carton de paille, fait avec
de la paille,
le cas du sujet,
le cas du régime,
des chiffres de taxe,
des cravates de dentelle.
des fauteuils à, avec médaillon,
l'homme au canon *.
VhoTume à la chandelle^,
de la laitue à [feuille de) chêne,
la malle de la poste,
des livrets de la police,
des mandats sur la poste *.
des portraits sur carte
premiers [articles] sur Paris.
des timbres de ou pour la poste,
des timbres de ou pour quittance,
des trains de la poste.
Ces composés sont de création récente. Ont-ils été précédés
par quelques formes analogues qui leur aient servi de mo-
sortes de noms, nous voyions le résultat de synecdoques; il y a en réalité pure-
ment et simplement suppression de la préposition de. Soit l'expression étoffe
marron ou étoffe brun marron; la phrase complète est étoffe de la couleur d'un
brun de marron. Elle peut s'abréger en étoffe couleur d'un brun de marron,
étoffe couleur brun de marron, étoffe brun de marron, étoffe brun marron. Si
l'idée ne porte pas sur brun, on dira étoffe marron, c'est-à-dire étoffe de couleur
m,arron, étoffe de la couleur du m,arron. Si, au lieu de caractériser la couleur
brune en la comparant à celle du marron, on veut eu déterminer la nuance, on
aura étoffe brun foncé, c'est-à-dire étoffe couleur brun foncé, étoffe de la
couleur d'un brun foncé.
1. Carte postale, dans la Suisse romande; voir p. 156.
2. Vigneron, l'homme-canon, telle est l'affiche qu'on lisait naguère sur les
murs de Paris. Ce Vigneron portait sur son épaule un canon chargé que l'on fai-
sait partir. L'expression homme-canon ne i)eul s'analyser homme (/ui est un ca-
non, mais homme à canon. Pour faire une apposition, il eût fallu dire l'homme-
affût, c'est-à-dire l'homme qui sert d'ailùt, qui est unaiïûl.
3. Nom donné par le Petit-Journal à un voleur qui, dans ses exploits, avait
pour tout instrument une chandelle. Le compte rendu des débats a pour titre
i' Homme-chandelle. {Petit-Journal du 2 oct. 1876).
4. L'administration des postes dit toujours : mandai sur la poste; les commer-
çants disent : mandat-poste.
— 160 —
dèle? Parmi les composés cités dans notre Traité à la page 136,
on peut rappeler appui-main, appui-cot et palfer qui sont an-
ciens. Suffisent-ils à expliquer la formation nouvelle? nous
ne le pensons pas. Il faut y voir une extension de l'apposi-
tion.
Nous avons remarqué ailleurs * que dans certains composés
qui paraissent présenter une apposition le rapport des deux
termes n'est pas si clair qu'on n'y puisse voir un rapport de
subordination plutôt que de coordination. Un café-concert
est-il un café qui est un concert ou un café à concert? Un ro-
man-feuilleton est-il un roman qui est en même temps un
feuilleton ou un roman de feuilleton? A la faveur de ces for-
mes obscures, indécises, d'autres composés prennent le cadre
de l'apposition sans y avoir droit; car les deux termes n'y sont
plus sur un pied d'égalité, mais le premier régit le second.
Cette composition par apposition est si féconde et si riche, que
dans la foule des composés qu'elle embrasse des intrus arri-
vent à prendre place, et à élargir encore ses cadres. On dit
fauteuils-crapauds : pourquoi se refuser fauteuils-niédaillon?
On dit broderie-dentelle : pourquoi ne dira-t-on pas cravate-
dentelle ? Carton-pierre (dur comme la pierre) amène fatalement
carton-paille (fait de paille) ; timbre-cachet amène timbre-poste.
La forme emporte le fond *,
Dans notre Traité de la formation des mots composés, nous
émettions l'hypothèse, téméraire en apparence, que la com-
position de dépendance pourrait prendre racine dans notre
langue. Un examen plus approfondi des faits nous convainc
que cette hypothèse est depuis longtemps en voie de se réa-
liser. La langue s'enrichit d'une formation nouvelle que lui
imposent les nécessités du commerce et de l'industrie. Ceux-ci
ont besoin d'expressions courtes, dégagées autant que pos-
sible de prépositions gênantes et le plus souvent inutiles.
Ils trouvent l'apposition qui leur fournit un cadre tout pré-
paré, et se l'approprient au point de la transformer.
1. Traité, etc., p. 138.
2. Le cadre de l'apposition est trouvé si commode qu'on y fait entrer des com-
posés qui n'ont même rien à démôler avec les composés de dépendance. Dans les
expressions suivantes: la gare de Paris-Ceinture, la ligne de Paris-Strasbourg,
Vomnibus de Bastille-Madeleine, l'Alsace-Lorraine, étoffe coton-laine, point-vir-
gule, ï tréma, c cédille,\&?, deux termes sont unis logiquement par la conjonction
et. La rapidité du langage la supprime d'autant plus volontiers que la suppression
a pour résultat une expression de forme connue, familière.
— 161 —
Toutefois ne nous y trompons pas : cette composition de
dépendance a ses limites indiquées par la nature même de
l'apposition ; celle-ci réunit presque toujours des éléments con-
crets, la composition de dépendance ne peut non plus porter
que sur des éléments matériels: « livret-poVice , mandat-
poste, crtW^-correspondance, /m6re-quittance, etc. « Nous n'ar-
riverons pas à dire le pays-ancêtres pour traduire Vaterland.
Mais encore, maintenue dans ces limites, la composition do
dépendance peut rendre de grands services à la termino-
logie des arts, de l'industrie, du commerce, de l'adminis-
tration; et il faut y voir un heureux enrichissement de la
langue\
§ 3. Composition avpc l'impératif.
Il nous reste ;\ considérer un procédé de composition qui
est également d'une fécondité remarquable: c'est le procédé
auquel on doit les composés tels que porte-feuille , serre-pa-
piers. Nous avons démontré ailleurs que dans ces sortes de
mots le verbe était primitivement à la seconde personne de
l'impératif {porte-feuille = va, porte les feuilles) ; que la res-
semblance, dans la plupart de ces composés, de l'impératif
avec la troisième personne de l'indicatif présent, a amené à y
voir ce dernier temps {porte-feuiWe — ce qui porte les feuilles^ ;
que cette erreur, due à la confusion des formes grammatica-
les, a été aidée par une fausse, mais inévitable, analyse logi-
que de ces composés ; que de nos jours, quand l'on crée de
nouveaux composés par voie d'analogie [porte-monnaie^
serre-papiers, etc.), on y met d'instinct l'indicatif présent, et
non l'impératif, mais que le plus souvent les formations non
analogiques contiennent l'impératif (un décroche-moi ça, un
venez-y voir) ^.
1. Oii voit par notre analyse que rinlluence ani^Iaisc sur ce nouveau développe-
ment de la composition de dépendance est nulle. Aucun des mots cités, pas même
malle-poste, ei liinbre-pusle, n'est imité de l'anglais; un seul est allemand, et celui-là
intervertit Tordre des termes suivi par l'allemand, carlc-correspondance; co
qui montre combien ce développement est spontané, original. 11 avait son germe
dans certaines tendances de la langue ; ce germe a grandi et poussé quand le
milieu est devenu favorable.
2. Voir notre Traité, p. 147-177. M. A. Boucberie, dans la récension qu'il fait
de cet ouvrage {Revue des langues romanes, 1876, novembre, p. 267 et suiv.),
combat cette tbéorie, et en propose une autre d'après laquelle l'impéralif caciie im
thème verbal. Le thème ne doit pas être considéré dans son isolement, mais dans
ses rapports de syntaxe ou de composition avec d'autres mots. Trouble, thème du
vi'iU- trniiltler. peut, selon les parties du discours auxquelles il est assnrii'. di'\p-
11
— 162 —
Nous avons montré également que cette composition
Temonte aux premiers temps de la langue et n'est pas, comme
quelques-uns l'ont cru, d'origine germanique; qu'elle a fourni
ti la littérature et à l'onomastique du moyen âge un nombre
nir tour à tour substantif (le trouble), a.àjeclU (de l'eau trouble), verbe [un trou-
ble-fête). I,e thème verbal est une sorte de participe présent dépouillé de sa ter-
minaison et pouvant comme lui, selon l'occurrence et le voisinage, rester verbe,
devenir nom ou adjectif. Dans nos composés ce terme doit se présenter naturelle-
mont sous une forme aussi courte que possible, mais rester telle, qu'on sache dès
labord si elle appartient à la première conjugaison ou à une autre. Or il se trouve
que c'est l'impératif, T personne du singulier, qui satisfasse à cette condition.
Mais cet impératrf n'a que la forme et non la fonction de l'impératif; c'est nn
thème déguisé sous l'impératif.
Ce thème, du moment qu'il entre en composition avec des mots ayant une si-
gnification propre, comme dans nos composes, reprend au contact de ces com-
pléments sa valeur verbale, et est capable d'avoir un sujet [broute-biquet), un
complément direct [essuie-7naîn) , circonstanciel [trotte-menu), tandis que, com-
biné avec des suffixes, sans signification précise, le thème reste réduit à sa f lus
sèche expression [funda-menlum, fonde -ment).
Telle e-.t l'ingénieuse théorie que M. Boucherie oppose à la nôtre. Mais, sans
parler des difficultés qu'en présente l'application à l'espagnol, difficultés dpre
M. Boucherie ciierchc à tourner sans grand succès, elle repose sur un principe
certainement erroné. Il est inexact de dire que le thème préexiste aux parties du
discours qui le renferment. Il n'a pas existé, par exemple, de thème gard ou
garde, d'où seraient sortis garder, garde, gardeur, gardien. Mais de garder ont
été tirés successivement gardeur, garde, gardien, et ce n'est qu'après coup que
la comparaison des divers membres de la famille amène à concevoir, par abstrac-
tion, l'idée générale de thème. Le thème n'est pas le principe premier d'où dé-
roulent les mots, c'est la généralisation vers laquelle ils convergent, il ne faut
point porter dans l'étude du langage les doctrines métaphysiques qui placent, à
l'origine, des concepts abstraits, sources de toutes réalités. Le langage part des
idées concrètes, et marche graduellement, d'analogies en analogies, à la conquête
(les idées générales.
Dans le cas particulier, on ne peut comprendre que le thème, au contact de cer-
tains mots, devienne tour à tour nom, adjectif, verbe. Parce qu'il se trouve suivi
d'un complément dans trouble-fcle, il redeviendra verbe? Mais fête ne peut être
complément qu'autant que trouble est déjà verbe; car qu'est-ce que le coniplé-
riie-it d'un thème? autrement on tombe dans un cercle vicieux : fêle, complément
du thème trouble, le change ert verbe, et trouble, devenu verbe, régit fête. Vou-
loir analyser directement ces formes, sans en remonter le développement histo-
rique, c'est aller volonlaireinent au-devant de l'erreur. En fait, les composés au-
jourd'hui usuels, créés par l'analogie, sert-c-lête, pr case-papiers, etc., ont été
formes sur le modèle A'épitkètes du moyen âge, qui, appliquées aux hommes,
devenaient généralement des noms propres ou des sobrifiuets , et appliquées
aux objets , sont devenues des noms communs. Or, la formation- de ces épi-
Ihètes s'explique historiquement el logiquement par l'impératif, et comme la
forme grammaticale primitive est incontestablement l'impératif, qu'ainsi la signi-
fication de l'impératif concorde avec la forme, nous ne voyons aucune raison d'a-
bandonner la théorie que nous avons exposée. — Aux exemples de l'impératif
cités dans notre Traité, nous pourrions en ajouter d'autres, recueillis depuis :
nous nous contenterons des suivants : ïlaimericus Fac-Malum (Marchangy,
Chartes angevines, avril 1077, Bibliothèque de l'École des chartes, 187.'), p. 406);
Silvcster 'Pela viciuum (ibid., 1094, p.41.V); Gisleberto Gardarobam (ibid., 1146,
p. 434); (}u'cst-(ce), vau denier? fSae alez-vons querant? (I)oon de Mnyeiice,
v. 81).
— 163 —
considérable de noms propres pittoresques et expressifs, et
un certain nombre de noms communs ; que la Pléiade a essayé,
non sans succès, de créer dans cette voie des épitiiètes poéti-
ques à la manière des épithètes homériques, et que, depuis la
fin du seizième siècle, elle a été abandonnée par la littérature
comme trop vulgaire et trop familière.
Nous allons voir maintenant le sort qui lui est fait dans la
langue contemporaine.
Disons tout d'abord que l'industrie et le commerce y trou-
vent une mine inépuisable de dénominations simples, nettes
et commodes pour les mille inventions, les mille objets nou-
veaux qu'ils mettent incessamment en circulation. On en peut
juger par la liste suivante, tout incomplète qu'elle est :
bourrelets) abat-bruit, froid et poussière (propectus d'un
fabricant de bourrelets, plinthes, etc., 1874).
aide-w,émoire (Règlement de l'Exposition universelle de
1867).
borde-plats, bouche-bouteilles {cité par SchoUe, Prograrmne,
p. 13)) brise-lames, brise-glace.
brûle-parfums : « Des aspirateurs, des inhalateurs, des
brûle-parfums. 55 (Daudet, Jack, III, § 2).
brûle-tout (chandelier) (Descript. des brevets, 1822; A,
XIV, 354).
cache-ne^, cache-peigne, cache-pot (Bottin, 1875, p. 759),
chasse^pierre (Gousy de Fageolles, Dict. des chem. de fer).
[papier) chasse-punaises (Bottin, p. 1263).
chasse-navette (1829 ; A, xxvi, 273).
chasse-neige [SchoWe, Programme, p. 14).
[cheminées) cliau/fe-assiettes (1849; B, xv, 12).
(livres) classe-feuilles (Bottin, p. 836).
classe-vak'urs , pour maisons de banque, etc. (Bottin,
p. 836).
compte-gouttes (Littré, supplém.).
coupe-cigares (Bottin, p. 1318).
coupe-file, permission du préfet de police, médaille de
sénateur, de député, etc , qui autorise à passer avec sa voi-
ture avant toutes celles qui sont obligées de prendre la file
pour se rendre à une réception officielle.
coupe-mariage (dans une filature) (1845 ; B, iv, 211).
couvre-bouclwns (1837 ; A, xlvii, 305).
enfile-aiguille (1850; B, xvii, 309).
— 164 —
étire-camhre-lige (18i±5; B, iv, 59).
ferme-persiennes (1846; B, x, 110).
ferme-portes (Bottin, p. 1000).
« instrument portatif dit fixe-longe^ avec son billot, pour
attacher les chevaux, etc. » (1823; A, xxvi, 14).
fixe-serviette (Bottin, p. 1003).
« machine dM^^ force-lumière. » (1805 ; A, m, 232).
« fabrique à Vienne de pipes et fume-cigares^ etc. » (Bot-
tin, p. 1318).
garde-frein (Cousy de Fageolles, Dict. des chem. de fer).
« instrument propre à réunir tous les papiers qui par
leur petite dimension peuvent s'égarer, dit garde-notes. »
(1810; A, VI, 129).
guide-baguettes pour les métiers muU-jenny (1845; B,
V, 152).
guide-pied pour la mesure (musique) (1845; B, m, 203).
« machine hache-paille et concasseuse de grains. »
(1839; A, un, 216).
hache-viande (Bottin, p. 1055).
man^e-at'omc mécanique , 'man(/e-/'om mécanique (1838;
A, XLiii, 10).
monte-charges^ -plats (Bottin, 1053, 1219).
monte-ressorts (d'armes à feu) (1826; A, xxxviii, 218).
paracrotte, parafeu, parafoudre, paraglace, paragrêle *.
pèle-légumes (1850; A, xvii, 264).
pèse-lettres, -nitre (Scholle, Programme, p. 16, Littré ,
supplém.).
pique-feu (pour attiser le feu d'une chaudière de loco-
motive, d'un poêle, etc.).
porte-allumettes (Bottin, p. 13361.
]. Dans notre Traité de la formation des mots composes, nous avions adopté
l'explication de M. Littré, qui décompose ces mots en pare, à, et feu, glace, etc.
Feu M. Meunier (Les composés qui contiennent un verbe à un mode personnel.
p. 220) a démontré que ces mots sont faits sur le modèle Ac parasol qui est lui-
même d'origine espafi^nole parasol t=- parasol, arrête-soleil. Parasol a amené
parapluie et paratonnerre et, de nos jours, tous les composés cités dans le texte.
Il faut accepter cette démonstration, en la combinant toutefois avec celle de
M. Littré. « Parasol, mot parfaitement compi-éiiensible, môme pour qui ignore
l'espagnol, dit M. Meunier .., a, vu la clarté de son sens, inilué directement sur la
formation de parapluie, etc. » Observation juste. Seulement, pour influer sur la
lormalion des mots analogues, le mot a dû être décomposé en éléments français;
on a dû y voir pare à sol, pare à pluie. La préposition à n'existe pas dans le com-
posé primitif, mais il a été mis dans les composés français par l'interprétation
populaire.
— 165 —
purlc-ainartt's ^Scholle, Prograinine^ p. 16).
porle-amorces [\%^% ] A, lui, 2071.
porte-honheiir (l)iacclel), porte-bouquets^ -bouteilles^ -cha-
peaux (Bottin, p. 759, 1336, 1338).
porte-cartes : « Tirant de sa poche un mignon porte-cartes
en ivoire, parfumé comme un sachet, » (Daudet, .Jack,
I, Si)-
porte-charge (cartouches) (1839; A, xxix, 371).
porte- feuilles^ -liniliers^ -'monnaie, -nmut, -mousqueton ^
-plumes, -voix ^ Bottin, p. 1336, 1338, 1338, 1339j 1339, 643 et
1339).
« Voiture destinée à transporter le bois à domicile, dite
\oiture porte-mesure. » (1836; A, xxxiii, 63).
presse-papiers (1851; B, xx, 178),
serre-bois : « Il allait habiter désormais une espèce de
serre-bois, ouvert dans le mur de l'escalier, » (Daudet, Jack,
111,8 5).
serre-bras (Bottin, p, 683 et 1321).
serre-rails (Gousy de I^ageolles, Dict. des chem. de fer).
signale-écueil ( 1 840 ; A, m , 151).
taille-crayon (1828; A, xxvu, 81).
« taille-plume ou instrument qui, d'un seul coup, donne
à la plume, et quelle que soit sa force, la forme requise pour
l'écriture, » (1828; A, xxvii, 179),
tire-boutons (Bottin, p, 643).
(ire-fonds : « pièce ou crochet de fer qui retient les mor-
ceaux de bois dans les rails, » (Gousy de Fageolles),
c\ei tourne-écrous (1835; A, xliii, 124],
« construction d'une charrue double à oreilles chan-
;:,^eantes, dite à tourne-oreille. » (1813; A, vu, 241). « Nouvelle
charrue, dite charrue tourne-oreille. » (1834; A, xl, 50),
papier lue-mouches (Bottin, p, 1273).
tranche-montagnes (Littré) .
« construction mécanique dite vat amont (sic), propre à
faire remonter les bateaux par la force du courant, » (1826;
A, xxxiii, 181).
« espèce de tire-bouchon, dit vide-bouteille à gaz. » (1828 ;
A, xxv, 365).
vide-poches (Littré).
La langue populaire ne néglige pas cette composition et
lui fournit plus d'une expression pittoresque ou grossière.
— 166 —
un 0ouche-l7-uii, ce qui ne sert qu'à l'aire nombre; celui
qui supplée un autre. Le mot est déjà dans l'Académie (1835).
un cache-onisère, pardessus, manteau qu'on met par des-
sus ses vêtements pour en cacher l'usure.
un cloporte, c'est-à-dire dot-porte^ portier.
. un décroche-moi ça, fripier, marchand d'habits d'occa-
sion; boutique de fripier (voir L. Larchcy).
un décrochez -moi ça, chapeau de femme d'occasion
(L Larchey). « La belle toilette de madame Lorilleux, les ef-
filés de madame Lerat, les jupes fripées de mademoiselle Re-
manjou, mêlaient les modes, traînaient à la file les décrochez-
moi ça du luxe des pauvres. » (E. Zola, V Assommoir, p. 92.)
un fantahosse, calembour par à peu près sur fantassin,
dont il est le synonyme : fends-ta-bosse.
le sire de Fiche-ton-camp.
un gratte-moi dans le dos, corset à baleine dans le dos.
un 2n7icez-moi ça, nœud, au bas de la taille, dans le dos,
avec de lon^s rubans qui tombent.
un pousse-café, petit verre de cognac pris après le café :
« Ensuite nous avons pris le café, le poMsse-ca/c, le repousse-
café. » (L. Larchey.)
un pousse-cailloux, fantassin.
un suivez-moi, jeune Jiomme, « deux grands rubans
flottants au-dessous des cols de manteaux de dames. ?> (L.
Larchey.)
un tire-jus, un tire-moelle, un mouchoir.
un tord-boyaux, mauvaise eau-de-vie.
un va-te-laver, volée de coups, tripotée : « Il regardait les
gens, tout prêt à leur administrer un va-te-laver, s'ils s'étaient
permis la moindre rigolade. » (E. Zola, V Assommoir, \>. 328) ^
Dans la httérature, les composés avec l'impératif sont moins
nombreux que les composés par apposition.
« Il paraîtra enfant, brise-raison, sans suite dans les
idées. « (Balzac, Maison Nucingen, 1856, p. 9.)
Brûle-maison, voir Littré, supplément.
1. Happclons ici le mot populaire \di pol-bouillc àowi nous ne savons analy-
ser les éléments, et le curieux composé suivant : cnlre-sort : « L'enlre-^orL. —
On appelle ainsi, dans le monde des saltimbanques, le théâtre en toile ou en
planche, voiture ou baraque, dans laquelle se tiennent les monstres, veaux ou
hommes, brebis ou femmes : le mot est caractéristique. Le public monte, le phé-
nomène se lève, bôle ou parle, mufrit ou râle. On entre, on sorl, voilà. » (J. Val-
lès La Rue, VEnlre-aorl.)
— 167 —
« 11 y a loin de ces parents sévères aux yâLe-enf'aïUn d'au-*
jourd'hui. » (Chateaubriand, Mémoires, I, 73).
« Un pays de nieurt-de-soif {d'ivrognes) et de rôdeurs dQ
nuit. » (J. Vallès, la Rue, les Fils du Régiment).
..... Devant lui ces porte-brodequins
Étaient comme le vers qui rampe.
(Banville, Odes funamb., Occidentale douzième.)
« Il croyait jusqu'aux promesses des arracheurs de dents
et des porte-couronnes. » (Th. Gautier, les Jeune France, Daniel
Jovard).
Mer, dont la grande voix fait trembler sur les trônes,
Ainsi que des fiévreux, tous les porte-couronnes.
(Barbier, ïambes, la Cuve.)
« Dire que j'ai retiré cinquante francs de ma pauvre caisse
d'épargne pour les prêter à ce ruine-maison. » (Ch. de Ber-*
nard, les Ailes d'Icare, II, 9).
Les composés avec l'impératif forment le plus souvent do
nos jours des substantifs. Ronsard, les employant comme ad-
jectifs, sut avec art en tirer une source d'épithètes homé-
riques. Du Bartas, ])ar l'abus ridicule qu'il en fit, déconsidéra
ce genre de formation ; il est curieux que de nos jours l'école
romantique, qui a repris tant de choses à la Pléiade, ait laissé,
sans y toucher, cette composition qui ne méritait pas un tel
oubli. Éminemment française, elle est tout à la fois familière
et noble, et si les substantifs qu'elle fournit appartiennent à hi
langue populaire, ses adjectifs ne sont pas indignes de la
haute poésie, et sous la plume d'un habile poëte pourraient
encore produire de beaux effets.
DEUXIÈME PARTIE.
FORMATION SAVANTE
LATINE ET GRECQUE.
1^ La formation savante a exercé sur la langue une action si
profonde, qu'elle tend à la transformer, et risque de la défor-
mer.
La formation savante est double, latine etj^recque. La pre-
mière date des origines de la langue; l'autre du seizième^
siècle : la première a modifié la langue commune ou écrite; la
seconde commence à l'altérer. Nous étudions d'abord la for-
mation latine, dont l'action est plus ancienne, plus pro-
fonde.
PREMIERE SECTION.
FORiMATION LATINE.
CHAPITRE XL
VUES GÉNÉRALES SUR LA FORMATION LATINE.
La formation savante latine a commencé dès l'origine môme
de la langue. A l'époque où le latin populaire, après la chute
de l'empire , se transformait librement dans la bourlio des
— 170 —
populations gallo-romanes, et développait graduellement les
traits propres qui devaient caractériser le français, déjà des
mots savants se glissaient dans la langue. L'influence de
l'Église et de la liturgie latine, l'emploi des titres officiels,
firent pénétrer dans le langage parlé quelques mots nou-
veaux ; chapitle, epistle, apostle, ordne, diacne^ ténèbres ; duc,
ducJieé, emperedor, title, etc.
Quand la langue vulgaire, au neuvième et au dixième siècle,
commença à s'écrire, les moines, qui seuls étaient capables
de tenir une plume, firent entrer des mots latins dans les textes
français qu'ils composaient. Ils se contentèrent de donneraux
terminaisons latines la forme qu'elles affectaient dans l'idiome
nouveau.
Le premier poëme écrit dans notre littérature, la canti-
lène de sainte Eulalie, texte qui date du dixième siècle, sur
vingt-cinq vers renferme deux mots savants : élément, virgini-
tet. Le poëme plus étendu de saint Léger (dixième siècle) en
a naturellement beaucoup plus : hnmilitiet (vi, 6), eoraltat (viii,
3), anaternaz (xxi, k) , persécutait (xxiii, 2), exercite (xxiii, 6),
cruels^ (xxvi, 3), vitnperet (xxvii, 3), claritet (xxxiv, 3).
Au onzième siècle, le poëme de saint Alexis en présente une
vingtaine : nobilitet (m, 4), humilitet (vi, 1), fecunditet (vi, 2),
régénérer (vi, 3), veritet (xiu, 5), servitor (xxxiv, 4), sacrarie
(lix, 3), apostoties (lxi, 1, etc.), emperedor (lxii, 1, etc.), a flic-
tions (lxxii, 3), hereditez (lxxxi, 1), felix (c, 5, etc.), adjutorie
(ci, 4), pénitence (ex, 2), trinitet (ex, 4), miracles (cxii, 4),
chandelabres (exvii, 1), memorie {? cxxv, 1), glorie (? cxxv, 4),
verbe (cxxv, 5).
La chanson de Roland , en proportion , en a beaucoup
moins : aflictiun 3272, antiquitet 2'45, apostle 2255, etc.,
chérubin 2393, confusiun 3276, criminel 2456, defensiun 1887,
discipline 1929, ocision (?3946), omnipotente 3599, ordres 3637,
perditiun 3969, principal 3432, prophète 2255, sathanas 1268,
sma^o^e 3662, ténèbres 1434.
Les termes qui dominent appartiennent pour la plupart à
la langue religieuse; voilà pourquoi le Roland, poëme guer-
rier écrit par un trouvère, en contient relativement moins que
l'Alexis et le Saint-Léger, poëmes dévots écrits sans doute par
des moines. Au douzième et au treizième siècle, l'infiltration
1. Si le mol était de formation populaire, il serait crueils, et n'assonerait pa?
avec crever
— 171 —
conliïiue, lonte et mesurée; généralement, e'est dans les textes
traduits du latin et qui traitent des sujets moraux ou religieux
qu'ils pénètrent de préférence. Dans les cinq premiers Psaumes
du Psautier d'Oxford (commencement du douzième siècle), on
peut noter : pcslilcnce [i, 1), habltet [ii, 4), heredilet (8), disci-
pline (12), multipliet (m, 1, etc.), tribulalion (iv, 1), vanitet (3),
compunction (5), sacrifiez sacrifice (6), lelice (7), abominable
(v, 7), multitudine (ibid.), misericordie (ibid.), veritet (7), cogi-
taliun (12), impielez (ibixl.). Dès les premières lignes du Dior
logiis anime conquerentis (douzième siècle) paraissent espérez^
misères, aversitez, réfugie, hurno, pieté, simplicUet, etc.; dans
la première page des Dialogues de saint Grégoire, récemment
publiés par M. Fœrster : seculeirs, negosces, secrelt, occupation^
diakenes, conteinplation, occasion, jjastorale, etc.
Il est inutile de poursuivre cette revue. Disons seulement
que jusqu'à la tin du treizième siècle la langue commune,
celle des chansons de geste, des fabliaux, reste en somme à
l'abri de l'invasion ; mais avec la fin du moyen âge, avec
le quatorzième siècle, connnence pour notre idiome une ère
nouvelle. En même temps qu'il abandonne les derniers restes
de la syntaxe, de la construction du latin populaire, et marche
vers une forme plus analytique, il reçoit des mots du latin
scolastique et du latin classique, et commence décidément à
rapprocher son lexique de celui du latin des livres. Dans Hu-
gues Capet, dans Beaudouin de Sebourg paraissent des mots
tels que regnation, reverationj co?idampnation, excusation^;
dans Eustache Deschamps' continuans (p. i), prédécesseurs (4)^
possession prénommée (5), contraire, reedifiee, édifiée (id.), nas-
cion (6), 7'emede (7), contingent (id.), contemptieuse (8), procé-
der, excéder, opposition (id.), etc.
C'est l'époque où Bersuire traduit Tite-Live et verse à
pleines mains dans sa traduction, sous leur forme latine à
peine déguisée, les termes de la politique et de l'administration
romaine. Le lexique de notre langue perd dès lors peu à peu
ses caractères originaux pour reprendre ceux du lexique latin.
Il serait intéressant de suivre de près cet important mouve-
ment littéraire, qui eut sur la langue une action si décisive,
et de déterminer la part qu'y prirent l'éducation scolastique,
l'étude du droit, et au quinzième siècle la renaissance latine.
La fin de ce siècle voit briller dans tout son éclat l'école
1. Voir 1^ préface de Hugues Capet, éd. La Grange, p. xxvj.
"2. CÉuvres inédites d'E. Deschamps, éd. Tarbé.
— 172 —
des rhéloriquem-a , pour qui l'idéal est de parler lalin en
français, et qui reconnaît pour maîtres les Meschinot, les
Crétin, les André de la Vigne, les Le Maire de Belges. Voici
comment Le Maire de Belges, le plus habile prosateur du
temps, fait parler le jeune Paris Alexandre, priant d'amour
la nymphe OEnone : « Tes yeux vairs et estincellans et ton
beau corps proportionné oultre la forme commune, me font
conjecturer de toy yniaginer que tu soyes paraventure icelle
mesme déesse Venus transfigurée en habit de nymphe. Et me
incitent par une ardeur plus que violante de dire que celui
seroit bienheureux que tu vouldroies nommer ton servant en
amours. Car se Juppiter le Boy des hommes et des dieux
vouloit beatiffier ung corpz terrestre sans Yassumpter au
supernel habitacle^ si ne le pourroit il mieulx faire qu'en le
laissant user familièrement de ton regard et de ta souefve
collocution, 0 déesse, remplie de souveraine speciosité, qui
as daigné tant abaisser ta haulteur ([ue de acquiescer à ma
prière et faire icy si gracieux séjour avecques moi, ton humble
serviteur. » Et après ce discours, l'auteur ajoute que Paris
« tenoit ses yeulx inseparableinent (ichez en elle. Mais les
pupilles errans et vagabondes en leur circonférence estince-
loient de désir amoureux, comme font les rays du soleil
inatatin réverbérez en la clere fontaine. Et son gentil cueur,
altéré de chaleur véhémente, buvoit a grand z traictz la /ervenfe
liqueur de cupidineux appétit^. »
Nous sommes à l'époque où chaque auteur, à l'envi, des-
pume la verbocinalion latiale ^. Le bon sens de quelques
écrivains, G. Tory, Dolet, proteste contre les écumeurs de
latin, et Babelais, après l'auteur du Champ- flenry, les ridi-
culise à jamais dans son Eschollier limosin^. La Pléiade qui,
par-dessus l'école de Marot, se rattache à certains égards à
l'école de Jean Le Maire, apprit de celle-ci à transplanter la
poétique ancienne dans la poésie contemporaine. Mais Ron-
sard défendit toujours avec un soin jaloux l'intégrité de la
langue maternelle. 11 engageait ses disciples à ne point écor-
cher le latin, «comme nos devanciers qui ont trop sottement
1. Les illuslralions des Gaules el singularités de Troye, Paris, 1513, in-4; li-
vre I, chap. XXIV.
2. G. Tory, Champ-lleury, début.
3. Rabelais lui-môme tombe souvent à son insu dans le travers quil flagelle;
.sa connaissance profonde des langues anciennes lui nuit, et plus d'une fois il
lui arrive de pense** et d'écrire en latin.
— 173 —
tiré des Romains une infinité de vocables estrangers, veu
qu'il y en avoit d'aussi bons dans notre propre langage*. »
Et en effet, si on considère l'ensemble de ses œuvres, on est
frappé du petit nombre de mots étrangers qu'il a admis dans
ses poésies. La langue est pure et puisée à la bonne source
française. Voici une page prise à la Franciade, toute remplie
de souvenirs classiques, où l'imitation d'Homère et de Virgile
éclate à chaque vers, et qui, à part les noms propres, ne con-
tient pas un seul mot latin, hormis e^lotnac, qui depuis long-
temps déjà était reçu dans la langue au sens actuel de cœur :
Lors, en tirant de sa gaine yvoirine
Un long couteau, le cache en la poitrine
De la victime, et le cœur lui chercha.
Dessus sa playe à terre elle broncha
En trépignant ; le sang rouge il amasse
Dedans le creux d'une profonde tasse,
Puis le renverse en la fosse à trois fois,
L'espée au poing, priant à haute voix
La royne Hécate et toutes les familles
Du noir Enfer, qui de la Nuict sont filles,
Le froid abysme et l'ardent Phlegeton,
Styx et Cocyt', Proserpine et Pluton,
L'Horreur, la Peur, les Ombres, le Silence,
Et le Chaos, qui fait sa demeurance
Dessous la terre, en la profonde nuit.
Voisin d'Érèbe, oîi le soleil ne luit.
Il achevoit, quand un effroy lui serre
Tout Yestomac : un tremblement de terre,
Se crevassant par les champs, se fendit •,
Un long aboy des mastins s'entendit
Par le bocage, et Hyante est venue
Comme un esprit affublé d'une nue.
«Voici, disoit, la déesse venir.
Je sens Ilecatc horrible me tenir ;
Je tremble toute, et sa force puissante
.Tout le cerveau me frappe et me tourmente.
Tant plus je veux alenler son ardeur,
Plus d'aiguillons elle me lance au cœur.
Me transportant, si bien que je n'ay vaine
Ny nerf sur moy, ny ame qui soit saine -,
Car mon esprit, qui le démon reçoit.
Rien que fureur et horreur ne conçoit. »
Plus que devant une rage l'allume;
Elle apparut plus grand que de coustume;
De teste en pied le corps lui frissonnoit.
Et rien d'humain sa langue ne sonnoit. {Chant IV.)
1. Voir |jIus luiut. p. 6.
— 174 —
Cette langue franche, nette, éminemment française, est la
langue des grands écrivains de la seconde moitié du seizième
siècle. Du Bellay, Amyot, H.Estienne, E. Pasquier, d'Aubigné.
Mais à côté et au dessous d'eux, les écrivains préfèrent recou-
rir au latin, les uns par recherche et affectation, les autres
par paresse. « La plupart d'entre nous, dit E. Pasquier, nour-
ris dès notre jeunesse au grec et au latin, ayant quelque
assurance de notre suffisance, si nous ne trouvons mot à
point, faisons d'une parole bonne latine une très-mauvaise en
françois, ne nous avisant pas que ceste pauvreté ne provient
de la disette de nostre langage, ains de nous mesmes et de
nostre paresse K » Les orateurs au style fleuri, à la période
cicéronienne, Marion, Du Vair, Continuent l'introduction des
latinismes. Avec la révolution opérée par Malherbe dans la
poésie, par Balzac dans la prose, la phrase latine devient le
type sur lequel se moule la phrase française. En vain, Vau-
gelas interdit la création de mots nouveaux, c'est-à-dire l'em-
prunt de mots latins, la formation latine continue sans relâche.
L'étude de nos classiques, à cet égard, est curieuse et in-
structive. Les écrivains de la seconde moitié du dix-septième
siècle sont d'autant plus latins que les sujets qu'ils traitent
sont nobles et solennels. La langue de Molière et de La Fon-
taine est plus voisine de la langue du peuple, et par suite,
dans une certaine mesure, plus française.
Nous avons comparé les débuts du Tartufe, du Misanthrope
e.ié'Athalie. Sur deux cent cinquante vers, nous avons relevé
dans le Tartufe cinquante mots latins, dans le Misanthrope
soixante-dix, dans Athalie cent-dix. La progression, on le voit,
est caractéristique. Quand on passe des conversations de
madame Pernelle aux dialogues de Philinte et d'Alceste, le
ton s'élève; le nombre des mots savants également; et le
maximum est donné par les scènes sublimes de Joas avec
Abner et Jozabeth*. La langue de Boileau est aussi latine.
1. Lettres, II, xii.
2. Nous relevons ici les mois savaals des soixaulc premiers vers. Dans le Tar-
tufe : édifiée, impertinente, discrète, exemple, ajuaternent, estime, sévère,
maximes, critique, usurper, tyrànnique, zélé, obliger, total : treize. Dans le
Misanthrope : profession, action, excuser, scandaliser, protestations, indiffé-
rent, indigne, infâme, sincère, méttiode, affectent, mode, contorsions, frivo-
les, inutiles, éloge, située, prostituée, régals, préférence, estimer, total : vingt et
un. Dans Athalie : adorer, Eternel, antique, célébrer, sacrée, magnifiques,
inondait, portiques, introduits, univers, consacraient, sacrifices, audace, té-
nébreux, adorateurs, fitnl, visiter, mnslèrcs. blasphème, invoqué, funestes,
— 175 —
Voici un fragment descriptif que nous détachons de son
épopée du Lutrin, pour le rapprocher du fragment épique de
Ronsard cité plus haut :
Entre ce$ vieux appuis dont Faffreuse grand'salle
Soutient l'énorme poids de sa voûte infernale,
Est «n pilier fameux, des plaideurs respecté,
Et toujours des Normands à midi fréquenté.
Là, sur des las poudreux de sacs cl; de pratique,
Hurle tous les matins une Sibylle étique ;
On l'appelle Chicane, et ce monstre odieux
Jamais pour Véquité n'eut d'oreilles ni d'yeux.
La Disette au teint blènie, et la triste Famine,
Les Ciiagrins dévorants et Vinfàme lluine,
Enfants infortunés de ses raffinements,
Troublent l'air d'alentour de longs gémissements.
Sans cesse feuilletant les lois et la coutume,
Pour consumer autrui, le monstre se consume;
Et dévorant maisons, palais, châteaux entiers,
Rend pour des monceaux d'or de vains tas de papiers.
Sous le coupable effort do sa noire insolettce,
Thémis a vu cent fois chanceler sa balance.
Incessamment il va de détour en détour;
Gomme un hibou souvent il se dérobe au jour :
Tantôt, les yeux en feu, c'est un lion superbe;
Tanlôt, humble serpent, il se glisse sous l'herbe.
En vain, pour le dompter, le plus juste des rois
Fit régler le chaos des ténébreuses lois ;
Ses griffes, vainement par Pussort raccourcies,
Se rallongent déjà, toutes d'encre noircies;
J]t ses ruses, perçant et digues et remparts.
Par cent brèches déjà rentrent de toutes parts.
{Ltdrin, chant V.)
N'est-il pas piquant de voir que la muse de Boileau parle
latin plus que celle de Ronsard?
Au dix-huitième siècle, l'imitation latine grandit sous une
nouvelle influence; je veux parler de cette tendance à
l'abstraction qu'on voit poindre déjà dans la langue du
dix-septième siècle, et qui, de nos jours, a pris une si funeste
extension. Les noms concrets sont remplacés par les abstraits,
les verbes par des noms d'action; de là ce nombre sans
cesse grandissant de mots en ?7r, en ation^ empruntés ou
respect, pressenlitnenl, juste, rare, tiare, religion, sédition, inérite, successeur,
sacrilège, infâme, déserteur, persécuteur, mitre, lévite, ministère, importune,
impiété, afjccte, insatiable, superbe, observais, vaste, édifice, supplice, sangui-
naire, suncluaire, toUil : quaranle-liail.
— 176 —
imités du latin. Ainsi de plus en plus la langue perd ses ca-
ractères propres pour prendre ceux de la langue mère. Nous
avons montré précédemment et aurons encore l'occasion
d'établir dans le cours de cette étude qu'une partie de la
dérivation française a disparu pour faire place à la dériva-
tion latine; été est tombé devant ité, aison devant ation, eur
tombe devant ateur, able devant ible, ure devant ature^ ier
devant aire ou iste, et devant ciile, é devant «i, etc.
Cette langue nouvelle, qui s'apprend par les livres, ne se parle
que dans une certaine classe, et reste étrangère au peuple,
qui garde sa langue à peu près pure des formes latines. Ces
grands mots en ation, en ité, en isntc, en ariat, il les entend
sans les comprendre; ils frappent son oreille comme des mots
d'une langue inconnue. Et comme le peuple ne répète que ce
qu'il comprend, il les déforme d'après des principes régu-
liers, d'après les lois de Y élymolog le populaire.
Tantôt la signification du mot est changée. Dans la langue
commune, ce mot, d'origine latine, a une acception latine;
dans la langue populaire, il est quelquefois rattaché à un
mot français ayant un autre sens, et c'est ce dernier sens que
le peuple lui donne. Ainsi définition, où les gens du peuple
voient un dérivé de finir, devient le synonyme de fin : « 11 n'y
a pas de définition à ce travail. » Délibéré se dit pour délivré
ou libéré. Tantôt le terme savant reçoit de la pensée popu-
laire une signification toule nouvelle : \qs phénomènes de la
nature se changent en phénomènes de saltimbanques. Méca-
nique aboutit à m,écaniser qui devient — par quelle asso-
ciation d'idées? — presque synonyme d'ennuyer'. Le plus
souvent la forme du mot est altérée sous l'influence d'un au-
tre mot avec lequel le premier a quelque affinité de sens et
de son, ou même seulement de son. Le nitrate d'argent devient
de la mitraille d'argent; le diabète se change en diablette,
le laudanum en lait d'cmon; le carbonate de soude se déguise
en carbonade et prend le genre qu'indique la terminaison fé-
minine^ Si le suffixe ate se change en ade, iste passe à isse :
il existe une chanson sur le Baptême du P'tit Ebénisse; «Rede-
vient ique : le peuple ne connaît guère que la bronchique.
La nomenclature scientifique reçoit ainsi un nouveau et
1. « Les honnêtes gens comme vous sont rares ; il ne faut pas qu'on vienne les
mécaniser sans raison. » (E. About, l' Infâme, V.)
2. « Si le vin est si mauvais à Paris, c'est qu'on y met du bois qu'empeste (du
bois de cumpt-che). » Phrase entendue dans la bouche d'une femme du peuple, à
l'aris, en mars 1877.
— 177 —
étrange baptême, dont se rit la bourgeoisie lettrée; clic ne
comprend pas que ces déformations populaires sont fatales,
parce que l'idiome populaire est un organisme vivant qui ne
peut accepter aucun élément étranger sans se l'assimiler.
Quant à la langue commune, parlée par la classe lettrée ou
demi-lettrée, elle s'est si bien pénétrée des éléments latins
qu'ils sont devenus organiques. Nous allons voir comment
une partie de la dérivation et de la composition latine est de-
venue familière aux habitudes françaises.
Tantôt la formation savante emprunte directement au latin
des mots qu'elle habille d'une terminaison française (quelque-
fois même elle s'en passe) ; tantôt elle dérive des mots nou-
veaux de radicaux soit français, soit latins ; tantôt enfin elle
combine des éléments latins ou français suivant les lois de la
composition latine. Nous passons à l'étude de chacun de ces
trois procédés *.
CHAPITRE XII.
EMPRUNTS FAITS AU LATIN.
La langue contemporaine a fait de nombreux emprunts au
latin : certains des mots empruntés ont un caractère litté-
raire, les autres sont des termes scientifiques ou techniques;
en voici des exemples :
ablactation, ablaquéation.
aborigène, proposé par Mercier, mot aujourd'hui entière-
ment reçu; abrasion.
abscons : « Les doctrines absconses de l'émanation. » (Mi-
chelet, Bible de l'Humanitéj p. 301.)
1. Avant d'aborder l'evamen des mots savants, «ne observation est indispensa-
ble. Les mots savants j)énètrent dans la langue commune par les livres ; mais tel
néologisme, risqué par un écrivain, peut demeurer longtemps inconnu, et n'en-
trer que beaucoup plus lard dans l'usage. La date de l'apparition d'un mot savant
dans un livre n'est donc point toujours celle de sa naissance J.-J. Rousseau dé-
clare avoir créé invtsligalion; le mot se trouve déjà dans Montaigne; mais il est
resté dans les Essais, oublié et perdu. Depuis Rousseau, il est entré dans la lan-
gue courante; Rousseau en est donc le créateur. C'est ce que n'a pas toujours vu
M. Littré dans son dictionnaire. Cf. Marty-Laveaux, De Vcnseignemanl de notre
langue, p. 70; Bibliothèque de V Ecole iks Cfiartes, lO' année, p. 97.
12
— 178 —
des addenda, adscrit (Littré, supplém.), un agenda, Valéa,
un aquarium.
administratif, mot qui date de la Révolution. Gattel ne le
cite que dans la seconde édition (1813) de son Vocabulaire des
mots introduits dans la langue depuis la Révolution.
ascenseur (Littré, supplém.), assesseur.
avicule (sorte de ballon, de navire aérien, Scholle, Pro-
gra/mme, p. 13), avicelle (Id., ihid.)
audition d'un morceau de musique (Mercier).
balnéaire (Littré, supplém,.).
• balnéatoire : « Appareils balnéatoires. » [Règlem. de VEx-
pos. univ. de 1867.)
belligérants.
calvitie, proposé par Mercier, mot aujourd'hui reçu; ce
mot a fait sortir de l'usage chauveté, qui était excellent.
carcère :
Un lion famélique et rugissant de joie
Jaillit de la carcère et vient flairer la proie.
(Cat. Mendès, Légendes et Contes, IV, le Lion.)
cérulé:» Des oiseaux cérulés. » (Chateaubriand, Mémoires,
t. II, p. 154.)
les circufumsa, terme employé quelquefois pour exprimer
ce qu'on désigne d'une façon plus intelligible parle mot fran-
çais les milieux.
clamer, proposé par Mercier : a cours aujourd'hui dans
la petite presse.
collabore r
Que dire au jeune auteur qui, pour former son style.
Voudra collaborer au quart d'un vaudeville?
(Viennet, Épître à Boileau.)
collaboration est déjà ancien : il arrive souvent que les
verbes soient ainsi tirés après coup des substantifs qu'ils
semblent avoir formés. Le mot qui suit en est encore un
exemple.
com/raémorer : « De curieux étrangers, séparés de l'unité
de l'Église, assistaient en passant à la cérémonie [le Miserere
à la chapelle Sixtine) et remplaçaient la communauté des fidè-
les. Une double tristesse s'emparait du cœur. Rome chrétienne
en commémorant l'agonie de Jésus-Christ avait l'air de célé-
brer la sienne, de redire pour la nouvelle Jérusalem les pa-
— 179 —
rôles que Jérémie adressait à l'ancienne. C'est une belle chose
que Rome pour tout oublier, mépriser tout et mourir.» (Cha-
teaubriand, Mémoires, t. IX, p. kk) . Commémorer est nouveau,
mais commémoration est ancien dans la langue.
conceptadey conferve, termes d'histoire naturelle.
conscription, conscrit; datent de la Révolution.
critérium, ou critère.
cruor, terme de physiologie.
décime, de decimus : et par analogie centime, au lieu de
centième ou centésime (comparez millésime).
décortiquer, dédoler.
délinéer, Chateaubriand a employé le participe passé
dans ses Mémoires, t. II, p. 178.
dépositeur, celui qui donne un dépôt à un autre.
un desideratum, les desiderata de la science.
destructible [destructihilis, ho-cidinct) . Destructible peut aussi
avoir été tiré de indestructible.
le Directoire, district, mots postérieurs à la Révolution.
ébriété, mot qui se trouve déjà dans A. Paré, mais qui
n'est entré dans l'usage que de nos jours.
édicule : « L'entrée des tombeaux de l'ancien empire offre
la figure d'édicules qui ne sont sans doute que des réductions
de façades d'anciens temples. » (E. Renan, Revue des Deux
Mondes, l" avril 1865, p. 675; dans Scholle, Archives de Her-
rig, t. XLIl, p. 120.)
élémosinaire : « Ecuelle élémosinaire. » (Th. Gautier, le Ca-
pitaine Fracasse, XV). Le mot latin est eleemosynarius ; il fau-
drait donc éléémosinaire.
élucubrer, néologisme postérieur à élucubration.
émigrant, émigré ; datent de la Révolution.
esculent : « Les huiles douces... ne sont esculentes qu'au-
tant qu'elles sont unies à d'autres substances. » (Brillât-Sava-
rin, Physiologie du goût, l, 295). «L'analyse a découvert des
parties esculentes dans des substances jusqu'ici réputées inu-
tiles. » (Id., ibid., l, 142).
évocateur de fantômes (Saint-René Taillandier, Revue des
Deux Mondes, dans Scholle, Programme, p. 15).
exacerber : « Le cerveau s'enflamme, la sensibilité s'exa-
cerbe. » (Th. Gautier, Etude sur Baudelaire.)
extemporanée (Littré, supplém.), extrade^' (ibid.).
excitateur ; il existe aussi exciteur qui est la forme fran-
çaise.
— 180 —
facule, fédération.
festivité: « Une séance solennelle et une festivité de premier
ordre. » (Brillât-Savarin, Physiologie du goût, II, viii.)
flagrant :
Et la guerre civile est aujourd'hui flagrante.
(Barthélémy, Némésis, Lyon.)
Ce flagrant, qui a la signification propre du latin, est distinct
du flagrant usité dans l'expression flagrant délit.
forficule, nom scientifique du pince-oreille; latin forficula,
petits ciseaux.
fragrance : « Les Floridiennes broyaient... des larmes de
liquidambar et des racines de libanis qui imitaient la fragrance
de l'angélique, du cédrat et de la vanille. » (Chateaubriand,
Mémoires, t. II, p. 291).
frigide est employé par Chateaubriand dans ses Mémoi-
res, t. II, p. 79. Nous ne voyons pas ce que frigide dit de
plus que froid.
fulgurant: « Le premier poëte de notre époque a créé /mZ-
^uran^. Ne pouvait-il s'en passer?» (Fr. ^fey, Remarques sur la
langue française, t. I, p. 299). « Il était, pour parler son beau
langage, ébouriffant, rutilant, fulgurant, et même truculent. »
(Ch. de Bernard, les Ailes d'Icare, I, 112.)
Elle jetait au vent sa tête fulgurante.
(Th. de Banville, la Belle Véronique.)
fulvide ; « La classification des blondes est infinie; il y a
le blond fulvide légèrement rubellé à l'endroit où ce pro-
duit corné sort de son bulbe, etc. « (Roqueplan, Parisine, 3"
édit., p. 113.)
gente: « H tomba; et depuis, lui, et d'après lui, sa gente,
ont été marqués de ce signe. » (Michclet, Bible de V Humanitéj
p. 73.) Mot incorrect. Il faut soit gens, soit gent. Michclet n'a
pas voulu de gens qui a une acception spéciale dans l'histoire
romaine, ni gent qui est familier ou archaïque; et il a préféré
un barbarisme.
gloria, petit verre d'eau-de-vie versé dans une demi-tasse
de café noir; mot tout à fait poi)ulaire. « A la chaleur d'une
demi-lasse de café bénie par un gloria quelconque. » (Balzac,
dans L. Larchey).
hilare, hilarant
— 181 —
hirsute :«. leur délivre... roide ai hirsute. » (Chateaubriand,
Mémoires, t. III, p. 238).
horripiler : « Il avait le malheur de bien écrire, ce qui a
le don d'horripiler les sots de tous les pays. » (Th. Gautier,
Étude sur Baudelaire).
immarcescible : « De l'azur sans tache, de la lumière im-
marcescib le. » ( Id . , ib id.).
immémorable : « L'âge où la vie n'a point de souvenir et
apparaît de loin comme un songe inmiémorable. » (Chateau-
briand, Mémoires, t. III, p. 34.)
immémoré : « Je jette un regard attendri sur ces livres
qui renferment mes heures immérnorées. » (Id., ibid., p. 350).
improbité: « Nous disons ])robité, propreté: pourquoi ne pas
dire improbité, impropreté? »{Domergue, dans le Journal de la
langue française, t. V, p. 334; année 1795). Improbité a été re-
pris au latin ; impropreté n'a pas été reçu : « Les plus vertueux
négociants vous disent de l'air le plus candide ce mot de Vim-
probité la plus effrénée : « On se tire d'une mauvaise affaire
comme on peut. » (Balzac, la Maison Nucingen).
incrassant: « La fécule n'est pas moins incrassante quand
elle est charroyée par les boissons. » (Brillât-Savarin, Physio-
logie du goût, I, 100).
incuriosité et incurieux sont proposés comme mots nou-
veaux dans le Journal de la langue française, t. V (année 1787),
p. 330. Seul incuriosité a été admis.
inexpié :
Leurs attentats bénis, heureux, inexpiés.
(V. Hugo, Légende des siècles, I, le Satyre.)
inéluctable, mot employé pour la première fois parC. Des-
moulins, proposé par iMercier dans sa Néologie. Il conserve
encore aujourd'hui un caractère marqué de néologisme.
influent, mot d'un français douteux: il n'a été admis par
l'Académie que dans la septième édition de son Dictionnaire
(1835) ; il est fort reçu aujourd'hui.
initiateur.
ingestion : « L'ingestion, opération qui commence au mo-
ment où les aliments arrivent à la bouche et finit ti celui où
ils entrent dans l'œsophage. » (Brillât-Savarin, Physiologie du
guùt, \, 80.) ce Les discussions politiques qui troublent égale-
ment l'ingestion et la digestion. » (Id., ibid., I, 146.)
innovateur, mot proposé par Mercier et aujourd'hui reçu.
— 182 — '
hiMable a été proposé par La Harpe et Mercier. Ce mot
était usité au sens qu'il a actuellement, durant le quinzième
et le seizième siècle. Au dix-septième siècle il disparaît de la
langue commune, et Vaugelas, dans ses Remarques^ constate
que iilahle est usité, mais non instable. Conservé seulement
dans la langue spéciale de la mécanique, il est rentré de nos
jours dans l'usage général.
l'Institut; le mot et la chose datent de la Révolution.
insurrection; le mot n'est pas inconnu à quelques écri-
vains latinisants du quinzième ou du seizième siècle ; notre
époque a eu le triste privilège de le voir entrer définitivement
dans la langue.
lapilli (cendres volcaniques) ; c'est le pluriel de lapillus.
législative, législature; datent de la Révolution.
lénité {Littré,swpjo/éw.).
lenticule^ nom scientifique de la lentille d'eau.
majorer (Littré, SMjo/)^ém.).
médium, terme du vocabulaire des spirites.
mellifique, proposé par Mercier, objurgateur, oblivieux
(Littré, supplém.).
multiforme :
Et la peur ridicule,
Hideuse et multiforme autour de lui circule.
(Beaudelaire, Fleurs du mal, ci).
Cauchemar m,ultiforme.
{Ibid,, eu.)
obsidional: « Indépendamment de cette répugnance pour
une nourriture obsidionale [la viande de cheval). » (N. Roque-
plan, Parisine).
occulter, proposé par Mercier, est employé dans la termi-
nologie spéciale de l'astronomie.
omnibus : voiture omnibus et absolument : un omnibus,
ou, comme dit le peuple, en sous-entendant voiture, une om-
nibus.
plèbe. Mercier demande en 1801 que le terme méprisant de
populace soit désormais remplacé par plèbe. Plèbe est en efTet
eiitré dans l'usage, mais avec une signification qui n'est guère
moins dédaigneuse que celle de populace. Il est curieux que
plébéien n'ait pas cette acception défavorable. Comparez la
plèbe et les plébéiens.
pondérateur, pondéraux. • matières pondérBuses.
— 183 —
préliher: « Je laisse tout cela au successeur que j'ai planté
en commençant ce chapitre, et me contente de préliber. »
(Brillât- Savarin, Physiologie du goût, I, 103).
prestigiateur, proposé par Mercier. On dit maintenant
prestidigitateur, qui est moins bon.
procrastiner, procrastination, mots proposés par Mercier,
et qui s'introduisent actuellement dans la langue.
processus, publicateur, pugnacité.
radiance: « Tous ceux chez lesquels, en pareil cas, on
n'aperçoit ni l'éclair du désir, ni la radiance de l'extase. »
(Brillât-Savarin, Physiologie du goût, I, 70).
radiation, au sens de action de rayer, date de la Révolu-
tion ; au sens de action de rayonner (lat. radiatio), il est de
formation contemporaine.
reptation : « La reptation lente et circonspecte de nos tar-
digrades. » (Michelet, la Mer, 2* édit., p. 132).
rutilant, vapeurs rutilantes; au figuré, voir un exemple
au mot fulgurant,
sécession, mot qui date de la guerre civile du Nord et du
Sud aux États-Unis (1861-1864).
sélection, mot introduit de nos jours par l'école de Dar-
win. On peut considérer ce mot et le précédent comme d'o-
rigine anglaise. Toutefois la signification latine en est si
visible qu'on les reconnaît aussitôt comme latins et qu'on
les emploie comme tels,
splénétique. M. Scholle [Programrime, p. 17) donne ce mot
comme un néologisme employé par M. Montégut dans la Re-
vue des Deux Mondes.
squalide :
Un squalide recors range sur l'établi
Le code où la raison est vouée à l'oubli.
(Barthélémy, Némésis, la Magistrature.)
stranguler : « Claude avait été comme strangulé par une
douleur atroce. » (J. Claretie, le Beau Solignac, 1876, t. I,
p. 253.) Qu'est-ce que strangulé dit de plus que étranglé?
stupéfaction et stupéfier paraissent, dans la langue com-
mune, d'un emploi nouveau,
suburbain^ mot proposé par Mercier; aujourd'hui usuel.
suppéditer : « Les paysans, avaricieux d'argent, ne le sont
pas de provisions qu'ils ont en leur huche et qui ne leurcoû-
— 184 —
tentrien, suppéditées par la bonne mère nature. » (Th. Gautier,
Capitaine Fracasse, VII).
sylvicole: « C'était une faute au point de vue sylvicole. »
(Clavé, Rev. des Deux Mondes, V février 1865, p. 791, dans
Scholle, Archives de Herrig, t. XXXIX, p. 435.)
tricolore, date de la Révolution.
trucider. M. Scholle [Archives de Herrig, t. XLIl, p. 129)
cite ce mot comme un néologisme essayé par Th. Gautier [le
Capitaine Fracasse, XV) .
truculent, voir plus haut au mot fulgurant.
turbo, terme d'histoire naturelle.
turbulence, proposé par Mercier
turpe :
Est-il dit qu'au milieu de ces ignominies
' Nous traînerons longtemps nos turpes agonies?
(Barthélémy, Némésis, Aux soldats de la France.
Sur leurs turpes secrets je veux porter le jour.
(Barthélémy, Némésis, Apologie du centre.)
ululation, dans Th. Gautier {le Capitaine Fracasse, iv).
vertigineux, volvoce (Littré), vertex (terme d'anatomie).
CHAPITRE XIII.
DÉRIVATION LATINE.
La dérivation latine a été reprise par la langue moderne
presque sous toutes ses formes. Des suffixes que le latin po-
pulaire avait abandonnés et qui, par suite, étaient restés
étrangers au français, ont reparu dans notre langue pour y
retrouver une nouvelle existence. Tels sont atoire, ique, isme,
iste, etc. Les suffixes latins ont eu ou ont chez nous diverse
fortune : les uns restent confinés dans un coin de la termino-
logie scientifique et gardent leur caractère étranger : tel le
suffixe ium servant à former des noms de métaux ou de mé-
talloïdes : calcium, rubidium, etc. Les autres, grâce à un em-
ploi plus étendu, à une signification plus générale, ont péné-
tré plus profondément dans la langue; ainsi ation, iser, ité,
atoire, if, etc. Parmi ceux-ci, on en voit qui s'ajoutent à des
— 185 —
thèmes français : central donne centraliser centralisation; rê-
glementer donne réglementation; d'autres se fixent aux tlièmes
latins : axilla donne axill-aire, genus génér-ique. Dans le pre-
mier cas comme dans le second, le principe de formation est
le même; iser et ation se combinent avec les radicaux latins
(réels ou fictifs) ; mais ces radicaux ne se distinguent pas,
sous leur forme latine, de la forme qu'ils affectent en français:
centralisation aurait pu exister en latin sous la forme centra^
lisatio, ionis.
Dans l'examen des suffixes que nous allons entreprendre,
nous ne pouvons plus partir de la forme française, comme
nous l'avons fait précédemment ; il faut remonter aux types
latins, suffixes nominaux et verbaux. Nous suivons l'ordre de
Diez, et nous divisons les suffixes nominaux en suffixes for-
més de voyelles, suffixes formés de consonnes simples et de
consonnes combinées. Nous faisons une classe à part pour les
suffixes verbaux.
§ 1. Suffixes nominaiMC formés de voyelles.
EUS a pénétré au dix-septième siècle et au dix-huitième sous
la forme ée : momentanée^ simultanée, etc. ; les adjectifs en ée
n'avaient donc qu'une forme pour le masculin et le féminin ;
on écrivait wn cétacée. De nos jours, l'e final, qui pouvait faire
illusion sur le genre du mot, a été supprimé avec raison*. Les
mots latins en eus, repris de nos jours, font été sous la forme
é : extemporaneus extemporané, cssruleus cérulé^. Le suffixe
eus n'a pas donné naissance à des dérivés nouveaux, parce
que la dérivation savante l'a transformé en ianus ien^.
EA, sous la forme du pluriel féminin ées, est employé dans
la terminologie botanique. (Voir plus loin à aceus.)
EUM, iEUM. Sur le modèle de muséum, on a créé par plaisan-
terie croutéum, collection de croûtes ou de mauvais tableaux :
« Bientôt la boutique, un moment changée en croutéum,
passe au muséum. » (Balzac, cité par L. Larchey).
lus n'a rien donné.
1. Mais, avec celte absence de logique qui caractérise notre orthographe mo-
derne, nous écrivons encore avec ée les mots caducée, cotisée, élysée, lycée,
musée, etc.
2. Voir plus haut, p. 178. ,
3. Voir plus bas, au suffixe anus, p. 193.
— 186 —
lA, qui est devenu ie dans la langue populaire, appartient
également à la langue savante; toutefois le m latin se confond
avec le ta grec, et les dérivés savants en ie doivent être pour
la plupart rapportés au suffixe grec.
lUM a eu un grand développement dans la terminologie
chimique, où il sert à désigner les métaux. Il s'ajoute à des
radicaux tirés de tous côtés : mots français, mots latins, mots
grecs, noms communs, noms propres de personnes, de lieux,
adjectif, etc. : aluminium, baryum, cadmium, cœsium, cal-
cium, cérium, didymium, gallium, glucinium,, indiwn, iridium,,
lithium,, m,agnésiwn, osm^imn, palladiu^n, potassium, rhodium,
ruhidimn, ruthénium, sélénium, silicium, sodium, strontium,
ihallium, thorium, uranium, vanadiù/m, zirconium^.
DUS, qui se trouve dans arduus, assiduus, congruus, conti-
nuus, exiguus, etc., n'a pas donné de formations nouvelles.
Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que ceux des
suffixes précédents qui ont passé dans la langue savante ont
dû prendre un accent qu'ils n'avaient pas en latin. On sait
que les suffixes atones du latin ont disparu en roman, sauf
un ou deux qui ont été sauvés par un déplacement d'accent :
ta devenu îa; iolus devenu iôlus, etc. Les langues romanes
n'ont gardé du latin que des suffixes syllahiques accentués*.
§ 2. Suffixes nominaux formés de consonnes simples.
ACUS. Ce suffixe est de même nature que le suffixe grec
axôç, et dans un certain nombre de mots se confond avec lui
{œgyptiacus = Aiyvmicx.-Abçy ^rwienmcMs='Appeviaxôç). Il se trouve
dans un certain nombre d'adjectifs et de substantifs latins
qui ont passé dans la langue savante : aphrodisiaque, cardia-
que, élégiaque, maniaque; opaque; cloaque, thériaque, etc. Il n'a
pas donné de dérivations nouvelles.
iCUS, ÎCA n*a pas plus donné de mots nouveaux à la forma-
tion savante qu'à la formation populaire. Quelques mots de
la langue mère seulement ont passé dans la langue fille et y
1. L'explication étymologique de ces noms nous entraînerait trop loin ; et d'ail-
leurs elle ne rentre pas dans notre étude. Notons seulement, pour la curiosité du
fait, le nom de gallium donné par M. Lecoq {gallus) à un métal qu'il a découvert
en 1876. •
2. Voir Diez, Grammaire, t. II, p. 2.55 de la traduction française.
— 187 —
sont restes stériles; tels sont : fourmi^ vessie, dans la forma-
tion populaire; pudique dans la formation savante.
ÏCUS, iCA. Ce suffixe qui, en sa qualité d'atone, devait dis-
paraître de la langue populaire, a eu un riche développement
dans la formation savante. Le nombre considérable d'adjectifs
en ÏCUS, l'identité de forme que icus possède, grâce à une
commune origine, avec le grec ub;, suffixe très-fécond dans la
terminologie scientifique, ont donné à cette terminaison une
consistance assez grande pour qu'on y ait vu le suffixe géné-
ral de formation adjectivale. De là la quantité d'adjectifs en
ique tirés, soit de mots latins, scyt de mots français reformés
sur des types latins. ^
Voici des dérivés nouveaux :
charivari^ charivarique :
(Les uns)
Trouvant que de nouveau je pèche et prévarique,
Elèveront encor leur voix charivarique.
(A. Pommier, Colifichets, I.)
êden, édénique: «Une des villes d'eau les plus courues du
Tyrol édénique. » (Lagenevais, Revue des Deux Mondes, dans
Scholle, Programme, p. 14).
faraday, faradique : « Lunettes faradiques contre l'affai-
blissement de la vue. 3> (Prospectus d'un magasin d'instru-
ments d'optique, etc.).
féerie, féerique, voir Littré, supplém.
hv/moriste, humoristique : « Écrivain humoristique. »
Galvani, galvanique : « L'électricité galvanique. »
jambon, jambonique : « Cet os jambonique, auquel pendait
un lambeau de chair.» (Th. Gautier, Capitaine Fracasse, VU).
orphéon, orphéonique.
somnambule, somnambulique : « Sa préoccupation presque
somnambulique était si rencontrée par les choses, qu'il se
trouvait au milieu du monde sans voir le monde. » (Balzac,
Sarrazine).
Volta, voltaïque : « Le courant voltaïque. »
Dans les dérivés qui précèdent, ique s'ajoute à un radical
français : parfois il s'attache au type latin reconstitué.
voyelle remonte à vocalis pour donner l'adjectif ^vocalicus,
vocalique : « Le son vocalique de a. »
consonne remonte à consonans pour donner l'adjectif
— 188 —
*conso7ianticus, consonantique : « Le son consonantique de ^^
dans bien. »
Il est souvent difficile de distinguer si dans ique on a
affaire au latin icus ou au grec vaoc. Peut-être que orphéonique,
galvanique, voltaïque, doivent être rapportés à des types grecs.
La question d'ailleurs est de peu d'imporlance, puisque le
sufnxe grec, ayant passé en latin avec un certain nombre de
mots, s'est confondu avec le suffixe latin. C'est ainsi que même
les dérivés en -logique, -métrique, -graphique, de -logie, -iné-
trie, -graphie, peuvent être rapportés à des types latins -lo-
gicus, etc. Tels sont les mol» nouveaux : assyriologie, assy-
riologique; égyptologie, égyptologiqwe^; climatologie, climatolo-
gique ; sociologie, sociologique; hatliymétrie , hathymélrique ;
dynamométrie, dynamométrique ; idéographie, idéographique ;
photographie, photographique, etc.
On a plutôt affaire au suffixe ly.hc, dans des dérivations telles
q\iQ mythe, mythique; isobare, isobarique, ainsi que dans /an^as-
matique que les écrivains romantiques ont substitué à fantas-
tique. « Sous la lueur fantasmatique d'un ciel crépusculaire,
s'élevait une énorme masse noire chargée d'aiguilles et de clo-
chetons. » (V. Hugo, Notre-Dame de Paris).
Fantasmatique est tiré du pluriel neutre cpavTâa[ji.aTot, d'après
l'analogie de aromatique, dogmatique, diplomatique, diaphrag-
matique, emblématique {^problématique), empyreumatique, énig-
matique, épigrammatique, mathématique, numismatique, phleg-
matique, pneumatique, ^wagmatique, prismatique, spasmatique,
spermatique, stygmatique, symptomatique, traumatique, zygo-
matique, etc.
Ces derniers mots semblent faire revivre un suffixe atique,
analogue au suffixe latin aticus (français âge) : mais ce n'est
qu'une apparence ; il n'y a aucun rapport réel entre les deux
suffixes.
Ique a reçu un emploi spécial dans la nomenclature chi-r
mique'.
ACEUS : arenaceus, capillaceus, farinaceus, foliaceus, gal-
linaceus, lippaceus, vinaceus. Ce suffixe a été repris par la
langue scientifique sous la forme acé (plus anciennement acée
dans certains mots^) : amantacé, crustacé, fromentacé, etc.
1. Voir plus bas, p. 236.
2. Voir plus haut, p. 185.
— 189 —
11 a fait fortune dans la nomenclature botanique, et, employé
au féminin pluriel, il sert en général à former des noms de
famille de plantes : c'est de beaucoup le plus usité des suffixes
destinés à cette fonction. Ainsi, dans la classification de Gan-
dolie, sur cmquante-dx familles qui composent la classe des
Ihalamiflores (phanérogames dicotylédones), trente deux sont
formées à l'aide du suffixe acées ; ce sont les renonculacées,
les dilliniacées, les magnoliacées, les aniomacées, les ménisper-
macées, les berbéridacées, les nymphœacées, les papavéracées,
les fumariacées, les résédacées, les flacourtiacées, les bixacées,
les violacées, les droséracées, les trémandracées, les frankinia-
cées, les linacées, les nialvacées, les bombacées, les bythnéria-
cées, les tiliacées, les chlénacées, les ternstrœmiacées, les auran-
liacées, les margraviacées, les hippocratiacées, les malpighiacées,
les salpindacées, les niéliacées, les géraniacées, les rutacées, les
ochnacées. On trouve aussi ées employé concurremment avec
acées, quoique plus rarement; on dit aussi bien les berbéri-
dées que les berbéridacées, les lùiees que les linacées, etc.
Remarquons que les formes latines de ces noms en acees ne
sont pas acec'c comme on s'y devrait attendre, mais acse*.
D.
AS ADIS, EIS EIDIS. Des imitateurs d'Homère et de Virgile,
qui n'ont réussi bien souvent qu'à imiter des titres, ont donné
à la littérature la Franciade, la Henriade, la Pétréide, etc.
En 1792, paraissait «au bureau des sabats Jacobites la Jaco-
binéide, poëme héroï-comi-civique, par l'auteur de la chro-
nique du manège, de sabats Jacobites. « Le fécond Barthélémy
a écrit une Peyronéide contre le ministère Peyronnet, une
ViUéliade contre le ministère de Villèle, une Dupinade (1831)
contre le président Dupin. Nous avons vu des Napoléonides,
des Philippides.
On a créé de nos jours le mot Achilléide pour désigner l'en-
semble des poëmes dont Achille est le héros, et le mot Rollan-
déide, pour désigner l'ensemble des chansons de geste qui
célèbrent les exploits du neveu légendaire de Charlemagne.
IDAE, qui sert à former des patronymiques Atrides, Pélo-
1. Du moins chez certains botanistes. Voir, par exemple, la Table de i'Encyclo*
pédie d'histoire naturelle du D' Chenu.
— 190 —
jjides, Iléradides, etc., n'a pas, à notre connaissance, fourni de
nouveaux rejetons.
T-UDO, T-UDINEM. Diez, prenant pour caractéristique de ce
suffixe la terminaison i-n-em, le place sous la lettre N; la
formation populaire part en effet de l'accusatif; mais c'est
du nominatif que part la formation savante; -tude vient de
-tudo et non de -tudinem. En général, la formation savante
part du nominatif latin et non de l'accusatif; et même dans
les mots qui affectent la terminaison de l'accusatif, les noms
en -tion, par exemple, les lettrés qui les empruntent au latin
ne voient pas l'accusatif -fionem, mais le nominatif -^«o ; s'ils
ne leur conservent pas la forme tio, c'est que cette dernière
est contraire à l'analogie de la langue.
Tudo passe en français sous la forme tude : de là ampli-
tude, aptitude, certitude, gratitude, habitude, lassitude, latitude,
lippitude, longitude, rectitude, solitude, sollicitude, turpi-
tude, etc. Sur le modèle de ces mots pris au latin, à di-
verses époques, on a créé plénitude au quatorzième siècle,
décrépitude au quinzième siècle, exactitude au dix-septième
siècle, mot contre lequel Vaugelas protestait vainement; plati-
tude au dix-huitième siècle.
De nos jours, on a essayé d'introduire vastitude : «ihavasti-
tude de l'Amérique, » dit Chateaubriand dans ses Mémoires
(t. II, p. 206). L'ancienne langue disait vasieté, qui valait
mieux : vasteté est de formation française, vastitude est latin.
ALIS affecte dans la dérivation savante les mêmes formes
at et el que dans la dérivation populaire. La dérivation
savante se reconnaît à ce trait que les radicaux des dérivés
doivent avoir la forme latine.
Voici des exemples de formations nouvelles.
AL : caudal, latitudinal (Ch. Martins, dans SchoUe, Pro-
gramme, p. 15), lilial: « ton teint lilial » (A* Sylvestre, la Gloire
du Souvenir, II), pictural, piscatorial (Littré, supplém.).
vestimental : « Se montrer élégamment tenu suivant les
lois vestimentales qui régissent huit heures, midi, quatre
heures cl le soir. « (Balzac, la Maison Nucingen, édit. de
1856, p. 27^).
] . Citons ici les noms des mois du printemps dans le calendrier révolutionnaire
— 191 —
EL : accrémentitiel.
casuel : « Un sentiment de profonde horreur pour l'hom-
me saisissait le cœur, quand une fatale attention vous dévoi-
lait les marques imprimées par la décrépitude sur cette
casuelle machine. » (Balzac, Sarrazinë],
circonstanciel^ proposé par Mercier (1801) et Richard
(1845).
concordantiel, concurrentiel [hiiÏTé, supplém.).
gustuel : « l'appareil gustuel » (Brillât-Savarin, Physiolo-
gie du goût, I, 14).
interférentiel (Littré, supplém.), intersticiel, matriciel
(Littré, supplém.), présidentiel ; protubéranciel, mot qui date de
la découverte, dans l'atmosphère du soleil, de protubérances
gazeuses ; sensoriel, sériel.
OLUS, OLA, OLUM. Nous avons déjà" parlé de ce suffixe',
qui se trouve dans areola, gloriola, faseolus, foliolum, etc.
Les mots en olus, ola, olum, ont été repris à diverses époques
[gloriole est dû à l'abbé de Saint-Pierre). Ils ont servi à des forma-
tions analogiques: astériole[*asteriola de asteria),éludiole{*stu-
diola de studiurn; mot mal fait; il faudrait étudole ou studiole),
herniole [*herniola de hernia^, luciole {*luciola de lux; italien,
luciola) ; rabiole (de rave; * rapiola dérapa; mot de forma-
tion bizarre ; à moins qu'il ne soit d'orig;ine étrangère). Nous
n'avons pas à signaler de formations nouvelles.
composé par Fabre d'Églantine : germinal, floréal, prairial. Les deux premiers
remontent à des types latins (germinalis, (lorealis) ; le troisième est de formation
française : prairie, prairial. Les trois noms qui suivent, messidor, fervidor,
fructidor, sont moins corrects : la combinaison de la terminaison dor =: Sù-
pov, avec messis, fervi(dus) et fructus, en fait des mots hybrides : fervidor a été
remplacé de bonne heure par thermidor qui est meilleur, le premier élément
étant aussi grec. Vendémiaire, b^'umaire, sont corrects ; ils supposent des types
*oindemiarius, ^brumarius, formés d'après l'analogie latine ; frimaire est plus
diflicile à justifier ; il suppose un substantif frime, radical de frimas, qui n'existe
pas. Pour iiivâse, pluviôse, ventôse, les mots latins pluviosvis, nivosus,venlosus,
ont été simplement retranscrits en français. Ces quatre séries de noms sont d'une
rare harmonie, et singulièrement appropriées aux saisons de l'année : quoi de plus
riant que les noms des mois printaniers germinal, floréal, prairial? de plus
éclatant, de plus riche, que ces noms de messidor, thermidor, fructidor? et
comme ces syllabes sonores rendent bien léclat du ciel brûlant, du soleil rayon-
nant des mois dété! Vendcm,iaire, brumaire, frimaire, sont plus simples, comme
il convient aux mois de transition qui de l'été conduisent à Ihiver. Mais quelle
harmonie sourde dans nivôse, pluviôse, ventôse, et combien conforme à la sombre
poésie de l'hiver 1 On retrouve dans ces noms si heureusement inventés Toreille
musicale du méridional et le goùl du poêle.
1 . Voir plus haut, p. 102.
— 192 —
ULUS, ULA, ULUM. Suffixe à signification diminutive, qui
forme des substantifs masculins [-ulus,-ulum) ou féminins
{-ula), et des adjectifs, la plupart appartenant à la langue
scientifique : antennule, appendicule, aspérule (s. f.), crépi-
dule, libellule (s. f.), ovule, plantule (s. f.), pyxidule, silicule
(de silique = *siliqu-ula) .
Ce suffixe se fait souvent précéder en latin d'un c ; corpus-
c-ulum, homun-c-ulus; de là le diminutif cule qui donne de
nos jours : théatricule : c. Tous ces théâtricules , qui.... ont
surgi sur tous les points de Paris. » [Indépendance belge,
5 oct. 1868) ; touristicule dans Topfer [Voyages, II, 1" journée;
cité par SchoUe, Archîv. de Herrig, XLII, p. 129) ; principicule,
que M. Littré signale comme un néologisme; connecticule,
terme scientifique.
Ni -ulus ni -culus n'ont pu produire des dérivés nouveaux
dans la langue populaire parce qu'ils ne portent pas d'accent,
et que seuls les suffixes syllabiques accentués ont passé du
latin populaire au roman. La langue populaire d'ailleurs n'en
a que faire, puisqu'elle possède et ette. La langue savante au
contraire, ne pouvant joindre et ette à des radicaux latins, a
dû utiliser les suffixes -cm/ws,-m/ms.
I-B-ILIS donne -i-ble qui correspond au suffixe able de la
formation populaire. Les dérivés en i-bilis sont formés sur
les types latins, le suffixe s'ajoutant au thème du participe
présent ou du participe passé : tangible *tangi-bilis de tang-
entem; destructible * destructi-bilis de destruct-us. Le suffixe
populaire able ne se joint qu'au thème du participe pré-
sent.
Dérivés nouveaux : conceptible (concept-us), concrescible
(concresc-entem), conscriptible (conscript-us), explosible
(explos-us).
impresslble (impress-us) : « H est des natures impressibles où
les idées se logent et qu'elles ravagent. » (Balzac, le Père
Goriot, I, p. 259;édit. de 1835).
répétible [Liitré, supplém.).
Les formes latines en ëbilis ûbilis [flëbilis, solûbiUs) n'ont pas
donné de rejetons en français.
N.
y,
ANUS ANA a donné dans la formation populaire ain aine et
— 193 —
dans la formation savante an ane\ Sous la forme iatms iana,
nous avons vu qu'il est devenu icn ienne et a produit un
suffixe nouveau. Aujourd'hui ien iemie est d'un emploi usuel
dans la langue savante; il s'ajoute aux thèmes des adjectifs
en icus désignant des personnes pour remplir en français
les mêmes fonctions qu'en latin icus : rlietoricus rhétoricien,
logicus logicien, de sorte que là où le féminin -ica donne un
substantif abstrait gïï -ique : rhétorique^ logique, le masculin,
pris substantivement, se transforme en -icimius, icien, et
reçoit un nouveau féminin -iciana, icienne.
Citons les néologismes esthéticien, fabricien (Littré, suppL),
organicien, polytechnicien.
Ien ienne, représentant ianus iana, forme des dérivés adjec-
tifs qui se tirent généralement de noms propres : le modèle
en est donné par les mots Italianus, Lucianus, Quintilia-
nus, etc. Les néologismes ne manquent pas. Byronien, dévo-
nien (t. de géologie), cachemirien, d'où cacheinir ienne, sorte
de lainage, épiscopalien (Laugel, Duvergierde Hauranne, dans
Scholle, Programme, p. 14), Garibaldien, (le club des) haschis-
chiens, hégélien, Jupitérien, Kantien, libérien « couche libé-
rienne» (Grimard, Rev. des Deux Mondes, l" août 1866, dans
Scholle, ^rc/u'yes de Herrig, t. XLII, p. 124), ligurien, louxo-
rien, « idée louxorienne » (Th. Gautier, M"« de Maupin, pré-
face), napoléonien, normalien, neptunien (t. de géologie). Par-
nassien, phalanstérien, rhodanien, « glacier rhodajiien » (Ch.
Martins, Rev. des Deux Mondes, \" février 1867, p. 598, dans
Scholle, Arch. de Herrig, t. XLII, p. 127), shakespearien,
silurien (t. de géologie), voltairien, zéphyrien, etc., etc.
A côté de ien il faut placer éen, qui est à eus [seus) ce que
iciefi est à icus : de là pour le latin Chaldœus, Heracleus,
Nemœus, Phocéens, etc., les traductions Chaldéen, Héracléen,
Néméen, Phocéen, etc. Les néologismes que nous avons con-
statés sont marmoréen (marmoreus), éburnéen (eburneus),
céruléen (cœruleus), hyménéen (hymenœus) : « Parmi la pous-
sière et le bruit de cette kermesse hyménéenne. » (Daudet,
Jack, m, 36.)
Ton front marmoréen éternelle pAleur.
(Armand Sylvestre, La gloire du souvenir, II.)
1. Notons le pluriel neutre ana, qui sert de suffixe à des noms propres, Mena-
giana, Pevroniana, Scaligerana, Hueliana, etc., et qui, détaché du radical, est
• devenu un nom commun : un recueil d'anas; un ana,
13
— 194 —
C'est l'analogie de ces formes en eus donnant éen qui de
alizé permet de tirer alizéen : « contrées alizéennes » (Jamin,
Revue des Deux Mondes^ 15 février 1867, p. 924, dans SchoUe,
Archives de Herrig, t. XLII, p. 114). C'est ainsi encore que
lycée donne lycéen.
Le suffixe en se trouve à l'état pur dans tridîen = *tridianus,
de tridij et dans Sidien.
Eh ! comment finira la fête Indienne ?
(Barthélémy, Némésis, V Anniversaire des trois jours.)
« Sidi Mahmoud vint assister comme ambassadeur du bey
de Tunis au sacre de Charles X. Barthélémy et Méry firent
trois satires contre le dix-neuvième siècle sous le nom de
Sidiennes. » (N. Roqueplan , Parisine. )
INUS INA {înus ne se distingue pas de înus). Nous avons vu
précédemment l'emploi du suffixe m ine\ dans la langue com-
mune. La nomenclature chimique s'en sert pour désigner les
principes essentiels de corps composés organiques. Le point
de départ a été donné par térébenthine (lat. terebinthina) , résine
(lat. resina)y etc.
Presque tous les dérivés en ine appartiennent à notre
époque et datent de la création de la chimie organique : ali-
zarinCj aTnigdaline, aniline, atropine, bassorine, benzine,
burine, caféine, camphorine, caséine, cétine, codéine, conicine,
cubébine, daphnine, daturine, dextrine, digitaline, elléborétine,
elléborine, émulsine, fibrine, fungine, gélatine, gommeline,
glairine (dite aussi glairidine, zoïdine, géline, thermaliîie,
pyrénéine, nérésine, viridine, etc., etc.*), glycérine, hordéine,
indigotine, indine, isatine, juglandine, lactine, lactoline, lapa^
thine, leucine, margarine, méconine, tnorphine, narcéine, nar^
cotine, oléidine, oléine, pectine, protéine, salicine, spongine,
stéarine, strychnine, thujine, tigline, vanilline, vératrine,
zéine, etc., etc.
Cette dérivation, issue de la formation populaire, adoptée
par la terminologie spéciale de la chimie, rentre de nouveau
dans la langue commune, enrichie de la signification propre
qu'elle a reçue en passant par la nomenclature chimique.
1. Voir plus haut, p. 112.
2. Voir le Dictionnaire de médecine de MM. Littré et Robin, an mot glairinéi
— 195 —
M. Nestor Roqucplan, voulant désigner le principe essentiel de
l'esprit parisien, crée le mot Parisine*.
Ï-IONEM, S-IONEM, voir plus bas aux suflixes t-or, t-iira,
t-orius, p. 198.
R.
ARIS a donné dans la langue populaire ier ière, dans la lan-
gue savante aire : ainsi adversarius, devenant en vieux français
aversier, est repris ensuite au latin sous la forme adversaire.
Aire a reçu dans la langue commune un développement si
considérable qu'il y a pris racine et forme directement des
adjectifs à l'aide de radicaux, non plus latins, mais fran-
annuaire, de annuus : l'adjectif annuaire n'existe pas :
le mot dès sa formation a été pris substantivement.
constabulaire (Littré, supplém.)^ du bas-latin cotistabulus
pour comestabulus .
dispensataire.
divitiaire, de diviliarius * : « Je consens à voir dans le droit
de l'éducation gratuite une charge imposée par le pauvre au
riche, un véritable impôt divitiaire. » (Duvergier de Hauranne,
Huit mois en Amérique^ \ll, 29 novembre).
égalitaire : « Principes égalitaires; société égalitaire; un
égalitaire. »
entrepositaire, dérivé d'entrepôt, sur le modèle de déposi-
taire, de dépôt.
garnisaire paraît dater de la fin du siècle dernier. Mercier
chercha vainement à substituer à ce mot barbare le dérivé
régulier garnisonnaire.
1. Voir la préface, assez originale, de ce livre, qui l'est beaucoup moins.
« On dit :
strychnme,
quinine,
nicotine,
aniline.
Je dis :
Parisine. »
2. Toutefois le substantif diviliarium existe.
— 196 —
glaciaire [*glaciarlus, de glacies). « Ils souUennent la Ihéo-
rie de l'afrouillement glaciaire. » (Gh. Martins, Rev. des Deux
Mondes, V' février 2867, p. 607; cf. plus haut, p. 95).
mandataii^e, obligataire, plébiscitaire (Littré, supplém.),
protestataire (ibid.), retardataire.
rivulaire: « Une onde ornée de plantes rivulaires. » (Cha-
teaubriand, Mémoires, t. I, p. 240.)
sanitaire est proposé par Mercier en 1801. Le mot n'est-
il pas plus ancien que le commencement du siècle?
vendémiaire. Sur ce mot ainsi que sur brumaire et frimaire,
voir plus haut, p. 190, note 1.
Les dérivés suivants sont formés de mots français auxquels
s'ajoute le suffixe :
actionnaire, autoritaire [hMivë, supplém.), budgétaire, cel-
lulaire, collinaire, cométaire, concordataire, concrétionnaire.
con/înaw^e, habitant des confins militaires [Bu] oz. Revue des
Deux Mondes, 15 octobre 1867, p. 968, dans Scholle, Archives,
t. XLII, p. 118).
décadaire, démissionnaire, divisionnaire (Littré, supplém.),
doctrinaire, égalitaire, é missionnaire (Littré, supplém.).
humanitaire : « Pour ce qui est du mot humanitaire, je le
révère, et quand je l'entends, je ne manque jamais de tirer
mon chapeau; puissent les dieux me le faire comprendre! »
A. de Musset, P* lettre de Dupuis et Cotonnet). « Humanitaire,
en style de préface, veut dire : homme croyant à la perfec-
tibilité du genre humain, et travaillant de son mieux, pour
sa quole-part, au perfectionnement dudit genre humain. »
(id., 2*= lettre). Cf. Fr. Wey, Manuel des droits et des devoirs,
p. 334.
lésionnaire (Littré, supplém.), parasitaire, particulaire
(Littré, supplém.), pétitionnaire (ibid.).
réactionnaire , réglementaire , relationnaire , réquisition-
naire, soumissionnaire, utilitaire.
La signification du suffixe aire, dans les mots qui désignent
des personnes, prête à observation. « Les substantifs de ce
genre en aire, dit M. Littré, ont ordinairement le sens passif:
donataire, celui à qui on donne ; légataire, celui à qui on lègue ;
cela est surtout vrai quand ils viennent de verbe où l'on peut
distinguer le sens actif et le sens passif. Dans d'autres cas, ils
— 197 —
ont le double sens passif et actif, comme démissionnaire^
comme i^ensionnnire, celui k qui on paye pension et celui qui
la paye. Dans d'autres cas enfin, ils n'ont que le sens actif,
commissionnaire, celui qui fait des commissions. » (Diction-
naire, au mot déi)iission7iaire.) Au fond aire garde partout sa
signification propre de « qui tient, qui a, » et les différences
de sens viennent du radical seulement. Dans les substantifs
en ataire tirés de participes passés, la signification passive est
dérivée, non primitive : légataire, donataire, ne sont pas étymo-
logiquement ceux à qui on lègue, à qui on donne quelque chose,
mais ceux qui ont une chose léguée (/t'^a/wv/i), une chose donnée
[donatum). L'exactitude de cette traduction est évidente pour
mandataire^ concordataire, qui est « celui qui a mandat [man-
datum), concordat [concordatum) . » De même, pensionnaire est
« celui quia pension; » or, comme pension désigne aussi bien
la somme en tant qu'elle est touchée qu'en tant qu'elle est
donnée, pensionnaire doit avoir les deux sens. C'est pour une
raison analogue que démissionnaire, signifiant proprement
celui qui a démission, a pu aussi bien prendre le sens de celui
qui reçoit, pour qui est faite la démission, que le sens de celui
qui fait démission, qui donne sa démission. En un mot, quand
aire se joint à des participes passés neutres, comme la signi-
fication de ces neutres est fort nette, les dérivés ont une si-
gnification aussi nette, passive en apparence, active en réalité,
et qui s'oppose à celle qu'indique le participe présent du verbe
{mandataire, qui a, qui reçoit mandat; mandant , qui donne
mandat). Quand aire se joint à des substantifs abstraits dont
la signification, comme pour tous les mots abstraits, peut
être considérée à des points de vue différents, la signification
des dérivés change avec ces points de vue divers, mais aire
partout conserve sa valeur propre.
Ce que aire est au participe passé dans légataire et les ana-
logues, il l'est au participe futur dans référendaire, qui a amené
récipieyidaire.
Le nombre marqué des néologismes que nous avons cités
montre combien est riche celte dérivation en aire. Elle a sup-
planté sa sœur aînée, la dérivation en ier, qui avait le mérite
d'être française. Quelle nécessité cependant de la substituer à
ier? Ne pouvait -on pas dire, par exemple : émmer pour
scriniaire , aissellier pour axillaire , anglier pour angulaire ,
1. Anciennement, celui en faveur de qui se fait la démission. Aujourd'hui, celui
qui a renonce à un em[)loi, une chargre, une dignité.
— 198 —
îlie7' pour insulaire, puitrinier pour poitrinaire^ etc.? Voilà un
des cas nombreux où la formation savante a restreint et af-
faibli la dérivation populaire.
(A)T-OR et S-OR, (A)T-URA et S-URA, (A)T-ORIUS et S-ORIUS,
(A)T-IONEM et S-IONEM. — Nous considérons d'ensemble ces
divers suffixes qui forment des noms d'agents, des noms abs-
traits d'action, et des adjectifs tirés de participes passés de
verbes. Reoitare donne, par l'intermédiaire de recitatiim, le
substantif recitator; pingere, par pictuin, produit pictor et
pictura; censere, par censum, donne censor, censura, et censo-
rium; enfin, par laudatum, laudare amène laudator, laudato-
rius et laudatio. Nous avons vu la dérivation populaire, sans
se préoccuper des différences de conjugaison , appliquer à
♦ous les participes présents les suffixes de la première conju-
gaison : alorem, aturam, atorium, ationem. La formation sa-
vante ressuscite ces différences*.
De plus, la formation populaire avait réduit a.torem, aturam,
atorium, ationem, à eur, ure, oir, aison ; la formation savante
fait peu à peu disparaître ces suffixes [aison même a totale-
ment été détruit) pour faire revivre les formes purement lati-
nes ateur, ature, aloire, ation ; et de ces quatre suffixes, il en
est deux, ateur et ation, qui, par le nombre considérable des
formations nouvelles, sont devenus assez familiers à la lan-
gue commune pour qu'elle les ait adoptés et les ait fait ser-
vir à ses dérivations organiques.
11 suit de là qu'il faut distinguer les dérivés reproduisant
des types latins fictifs, mais formés régulièrement d'après les
règles de la dérivation latine, et les dérivés tirés directement
de mots français
NOMS NOUVEAUX EN [a)t-ion, s-ion.
1. aviation {* aviatio, de *aviare, de avis) (Littré, supplém.).
cérébration {* cerebratio, de * cerebrare, de cerebrum).
« Théorie de la cérébration inconsciente. » [Bévue de philoso-
phie, 1876, t. Il, p. 544.)
claustration [* claustratio, de claustrare, de claustrum).
fomiication [* forfnicatio,de * forrnicare, de formica).
imperméabilisation [de imperméable, d'après * impermea-
1 . Cf. plus haut , p. 70,
— 199 —
bilisatio). « Imperméabilisation des tissus. » {Almanach Bottirij
1875, p. 1084).
majoration {* major atio, de * majorare, de major).
spication {* spicatio, de *spicare, de spica) : « Mouvements
de spication, de rotation et de verrition. » (Brillât-Savarin,
Physiologie du goût, I, 14).
arrosion (* arrosio, * arrodere, de adei rodere).
accrémentition (de * accrementitio,* accrementire, do accre-
mentuTïi).
compromission (* compromissio, * compromittere, de cwm et
promittere),
verrition {*verritio, de verrere); voir plus haut à spication.
2. absorbation (Littré, supplém.), acétiflcation, actualisation
aération, annexation (Littré, supplém,.).
centralisation , colorisation , conglomération, constatation,
déblatération.
dégénération (a été employé pour dégénérescence par Cha-
teaubriand dans ses Mémoires, t. I, p. 311).
dégoûtation, mot familier qui se dit pour dégoût.
démoralisation, domestication, revaccination (Littré, sup-
plém.), frelatation (ibid.).
germanisation, hellénisation (Michelet, Bible de VHuman.,
347), idéalisation (Th. Gautier, Baudelaire), individualisation.
irisation : « Quand cette irisation capricieuse dansa sur la
gueule béante des abîmes. » (Gr. Sand, Lélia, xxiii.)
localisation, momification, numérotation, ornementation,
prussification, réglementation, réorganisation, romanisa-
tion, solidarisation, vulgarisation, unification, etc., etc.
Remarquons les dérivés en isation ( de iser ) et en ification
(de ifier) dont le nombre grandit sans cesse : cette dérivation
fournit ainsi à la langue une foule de mots abstraits, souvent
utiles, le plus souvent disgracieux et lourds.
Le nom abstrait ne suppose pas toujours le verbe, et peut
être dérivé directement du substantif radical du verbe : colo-
ris donne colorisation; coloriser n'existe pas; accrémentition
vient directement de accrementum.
NOMS NOUVEAUX EN (a]t-eurj s-eur,
1, adjudicateur {* adjudicator, de *adjudicare^ de ad et ju~
dicaré).
— 200 —
aviateur {* avialor, de *aviare, de avis; cf. plus haut avia-
tion) : « Les mots {aviateur, aviation) sont maintenant entrés
dans la circulation. » (Saveney, Revue des Deux Mondes, dans
Scholle, Progra')nme, p. 13.)
clavilisateur {* clavilisator, de * davilisare, de clavis) (Lit-
tré, supplém.).
commutateur (* commutator, de commutare).
copulateur, trice [* copulator, de copulare) (Littré, sup-
plém.).
jugulateur {*jugulator, de yw^w/are) (Littré, supplém.).
mensurateur {* mensurator, de mensurare).
panificateur {* panificator, de * panificare, panificus). « Je
l'ai proclamé le i^remier panificateur du monde. » [Brillât-
Savarin, I, 99.)
percolateur [*percolator, de *percolare, de |)er et colare)
(Littré, supplém.), rotateur [*rotator, de rotare) : « Mécanisme
dit rotateur. » [Descript. des brevets, 1832, l" série, t. XXXIIl,
p. 59).
absoluteur (* absolutor, de absolutus, de absolvere).
iescenseur [* descensor, d'après ascensor, de descensum,
descendere). Le descenseur est le nom d'un appareil nouveau
à l'aide duquel on descend, dans les incendies, des personnes
et des objets des fenêtres, quand les escaliers sont attaqués
parles flammes. (V. ascenseur, plus haut, p. 178.)
injecteur [*injector, de injectus, injicere) [Liitr é, ' supp lém. ) .
réacteur {* reactor, de re et de actor; d'après acteur et
réagir).
2. accélérateur, acclamateur, aérateur (Littré, supplém.),
animateur, annonciateur (Littré, supplém., de annoncer,
d'après le latin * annunt-i-ator] , aspirateur, assimilateur, civili-
sateur, coagulateur, colonisateur, concentrateur, condensateur
[condenseur est de formation populaire), congélateur, coordi-
nateur (Scholle, Programme, p. 14), décarburateur (Littré,
supplém. ), déformate%ir, déviateur, disloçatetir, élucubrateur,
émasculateur (Littré, supplém.), épurateur. « Appareil propre à
épurer les céréales, graines oléagineuses, etc., dit épurateur
graminal. « [Description des brevets, 1834, 1" série, t. XXXV,
p. 99), évaluateur (Littré, supplém.), évangélisateur (Scholle,
Programme, p. 14), extirpateur [Description des brevets, 1851,
2* série, t. XIX, p. 357.), « ^^ow^extirjiatrice. » [Ibid., p. 66, 1850),
filateur (s'oppose à fileur, mot de formation populaire), fixa-
— 201 —
teur, insufflateur, momificatefur, monopolisateur {Liiivè, suppl,]^
réguîateui' (Littré, supplém.) , retardateur : « Appareil dit retar-
dateur des fermentations.» [Description des brevets, 1801, 1" sé-
rie, t. II, p. 100), 7'éorganisateur, scarificateur, triturateur : «Ap-
pareils tels que triturateurs, chaudières.» (Le prince Bibesco,
Revue des Deux Mondes, dans Scholle, Progra/mmej p. 17),
volateur, sorte de navire aérien (Scholle, Programme, p. 13),
vulgarisateur^ etc., etc.
' r NOMS EN [a)t-oire.
Ici la formation savante a enrichi le français d'une sorle
d'adjectifs qui lui manquait. En effet, dans la langue popu-
laire, atorius n'avait donné que des substantifs masculins ou
féminins, désignant des instruments d'action, c'est-à-dire
que le neutre atorium et le féminin atoria avaient seuls été
utilisés : grattoir, balançoire. Il n'existe pas d'adjectifs cor-
respondant, par exemple, aux adjectifs italiens en tojo toja :
pensatojo,-toja, « qui fait penser », serbatojo,-toja, « bon,
bonne à garder », ou aux adjectifs espagnols en dero, dera
(= duero duera, torium, toriam) : casadera « nubile », duradero
«durable», hacedero « faisable ». En reprenant au latin les
adjectifs en atorius sous la forme atoire {et non atoir: aléatoire,
transitoire, résolutoire, etc.), la formation savante a fait repa-
raître cette sorte de dérivation : absolutoire, adjutoire, ambu-
latoire, attentatoire, blasphématoire, comminatoire, conserva-
toire, consolatoire, criminatoire, etc.
Voici quelques formations nouvelles, adjectifs et substan-
tifs, qui montrent que cette dérivation est devenue organique :
accusatoire (Littré, supplém.), divisoire [ibid,], (dîner) sou-
patoire (Brillât-Savarin).
pissatoire: « Appareil nommé pissatoire, propre à recevoir
les urines et à empêcher les exhalaisons. » [Description des
brevets, 1805, 1'" série, t. YI, p. 127.) La forme populaire est
pissoir.
sécrétoire: « Appareils à l'air et à l'eau, propres à la sépara-
tion des grains..., et nommés par l'auteur sécrétoires. » (ibid.,
r* série, t. XXXIX, p. 402). Sécrétoire est ici * secretorius de
secretum, supin de secerno, et n'a rien de commun avec le
terme médical sécrétoire, qui dérive, par formation populaire,
— 202 —
de iiécréter, *fiecrelare, fréquentatif de secernere. Ce dernier
représente un type * secretatorius.
NOMS EN at-ure.
Le suffixe de formation savante ature se distingue par sa
signification du suffixe de formation populaire iire. Celui-ci
se tire généralement de verbes, pour former des noms expri-
mant l'action verbale subie et le résultat de l'action : ainsi
blessure est d'abord l'action par laquelle on est blessé ; puis la
partie blessée. Celui-là peut se tirer de substantifs et il
exprime l'ensemble des caractères qu'indique le radical, du
moins dans les mots de dérivation nouvelle. Tels sont :
arcature de arc, climature de climat,
musculature :
Ce sont....
Des faces de lion avec des cols de bœuf,
Des chairs comme du marbre et des musculatures
A pouvoir d'un seul coup rompre un câble tout neuf.
(Th. Gautier, Premières poésies, Cariatides.)
ossature, mot créé par Mercier dans sa Néologie, aujour-
d'hui reçu : « L'ossature et les vertèbres du grand animal ont
leurs singularités dont nous ne pouvons encore bien nous
rendre compte. » (Miclielet, la Mer, 2" édit., p. 32).
OSUS a passé en français sous la forme eux euse. La langue
savante l'a repris sous la forme latine ose: morose, nivôse, plu-
viôse, ventôse^, ou sous Fune des formes eux, i-eux, u-eux.
Dans ce dernier cas, la formation savante se laisse facilement
reconnaître à cette marque que le type latin est conservé fidè-
lement. Ainsi difficultueux, de difficultuosus.
Les néologismes sont peu nombreux : *
luxueux,
précipitueux : « Glacier précipitueux » (Rambert, Revue des
1. Pour les mois du calendrier républicain, voir plus haut, p. 190, n. 1. Vir-
tuose, qui paraît représenter le latin virluosus, a été tiré au dix-lmitième siècle
de l'italien virLuoi^o, do mCme que. grandiose Ta été de grandioso. Furetière el
Hayle disent virtuoso, en conservant la forme italienne.
— 203 —
Detix Mondes, 15 novembre 1867, p. 395, dans Schollc, Ar-
chives de Herrig, t. XLII, p. 126.)
torrentueux: « Les affaires et les plaisirs se ruent, enlacés
les uns dans les autres, dans un galop si torrentueux.... y> (Ch.
de Bernard, les Ailes d'Icare, 1,1.)
T.
ATUS dans la langue populaire a donné é, qui sert à former
des adjectifs et des participes. (Voy. plus haut, p. 92.) La
langue savante en a tiré é, at, aie.
1. ê est le suffixe adjectival ou participial de la langue po-
pulaire que la formation savante joint aux thèmes des mots
latins Tel est salarié de salarium, par l'intermédiaire de * sala-
riatus : « Le mot salaire est dans la langue ; salarié doit l'être. »
(Mirabeau, dans Mercier, Néologie.) De diluvium, Chateau-
briand tire diluvié {*diluviatus): u Un matelot, les cheveux
épars et diluviés. » [Mémoires, t. Il, p. 342.) Ferruginem donne
ferruginé par l'intermédiaire de * ferruginatus ; punctulum,
ponctnlé par* punctulatus. Cette dérivation offre les mêmes ca-
ractères que la dérivation verbale , dont nous parlerons
plus bas.
2. advient de atûs, atûs: magistrat, de magistratus ; il vient
aussi de aturn : mandat, de mandatum.
Formations nouvelles de at = atum : alcoolat, alternat, as-
signat.
Formations nouvelles de a<— atus : anonymat {Litiré, siqjpl.),
bambinat (asile pour les bambins, dans le Familistère, SchoUe,
Programme, p. 13), com,m,issariat, électoral, externat, hospoda-
rat, honorarial, internat, inspectorat, mandarinat (Littré, suppl.),
médiumnat, « mission providentielle (!) des médiums « (Ré-
pertoire du spiritisme), orphelinat, patronat, provisorat,;p)oupon-
7iat (crèche dans le Familistère, cf. bambinat; Schoïle, Pro-
gramme, p. \0), prolétariat, salariat, séniorat (Littré, swp/)/éw.),
septennat (date de 1872), syndicat, volontariat, etc.
La plupart deces dérivés sonttirés d'adjectifs en aire=arius.
Pour le peuple, qui ne peut saisir le rapport de aire — arius à
ariat = ariatus, rien de plus bizarre que ce suffixe : aussi
cliange-t-il ariat en airiat. Le mot volontariat, que les circon-
stances font pénétrer dans la langue du peuple beaucoup plus
profondément que les autres mots en at, y devient vo/ontoma/,
exemple qui montre nettement quelle différence sépare la for-
— 204 —
mation populaire de la formation savante, et combien cette
dernière est artificielle.
3. ate^ qui représente le féminin ata ou le neutre aUim,
joue un rôle particulier dans la nomenclature chimique;
nous l'étudicrons plus loin*.
ITATEM. Nous avons vu ce suffixe, sous la forme été, don-
ner dans la langue populaire un certain nombre de dérivés.
La formation savante le reprend, avec la voyelle de liaison
du latin i. Vemcitatem, qui, dans la bouche du peuple, serait
devenu veraisté, vraisté, vraité, comme mendacUatem était de-
venu mendisté, garde sa forme primitive intacte dans véra-
cité. La plupart des mots en ité sont tirés, ou d'adjectifs en
able, ible, qui donnent, non les formes françaises ableté, ibleté,
mais les formes latines abilité, ibilité, ou d'adjectifs en ique et
en if, qui produisent non -isté, -iveté, mais -icité, -ivité. Les
t(irminaisons de la langue populaire ableté, ibleté, isté, iveté,
nous semblent aujourd'hui barbares, tant nous avons oublié
le français pour le latin!
La liste des mots en ité est fort étendue ; le Dictionnaire des
rimes de Landais et Barré, qui est loin d'être complet, en
donne près de quatre cent cinquante. La langue contempo-
raine en crée sans cesse et en augmente le total indéfiniment :
cette dérivation répond en effet aux tendances irrésistibles qui
poussent le français vers l'abstraction à outrance.
Voici quelques-unes des nouvelles formations : elles appar-
tiennent aux terminologies spéciales des sciences historiques,
philosophiques ou naturelles :
absorptivité, acquisivité, actualité, adultérinité' [Liitré, suppL),
alibilité (Brillât-Savarin, Physiologie du goût, I, 13), altérabilité,
émissibilité, amativité, angularité (Littré, supplém.), apercepti-
bilité, appréhensibilité, atomicité (Littré, supplém.), brevetabilité
(ibid.), capillarité, centralité (Littré, supplém.), coercibilité (des
gaz), collectivité, compatibilité, compréhensivité , cotnptabilité,
co7iceptibilité,concevabilité^, congélabilité, eoncrescibilité, confor-
tabilité (Littré, supplém.), conicité (Cousy de Fageolles, Diction-
naire des chemins de fer), corporalité, corrélativité, cristal litii té
(Littré, supplém.), décimalité (ibid.), endémicité (d'Avril,
1. Page 236.
2. Concevabilité et inconcev abilité ont été employés par M. Littré dans des ar-
ticles de la Revue des Deux-Mondes, 15 août 1866, p. 837; M. Littré a omis le
premier dans son dictionnaire.
— 205 —
dans les Archives de Herrig, XLII, p. 120), étanchéité (Hudry-
Ménos, dans Schollc, Programme, p. 15), erraticité : « État des
esprits non incarnés pendant les intervalles de leur incarna-
tion. » [Répertoire du spiritisme), fdialité (Littré, supplém.),
fixibilité (ibid.), finalité, fumivoritê, génialité (Montégut, dans
Scholle, Programme, p. 15), gramliosité, historicité (Littré,
supplém.), honorabilité, idéalité : « Le jeune Raphaël devait
tomber dans cette contemplation extatique, lorsque Dieu lui
faisait apparaître une virginale idéalité de femme. » (G. Sand,
Lélia, éd. de 1833, I, p. 103; ch. xiv), impalpabilité, impres-
sionabilité : « Son impressionnabilité datait certes du jour de
sa naissance. » (G. Sand, Un dernier amour, III), impraticabi-
lité, inaccessibilité, inamovibilité, incompréhe7isibilité, inconce-
vabilité, indiscutabilité, indispensabilité, individualité : « Il ne
croit pas que son individualiié, comme on dit aujourd'hui
en assez mauvais style, vaille la peine d'être autrement étu-
diée. » (V. Hugo, Chants du crépusc. , préf.); inéligibilité,
inévitabilité , inexorabilité (proposé par Mercier), inextin-
guibilité, inextncabilité (Mercier), infatigabilité (Mercier),
infernalité, ingéniosité (Mercier), innumérabilité, insociabilité,
instinctivité, intermédiarité, inviolabilité (Littré, supplém., mot
que Mercier autorise d'un exemple de Mirabeau), irraisonna-
bilité, irréformabilité, irrecevabilité, libidinosité, marsupialité
(Littré, suppl.), messianité (Réville, dans Scholle, Programme,
p. 15), motricité (Cl. Bernard, ibid.), médiumnité (ou mé-
diumnat) « faculté des médiums » [Répertoire du spiritisme),
notabilité, nervosité (Michelet, Bible de l'Hum., p. 72), officiosité,
parabolicité (Littré, supplém.), pondérosité (ibid.), portabilité
(ibid.), priorité, respectabilité, réversibilité, révocabilité, sali-
nité, siliginosité, squalidité, spécialité, sporadicité, subalternéité
(créé par Lamartine, selon M. Fr. Wey, Remarques sur la lan-
gue française au xix" siècle, II, 94), super fîcialité, tardivité
(Chateaubriand, Mémoires, III, p. 47), tonalité, verbosité (Mer-
cier), véridicité (Mercier), etc., etc.
V.
IVUS qui, dans la langue populaire, était devenu if ive
{nativu/ni, naïf), n'a pas changé quand il a été repris par la
langue savante. Il se joint au thème des participes passés et
forme un grand nombre d'adjectifs qui appartiennent pour la
plupart aux nomenclatures spéciales.
— 206 —
Voici quelques formations nouvelles :
amplificatif, annulatif, certificatif, contractif, coopératif, dis-
persify exportatif, extensif (Littré, supplém.), exterminatif, ex-
tincli f [Litiré, supplém.), explosif [consonnes explosives) {\hid.) ,
fricatif [consonnes fricatives) (ibid.), liquidatif, normatif, quid-
ditatif (Th. Gautier, le Cap. Fracasse, xii), sélectif, suggestif
(Montégut, dans SchoUe, Programme, p. 17).
^ 3. Suffixes nominaux formés de consonnes combinées.
LL.
Le diminutif ellus (qui est devenu dans la langue populaire
el eau) et le diminutif illus peuvent se fixer à des radicaux
latins et former de nouveaux dérivés : spongia * spongilla,
spongille: « De petites sphères échappent de la mère-éponge,...
bientôt fixées, elles se montrent des spongilles délicates qui
vont à leur tour grandir. » (Michelet, la Mer, p. 136). — Nux
* nucella, nucelle, t. de botanique; — vitellus * vitella, vitelle,
nom d'un mollusque.
ND.
ANDUS, ENDUS. Le participe futur passif latin a donné des
mots nouveaux en ande, ende, qui, le plus souvent, sont mas-
culins : bizarre caprice de la formation savante qui, pour ser-
rer de plus près l'orthographe étymologique, porte le trouble
dans la langue. On dit le multiplicande et la. propagande.
C'est ainsi que orium, devenu oir dans la formation populaire,
s'est enrichi d'un e muet sous la plume des lettrés : un versoir,
UN compulsoire.
Gomme mots nouveaux, je ne vois guère que dividende^
terme de banque.
B-ONDUS. ^\xYWnd\og\eAemoribundus,populabundus, erra-
bundus, on a créé floribond (Littré, suppléxn.). Mercier propo-
sait l'introduction des adjectifs masculins : négabonde, nauséa-
bonde. Si on écrit un dividende, il n'y a pas de raison, en effet,
de ne pas écrire «un personnage nauséabonde». Tel est l'avis
de Barthélémy qui a, peut-être pour le besoin de la rime,
admis le masculin nauséabonde :
Mais s'il existe un jeu flasque, nauséabonde,
{Némésis, le Jeu de la Bourse)
— 207
NT.
ANT(EM) ANT(IAM), ENT(EM) ENT(IAM), ESG-ENT(EM)
ESC-ENT(IAM). Ces suffixes donnent naissance à des adjectifs
verbaux et à dos noms abstraits d'action ; ant ance sont des
suffixes de la langue populaire ; ils peuvent être revendiqués
par la langue savante quand ils se fixent à des radicaux latins.
Les autres appartiennent à la formation savante. Escent,
escence, donnent des inchoatifs.
^>
esculence [esculentiis] : « C'est la gastronomie qui fixe le
point d'esculence de chaque substance alimentaire. » (Brillât-
Savarin, Physiologie du goût, 1, 19).
effîuence : «Elles vivaient dans une atmosphère de parfums
émanés d'elle, comme des orangers et des fleurs dans les pures
effluences de leur feuille et de leur calice. « (Chateaubriand,
Mémoires, t. II, p. 291). Le mot est fait d'après influence.
insurgence [insurgens], rutilance [rutilanL] , tonitruant
[tonitru] ;
acescent, azurescent, dégénérescent, iridescent, lapidescent ;
o/)aiescen<;« Des solutions légèrement ojsa/escenfes.» (Radau,
Revue des Deux Mondes, l" nov. 1866, p. 773, dans SchoUe,
Archives de Herrig, XLII, p. 435).
rubescent ;
arborescence, coalescence, détumescence, turgescence.
M-ENTUM. Le suffixe mentum, que nous avons étudié sous
la forme populaire ement\ peut servir à des dérivations savan-
tes, comme dans le mot susurrement créé par Chateaubriand ;
ce mot ne se rattache qu'à un radical latin, puisque susurrer
n'est pas français.
se.
ISCUS. Iscus, devenu l'italien esco, a passé les Alpes sous
la forme esque, avec les mots arabesque, barbaresque, burlesque,
charlatanesque, chevaleresque, gigantesque, grotesque, pédan-
tesque, pittoresque*, romanesque, soldatesque, mots venus d'Italie
1. Page 95.
2. Grotesque et pittaresque ont été remis à la mode à l'époque romantique.
Voir Miissct, Preinlrre lellm de. Dufuds et CotonneL
— 208 —
à des dalCvS différentes. Les suivants sont des emprunts con-
temporains :
dantesque, raphaëlesque^ .
carnavalesque : « Une fantaisie un peu trop carnavalesque,
jouée à rOpéra-Gomique. »(Lagenevais, Revue des Deux Mondes,
dans Scholle, Programme, p. 13).
cardinalesque : « La pourpre cardinalesque de son nez. »
(Th. Gautier, le Capit. Fracasse, XII).
michel-angelesque (Arsène Houssaye , Revue des Deux
Mondes, 15 octobre 1866, p. 1025, dans Scliolle, Archives de
Herrig, XXXIX, p. 433).
Sur le modèle des adjectifs tirés des noms communs, on
a créé de nos jours :
caricaturesque, charivaresque (Scholle, Programme, p. 14),
chevalesque (ibid.), funambulesque, paysanesque.
simiesque: aDes grimaces plus simiesques qu'humaines. »
(Th. Gautier, le Capit. Fracasse, VII). « Mettant en relief tous
les défauts de cette tête simiesque. » (Daudet, Jack, I, S 3).
Sur le modèle de dantesque, raphaëlesque, etc., on a créé
moliéresque, aristophanesque. Pourquoi aristophanesquc plutôt
qu'aristophanien, comme on dit shakespearien, ou qu'aristo-
phanique, comme on dit homérique?
iscus, qui est au fond de esque, est le même suffixe que le
grec tffxoç auquel on doit méfiisque, obélisque, astérisque.
Isque a agi sur le mot odalique (turc odalik), qu'il a trans-
formé indûment en odalisque : par un retour assez curieux,
ce suffixe grec, qui se substitue dans un mot à ique, est dans
d'autres précisément réduit à ique par la prononciation popu-
laire, qui change les astérisques en astériques, et fait de l'o-
bélisque un obélique, à moins qu'elle ne le renverse en o6é/ia;e.
SM, ST.
ISMUS et ISTA sont d'origine grecque : ifffjioç et kit^. Mais
les suffixes grecs ont de bonne heure passé en latin, et ils s'y
sont si complètement naturalisés, qu'on peut à bon droit ou-
blier leur origine grecque. Favorisée par les Pères de l'Église
1. Voir sur ces deux mots Fr. Wey, Remarquen sw^ la langue française au
dix-neuvième siècle, t. I, p. 311.
— 209 —
latine, cette dérivation a reçu une grande extension au moyen
âge dans le latin de la scolastique ; c'est de là qu'elle a passé
dans les idiomes vulgaires. Dans la langue moderne, isme a
d'abord servi à donner des noms aux systèmes, auxdoctrines:
calvinisme, lulhérianisme, cartésianisme, spinozisme, etc.; iste
aux partisans de ces systèmes, de ces doctrines, calvinistes, etc.;
puis la signification de ces suffixes s'est étendue, sans perdre
toutefois la notion de chose intellectuelle qui y est renfermée :
césarisme, favoritisme, dandisme, vocalisme. Que l'on compare
journaliste et journalier, on sentira la différence de la valeur
des deux suffixes. Iste pénètre dans la classe ouvrière, et sert
à désigner des corps d'état : bandagiste, fleuriste, jardiniste,
figuriste, pierriste, ébéniste, etc.: il semble que les ouvriers, en
affectant cette terminaison, veuillent relever leur profession,
et montrer que le goût et l'intelligence y sont des éléments
plus essentiels que le travail manuel. Le jardiniste n'est plus
\xn jardinier; celui-ci entretient les jardins, celui-là les des-
sine.
Le nombre des dérivés en isme et en isfeest fort considérable.
Le dictionnaire des rimes de Landais et Barré contient deux
cent seize mots en isyne et cent soixante seize en iste, et il y
manque les neuf dixièmes des mots suivants, créés de nos
jours :
abolitionniste.
absolutiste,
abstentionniste (Littré, suppL]
alarmiste (Mercier, Littré, id.
altruiste,
annexionniste (Ch. de Mazade,
dans Scholle, Progr., p. 13).
anthropologisto.
anthropomorpliistej
absinthism,e,
absolutisme.
alcoolisme.
alphabétisme,
altruisme, mots créés par A.
Comte.
américanisme ( De Lagenevais,
dans Scholle, Archives, XLII,
115).
anglicisme,
animalisine.
[anthroponiorphismee»tdincieï\\
14
- 210
aquafortiste,
aquarelliste,
arbitragiste.
arrêtiste.
autonomiste (Littré, supplém.).
badinguiste,
bandagiste,
banqmste,
bombagiste (Littré, supplém.).
bonapartiste^
Borrussianiste ( Laveleye, Rev.
des Deux Mondes^ 1" nov.
1867, dans Scholle, Archives
de Herrig, XLlI, 116).
bouddhiste,
calembouriste.
caricaturiste.
centraliste (Littré, supplém.).
archaïsme (Mercier)
atavisme.
champignonniste.
collectiviste (Littré, supplém.)^
communaliste,
communiste,
compensationniste {Liii., suppl.
congréganiste,
congrégationnaiiste^
banditisme (Littré, supplém.
bonapartisme.
bouddhisme,
boursicotiérisme (L. Larchey).
cannibalismx.
cantonalisme (Littré, suppl.).
caporalisme.
cesarisme.
chauvinisme.
civisme.
cléricalisme.
collectivisme (Littré, supplém.).
communalisme.
communisme.
compatrio tisme .
confessionnatisme (Litt., suppl.)
congréganisme,
tongrégationnalisme ( Littré ^
supplém.).
conservatisme (Littré, suppl.).
consonnantisme (Litt., suppl.).
darwinistey
détailliste.
déterministe,
211 —
constitutionnalisme.
cosmopolisme (Mercier), rem-
placé par
cosmopolitisme.
dandisme.
darwinisme.
démagogisme.
déterminism,e.
dilettantisme.
équilihriste.
esclavagiste,
excursionniste.
fantaisiste.
fédéraliste (de la révolution).
feuilletonniste.
figuriste (Bottin, 1875, p. 1220).
filigraniste.
fourriériste,
gambettiste^
germaniste
gouvemementaliste (Littré, sup-
plém.).
gréviste (Littré, supplém.).
hautboïste.
Henriquinquiste ( L. Larchey ) ;
égotisme.
électrotonisme,
esclavagisme,
exclusivisme.
fatuilisme (voir plus haut, p. 98,
au mot désœuvrerie) .
favoritisme,
fédéralisme (de la révolution).
fénianisme.
fonctionnarisme .
fourriérisme.
germanisme.
Héraclitéisme (Caro, Revue des
Deux Mondes, 15 nov. 1865,
p. 333, dans Scholle, Archi-
ves de Herrig, XLII, p. 123)-
humoriste.
— 212 —
huïaanïlarismc : « Son cœur
s'enflait de ce stupide amour
collectif qu'il faut nommer
humanitarisme [souligné dans
le texte), fils aîné de défunte
philanthropie. » ( Balzac, les
Employés, 1856, p. 274.)
idémiste : « Poiret \'idémiste[(\m
est toujours de l'avis des au-
tres). » (Balz., le Père Goriot.)
immobiliste,
impérialiste,
indianiste.
instrum,entaliste.
idéo graphisme.
ignorantisme,
imtnobilisme.
impérialisme.
incivisme.
jardiniste-
jacobinisme.
jésuitistne ' .
joachimisme (Renan, dans
Scholle, Archives, XLII, 123)-
juurnaliste (date du siècle der- journalisme.
nier).
libre-échangiste {Liiiré, suppl.)
librettiste.
lithochromiste.
laryngisme.
légalisme (Réville, dans Scholle,
ibid., 123).
libéralism,e.
littéralisme.
1. Pasquier disait jésuis^e el jésuisme. Jésuîste a été remplacé, dès le dix-scp-
lième siècle, par Vilailian jésuite. Jésuisme. qui semble avoir été créé par l'asquicr
et auquel le vieux gallican attachait le sens que nous donnons à jésuitisme, dis-
parut au dix-septième siècle. Jésuitisme, dérivé de jésuite, est moderne, et date
de la Restauration. Jésuitisme est plus logique que jésuisme.
— 213 —
Umdtste (Littré, suppléDi.). —
machiniate.
manieriste, maniérisme,
médiéviste (mot récent, qui a —
remplacé moyenâgiste, usité
de 1840 à 1850).
mercantilism,e.
"~ m,étamorphisme.
m,ililarisme.
millénariste.
monogéniste,
monogrammatiste.
monothéiste.
mythologiste.
nihiliste (créé par Mercier).
nordiste.
nosologîste.
modérantisme.
monogénisme.
monosyllabisme.
monothéisme.
mormonisme.
municipalisme (Littré, suppl.].
mythisme.
mysticisme.
nationalisme.
naturalisme.
nihilisTne.
obscurantiste^ obscurantisme.
oculiste.
oculariste (fabricant d'yeux ar- —
tificiels,Bottin, 1875,p. 1240).
{non]-opportuniste, {non)-opportunisme.
organiciste.
Orléaniste^ Orléamsme.
ornemaniste.
orphéoniste.
orthopédiste. —
ossiamsme.
ovaliste.
parlementariste.
'parlementarisme.
— 214 —
particulariste,
pastelliste (Littré, supplém.).
pessimiste,
pierns^e (voir plus haut, p. 152]
polémiste.
parsisme.
particularisme.
paupérisme,
pessimisme.
polonisme ( Klaczko, Revue des
Deux Mondes, dans Scholle,
Archives, XLII, 126).
popularisme.
portraitiste. —
portraituriste ( Duvergier de —
Hauranne, dans Scholle,
Progr., 16).
positiviste,
posthétomiste.
primeuriste (Littré, supplém.),
progressiste.
prohibitionniste (Littré, suppl.)
propagandiste (Littré, suppl.) .
positivisme,
prâcritisme.
prosaïsme.
proxénétisme.
psychisme.
pugilisme (Littré, supplém.).
puritanisme.
quatre-vingt-neuviste (Mercier). —
rampiste{\oïr yAus haut, p. 152)
récidiviste.
réserviste.
révisionniste (Littré, supplém.)
réglementarisme.
romantisme.
sanscritiste,
sécessionniste,
sémitiste,
sentimentaliste.
sacerdotalisme.
sanscritisme.
sémitisme.
sentimentalisme.
— 215 -
socialiste^
soliste. —
sonnettiste. —
spécialiste. —
spintiste, peu usité, remplacé spiritisme.
par spirile, qui est d'origine
anglaise.
spontépariste. —
styliste. —
sudiste. —
servantisme : « H tomba dans
le servantisme le plus minu-
tieux et le plus astringent. ji
(Balzac, Maison Nucingen).
servilisme : « Cet état de choses
amenait le servilisme de l'em-
ployé. » (Balzac, les Em-
ployés, 1856, p. 172.)
socialisme.
thiériste.
télégraphiste.
terroriste (Littré, supplém.
traditionnaliste.
transformiste,
unitariste,
vélocipédiste.
supranaturalisme.
terrorisme.
transformisme.
unitarisme.
vandalisme. Cf. sur ce mot le
Bulletin du bibliophile, 1845,
p. 494.
védism,e.
voltairianisme.
En jetant un coup d'œil sur deux séries parallèles, on re-
connaît qu'une infime minorité de radicaux seulement possède
les deux dérivés en isme et en iste. Le plus souvent, les mots
en iste n'ont pas de corrélatifs en isrne et réciproquement; ou,
si les deux formes se rencontrent, elles ne se correspondent
pas : le naturaliste n'a rien de commun avec le naturalisme.
A quoi tient ce fait singulier? A ce que les substantifs abs-
— 216 —
traits en îs-we sont d'ordinaire formés après les adjectifs con-
crets auxquels ils correspondent ^ Il arrive donc, ou que les
adjectifs concrets en isle n'ont pas encore développé l'idée abs-
traite qui doit fournir un correspondant en isnie : ainsi son-
netliste, spécialiste, styliste, figuriste, etc. ; ou bien que les mots
abstraits en iswe ont été tirés d'adjectifs correspondants pré-
sentant, non le suffixe isfe, mais une autre terminaison : ainsi
romantisme - romantique ; puritanisme -puritain ; mysticism e -
mystique; exclusivisme-exclusif; cosmopolisme-cosmopolite , etc.
§ 4. Suffixes verbaux.
' Il n'existe dans la formation savante que deux suffixes ver-
baux : er et iser.
Er, suffixe verbal de la formation française, appartient à
la formation latine quand il se joint aux thèmes, non des
mots français, mais des mots latins (réels ou fictifs) : injecter
suppose injectare de injectus; conférencier \ient, non deconfé-
rence, qui aurait donné conférencer, comme balance a donné
balancer, mais de * conferentia.
Les dérivés nouveaux sont, à notre connaissance, peu nom-
breux.
convulser, de convulsus (proposé par Mercier et aujour-
d'hui mis en usage par Th. Gautier et son école *) ;
contagier, de contagium.
conférencier, faire une conférence : « S'il doit conférencier
jeudi, il ne dort plus depuis dimanche. » (Vallès, la Rue, Pre-
mier début).
inventorier : « L'arrivée entraîne des frais de toute nature
qu'il est peu convenable d'inventorier, » (Balzac, les Employés,
éd. de 1856, p. 200).
1 . Journaliste date du siècle dernier, journalisme est de formation contempo-
raine.
2. « L'homme pâle, crispé, tordu, convulsé par lesp"^ssions factices. » (Th. Gau-
tier, Etude sur Baudelaire.)
Et tes doigts convulsés d'une infernale fièvre.
(Baudelaire, Fleurs du mal, cxx.)
Te convulsant quand l'heure tinte.
(Baudelaire, Fleurs du mal, xc.)
« Elle ouvrait sa bouche en 0, la tordait, l'allongeait, la convulsait. » (Daudet,
Jack, I, § 4.)
— 217 —
transfuser, de transfusas.
plagier, proposé par Mercier, néologisme assez usité aujour-
d'hui, mais qui manque encore au dictionnaire de M. Littré; il
est formé de plagiat, dont la forme latine * plagiatus suppose
un verbe * plagiare.
tintinnabuler {*tintinnabulare de tintinnabulum; tintinnabu-
latus est latin.) « Ornés de clochettes qui tintinnabulaient
sans cesse. » (Th. Gautier, Étude sur Baudelaire). Tintin-
nabuler se trouve encore dans le Capitaine Fracasse (VII
et IX).
L'emploi de er devient plus rare, parce que son domaine se
restreint de plus en plus devant les envahissements du suffixe
iser : nouvel exemple des empiétements de la formation sa-
vante sur la formation populaire. Iser, en effet, a si profon-
dément pénétré dans la langue commune qu'il se joint non-
seulement à des thèmes latins, mais encore à des substantifs
ou à des adjectifs français : cette dérivation est désormais
devenue organique ^
La langue contemporaine est riche en dérivés nouveaux.
1. Dérivés de types non français :
actualiser (Littré, supplém.), américaniser [ibid.], botaniser
[ibid.), européaniser (d'Alaux, Revue des Deux Mondes, dans
Scholle, Programme, p. 15), dramatiser (Mercier), dynami-
ser (se) (Littré, supplém.), électriser, extérioriser [ibid.),
germaniser, hypnotiser, mnémoniser, sensibiliser, sociabiliser,
terroriser, romaniser, spiritualiser, vulgariser, etc.
2. Dérivés de mots français :
anecdotiser (Littré, supplém.), amwa/zser (Brillât-Savarin,
1,26; Michelet, voir plus haut, p. 79), champagniser (Littré,
supplém.), coltariser [ibid.), connmercialiser [ibid.), centraliser,
charivariser, (se) décadiser : on disait autrefois s'endimancher
(Mercier), fossiliser, fédéraliser, galvaniser, harmoniser (André
Theuriet, Lucile Désenclos, i), idéaliser, localiser, militariser,
monopoliser, municipaliser, naturaliser, opaliser : « globes opa-
1 . Que l"on compare, entre autres, l'archaïque déchristianer au moderne déchri-
stianiser, le verbe harmonier, encore employé par bernardin de Saint-Pierre, au
néologisme harmoniser, l'on verra comment le sufllxe latin iser empiète sur
le suffixe français er.
— 218 —
Usés » (Daudet, Jack, i, § 5), organiser, ossianiser : « Dans ce
temps-là, on ossianisait tout. » (Balzac, La maison Nucingen)^
philosophiser (Montégut, dans Scholle, Programme, p. 16),
ronsardiser : « La politique a ronsardisé. « (Chateaubriand,
Mémoires, l, 368), sataniser : « L'ardente ambition satanisa
mon âme» (Barthélémy, Némésis, Liberté de la Presse), so-
cialiser, solidariser, utiliser, motionner, mot contemporain de
lanterner (mettre à la lanterne), municipaliser (Mercier),
paraboliser (Littré, suppléin.), rabbiniser (Réville, Revue des
Deux Mondes, l"nov. 1867, p. 121; dansScholle, ^rcMves, XLII,
p. 126), romantiser (Lagenevais, ibid., 1" avril 1867, p. 793;
dans Scholle, ibid., p. 127), sèptembriser , stériliser: «Nous di-
sons fertile, fertiliser; pourquoi, disant Sifén7e, ne dirions-nous
pas stériliser? » (Mercier) ', voltairianiser ( Veuillot, Odeurs de
Paris, 11, 4).
On ajoute volontiers au radical le suffixe iser sous la forme
du participe présent ou de l'adjectif verbal en isant, sans
que l'on ait besoin de créer le verbe aux autres temps : un
indianisant, un sanscritisant, un iranisant, un scandinavisant ;
une forme prâcritisante ; l'action épileptisante de l'absinthe.
Cette dérivation est fort usuelle dans la terminologie scien-
tifique.
CHAPITRE XIV.
COMPOSITION LATINE.
Comme la formation savante reprend au latin non-seule-
ment ses mots dérivés, mais encore ses composés, toutes les
formes qu'affecte la composition latine peuvent reparaître
dans notre langue, suivant les caprices des lettrés. Nous
n'avons donc qu'à passer en revue les divers procédés que
met en usage le latin, et voir s'ils sont représentés en français.
Composés syntactiques : je ne vois à citer que similor
[simile auro).
Composés asyntactiques : Le nombre des composés nou-
veaux est considérable; ils se classent d'après la nature des
éléments composants.
1. On le dit maintenant.
— 219 —
1. Adjectif et adjectif ou substantif, donnant naissance à
des adjectifs ou à des substantifs.
médianimique : « Faculté médianimique, relative à la mé-
dianimité. » [Répertoire du spiritisme.)
médianimité : « faculté des médiums. >> [ibid.).
omniscience, omniconvenance : « L'on n'admirera que ce
que le septicisme adopte : l'omnipotence, V omniscience, l'ow-
niconvenance de l'argent. » (Balzac, Maison Nucingen).
multifide^ multicolore, multiforme et multiformité (Br.-
Savarin, Physiol. du goût, I, 89), etc. ; primidi, duodi, tridi,
quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, (décadi). Les
subdivisions du système métrique, déci-, centi-, milli- [mètre,
gramme, litre, are, stère), contiennent les thèmes des adjec-
tifs cardinaux decem, centum, mille, qui ne signifient nulle-
ment dixième, centième, millième.
Les adjectifs ou adverbes uni-, bis, tri-,quadri-, quinti-, etc.,
sont utilisés parles nomenclatures spéciales des sciences na-
turelles : uniloculaire, uniréfringent, unipare, etc., bi-basique,
bi-carboné, bi-colore, bi-^êtalé, etc., triatomique, triaurique,
tricapsulaire, tricobaltique, tricorne, tricosté, trifolié, tri forme,
etc. ; voir le Dictionnaire de M. Littré.
Citons encore bivoie, bifurcation de la voie d'un chemin de
fer; bicorporéité, qualité de l'esprit qui « pendant le sommeil
peut s'isoler du corps; son esprit peut acquérir la visibilité
et même la tangibilité. » [Répertoire du spiritisme); bi-mensuel,
barbarisme pour semi-mensuel, ^nc?/c/e (mot hybride) : « herse
à trois roues, dite herse tricycle. » [Descrip, des brevets, 1831,
1'- série, XXXII, p. 93).
2. Substantif et substantif, donnant naissance à des adjec-
tifs (composés possessifs) : acinaciforme, aculéiforme, cauliflore,
fraxinifolié, granuliforme, lamellibr anche, lamellicorne, lamel-
lipède, lamellirostre , piri forme (ventre piri forme; Balzac, le
Père Goriot), vélocipède' , crédirentier, débirentier, etc.
1. Vélocipède date de 1818, « machine dite vélocipède. » (Descript. des brev.
1'° série, t. X, p. 114.) Ce mot, appliqué à un autre appareil, a reparu dans ces
dernières années et a fait fortune; il a mémo sa petite famille : vélocipédiste,
véln-fiport. Le mot pourtant est mal fait : il faudrait vêlocifère ou quelque chose
d'analogue : vélocipède veut dire qui a les pieds rapides, et ne peut s'appliquer
par suite qu'au cavalier. Celui qui monte le vêlocifère est un vélocipède. Pède,
d'ailleurs, dans ces sortes de composition, désigne l'individu : bipède, quadru-
pède.
— 220 —
3. Substantif et substantif donnant naissance à des sub-
stantifs : caulobulbe, liarmonicorde, clavicorde, fulmicoton pour
fulminicoton (le nom et la chose datent de 1846; Descripl. des
brev., 2' série, XII, p. 189), viaduc, etc.
4. Substantif et adjectif ou substantif dérivé de verbe et
ayant valeur verbale; résultat de la composilion : adjectif:
-GIDE : insecticide, liberticide, loculicide (t. de botanique),
raticide [raticide Burnichon, Bottin, 1875, p. 924), tyrannicide.
-COLE : favicole (Littré, supplém.) ; vignicole (Barthél., Né-
mésis, Aux électeurs du juste - milieu) , sourisicole (Vallès,
la Rue, AU right!) etc.
-cuLTEUR et -CULTURE : agriculteur (créé par Delille); hirudi-
niculture, -leur; pisciculture, pisciculteur, qui ont remplacé les
vieux et excellents mots français alevinage, alevinier; ostréicul-
ture, -leur, puériculture ou l'Art d'élever hygiéniquement et
physiologiquement les enfants (par A. Garon, 2" édit., 1865);
sylviculture, etc.
FÈRE : aérifère : « chapeaux de soie aérifères » (prospectus
d'un marchand ) , célérifères : « voitures dites célérifères. »
{Descript. des brev., 1817, 1" série, XIV, p. 337), casquettifère :
« L'abus des plaisirs en faisait un mollusque anthropomorphe
à classer dans les casquettifères. » (Balzac , le Père Goriot) ;
corollifère (t. de hot.) ',filifère : « Outil propre à enfiler les ai-
guilles, dit filif ère. n [Descript. des brev., 1829, l"""* série, XXVIII,
p. 74), foraminifères (genre de coquillages); rotifères (sorte
d'infusoires) ; vélocifères : « voitures dites vélocifères. » {Des-
cript. des brev., 1803, VII, p. 258), etc.
-FiQUE : calorifique, frigorifique, lactifique, etc.
-FUGE : « appareil dit fumifuge. » [Descript. des brev., 1817,
IX, p. 335).
-LUVE : maniluve, pédiluve.
-MOTivE : locomotive, et avec d'autres dérivés de rnoveo :
locoinoteur [électro-moteur, etc.), locomobile_.
-PARE : fîssipare, foliipare, gemmipare, multipare, ovivivipare,
spontépar -ité, etc.
-voRE : budgétivore, fumivore, insectivore, etc.
Ajoutons vélocipiqueuse, nom d'une machine à coudre, falsi-
frage, « papier destiné à mettre les papiers de commerce, de
banque, etc., à l'abri des faux. » [Descript. des brevets, 1828,
1" série, XXVI, p. 310, etc.).
— 221 —
4. Attribut et verbe : c'est ici que peuvent prendre place les
verbes en ifier [i-ficare) et en éfier [e-facere). On peut les placer
également, dans le chapitre de la composition proprement dite,
à côté de composés formés d'un fégime et d'un verbe, comme
nous l'avons fait dans notre Traité de la formation des mots
composés'. Nous avons montré comment cette composition d'o-
rigine savante a pénétré dans la langue commune et est de-
venue organique. Voici quelques exemples contemporains :
baronifier : « D'Aldrigger fut alors baronifié par S. M. l'Empe-
reur et Roi. » (Balzac, la Maison Nucingen), bondieusardifier
(la jeunesse) (le journal les Droits de l'Homme, cité par le Cor-
respondant du 25 oct. 1876, p. 247), mot tiré de bondieusard,
cité plus haut, p. 89; momifier, noblifier, prussifier, russifier,
terrifier^, — stupéfier.
Les verbes en ifier donnent des dérivés en i-fîcateur, i-fica-
tion; les verbes en éfier; des dérivés en é- facteur, é-faction.
Nous arrivons aux composés par particules.
Nous avons à examiner ab, ad, ante, circum, cis, cum, con-
tra, de, dis [di), e [ex], extra, in (prépos.), in (négation), inter,
intra, intro, ob, psene, per, post, prse, prseter, pro, quasi, re,
rétro, satis, se, sub, super, trans, ultra. Ces particules présen-
tent les mêmes combinaisons que les particules françaises que
nous avons étudiées dans la formation populaire*.
AB, AD. Nous ne voyons pas que ces particules aient donné
naissance de nos jours à de nouveaux composés.
ANTE : composés parasynthétiques : anté-diluvien (* ante-
diluvi-anus = qui est (-anus) avant (ante) le déluge (diluvi-um),
cf. plus haut, p. 131); anté-historique {= qui est (-ique) avant
(ante) ['histoire).
CIRCUM : composés parasynthétiques : circumméridien, cir-
cumaxile , circwmzénithal : dans circumnavigateur on a un
composé syntactique, c'est-à-dire un juxtaposé.
GIS : composés parasynthétiques : cismontain, cispadan, cis-
rhénan; cisleithaîi ou cisleithanien, cisg ange tique.
1. Page 143.
2 Suppose un type terrificare; le latin a terrefacere, qui aurait donné terre-
fier, comme torrefacere a donné torréfier. — Ajoutons pontifier qui, logique-
mont, devrait être pontififier, mais qui représente un type latin pontificare:
« Le beau d'Argenton, coiffé en archange, frisé, pommade, ganté de clair, génial,
luislève, pontifiant. » (Daudet, Jack, I, § 4.)
3. Voir plus haut, p. 128 et suiv.
— 222 —
cuM (cM'/n, con, co) : Formations nouvelles: condupliquer
[cmn et duplicare), conduplicatif, cunduplicable, termes de bo-
tanique; connotation, connotatif; — coaptation, coarctant,
coauteur, co-bourgeois, co-dêputé, co-éducation, co-détenu, co~
électeur, co-occupant {droit de co-occupant, Lasteyrie, Revue
des Deux Mondes, dans Scholle, Programme, p. 14).
Cette formation à l'aide de co devient d'un usage général;
elle est commode, et ici la formation savante apporte un en-
richissement à la langue.
CONTRA ni DE u'out douué dc compositions nouvelles.
Dis : discontinuité, disqualifier : « C'était forfaire à l'honneur
et se disqualifier. » (0. Feuillet, M. de Camors, Revue des
Deux Mondes, 15 mai 1867, p. 273).
EX. Nous ne citerons pas les formes latines telles que excurvé,
exfétation, etc., mais les formes de la langue commune où
ex a pris le sens de l'archaïque ci-devant : ex-préfet, ex-
instituteur, ex-député. « Deslandes prit son chapeau , salua
son ex-protecteur d'un air de dignité blessée, et sortit du ca-
binet. » (Ch. de Bernard, Les ailes d'Icare, I, 12). « Par la
grâce de madame Peard, ex-femme vertueuse. » [Ibid., II, 11.)
« Cette résolution avait coûté à Audebert; son orgueil d'ex-
propriétah^e et d'homme à projets ne se plaisait guère à l'aus-
térité du simple compagnonnage. » (6. Sand, La Ville noire,
ix). « Il y avait bien là-dedans un peu de vengeance contre
son ex-hôtesse, avec laquelle il s'était fâché. » {Ibid., viii).
Ici encore la langue commune tire un heureux parti de ce
procédé de composition; il est simple, commode, et, depuis la
Révolution, qui l'a introduit, il a pénétré assez profondément
dans la langue pour devenir organique ^
EXTRA se combine comme préposition dans des parasyn-
thétiques : extra-axillaire, -budgétaire^ ^conjugal, -européen,
-folié, -foliacé, -humain, -légal, -natureP, -oculaire, -organi-
que, -personnel, -réglementaire, -statutaire, -utérin, -verté-
bré, etc. Il se combine comme adverbe dans extror-blanc,
« métal extra-blanc argenté », extra-réfi'actaire, extra-lucide^,
extra-fin, extra-fort, « toile de coton écru, extra- forte » (Gâ-
tai, d'un mag. de nouveauté); « (Un surtout de table) plaqué
1. Cf. Courrier de Vaugelas, 1872, n"' 8 et 12.
2. « Figurez- vous un paysage extra-naturel. » (Th. Gautier, Étude sur Ch. Bau-
delaire.)
3. « Mais non, allez, je n'étais pas fou, j'étais surexcité, extrorlucide peut-être. »
(G. Sand, Le dernier amour, III.)
— 223 —
extra-super fin j plus beau que l'argent. » (Ch. de Bernard , Les
ailes d'Icare^ I, 4).
Extra s'emploie absolument comme adjectif et substantif
avec le sens de extraordinaire, sur quoi Von ne comptait pas :
« Tous ces articles ecc^ra avaient l'air d'être autant de gracieu-
setés de sa part. » (Brillât-Savarin. Physiologie du goût, i,
144). ce Aux tables d'officiers un ex-^ra est un invité. Au café
ou au restaurant à prix fixe on appelle extra, soit un plat de-
mandé en dehors de la carte, soit un garçon supplémentaire
venant aider au service. » (L. Larchey). « Vin d'extra, bouteille
de vin fin. » (ïd.). Extra signifie également repas plus soigné
qu'à l'ordinaire : « se permettre un extra. » — Cf. plus bas
ultra.
IN, préposition, donne quelques parasynthétiques: incurva^
tion, inalpage (ascension dans les Alpes) , inalper.
IN négation. De fort bonne heure cette particule s'est peu à
peu substituée aux composés que le vieux français formait
avec non'. Depuis le dix-septième siècle surtout elle a reçu une
extension considérable, et a pénétré si profondément dans la
langue que son emploi est devenu aujourd'hui familier et
presque populaire. Elle se combine avec les adjectifs ou par-
ticipes [juste injuste, consolé inconsolé), et avec les substantifs
[conscience inconscience], rarement avec les verbes. Elle forme
de faux parasynthétiques qui méritent d'être examinés.
Dans ses Commentaires sur Corneille, Voltaire, citant le vers
de Cinna (III, 3) :
Rendez-la, comme à vous, à mes vœux exorable,
fait remarquer qu'il est bien étrange qu'on dise implacable, et
non placahle, âme inaltérable, et non pas âme altérable; héros
indomptable, et non héros domptable. La remarque est juste ;
beaucoup d'adjectifs en able, ible, n'existent d'abord que sous
la forme de composés négatifs : inusable, indéracinable, inovr
bliable, inextlrpable, indéniable, inextinguible, indestructible,
etc. A quoi tient ce fait? C'est sans doute que l'affirmation
d'une impossibilité est toujours plus catégorique, plus
péremptoire que l'affirmation d'une possibilité. Pour dire
qu'un feu peut s'éteindre, il n'est pas nécessaire de recourir
à une forme spéciale : « ce feu est extinguible; » la con-
struction ordinaire suffit pour exprimer un fait ordinaire.
1. Cf. plus haut, p. 140.
— 224 —
Mais si l'on veut dire que le feu ne peut s'éteindre, que rien
n'est capable de l'étouffer, on préférera à une périphrase qui
étend et affaiblit l'idée une expression synthétique qui la
condense et lui donne une forme absolue : « Ce feu est inex-
tinguible. »
Il résulte de ce fait que la langue, avec in, tire directement
des composés en able, ible, des verbes, sans passer par les ad-
jectifs simples : user donnera immédiatement inusable; surmon-
ter, insurmontable : ce sont là des parasynthétiques d'une
nature particulière, différents de ceux qu'on rencontre dans
emplacement, embarquer, etc. Ceux-ci sont des parasynthé-
tiques de langage, ceux-là d'idées; les uns sont régis par des
lois philologiques, les autres par une loi intellectuelle.
Les formations nouvelles avec in sont très-nombreuses ; on
en jugera par la liste suivante* :
inimitable, illitérature, illogique, imbrûlable, immérité (pro-
posé par Pougens dans son Vocabulaire des -privatifs'^), imme-
suré, imméthodique, immiséricordieux, imm^odulé, impa/rdonné^
impartageable, impatriote*, imperfectible, impermanence, im-
permutable, impersévérance, impesé, impeuplé, impleuré (Pou-
gens, Vocah.), im,pliable, impondérable, impopulaire, -arité,
impotable, impratiqué, improductif, improduit, improfitable,
improtégé, impudeur (Pougens, Vocab. ; le mot n'est dans
le Dict. de l'Académie qu'à partir de l'édition de 1835), impu-
rifié'*, imputrescible, inabrité, inabrogé, inacclionatable, in-
accompagné, inaccord, inacheté, inachèvement (Balzac, Facino
1. Les mots qui sont donnés ci-après sans indication spéciale sont pris au Dic-
tionnaire de M. Littré, qui les cite sans exemples anciens ou modernes ; et comme
ils manquent au Dictionnaire de l'Académiej il y a tout lieu de croire qu'ils sont
de formation récente; la plupart d'ailleurs ne sont pas encore consacrés par l'u-
sage.
2. Cf. plus haut, p. 25, n. 2.
3. « On a demandé en ma présence à un sourd et muet la définition du patrio-
lisme. Comm» ce mot est très-composé, l'habile instituteur a fixé l'attention de
son élève, d'abord sur le mot père, pater palris, ensuite sur le mot patrie, puis
sur le mot patriote, et enfin sur la force de la terminaison isme. De la définition
de chaque mot est sortie une définition très-logique du mot composé. Passant
après du patriotisme en général au patriotisme françois, on a demandé à l'inté-
ressant élève quels sont les ennemis des François; il a répondu les impatriotes;
mille applaudissements ont annoncé la fortune que fera ce mot dont notre langue
aura été redevable à un sourd et muet. » (Journal de la langue française, par
Urbain Domergue, 1791, deuxième année de la liberté, t. IV, p. lUl.) L'usage
brutal devait tromper l'espérance de ces braves patriotes. Serait-ce que les « im-
|)atriotes», à l'honneur du pays, étaient trop peu nombreux pour mériter une
épithète spéciale?
4. Voir plus bas, à inflétrissable.
— 225 —
Cane), inactif, inadhêvenl, inadmis, -sion, ina/feclé, inafftigé,
inajournable, inaltéralion, inaltéré, inamical, inapaisable, in-
aperçu (Pougens, Vocab.), inapparent, inappauvri, inapprécié,
inapprouvé, inapte, inassiduité, hiassignable , inassimilable,
inassociation, inassorti, inassoupi (proposé par La Harpe dans
Mercier), inassouvi {Pougens, Vocab.), inauriculé, inauthenti-
cité, inautorisé, inavouable, incalcinable, incalculé, incalom-
niable, incandeur, incassable, incélébré, inchangé, inchavirahle,
inchrétien, incivilisable, inclassable, incoagulable, incoction, in-
coercition, incomrnençable, incommisération, inconipacité, in-
cornpassion, incotnpatissant, incompensable, incomprim,é, incon-
ciliant, inconcluant, inconcrescible, inconçu, inconditionné,
inconditionnel, inconducteur, inconfessé, inconfiant, incongelé,
inconjugal, inconnaissable, inconnexité, inconquis, inconscience,
inconservable, inconsistance (proposé par La Harpe, Mercier et
Pougens), inconsolé, inconsommable, inconstitutionnel, incon-
sumé, incontinuité, incontractile ^, incontrit, incontrôlable, in-
controversé, inconvaincu, inconversible, inconviction, inconvié,
incoordination , incourbé, incriminel, incritiquable, incroche-
table, incroyant, incuit, incultiwe'^, indébrouillable^, indé-
brouillé, indécachetable, indéchiré, indécisif, indécliné, indé-
composé, indécousable, indécrit'', indéfié, indéfiguré, indéfri-
chable, indégonftable (Littré, supplém.), indéguisé, indéhiscent,
indélégable , indélégation , indélicat (Pougens, Vocab.), inde-
mandé, indémontré, indéniable, indénoncé, indénouable, indenté,
indépouillé, indéracinable, indesci'iptible, indigérer ^, indirec-
tion, indiscutable, indispersé, indisputé, indistinction, inéclairci,
ineffacé, inemployé, inenvié, inépanoui, inéprouvé, inépuisé.
1. « Flanelle incontraclile»se lit dans les prospectus et les annonces d'un che-
misier de Paris. Incontractile est mal fait : il faudrait incontractible.
2. « Ces ci-devant hurleurs de démagogie et de socialisme, la plupart sans let-
tres, trop souvent môme remarquables par leur inculture. » (Veuillot, Odeurs de
Paris, I, 2.)
3. « Que sais-je? un fouillis, un chaos indébrouillable à faire tomber la plume
de lassitude au nomenclateur le plus intrépide. » (Th. Gautier, Les Jeune France,
éd. de 1833, p. 309.)
4. « Les torrents qui pleurent et sanglotent comme des âmes malheureuses, les
cerfs qui brament d'une voix plaintive et passionnée, la brise qui chante et rit
dans les bruyères, les vautours qui crient comme des femmes effrayées; et ces au-
tres bruits étranges, mystérieux, indécrils, qui grondent sourdement dans les
montagnes, ces glaces colossales qui craquent dans le cœur des rocs. » (G. Sand,
Lclia, xxvin). Indécrits est en italique dans le texte.
.^. « Le docteur Malouet qui en absorbait des quantités {de truffes) à indigérer
un éléphant. » (Brillât-Savarin, Physiol. du (joût. 1,44). Indigérer se construit
autrement que digérer. On dira : il ne digère pas ce plat, et ce plat Vindigère.
15
— 226 —
inéquitable, inérudition, inescomptable (Littré, supplém.), in-
essayé, inestimé, inétudié, inévité, inexaucé, inexcusé, inexigé,
inexploité, inexploré, ùiexplosible, un inexpressible, inexpri-
mé ^j infertilisable , inflétrissable^ , infutnable (Littré, sup-
plém.), ingagnable^, ingaranti, inglorifié, ihharmonie, -ieux,
inhumecté, inimité, inimprimable, inindustrieux, ininflammable,
iniiitelligent, -etice, -emment'', ininterruption, injustifiable, in-
négociable, inofficiel, inopérable, inopportun (proposé par Pou-
gens, Foc), inopportuniste (Littré, supplém.), inorganisable,
inorné, inoubliable, inovulé, inoxydable, inqualifiable, inra-
contable^, insapide, insaponifiable , insaturable , insécurité
(Pougens, Foc), insermenté, inservilité, insincérité ^ , insoli-
darité, insouci, -deux, insoupçonnable (Littré, supplém.), in-
submersible'', insuccès (proposé par Pougens, Vocab.}, in-
suivi, intransférable, intransparenl, intransportable, (couverts)
inusables (Bottin, 1875, p. 1170), inversable, invérification\ ir-
raisonné'^, irraisoniiable, irrassasié, irratifiable, irrechercliable,
irréfuté, irrégénérable, irrelatif, irremboursable, irreproductif,
irrespirable, irrespect^\ irresponsable, irrévérencieux (Pougens,
Vocab.), etc., etc.
iNFRÀ donne un adjectif parasynthétique : (terrains) infra-
jurassiques.
iNTER est riche en formations nouvelles : il joue le même
1. « Tant d'idées inexprimées, inexprimables plutôt. » (Daudet, Jack, I, § 4.)
2» « Je trouve ailleurs quelques traces dun néologisme moins véniel : inflêtris-
sabie, inipurifié. » (Cuvilier-Fleury, Journal des Débats, 16 sept. 1876, p. 3, col. 5,
sur Mlle Louise Berlin.)
3. « L'aristocratie, de sa nature, ingrate et ingagnable. » (Chateaubriand, Mé-
moires, t. II, p. 83.)
4. «Les quatre-vingt-dix mille francs amassés sou à sou provenaient donc d'é-
conomies sordides et fort inintelligemment employées. » (Balzac, les Employés,
éd. de 1856, p. 206.)
5. « Le bonheur fait d'une foule de joies menues et inracontables. » (Daudet,
Jack, I, § 7.)
6. Ce mot aurait été créé par M. de Tocqueville à la tribune, selon M. Fr. Wey,
Remarques sur la langue française, II, p. 93.
7. « Celle-ci (la physalie) n'a au-dessus do l'eau qu'un petit balloUj une vessie
insubmersible. » (Michelet, la Mer, p. 169.)
8. « Ce qui a graduellement ébranlé dans l'esprit des hommes les philosophies,
théologique et métaphysique, c'est d'une part leur invérification (il a toujours été
impossible de vérifier à posteriori leur dire), etc. (Littré, Revue des Deux Mon-
des, 15 août 1866, p. 838, dans Scholle, Archives de Herrig^ xxxix, p. 432).— Ce
mot, dû à M. Littré, ne se trouve pas dans son dictionnaire.
9. « Un malaise irraisonné, accru du grand silence et de la solitude. » (Daudet,
Jack, I, § 7.)
10. « Cette jjersécution mélangée de pitié, cet irrespect du malheur. » (Balzac,
Le Père Gwiot, 1835, 1. 1, p. 58.)
— 227 —
rôle que le français entre, en combinaison avec des noms et
des adjectifs ; et dans la plupart des composés il a pris une
place qui revenait de préférence à entre. Il est d'un grand em-
ploi dans la terminologie scientifique :
inter-ambulncral , -antennaire, -cellulaire, -claviculaire, -co-
lumnaire, -continental, -cutané, -digital, -épineux, -fibrillaire,
-foliacé, -frontal, -maxillaire, -national [C internationale).
interocéanique: « Le chemin de fer interocéanique. » (Simo-
nin, Rev. des Deux Mondes, l«'août 1867, p. 719; dac.s Scholle,
Archives de Herrig, XLII, p. 123.)
intefr oculaire, -pariétal, -pétiolaire.
interplanétaire : « Le vide interplanétaire. « {Radau,/îev. des
Deux Mondes, 1" sept. 1867", p. 254; Scholle, ihid.)
Ces composés sont des parasynthétiques, dans lesquels in-
ter est une préposition régissant le substantif, thème de l'ad-
jectif.
/nier est préposition dans interars, terme d'hippiatrique, qui
peut être ancien, et dans le mot tout nouveau de intersession^,
créé par l'administration du chemin de fer de Paris à Ver-
sailles : « Trains supprimés pendant les intersessions. » {Rè-
glement du départ des trains de Paris à Versailles.)
Il est adverbe dans intercommunication, intercourse, interdé-
pendance.
iNTRA se trouve dans un grand nombre d'adjectifs parasyn-
thétiques appartenant à la nomenclature moderne des sciences:
inlra-crânien , -dermique, -foliacé, -marginal, -médullaire,
"mercuriel {jpldinëie intramercurielle) , -pétiolaire, -pulmonaire,
-tropical, -tubaire, -utérin, -vasculaire, -vertébré.
iNTRO. On a créé le mot intropelvimètre.
OB, p^NE et PER n'ont pas, à notre connaissance, donné de
compositions nouvelles.
PARUM : citons paraffine.
PosT, abverbe : postabdomen (Latreille), postface (date de
la fin du dix-huitième siècle), postfloraison, postposition;
préposition, dans les parasynthétiques : post-oculaire, -pecto-
ral, -pliocène, -positif.
PRAE est adverbe dans préabdomen (Latreille), préachat,
préaddition (Lemare)^ prébalancier (Latreille), précompte, pré-
denté, prêdénommé, prédigestion, prédisposer [-^sant, -sition),
préfloraison, préfoliationi
1. Comparez tnfcrrc^ne.
— 228 —
Il est préposition dans les parasyntliétiqucs : pré-aryen,
-buccal, -caudal, -celtique, -hanchial, -lombaire, -oculaire,
-romain, -tibial.
PRETER, PRO : nous ne voyons pas que ces prépositions
aient donné lieu à des formations nouvelles.
QUASI présente le même emploi que presque : il s'en dis-
tingue cependant, dans l'usage commun, par un caractère
de familiarité qu'il donne à l'expression, et que n'a point
presque, chose curieuse, presque appartenant à la langue
commune, et quasi étant latin. Les gens du peuple diront : « il
est quasi fou, » plus volontiers que : «il est j^resque fou. »
« Ce fut ainsi que Clément Chardin des Supeaulx, dont le
père, anobli sous Louis XV, portait écartelé au premier
d'argent, un loup ravissant de sable emportant un agneau de
gueules ;... avec En Lupus in hisioria pour devise, put surmon-
ter cet écusson quasi railleur d'une couronne comtale. »
(Balzac, les Employés, p. 434, édit. 1856.)
« Quasi-évidence » (Montégut dans Scholle, Programme,
p. 16); ce quasi-insoumission ii (d'Alaux, ibid.).
« C'est un quasi-droit que nous avons sur eux. » (Michelet,
La Mer, 2«édit., p. 338.)
« Les uns ont la solidité, la quasi-éternité de l'arbre. »
[Ibid., p. 140.)
« (La Bruyère) peint le paysan de l'ancien régime comme
une bête, non-seulement noire et affreuse, et misérable, mais
quasi-sauvage, et qui possède à peine les rudiments du lan-
gage humain. » (Veuillot, Odeurs de Paris, VI, 2.)
re; voir plus haut, p. 141.
SINE : sinombre : « Nouvelle lampe astrale, dite sinombre. »
[Descript. des brevets, 1810, 1" série, t. XIII, p. 22.)
suB, préfixe «qui, dans le langage didactique, exprime soit
la position en dessous, soit une espèce de diminutif ou d'ap-
proximatif." (Littré). 11 exprime «la position en dessous, »
quand il est préposition; il forme alors des parasynthéti-
ques : sub-abdominal, -alpin, -apemiin, -apiculaire, -aquatique,
-brachien, -caudal, -cortical, -tropical, -oculaire, etc. Il exprime
ce une espèce de diminutif, « quand il est adverbe : sub-acicu-
laire, -agrégé, -calcaire, -caréné, -comprimé, -conique, -cor-
di forme , - cylindi'ique , - décurrent , - déprimé , - fossile ,
-fusiforme, -globuleux, -imbriqué, -inflammation, -lobé, -luxa-
tion, -lyre, -ombiliqué, -ostracé, -ovale, -parasite, -jjentamère,
-pétiole, -sessile, -sphérique.
— 229 —
SUPER, préposition, fournit des parasyntliétiques : superaxil-
laire, super crétacé, superéqiiatorial, superovarié; supernatura-
lismc.
super est aussi adverbe : « C'est qu'elle [la roule d'Aigle)
nous est archi et super -connue. » (Tôpfer, Voyages en zigzag,
II, l'ajournée); superftn; superstructure, «terme d'administra-
tion qui ne s'est pas encore vulgarisé. On entend par là le
ballast et la voie de fer proprement dite, c'est-à-dire les tra-
vaux exécutés par-dessus les travaux de maçonnerie et de ter-
rassement. » (C. de FageoUes, Dict. des cJiem. de fer).
SUPRA fournit quelques parasynthétiques : supra-axillaire,
suprajurassique, supramondain, suprasensible, etc.
TRANS donne des adjectifs parasynthétiques : transandin,
-atlantique, -continental^- danubien, -gangélique, -^narin, -océa-
nien {-ique), -pacifique, -padan, -pontin, -uranien. — Dans
transvider, il est adverbe.
ULTRA, préposition, donne des parasynthétiques: ultror-pon-
tin, -réglementaire, -zodiacal, (les rayons du spectre solaire)
ultra-chimiques, ultra-violets. « Cette graine ultra-naturelle
est aussi délicieuse. » (Brillât-Savarin, Physiol. du goût,
I, 32). Il est adverbe dans ultra-libéral, ultra-révolutionnaire,
ultra-royaliste, ultra-radical. « Jeunes gens à tournure ultra-
cavalière. » (Ch. de Sernard, les Ailes d'Icare, I, 13). C'est de
la valeur adverbiale que sort le substantif un ultra', homme
qui pousse les opinions de son parti à l'extrême : <- Je suis
un vieil ultra... entêté, incorrigible, fossile, tout ce qu'il y a
de plus momie. » (Ch. de Bernard, ibid., II, 3.)
1. L'italien nous montre quelque chose d'analogue, non plus pour un préfixe,
mais pour un suffixe. Le suffixe accio, qui a un sens péjoratif, s'est détaché des
thèmes auxquels il se joint, pour devenir une sorte d'adjectif ou de substantif si-
gnifiant mauvais : « Quanto sicte accio! — Comme vous êtes désagréable! » On
va jusqu'à dire, avec redoublement du suffixe , egli è acciaccio. Voir Blanc,
Grnmmalik der ilulianische Sprachc, Halle, Î844, p. 159.
Parmi les diverses particules que nous venons d'examiner, ultra, super,
extra, prennent un développement de plus en plus marqué dans la langue com-
mune. Il y a là un fait qui n'est plus d'ordre linguistique, mais qui relève de l'iiis-
toire sociale de notre époque. L'usage des adverbes de superlatif doit en effet
grandir dans cette époque de concurrence à outrance qui a vu naître la réclame
et le pu/f. Voir plus haut, p. 52.
- 230 —
DEUXIÈME SECTION.
FORMATION GRECQUE.
CHAPITRE XV.
VUES GÉNÉRALES SUR LA FORMATION GRECQUE
DÉRIVATION, COMPOSITION.
I
.Jusqu'au milieu du quatorzième siècle le français ne con
tenait que fort peu d'éléments grecs. C'étaient des mots qui
avaient passé dans le latin populaire ou dans le latin ecclé-
siastique et avaient perdu la trace de leur origine première :
episcopus, apostolus, ecclesia, diaconus, epistola, monacJnis,
canonicus, etc. ; ou bien c'étaient des termes du has-grec que
les Croisés, au onzième et au douzième siècle, avaient rap-
portés de Constantinople : dromond^ bezant, [ac)cabl[er)^ man-
gonneau^ chaland ^ etc. /
Au quatorzième siècle, le grec commence à pénétrer dans
la langue. Il est introduit par Nicole Oresme*, le traducteur
d'Aristote. Bien que sa version des Éthiques, des Politiques,
des Économiques et du traite dii Ciel et du Monde, fût faite non
sur l'original, mais sur des traductions latines ; néanmoins
un nombre relativement considérable de mots grecs passa
dans le texte française Les œuvres d'Oresme cependant, bien
1. Fr. Meunier, Essai sur la vie et les œuvres de Nicole Oresme, p. 84 el
suiv.
2. Oresme a dressé lui-même des Tables des mots estranges (grecs et latins)
ou des fors mots, qu'il a employés dans sa traduction dos Ethiques et dans sa
traduction dos Politiques d'Aristote. Feu M. Meunier avait transcrit ces tables
d'après le texte original ; dans son manuscrit que j'ai sous les yeux, je note les
mots grecs suivants : architectonique, aristocratie, bomolothos, chaymes, dé-
mocratie, démos, demotique, discales, epiekeye, eubulie, eutrapeles, gnonie,
économie, m.onarchie, oligarchie, phylautos, policie, synesie, tymocratie, —
agonie, -isacion, -iquement, -izer, agronome, -mie, akmes, anarchie, andries,
androkalgachie, aulharchie, autharkes, architectonique, aristocratie, -tique,
-tizer. arm^onie, astynomie, hannause, -ausie. -nusiqne. delphiqtie, dèmogo-
— 231 —
que fort appréciées en leur temps, furent de bonne heure
oubliées; aussi la plupart des termes grecs employés par le
vieux traducteur, n'entrèrent que plus tard dans la langue et
furent repris à la source grecque/ Au seizième siècle, les
traducteurs furent sobres d'emprunts à Ta Tangué hellénique ;
c'est par ]a science beaucoup plus que par la littérature que
la terminologie grecque pénétra chez nous. D'ailleurs elle ne
s'y Tristalla pas brusquement, mais fit une sorte de stage en
passant par la forme latine. Les dictionnaires de médecine du
seizième et du dix-septièmè siècle sont rédigés enTâlîrfëfpré-
sefttentTïhe terminologie mi-partie latine, mi-partie grecque.
Ambroise Paré, au seizième siècle, fait seul exception; ses
œuvres, écrites en français, contiennent un grand nombre de
mots grecs ; mais encore quelques-uns sont-ils reproduits
sous la forme purement latine' et donnés comme mots latins.
Le premier dictionnaire qui, à notre connaissance, donne un
commencement de terminologie française est le dictionnaire
qui accompagne les œuvres de M" Fr. Thévenin, publié en
1658 ^
Oue, -ogiseVj démocratie, -tique, -tizer, demiurgique, despotes, -tie, -tique,
-tizier, dyonisvdz, dorii' ou doriste (dorien), effores, -rie, église « assembloo
OH congreifacion faite pour avoir aucune deliberacion. Et en ceste meesme ma-
nière en use la sainte Escripture aucune foiz », ephehe, -ebie, equiarches, eva-
gogues, eusynagugae, fvigie ou frigisf.e (plirygion), gernsie. g\fm.nasie, gymna-
stique, gymnolhoeratique, gymnochonomos. yconomr, yconnmie, -inique, ydios,
ieronomes, ylores, kalogagathon, kosmoz, lydie ou lydisle (lydien), mélodie,
monarche, -chie, navarches, obeliscoklism.e, obolostatiquc. olygarchie, -iquc,
-iser, ohjmjnade, -ique, pedonomes, -mie, pentarchie, peryode, philaucie.
phylauton, phylantropos, phylarches, poèmes, poetizier, policeme, policie,
politique, -izer, pomptopliylon, potagogides, syngoves, sophisme, trierar-
ches. — Cf. Egger, L'hellénisme en France, t. I. p. 129.
1. Ou même grecque. Des mots tels que acrocordon, amphémérinos, anasa-
riia, ancyloblépharon, aporrexis, etc., pour être écrits en lettres françaises,
peuvent-ils èlre considérés comme des mots français? Voir le lexique qui se
trouve à la fin de l'édition des œuvres de A. Parc, publiée par M. Malgaigne.
2. Les Œuvres de M' Fr. Thévenin, chirurgien ordinaire du roy, etc. Paris,
ii>-fol., M.DC.LViii. A la suite des œuvres de Thévenin, se trouve un Dictionnaire
étymologique dr. mots grecs servant à la mMecine, avec leur Iranscriptimi en
lettres Rom,aines, leur explication en François et quelqttcs définitions tirées et
traduites de celles de M" Degorris. Dans ce dictionnaire, on voit des mots grecs
traduits ou plutôt transcrits en latin, et quelquefois accompagnés de la traduction
en langue française vulgaire, lorsqu'il s'agit d'allections, de lésions de parties
du corps, de remèdes qui ont un nom dans la langue populaire. Cette terminolo-
gie n'a pas encore franchi le cercle d'un petit nombre d'initiés. Le Lexicon me-
dicum, elymologicum (sive tria Etymologiarum millia quas in scholis publicis
Medicinee alumnos ita postulantes edocuit M. J. B. Callard de la Duquerie),
publié à Caen et à Paris en 1692, contient des mots latins et des mots grecs, ceux-
ci écrits soit en latin, soit en grec. Le dictionnaire français-latin des termes de
médecine et de chirurgie, publié soixante-dix ans plus tard (1760), |)ar Élie Cal
— 232 —
Au dix-huitième siècle, notre langue est décidément con-
quise par le grec. Jusqu'alors elle n'avait reçu qu'un certain
nombre de termes de médecine et de chirurgie, et quelques
termes de philosophie, ceux-ci venus directement de la sco-
lastique. Mais l'immense développement que prennent dès
lors et les sciences naturelles et leurs nomenclatures charge
le lexique scientifique d'un nombre presque infini de mots
nouveaux. C'est la botanique avec la nomenclature de
Linné et la classification de Jussieu qui ouvre la route :
puis viennent la physique, la chimie, la minéralogie, l'histoire
naturelle, la géologie. Des espèces innombrables d'insectes,
de plantes, de minéraux, de fossiles, sont découvertes et clas-
sées; il faut les dénommer : où trouver assez de noms, clairs,
précis, bien faits? Heureuses les sciences qui, comme la chimie,
s'enrichissent dès le début d'une nomenclature simple et
féconde; mais toutes n'ont pas le bonheur d'avoir à leur
berceau un Guyton de Morveau et un Lavoisier. Aussi chaque
savant se crée d'ordinaire sa terminologie qui varie avec
l'idée maîtresse qui le guide dans sa classification. Toutefois,
avec le progrès des sciences, l'ordre arrive à se faire au milieu
de ce chaos, quoique telle science, la minéralogie, par exem-
ple, de nos jours encore, offre le spectacle d'un désordre
absolu*. Le minéi'alogiste, avec des milliers de corps à dénom-
mer, n'ayant aucun principe scientifique de nomenclature,
prend occasion de toute circonstance : tantôt c'est le nom
du voyageur qui l'a découvert qui désignera le minéral.
Karsten nomme reussine un sulfate de soude et de magnésie
découvert par Reuss , Vernes appelle withérile le carbonate de
baryte trouvé par Wittering; tantôt le minéral fait la coui' à
quelque personnage plus ou moins fameux en son temps :
la zurlite doit éterniser le nom d'un certain Zurlo, ministre
plénipotentiaire; lajohannite, d'un archiduc Jean d'Autriche;
le prince Mislosch, et le ministre russe Cancrin, oubliés du
reste de l'univers, trouveront un souvenir dans la mémoire du
minéralogiste, grâce à la misloschine et la cancrinite. Mais
qu'avait besoin Herder de laisser donner son nom à la herdé-
rite? Des hommes, on passe aux héros anciens, aux demi-
dieux, aux dieux même. Klaproth consacre le titane aux
de Vilan, présente les mots grecs sous la forme française ; c'est déj^ notre no-
menclature moderne.
1. Pour les détails qui suivent, voy. Landrin, Dictionnaire de minéralogie, de
rhéologie et de métalluryie (Farii Didot, 18;)2, in-12); Préface.
— 233 —
Géants ; Rose, le niobeum à Niobé ; Breithaupt, deux miné-
raux trouvés ensemble dans une granité aux deux frères my-
thiques Castor et Pullux; Berzélius place la //ton7e sous l'invo-
cation du dieu Thor. La géographie n'est pas oubliée : le nom
dira la patrie. La bavalite vient de Bavalon (Côtes-du-Nord),
la wichl'me de Wichty (Finlande), la klllenite de KiUeney
(Irlande). Mais le nom moderne est trop banal : il ne donne
pas cette teinte de mystère qui ne déplaît pas à la science, ou,
pour être plus juste, aux savants : on fait appel à la géogra-
phie ancienne : de là la ligurite, trouvée dans les Apennins,
dans l'ancienne Ligurie ; la œuziranite trouvée dans une par-
tie de la chaîne pyrénéenne qui portait jadis le nom de Cou-
ziran. Souvent bien entendu, et c'est le cas le plus fréquent,
ces minéraux se trouvent dans plusieurs localités ; la labra-
dorite existe en Finlande, comme dans le Labrador; Vepso-
mite existe à Epsom, il est vrai, mais encore à Saint-Etienne,
dans le Tyrol, à Saltzburg, et ailleurs. Enfin des noms propres
on passe aux qualificatifs, et ici viennent à la rescousse le
latin et le grec, le grec surtout; le choix du qualificatif sera
d'ailleurs le plus bizarre qu'il se pourra et de nature à dé-
router le profane. Que peuvent bien avoir de spécifique des
noms de minéraux comme acerdèze « sans utilité », allo-
morphite « qui a une autre forme ", péristérite « presque so-
lide »? L'euxénite « l'hospitalière » est un tantalate d'yttria
uranifère qui admet volontiers, outre ses trois principes con-
stituants, une demi-douzaine de substances étrangères. « Le
nom de xénotime a été appliqué à un phosphate d'yttria
à qui on avait fait l'honneur de le prendre pour un autre^
pour un oxyde de thorium. » L'hydro-phosphate alumineux
de fer a reçu le nom de cacoxène « ou mauvais étranger »
parce qu'il renferme de l'acide phosphorique, qui j^eut nuire
à la qualité du fer que ce minerai fournit. Enfin un même
minéral reçoit souvent plusieurs noms , chaque savant lui
donnant le sien ; en revanche, plusieurs minéraux sont dé-
signés par un seul et même nom. Ainsi la ylairine porte
encore les noms de glairidine, daxine, ihermaline, sulfm'ose,
sulfurine, hydrose, etc. ; et la phillppite désigne du cuivre
panaché et un hydro-silicate d'alumine. C'est le triomphe de
l'anarchie.
La plupart des sciences présenteraient des faits analogues ;
bien plus, chaque ordre de sciences. En botanique, les noms
des classes, des familles et des genres, et les noms des parties
— 234 —
de la plante, dans l'ordre des phanérogames, sont à peu près
fixés : mais les noms des espèces et des individus sont encore
livrés à l'arbitraire. Quant aux cryptogames, la nomenclature
des parties de la plante et à plus forte raison celle des plantes
varient avec chaque auteur.
Cette incertitude de la terminologie vient augmenter dans
une singulière mesure le nombre des mots spéciaux. Ajoutez
que chaque science se subdivise en sous -sciences, en bran-
ches qui se développent, et poussent à leur tour des rejetons.
Des sciences nouvelles sont en même temps créées; notre
siècle a vu fonder la géologie, l'anthropologie, la philologie,
la sociologie, pour ne citer que les plus importantes ; et cha-
cune d'elles apporte ses termes techniques. Le mouvement
industriel suit le mouvement scientifique : les chemins de fer,
la télégraphie, la photographie, la galvanoplastie, ont besoin
de termes spéciaux. Ainsi grandit à l'infini cette nomencla-
ture spéciale qui vient s'ajouter à la langue commune.
Cette langue artificielle est prise d'un peu partout, comme
nous l'avons vu pour la minéralogie. Mais c'est le grec qui
a l'honneur de lui fournir les éléments les plus importants.
La richesse du grec, ses remarquables qualités„iie_préci-
^îjon et de netteté, son égale puissance de composition__£t_de^
dérivatif, le désignaient naturellement aux savants du siècle
derhîei'et de nos jours qui y puisaient et qûTy puisent tou-
jours à pleines mains.
Tantôt on prend simplement des mots grecs qu'on habille
à la française, tels sont par exemple ces termes de médecine
et de sciences naturelles * : agalactie, againc, angiologie, agérat,
ankyloglosse, ankylose, ancyroïde, anchilops, adiante, adyna-
mie, aéropliobie, azygos, athéromey égilops, étiier, hématite,
hématose, hém,orrhagie, étiologie, acalèphe, acarus (axapi), acé-
phale, acrism,ie, acrisie, açrochordon, achromion, alexétère,
alexipharmaque, allantoïde, aloès, haltères, alphos, alopécie,
amaurose, amblyopie, amiante, amnésie, am,nios, am,orphe,
amphibie, amphiblestroïde, anabrochismé, anadrome, anémie,
analeptique, analyse, anaplérose, aphonie, anaphrodisie, andro-
gyne, anévrysme, anthélix, anthère, anthrax, anthropophage,
anorexie, aorte, apozème, aponévrose, apoplexie, apospastique,
1. Nous suivons l'ordre alphabétique des mots grecs qu'il est inutile de repro-
duire, tant le français les calque fidèlement : nous ne prenons nos exemples que
dans la lettre A. .
• — 235 —
apostème, apophyse, aptère, apyrexie, arachnoïde, arthrile^
aristoloche, artère, aryténoïde, asthénie, asthme, ascaride, ascite,
asphalte, atocie, atonie, atrophie, aphérèse, aphthe, aphylle,
aphonie, achore, etc., etc.
Tantôt de radicaux grecs et même latins ou français on tire
des dérivés nouveaux à l'aide de suffixes grecs. Tantôt enfin
on combine des mots grecs, suivant les principes de la com-
position grecque.
II
Les principaux suffixes utilisés par la nomenclature scien-
tifique sont «e (la), ose (ojortç), ite (îtiç), ite (t'-niç).
le, qui se confond avec le suffixe latin ie (voy. plus haut,
p. 186), n'a pas de signification déterminée; il sert surtout à
former des dérivés de composés ( apétalie , etc. ). Il n'en est
pas de même des suivants, qui méritent de nous arrêter.
ose. Sur le modèle du grec atjxaTtoat; [hématose] àuaupwd'.ç
amaurose, apOpwtrtç [amphi-)arthrose, Y«^*>'-'w(Tt^ galactose, i'C/y-
(xwfftç enchymose, etc., le langage de la médecine crée des
dérivés tels que dermatose, gastrose, névrose, etc., dans
lesquels ose indique l'ensemble des affections qui peuvent
atTefndre la partie du corps indiquée par le radical. Dans chlo-
rosè~te suffixe change légèrement de signification : il indique
d'une manière générale une affection caractérisée par les
pâles couleurs.
ite, de Itu. Le point de départ est donné par des mots tels
que vecppîTic néphrite , àpOpîxtç artlirite , inflammation des
reins, des articulations. De là l'emploi de ite pour former,
avec les radicaux des noms latins ou grecs de quelque partie
du corps, des substantifs féminins qui désignent l'inflamma-
tion de ces parties : adénite, bronchite, colite, conjonctivite,
cystite, dermatite, diorite, dorchite, duodênite, élytrite^ entérite,
hépatite, iléite, laryngite, méningite, mésentérite, niélrite, pala-
tite, péritonite, pharyngite, etc. Ce suffixe est d'un emploi plus
étendu que ose, parce qu'il a une signification beaucoup plus
précise.
ite, de ivr\q, se trouve dans aiaa-riV/;; hématite, peXsuvinriç
héléinnite, [ioLloiyi-:rtÇ malachite, Tzjpîxr^i pyrite. he\&ng&ge de la
jTiinéralogie a formé sur l'analogie de ces types : ampélitê,
a7ithrdcîréjàzurite, chaldte, cimolite, crespite, cténite, draconite,
hélicite, hy alite, franklinile, fiilgurite, granité, graphite, hum-
holdtite, labradorite, lignite, mélanite, onychile, rhédonite.
— 236 —
sélénite, uranite, vauquelinite, etc., etc. Ici encore le radical est
indifféremment un mot grec, latin, français, un nom propre
de personne ou de lieu.
Ce suffixe sert à désigner des minéraux qui se rencontrent
souvent à l'état de cristaux; de là à l'utiliser pour désigner
des sels, il n'y a pas loin. Telle est, ce nous semble, l'origine
de l'affectation qui lui a été donnée dans la nomenclature
chimique.
Nous arrivons à cette nomenclature à laquelle les immenses
progrès accomplis durant notre siècle par la chimie donnent
une importance sans cesse grandissante.
En 1782, Guyton de Morveau publiait un Mémoire sur les
dénominations chimiques, la nécessité d'en perfectionner le
système et les règles jtour ■ y parvenir^. Après avoir montré les
abus de la nomenclature chimique telle qu'elle existait alors,
comment elle était fondée presque entièrement sur de fausses
analogies, comment des objets différents étaient souvent dési-
gnés par un seul et même nom, des corps simples par des
périphrases obscures et compliquées, il établit quatre prin-
cipes généraux qui conduisaient à cette conséquence de donner
à chaque corps un nom simple d'où se dérivât aisément un ad-
ieclif : quartz quartzeux, alumine alumineux, barote (aujourd'hui
baryte) barotyque, soude soudite, etc. L'idée émise par Guyton
de Morveau fit son chemin, et, le 18 avril 1787, Lavoisier lut
en séance publique à l'Académie des sciences un Mémoire sur
la nécessité de réformer et de perfectionner la nomenclature de
la chimie, mémoire pénétré des doctrines de Condillac sur
le caractère des langues bien faites; il y reprenait, en les déve-
loppant, les théories du jeune chimiste dijonnais. Quinze
jours après, le 2 mai, Guyton de Morveau lisait son mé-
moire sur les principes de la nomenclature; on y voyait
pour la première fois les noms depuis devenus si familiers,
d'oxygène et d'hydrogène et les règles de la nomenclature qui
établissait la signification et l'emploi des suffixes ite, ate;
eux, ique; ure"^. Un second mémoire de Fourcroy faisait l'ap-
plication de ces principes à la plupart des corps étudiés alors
1. Public dans le recueil des Observations et mémoires sur la physique, sur
Vhistoire naturelle, et sur les arts, t. XIX (année 1782), p. 370-382.
2. Ile est sans doute le ile de la minéralogie, avec changement de genre ; ate
est le latin atum : il était indiqué par muriale [muriatum sal); eux et ique
. sont les suflixes français. Nous ne voyons pas ce qui a pu déterminer l'emploi de
ure.
— 237 —
par la chimie*. L'Académie des sciences ne parut pas montrer
un vif enthousiasme pour cette nouveauté ; elle fit preuve du
moins d'une prudente réserve, et, par l'organe de sa commis-
sion, elle décida de rester neutre, attendant impartialement
pour donner sa sanction que l'usage eût décidé entre l'an-
cienne nomenclature et la nouvelle*. Elle put bientôt donner
son adhésion sans se compromettre ; car la nouvelle nomen-
clature triompha sans grande résistance. Les progrès de la
chimie la popularisèrent rapidement; aujourd'hui les suffixes
en ite et en ate ont pénétré dans la langue commune, sinon
dans la langue du peuple. Nos cuisinières transforment le
carbonate de soude en la carbonade^ ; quel sens en effet peu-
vent leur offrir ces grands mots pédants? Mais quand un
pamphlétaire, naguère fameux, analysant le second empire,
ne trouvait dans son creuset qu'«un verminate d'infamie et
un crapulate de despotisme, » il était sûr d'être compris de ses
lecteurs bourgeois.
La nomenclature nouvelle fit faire à la chimie des progrès
rapides; mais ces progrès mêmes la rendirent bientôt insuffi-
sante. Les deux séries de suffixes ique eux, ate ite, ne répon-
daient plus aux multiples combinaisons des acides et des sels;
de là l'emploi de particules augmentcitives et diminutives
hyper, per, hypo dont nous parlerons plus bas.
De nos jours la création de la chimie organique a amené la
création d'une nomenclature correspondante où paraissent de
nouveaux suffixes. Nous avons parlé déjà du suffixe ine ser-
vant à désigner certains principes essentiels de corps organi-
ques. Si l'on considère la série suivante : amylène, butylène^
caprilène, camphène, citrène, étkylène, pélrolène, propylène,
1 . Toutes les pièces relatives à l'histoire de la nomenclature furent publiées en
1787; sous le titre suivant : Méthode de numenclalure chimique proposée par
MM. de Morveau, Lavoisicr, Berthollet et Fourcroy. On y a joint un nouveau
système des caractères chimiques adaptés à cette nomenclature par MM, Has-
senfralz et Adct; Paris, 1787, sous le privilège de V Académie des sciences, in-8°,
312 pages.
2. Le rapport de la commission, en date du 13 juin 1787, est signé Baume,
Cadet, Darcet et Sage; il est certifié conforme, en date du 23 juin 1787, par le
marquis de Condorcet.
3. Il est curieux de voir comme la plupart des composés grecs, entrés dans la
langue populaire, se raccourcissent et se siinplilient; ils perdent, en général, leur
second élément: un arislo, un typo (typographe; cf. plus haut, p. 46), un topo
(dans l'armée, pour un topographe), un photo, un kilo (kilogramme dans le peu-
ple, litre dans l'armée), un clyso {clyso-pompe) (voir Dcscrip. des brev.,
IHkh ; 2'= série, t. IV. p. 14). Cf. p. 176.
— 238 —
^tijralène. twalène, etc., il faut reconnaître une formation
toute nouvelle de dérivés. Ces mots désignent des carbures
d'hydrogène, et vraisemblablement le suffixe ène n'est autre
chose que la finale de hydrogène. Il existe également des dé-
rivés en ose : cellulose, galactose, glycose, lévulose, mélitose, etc.
en ide : lactide, saccharide, glycéride,- uréide, etc. ; en ane :
glucosane, lévulosane, caramélane, etc. Mais la prudence nous
défend de nous aventurer sur un terrain qui n'est pas le nô-
tre : ces dérivations nouvelles d'ailleurs n'appartiennent plus
à la langue, ou du moins ne lui appartiennent pas encore.
C'est une langue de convention qui n'est pas encore fixée et
consacrée comme la première nomenclature chimique ; comme
tout ce qui est artificiel, elle échappe à la science.
III
La composition est une source inépuisable de formations
nouvelles. Certains mots servent de radicaux ou de premiers
éléments à des composés dont le second varie de diverses ma-
nières; ou. au contraire certains mots remplissent le rôle de
suffixes communs à divers radicaux.
Voici une liste qui, quelque longue qu'elle soit, ne donne
qu'une faible idée de la richesse infinie de cette composition.
Nous n'y réunissons — sauf erreur — que des mots créés au
plus tôt vers la fin du siècle dernier.
1. ANTHROPO-^rap/iie, -latrie, -lithe, -logie^, -morphe,
\UTO-biographie, -clave^, -clinique, -plastie.
BARO-logie, -scope, barymétrie.
Bio-graphie, -logie, -nomie.
CHROUO-Iithe, -lithographie, -phore; chromurgie.
CHBONO-mètre, -métrie, -métrique, -scope.
CHRYSO-carpe, -céphale, -chlore, -gastre, -logie, -mêle, -ptère,
chrys-ophthaltne.
cosMO-cratie, -nomie, -sophie, cosm-ofwma.
CRÉo (xpéa;) -génie, -graphie, -phage, -phagie, -phile, -soie.
CRYPTO-hrancJie , -carpe, -céphale, -cère, -game, -gastre,
"grarmne, -logique, -pode, -pore, -stémone; crypt-orchide.
1. Anthropologie, existait au dix-septième siècle, au sens de anlhrupomor-
phisme ; au sens actuel, il a été refait de nos jours.
2. (Marmite) autoclave, mot hybride qui date de 1820 (Descript. des brev.,
l''» série, t. XI, p. 127).
— 239 —
CYAHO-carpe, -céphale, -dermie, -gastre^ -gène, -ggne, -leuque,
-mêle, -mètre, -^athie, -phosphore, -pode, -plère, -^yge, cyan-
ophlhalme, -ure.
CYCLO-hr anche, -carpe, -céphale, -céplialie, -graplie, -lithe,
-morphe, -note, -phare, -phylle, -ptère, -sperme, -thèle, -zoaire.
CYST-algie, -hépatique, -odynie; CYSTi-pathie, -rrhagie, -rrhée,
-tomie; CYSTOcè/e*, -lithique, -plastie, -plégie, -ptôse, -spastique,
-stomie.
DACWï-oïde; DACRYO-ciste, -pée.
DACTYL-oïde ; dacty LO-g rajjhe [-ie, -ique], -lalie, -nomie, -ptère,
-thèque.
HASY-anlhe (Sâau;, garni de poils), -carpe, -caule, -céphale,
-gastre, -pe, -pleure, -stachyé, -stémone, -lire.
DERMA-^tère ; JiERUAT-algie, -odonte, -odynie, -oïde, -ophide;
DERMATO-branche, -gastre, -graphe [-ié], -logie, -lysie, -pathie,
-pathologie, -phile, -pnonte, -squelette, -tomie; DERMO-chelyde,
-phage, -ptère, -rrhynque.
DEUTERO (voy. proto).
ÉLECTRO-aimant, -chimique, -dyna/mique {-isme), -galvanique
{-isme), -gène, -genèse, -graphe, -logie, -lyse [-ser, -sable), -ly te
{-ique), -magnétique [-isme), -^nètre {-ie, -ique), -moteur, -Méga-
tif, -positif, -phore, -physiologique, -polaire, -puncture, -scope,
-statique, -thérapeutique, -thérapie, -type {-ie), -^ital {-isme).
ÉLYTR-oïrfe; ÉLYTRO-cè/e, -plastie, -qHose, -rrhagie, -rrhapie.
ENTOM-oide, -ostracé; ENXOMO-^ène, -graphe {-ie), -lithe, -logie^
{-iste), -phage (ou insectivore), -phile, -phore, -stome, -zoaire.
ÈR\o-calicé (éptov, toison), -carpe, -caule, -céphale, -mètre,
-pétale, -phore, -sperme, -stémone, -stome, -style.
ÉRYTHRO-cfl^rpe, -céphale, -cère, -dactyle, -derme, -gastre,
-lophe, -pe, -phylle, -ptère, -sperme, -stome, -thorax, -xyle^
GALACT'-agogue, -^urie; GALACio-cèle, -graphie, -logie, -mètre,
"péèse, -péétique, -phage, -^hore, -phlhisie, -posie, -rrhée,
-scope.
GASTÉRO-po^e, -ptérygien, -zodire.
GASTR-atgie, -odynie; GAStRO-adynamique, -bronchite, -cèle,
-colique, -colite, -conjonctivite, -duodénal, -duodénite, -en-
céphalite, -entérite, -épiploïque, -hépatique, -hépatite, -hys-
térotomie, -intestinal, -laryngite, -logie, -^malacie, -mêle, -^mé-^
1. Les composés en cyslo- sont incorrects, le mot grec étant x,U(iti; et non
2. Hounct n'a pas osé créer ce mol;
— 240 —
ningite, -métrite, -muqueuse, -necte, -nome (-îc*), -néphrite,
-péritonite, -pharyngite, -pylorique, -iThapie, -rrhée, -splénique,
-sténose, -thèque, -thoracique, -tome (-ie), -vasculaire.
GÈo-logie, -logue, -saure, gé-orama.
GLYCO-colle, -gène [-ie], -mètre; GhYCY-mètre, -rrhize {-zine).
HÈLïC-oïde; hélico -stègue, -trême.
uÈLio-chi'omie {-ique), -comète, -graphe [-ie], -mètre, -scopie,
-scopique, -stat {-ique), -tropie [-ique, -isme).
HELMiNTH-ow/e; HELMiNTH0-/?7/ie, -logie [-ique, -iste).
nÈM-agogue, -ophthalmie ; iiÈUA-statique.
HÉMAT-oïc/e, -omphale.
HÉMAT-ttrie, -idrose; HÈUATO-carpe, -cèle, -céphale, -graphe,
-logie [-ique], -phylle, -rrhachis, -zoaire.
uÈMO-phobie, -planie, -plastique, -rrhée, -rrhinie, -spasis, -stase.
uÊMi-carde, -carpe, -chorée, -crânie, -cylindrique, -dactyle,
-èdre [-ie, -ique), -encéphale, -garnie, -goriiaire, -mêle, -niéro-
ptère, -opie, -page, -palmé, -plégie, -pomatostome, -ptéronote,
-sphéroïde, -térie, -tome.
HYDR-ophthalmie; nYono-bie, -branche, -carbure, -cirsocèle,
-électrique, -mètre, -pathe, -phane, -phyte, -pote, -rachis, -rrhée,
-thérapie [-eutique), -thorax, -tomie.
iiYGRO-logie, -phobie, -scope [-ie, -ique).
HYMÉNO-carpe, -graphie, -lépidoptère, -logie, -phore, -phyllics,
-pode, -rrhize, -tomie.
iCHTHY-ot/on^e; iCHTHYO-co//e, -dorylithe, -graphe, -morphe,
-phage [-ie], -saure.
wÈo-génie, -gramtne, -graphie, -logue, -logie.
iDio-électrique, -gyne, -métallique, -morphe, -pathie, -syn-
crasie.
iniDO-cèle, -colobome, -dialyse, -ptôse, -scope, -tomie.
iso-bare, -trope, -therme.
hARYNG-algie ; LkïiY^GO-graphie , -scope [-ie), -stome, -tomie,
-typhus.
LiTH-oïde; LiTHO-carpe, -chromie [-ique, iste), -claste [-ie),
-dialyse, -glyphe [-ie, -ique), -labe, -lysic, -phanie, -phylle,
-sperme, -tritie, -triteur (mots hybrides), -typographie.
HAkCRO-céphale, -cère, -cerque, -chire, -dactyle, -glosse, -pétale,
-phylle, -pode, -^itère, -rrhize, -scélide; macroure.
1. Ce mot a été créé par Berchoux, l'auteur de la Gastronomie (1801). « On a
ressuscité du grec le mot de gastronome ; il a paru doux aux oreilles françaises. »
(Hrillat-Savarin, Physiol. du ijoûl, I, 136.)
— ikl —
MÈs-omphale ; uÈso-carpe, -colon, -crâne, -discal, -(jaatrc,
-lobe, -mérie, -phragme, -phryon, -phylle, -phyte, -recluin,
-^•rhynien, -sperme, -thorax, -zoïque.
Mou-odonte; uoNO-atomique , -base, -carpe, -céphale {-ien),
-cère {-os), -chire, -cline, -dactyle, -delphe, -dyname, -genèse,
-génisme, -génîste, -graphie, -gyne, -podie, -rime, -sperme,
'Style, -syllabisme, -théisme, -trème, -xyle.
MYTHO-graphe {-ie), -logie {-iste).
nto-catholique [-icisme], -chrétien, -christianisme, -grapltie,
-latin, -lithique (l'âge), -membrane, -plasme, -plastie, -zoïque.
THÈVR-agmie, -axe, -ilème; NÊVRO-graphie, -^athie, -sthénie,
-tome,
^os-encéphale; Noso-génie, -graphie {-ique).
NYCT-anthe, -éribies; N\CTO-bate, -graphe, -typhlose.
oDONT-algie, -orthosie; ODONTO-dermes, -génie, -gnathe, -gra-
phie, -lithe, -logiste, -style, -technie, -thèque.
OENO-métrie, -phile, -thère.
OPHi-odonte ; opmo-glosse, -graphie [-ique], -lithe {-ique),
-logie, -phage, -stome; opiiios-wre.
OPiniiALU-odynie ; opHTiiALUo-blénorrhée, -cèle, -copée, -gra-
phie, -lithe, -logie, -mètre, -rrhagie, -scope, -thèque, -tomie.
omiVïVLO-glosse, -lithe, -myze, -scopie, -trophie.
ORTa-odonte; omHO-basique, -cère, -dactyle, -dromie, -épie,
-gnathe, -lexie, -logie, -morphie, -pnoïque, -ptère, -rrhombique,
-rrhynque, -sperme, -trope.
ORYCTO-géologie, -gnosie, -graphie {-ie, -ique), -logique {-iste),
-technie,
osTÉo-gène, -graphe, -graphie, -logie, -lyse, -malade, -plasle,
-plastie, -porose, -sarcome, -sclérose, -stéatome, -tome {-ie, -iste),
-zoaire.
PXLÊONTO-graphie, -logie {-ique, -gue).
vwÂo-graphe {-ie), -thérien, -thérium, -zoïque, -zoologie.
vxN-iconographie (Boltin, 1875, p. 1052), -triteur (ou
broyeur universel, 1831, Descript. des brevets, 1" série, XXX,
326^, -germanisme, -sluvisme, -lexique (de Boiste).
PHiLO-come (huile, 1817, Descript. des brevets, t. IX, 337 ; Xill,
14), -7nathique, -technique.
PHLÉBO-yraphie, -lithe, -malade, -ptère, -rrhagie.
piiQT-opsie; piiOTO-chromatique {-ment), -électrique, -gène^
-graphe, -graphie, -graphiquement, -gravure, -sculpture, -niel-
lure, -lithographie, -logie, -mètre, -métrie, -phobe. -phobie,
-scopique, -sphère.
16
— 242 ■—
pOD-uphthahnah'e , -ure; PODO-branche , -carpe, -gyne,
-lachnite, -logie, -mètre, -phy lieux, -sperme.
poLY-atomique, -basique, -carpien, -céphale, -cholie, -chroïsme,
-cladie, -cotylaire, -dactyle, -dipsie, -galactie, -gamique, -gin-
glyme, -gnathien, -graphique, -lymphie, -mathique, -mélien,
-mère, -morphe, -morphisme, -orama, -pétalie, -phonie, -pore,
-rrhize, -sarcie, -scope, -stome, -style.
PRO TO-bromure, -carbure, -chlorure, -cyanure, -fluorure,
-iodure, -phosphure, -séléniure, -sulfure, -sel, protoxyde (de
même deutero-) ; proto -pathie, -phy te, -plasma.
PSEUB-encéphale, -épigraphique, -érythrine, -esthésie, -opsie,
-orexie; psY.\2D0-agate, -alcool, -améthyste, -asbeste, -basalte,
-béryl, -blipsie, -carpe, -chrysolithe, -cobalt, -continu, conti-
-nuité, -cristal, -émeraude, -grenat, -iris, -kinique, -malachite,
-martyr, -médecin, -membrane [-eux], -morphique {-isme,-ose,
-osé), -néphéline, -pérlptère, -plasme, -pleurésie, -révolution-
naire, -rubis, -saphir, -science, -scope, -sperme, -topaze,
-volcanique.
pYR-oïde; PYRO-électrique , -gène, -genèse, -nomie, -phagie,
-phosphate, -phyllite, -scaphe, -scope, -sphère -stat, -stéarine,
-xanthine, -xyle.
RniN-algie, -optie; Rumo-plastie, -rrhagie, ^rrhée, -thè-
que.
Rmi~anthe, -onychion; Rnizo-blaste, -carpe, -graphie, -lithe,
^phage, -phore, -pode, -tome.
swÈRO-graphie («riSyipo;, fer), -lithique, -technie.
TÈLÈ-gramme, -graphe [-ie, -ique) , -iconographie, -mètre {-ie,
-ique), -phonie.
THERMO-c/i^m^e, -chrose, -dyna/mique, -électrique {-icité),
-graphe, -magnétique, -mécanique, -neutralité, -pathologique,
-scope.
TRACUÈu-pode; TRACUÉLO-branche, -diaphragmatique, -dorsal;
TRACHÉo-cè^e, -sténose.
TYPO-chromie, -lithe, -lithographie, -phonie, •-tone.
zoo-bie, -biologie, -chimie, -glyphite, -magnétisme, -mor-
phisme, -nomie, -nosologie, -phage, -phurique, -phyte, -^phy tique,
-phyto graphie j -sperme, -spore, -taxie, -tomie.
2. ALGIE, cardi-algie, cephal-, dermat-, gastr-, lannjng-, névr-f
odont-, ophthatm-, rhî/n-.
BRANCHE, crypto-bfdnche, cyclo-, hydro-, podo-, trachélo-.
CARPE, chfyso-catpef crypto-, cgano-, cyèlo-, dctsy-, ério-.
— 243 —
érythro-, hémato-, hémi-, Iiymcno-, lillio-, tncso-, mono-, podo-
rhyzo-.
CÈLE, brancho-cèle, bubono-, crypto-, encéphalo-, gastro-,
hydro-, hystéro-, ischio-, liparo-, niéyulo-, ophthalmo-,
ostéo-, pneumalo-, sarco-, scroto-, spermato-, strato-,
varico-.
cÉPHALE, brachy-céphale, cyano-, cyclo-, dolicho-, hydro-^
macro-.
CRATiE, aristocratie^ démocratie, bureaucratie, pédantocratie,
voyoucratie (trivial).
GÈNE*, GENÈSE, chryso-gènc, cyano-, électro-génèse, entomo-,
glyco-, hystéro-, méta-génèse, mono-, noso-, odonto-, parlhéno-,
photo-gène, pyro-génèse.
GRAPHIE, GRAPHE, GRAPHIQUE, bibUo- , anthropo- , auto-,
catalo-, chalco-, crypto-, épi-, épistolo-, glosso-, hélio- ,
hématu-, holo-, hydro-, hyméno-, ichthyo-, mimo-, néo-,
orycto-, paléonto-, panto-, photo-, pneumato-, psycho- *, rhyzo-,
stégano-, tachy-, télé-, topo-, etc.
LATRE, LATRIE, hugo-lâtre^, anthropo-lâtric.
LOGUE, LOGiE, LOGIQUE, adéuo-logic, algo-, anthropo-, assyrio-,
baro-j bio-, citol-, cranio-, dactylo-, dermato-, égyplo-, éleclro-,
entomo-, eschato-, hyméno-, idéo-, méso- (Berlillon, Dict. des
se. médicales), morpho-, onomato-, ophio-, ophthalmo-, organo-,
orycto-, patho-, photo-, phono-, podo-, sépulcro- '', téléo-, toxico-,
typto-^.
MANIE, MANE, anglo-manic, danso-, décalco- (Bottin, 1875,
p. 913), mélo-, théâtro-, lypé-.
MÈTRE, -lE, -IQUE, acéti-mètrc (Littré, supplém.), actino -{id.),
1. Le premier composé en gène est oxygène, dû à Lavoisier; mot compose, dit-
il, « du grec ôÇu;, acide, et yeivoixai (sic), j'engendre. » On peut pardonner à La-
voisier d'avoir ignoré le grec, et d'avoir confondu yiy\o\i.an avec y^waM; il est
regrettable toutefois que oxygène ait amené à sa suite un nombre considérable de
mots en gène, où gène a la valeur d'un suffixe signifiant producteur. Il aurait
fallu -génète.
2. Psychographie, « écriture des esprits par la main du médium » {Répertoire
du spiritisme). Pneuniatographie, « écriture directe des esprits sans le secours de
la main du médium » {ibid,}.
3. « Les Janinphiles, les Janinlâtres ou les Janiciens ; car ces trois mots sont
d'une composition également régulière, allèrent se placer auprès des Balzaciens. »
(Th. Gautier, Les Jeune France, p. 520 de l'éd. de 1833). Réclamons en passant
contre cette dérivation, barbare, quoi qu'en dise Th. Gautier, des Janiciens ; il
fallait Janiniens.
4. Sépulcrologie française, titre d'une étude dé M. Caraven-Cachin sur des
sépultures gauloises, romaines, etc. Castres, Hue, 1873, in-8°.
h. Langage par coups frappés {Rép. du spirUisme), etc.
— 244 —
alcooli-j arco-métrie , atmido- [id.) , barathru- [id.), bathy-,
bio- [id.], calori-, crystallo-, cyclo-, ério-, galacto-, ophthaimn-,
planir-, photo-, podo-, radio-, stéréo-métrie, télé-mètre, déca-
mètre, hecto-, kilo-, myrior-,
MORPHE, -iSME, acténi-morphe, antropo-, idio-, poly-, zoo-.
NOME, NOMIE, bio-ïiomie, dactylo-, gastro-, métro-nome.
oïDE, alcaloïde-, cist-, coll-, dermat-, granit-, hélic-, métall-,
sipJi-, solén-.
ORAMA, panorama (inventé en 1799 ; Descript. des brev., t. III,
p. 44), géorama (inventé en 1822; ibid., XI, 145), diorama,
cosmorama* (1823; ibid., XVI, 201), hydrorama (1829; ibid.,
XXYII, 206), néorama, polyorama.
PATHiE, PATHiQUE, cyauo-pathie, idio-, anthropo-.
PÉDIE, PÉDIQUE, ortho-pédie, gymno-.
PHAGiE, PHAGE, hippo-phagic, ichthyo-, rhyzo-, zoo-.
PHANE, IWio-phane, chromo-duro-phane (Bottin, 1875, p. 880),
sapo-.
pniLE, ichthyo-phile (Brillât-Savarin, I, 41), dindono- [ibid.,
36), négro-, œno-, russo-.
PROBE, PHOBIE, anglo-p)hobe, franco-, prétro-phobe (Th. Gau-
tier, Daniel Jovard).
PLASTiE, PLASTIQUE, galvano-, rhyno-.
PLÉGiE, héini-plégie, para-.
PODE, a-pode, cyano-, céphalo-, crypto-, hémino-, macro-,
riiyria-, rhyzo-.
PTÈRE, chryso-ptère , aplo-, dactylo-, derma-, di-, érythro-,
hémi-, héminéro-, hexa-, lépido-, macro-, ortho-.
PTÉRYGIEN, acantho-ptérigien, gastéro-, malaco-.
RRiiÉE et RRHAGiE, blcnno-rrhée, -rrhagie, cisti-rrhée, galacto-,
hépati-, logo- (Boiste), otor-, spermato-.
SAURE, ichtJbyo-saure, plésiau-.
scoPE, scopiE, anémo-scope, baro-, ébullio- (mol hybride)
(Bottin, 1875, p. 951), électro-, endo-, hélio-scopie, hygro-scope,
1. Vois 18'2'2-23, les panoramas, les dioranias, les géoramas faisaient fureur :
la terminaison orama devint une sorte de suffixe qui, flans l'argot parisien d'alors,
s'ajoutait à tous les mots. Balzac nous a conserve un souvenir de cette mode dans
son P(''re Goriot. Il nous fait assister à la conversation des pensionnaires de ma-
dame Vau(|uer : « Hé bien! monsieurre Poiret, dit l'employé du Muséum, com-
ment va (;ette santérama?... — Il fait un froitorama, dit M. Vautrin.... — Il-
lustre monsieur Vautrin, dit Bianchon, pourquoi dites-vous froilorama; il y a une
faute. c'oM froidorama.... — lia! lia! voici une fameuse soupeaurama.... » (l. I,
p. 137 et suiv. de l'édition princeps de 1835).
#
— 245 —
iriiio-, kali'ido- [Descrip. des brev., 1818; t. X, p. 218), laryngo-,
ophthalnio-, poly-, pyro-, thermo-, stéréo-.
THÉRIUM, dino-théi'ium , mega-y méso-, paléo-.
TOMiE, andro-lomie, artério-, cardio-, cysti-, dermato-, enléro-,
gastro-, glosso-, hydro-, hystéro-, irido-, laryngo-, néphro-,
parthé-,
URiE, albumin-urie, chyl-, iscli-, py-, strang-,
A ces listes ajoutons les mots composés à l'aide de parti-
cules; celles-ci sont nombreuses :
o privatif, «n-cpî, «vâ^ àvti', âp/î, Siol, St'ç, Sûç, eîç (s;), è$ (ex), IvSov,
Hm, ini, xarâ, (Aetot, ita^iv, ira pot , Trepî, irpô , Trpôç, auv, Sirep, oito.
Chacune d'elles apporte son contingent de composés. Quel-
ques-unes ont pénétré dans la langue commune, «vTt, anti,
à^lj, archi; Va privatif commence à y entrera
anti forme, avec des mots français, de nombreux compo-
sés. Tantôt il joue le rôle d'adverbe : « Il consent à la de-
mande de son anti-partenaire. » (Brillât-Savarin, Physiol. du
goiU, 1, 25). « Par-dessus tout cela, il a l'art épouvantable de
faire par la magie une anti-nature qui trompe, des êtres
éphémères, charmants, terribles à volonté. » iMichelet, Bible
de rHuman., p. 74). Tantôt il joue le rôle de préposition;
dans ce dernier cas, il régit des substantifs : « Dentifrice anti-
carie. » (Catalogue de la maison Pivert). « Chaussure dite anti-
crolte. » (1823; Brevets, t. XYI, p. 309; au tome XXIV, p. 289,
on in OMS Q par acrotte (1827), qui est préférable). « Chapeaux
en bois et en soie, dits anti-feutres. » (1824, t. XXVIII, p. 100).
Le plus souvent il se combine avec des adjectifs pour former
des parasynthétiques.
anti-divin ^ Réville , Revue des Deux Mondes; Scholle,
Programme, p. 13).
anti-gluant : « Composition dite anti-gluante, propre à
1. Voy. notre Traité de la formation des inuls composés en français, p. 224-
229. Aux exemples cités ajoutez, pour à privatif, anarien (lanfîues anariennes),
aneslhésie. nnurie, apélaUe, apode, atliennane, atone. Remplacez l'étjmologie
de anéroïde par la suivante: à elvripo:, humide; voj. Litlré, Supplétn., subvoce.
Pour àîto, ajoutez apophonie, terme de grammaire, qui traduit l'allemand ablaut.
A ïtapà ajoutez paramagnétisme, -ique, où })ara signifie parallèle. A ttept ajou-
te/, périspril, mot hybride qui, dans les rêveries des spiriles, désigne « l'enveloppe
matérielle de l'esprit. " {Réperl. du spirit.). Jltjper et surtout /ti//>o ont reçu en
chimie un emploi spécial : hyper est souvent remplacé par per : peroxyde de
manganèse, perchlorure (et aussi hyper chlorure), etc.
— 246 —
graisser les roues des métiers, des machines, etc. » (1832,
Descrîpt. des brev., XXXIII, p. 251.)
anti-goutteux, anti-humain (Schérer, dans Scholle, ibid.,
p. 13) ; anti-méphitique : « vinaigre anti-inéphitique de BuUy. «
(1809, Descript. des brev., t. V, p. 97) ; anti-obésique : « ceinture
anti-obésique » (Brillât-Savarin, Physiol. du goût, I, 40); anti-
naturel : « goût excessif, baroque, anti-naturel, presque tou-
jours contraire au beau classique. » (Th. Gautier, Étude sur
Baudelaire) ; anti-parlementaire, anti-patriote.
anti-rationnel : v Peut-être à la folie faudrait-il un traite-
ment anti-rationnel. » (G. Sand, Un dernier amour, III.)
anti-républicain, anti-scientifique (Claude Bernard, dans
Scholle, Progr., p. 13); anti-systématique [id., ibid.).
anti-social : « l'œuvre est immorale, anti-sociale au possi-
ble. « (Veuillot, Odeurs de Paris, III, 2.)
antidraonatique, antiévangélique.
Archi a pénétré dans la langue commune. Il s'emploie
avec des adjectifs. « Je ne sais quoi d'antique et à'archi-grec
(A. de Musset, 4« lettre de Dupuis et Cotonnet). « Il passe pour
un critique archi-compétent, infaillible. » (J. Vallès, la Rue,
Courbet). « Ils sont crétins, archi-crétins. » (L. Desnoyers, les
Béotiens de Paris). « Là dedans vivait une vieille femme archi-
vieille, prétentieuse et malpropre. » (Daudet, Jack, III, § 7).
« Elle proclamait une triste vérité. — Et morale? — Archi-
morale. » (Balzac, la Maison Nucingen). — On l'emploie
même avec des participes : « Je suis décidé et archi-décidé à
trouver bon le parti que tu prendras. « (G. Sand, dans Scholle,
Programme, p. 13.) « C'est qu'elle {la route) nous est archi et
super -connwe. » (Tôpfer, Voyages en zigzag, II, 1''' journée.)
IV
Les exemples qui précèdent montrjent comment se forme et
grandit sans fin cette masse de mots étrangers qui composent
le vocabulaire scientifique. Ils montrent aussi que ces mots
ne restent pas confinés dans le domaine restreint de la science ,
mais envahissent de tous côtés la langue commune, la pénè-
trent, et menacent de la désorganiser. L'extension, le pro-
grès des sciences, la vulgarisation, pour employer le terme
consacré, l'action incessante de la presse, le développement
de l'industrie, répandent dans l'usage général de ces termes
qui n'auraient pas dû sortir du laboratoire du chimiste, ni du
— 247 —
cabinet des philosophes. Ouvrez à certaines pages le diction-
naire de M. Littré, vous trouverez des séries de colonnes de
mots grecs que l'auteur a crus assez autorisés par l'usage
pour leur donner droit de cité dans son trésor de la langue
française. Or, ce n'est pas impunément que ces termes, formés
en vertu de lois inconnues à notre idiome, s'installent au
milieu des termes français : c'est une plantation exotique qui
vient se greffer sur les végétations indigènes, s'y développer,
et peut-être les étouffer. Nous avons vu que des suffixes, des
particules grecques sont devenues usuelles : ose, ite, archi,
anti; bientôt hypo et hyper jouiront des mômes avantages.
Pseudo, graphie, phile, logie, métrie, nomie, néu, Mo, auto,
gène, et bien d'autres, sont devenus des mots de la langue, et
il n'est petit négociant, il n'est petit fabricant qui ne combine
ces éléments de quelque façon originale qui brave audacieu-
sement et les lois du grec et celles du français. Un prospectus
et la quatrième page des journaux vantaient récemment les
qualités d'un certain appareil néogène : l'inventeur voulait
sans doute dire : d'un genre nouveau !
Plus d'un savant s'est récrié déjà contre l'abus de l'imi-
tation grecque. Le docteur Néophobus surtout s'est livré à
une guerre acharnée contre cette création de vocables chers à
Philaminthe^ Il a dénoncé ces formations hybrides, barbares,
qu'on rencontre dans plus d'un de nos composés modernes :
telle est la nomenclature de notre système métrique qui défie
toutes les lois de l'analogie et du bon sens : un kilomètre est-
ce dix mille mètres? non : avec la meilleure volonté du
monde, ce ne peut être que la mesure d'un âne (xiXXoç, bourrique).
Corrigeons-nous khilomètre, la mesure d'un âne deviendra
une mesure de fourrage, de foin (x'^oç, fourrage); nous n'en
serons guère plus avancés. M. Egger a lu dans une séance de
l'Académie des sciences* d'excellentes observations sur la
nécessité d'apporter plus de mesure, de prudence et de ré-
serve dans la formation des mots grecs, et il nous apprend
cette particularité curieuse et vraiment typique que les Hel-
lènes nous ont emprunté notre système métrique, mais non
1. Voyez entre autres la Diatribe du docteur Néophobus (Ch. Nodier) sur la fa-
brication des mots {Revue de Paris, 1841, n° 12; Bullelin du Bibliophile, 1840-
1841, p. 897-911); la lettre de Nodier (1837) aux éditeurs du dictionnaire de Gattel
(en tète de l'édition de 18ô4). — Cf. les observations de M. F. Wey sur notre sys-
tème métrique dans ses Remarques sur la langue française.
2. Comptes rendus de l'Académie des sciences, année 1873,
— 248 —
la nomenclature de ce système: ils ne la comprendraient pas!
Mais les formations incorrectes, les compositions hybrides*
ne sont qu'un demi-mal auquel seuls les savants sont sensi-
bles. Qu'importe, après tout, que gène ait reçu la consécration
de l'usage au lieu de génète, une fois qu'on y attache une si-
gnification et un emploi déterminés. Ce qui est plus grave,
c'est que les formations purement grecques pénètrent à ce
point dans la langue qu'elles deviennent organiques. L'usage
est plus terrible que l'abus, car il fait loi. La plupart des élé-
ments composants que nous venons de citer sont devenus fran-
çais et se combinent avec des mots français : néo-chrétien^
pseudo-grec, bureaucratie, braillarclocratie, voyoucratie, prus-
sophile, turcophile, anglophobe, décalcomanie, potichomanie,
dansomanie, soulo graphie"^, etc. Photographie amène photo-
sculpture, photogravure, photoniellure , photoglyptique. Bien
plus, on transporte la composition grecque en latin : aéronef,
aéromotion^, citolégie'', crino-gaze^, vélovoile^, ogivo-cylin-
drique, cérébro-spinal, cervico-scapulaire, costo-pubien , fibro-
cellulaire, génito-urinaire, lacto-pr oléine, lulo-gallique, muco-
pus, mucoso-sucré, oculo-palpébral, pubio-caverneux, séro—
1. On en aura rencontré plus d'une dans les listes précédentes : voir spécialement
dans les composés avec graphie, logue, logie, mètre, métrie, manie. — tJn des
mots hybrides les plus bizarrement formés est phalanstère, créé par Fourier:
phalanstère est phalan-ge , affublé de la terminaison de « monastère » : ainsi
le phalanstère est le monastère de la phalange. Le phalanstère a amené le fami-
listère, ou le monastère de la famille (cité ouvrière fondée par M. Godin-Lemaire,
à Guise, prés de Saint-Quentin, d'après les principes de Fourier.) Cette bizarre
formation^ qui consiste à accoupler des membres de mots entre eux, est assez
goûtée de nos chimistes, qui ont ainsi inventé le phèn-ol (acide phémqym, alcoo/),
le chloroforma (acide c/iiorique et acide /brmique) ; le chloral (chlore et al-
cool), etc. A l'époque, qui n'est pas déjà si loin de nous, où florissait la théoso-
phomanie, on vit de la combinaison de mater elpater sortir le mystérieux mapa,
chef d'une religion nouvelle fondée sur le principe de la famille.
2. Braillardocratie , nom appliqué par certains journalistes aux décembrail-
lards (voir plus haut, p. 90) ; soulographie, terme populaire : « Cuvant sa sou-
lographie sur deux bons matelas. » (E. Zola, V Assommoir p. 189.) « Une nuit,
rentré ivre, il a roulé dans les escaliers. Le propriétaire m'a ordonné de le ren-
voyer à cause de sa soulographie. » ( Déposition de madame Copeau, concierge ;
affaire Billoir, audience du 14 mars 1877.)
3. Aéroscaphe peut être considéré comme régulièrement formé de deux mots
grecs.
4. Qui croirait que ce mot, barbare s'il en fut, est le nom d'une méthode pour
apprendre rapidement à lire? Il date de 1828 [Descrip. des brev., XXXIX, p. 443),
et il est d'un certain usage.
5. « Étoffe de crin que l'inventeur nomme crino-gaze. » {ibid., 1840; 1" série,
LVI, 127).
6. « Moyen mécanique dit vélovoile, agissant à la manière de voiles placées en
ailes de moulin à vent sur un axe horizontal » {ibid., 1819; XIX, 114).
— 249 —
sanguin, tibio-tnrfiien^, etc. Dans les composés de ce genre, la
voyelle de liaison du premier terme est un o comme en grec^.
De là les composés tels que Anglo- français, Franco-allemand,
PrusHo-slave, etc. C'est ainsi que nous arrivons à parler grec
en français*.
1 . Je trouve dans la Description des brevets des composés tels que : écriture
arcanopapyvographique (l" série, t. LXIX, p. 468), pulisso-séri-tisseur (2" sé-
rie, XI, p. 201). Le chromo-duro-phane s'étale en grandes lettres sur tous les
murs de Paris.
2. Pourquoi les composés grecs (et par suite français) de xâXXo;, beauté, ont-ils
en général la voyelle de liaison i: xa).>.tYpâopoç, xa)vXiitatc, etc.?
.J. Récemment on a créé le mot vélo-sport, c'est-à-dire sport des vélocipèdes
vélncipédo-sporl était trop long, on a bravement supprimé les éléments signifi-
catifs du premier terme composant ; on s'est arrêté à vélo, parce qu'il finit par
un 0 qu'on a utilisé comme voyelle de liaison.
TROISIEME PARTIE.
EMPRUNTS AUX LANGUES MODERNES
CHAPITRE XVI ET DERNIER.
Des langues cultivées ne peuvent vivre les unes à côté des
autres sans se faire de mutuels emprunts. Les rapports paci-
fiques entre peuples civilisés ne consistent pas seulement en
échange d'idées et de produits : il y a aussi une importa-
tion et une exportation des mots, lesquelles ont cet avantage
sur les autres, de ne pas appauvrir la nation qui donne. Le
développement du commerce et de l'industrie a ainsi fait
passer de peuple à peuple, avec mille objets nouveaux, avec
mille idées nouvelles, les termes qui les désignent; et ceux-
ci, franchissant les barrières, méprisant les douanes, viennent
s'établir et s'acclimater, qui en France, qui en Angleterre,
qui en Allemagne, qui en Italie, en Espagne ; quelques-uns
partout à la fois. Il est de ces mots cosmopolites qui s'in-
stallent chez tous les peuples et ont le don de l'ubiquité. "^^
Il y aurait un curieux livre à écrire sur ces emprunts. Der-
rière l'histoire des mots se cache celle des idées, et le tableau
de ces pérégrinations serait en fait le tableau du mouvement
commercial, industriel, intellectuel, philosophique du monde
civilisé. Sans embrasser un aussi vaste sujet, on pourrait se
borner à une étude plus spéciale, l'histoire des mots français
à l'étranger, par exemple ; étude intéressante aussi , car c'est
l'étude de l'influence que la France a exercée ou exerce encore
sur le reste du monde.
Nous n'avons pas à examiner ici ce que notre langue a
donné de nos jours aux autres idiomes, mais ce qu'elle en a
reçu. Ces emprunts constituent un enrichissement du lexique
— 252 —
qui ne laisse pas que d'être assez considérable. On n'y peut
voir toutefois un procédé normal et organique de formation
de mots , puisqu'ils ne sont pas plus propres au français
qu'aux autres idiomes.
Le français a subi plusieurs fois l'action des langues étran-
gères. Dès l'origine, il reçut une forte empreinte germanique
qui laissa dans son vocabulaire plusieurs centaines de mots
allemands. Au seizième siècle et dans la première moitié du
dix-septième, il fut envahi par l'italien et l'espagnol. A la cour
de Catherine de Médicis, les seigneurs parlaient un jargon où
le français et l'italien se mêlaient en égales proportions. Des
écrivains patriotes, Henri Estienne entre autres, poussèrent un
cri d'alarme. Mais il n'y avait pas à s'effrayer de cette invasion
qui ne pouvait porter à la langue aucune atteinte" sérieuse, Si
l'invasion des idiomes germaniques^ se poursuivant sans re-
lâche pendant près de cinq siècles, fut impuissante à^ déformer
le français à sa naissance, quel danger pouvait faire courir
l'importation d'une centaine de mots italiens et espagnols,
alors que la langue s'épanouissait dans sa robuste virilité.
D'ailleurs, ces mots importés n'ont pas tous été reçus, et le
petit nombre d'élus est allé se fondre et se perdre dans le reste
de la langue qui Ta absorbé. La plupart de ces mots, d'ori-
gine étrangère, quand ils vivent dans la langue, sont si bien
assimilés aux termes indigènes, qu'ils ne sontreconnaissables
qu'aux regards de la critique rigoureuse et scientifique.
De nos jours, presque tous les emprunts de notre langue
sont faits à l'anglais; c'est l'Angleterre qui nous envoie ses
inventions, ses produits, ses modes, ses goûts, sa /as/uo^i. kux
ïittes implacables du premier empire ont succédé des rela-
tions amicales, chaque jour plus étroites. Londres et Paris se
donnent la main à travers la Manche ; échange de bons
termes, et échange de termes où la France, croyons-nous,
reçoit beaucoup plus qu'elle ne donne. Il est vrai que, dans
les siècles antérieurs, sans remonter jusqu'à la conquête nor-
mande, le français avait fourni une quantité considérable de
mots à l'anglais. Quelques mots français même, ayant jadis
passé le détroit, nous reviennent aujourd'hui sous une forme
qui les rend presque méconnaissables. Tunnel, budget, bill,
reporter, square, mess, etc., sont autant de mots originaire-
ment français : lonnel, bougette (petite bourse), bulle, rappor-
teur, carré, mets, etc. Mais, en changeant de forme, ils chan-
gent aussi de signification ; ils s'approprient à des fonctions
— 253 —
nouvelles, et comme ce sont celles-ci qu'il s'a^nt précisément
de dénommer, rien de plus juste que de prendre avec la chose
le nom sous la forme anglaise; square, bill, tunnel, etc.,
disent autre chose que carré, bulle, tonneau, etc. *.
Dans les mots que nous apporte l'Angleterre, on retrouve
les divers éléments de la vie anglaise : ce sont des termes de
commerce, de sport, d'industrie ; c'est le langage de la fashion ;
quelques-uns de ces mots n'ont qu'une vie éphémère comme
la modo qui leur a donné naissance ; d'autres, exprimant des
faits plus durables, sont appelés à vivre :
actuaire^, mot entré depuis quelques années dans la lan-
gue; il désigne le mathématicien chargé de contrôler, d'après
le calcul des probabilités, les bases des contrats viagers ou
d'assurances. C'est l'anglais actuary, directeur de compagnie,
et spécialement d'une compagnie d'assurance, mot qui lui-
même vient du bas-latin actuarnis (greffier) '.
baby, pluriel (français) babys ou (anglais babies) : « Les
babies britanniques ont des teintes de crème et de fraise. »
(Th. Gautier, Les Beaux-Arts en Europe, I, v, 14)*.
banknote : « Billet de banque ayant cours en Angleterre. »
(Littré.)
bar : « Il n'y a pas (à New- York) des cafés comme en
France; mais les bars, les buvettes sont partout. » (Simonin,
Rev. des Deux Mondes, f'janv. 1875; N. and. Q., 1876, p. 23.)
bifteck : « Tranche de bœuf grillé ». Le mot anglais est
beefsteak, prononcé bifstek : Vs a disparu dans la prononciation
1 . Ce qu'on i)ourrail peut-être regretter, c'est la perte des mots français dé-
signant exactement la môme chose que les mots anglais qui les remi)lacent. La
voiture qui suit la locomotive et est chargée des approvisionnements de charbon
et deau a reçu, dans les premiers temps, le nom d'allégé, qui était excellent ;
il a disparu devant tender; le Nouvelliste de Montesquieu est mort, le reporter
la tué. — Voyez cependant, plus haut, p. 32.
2. Dans cette liste, nous ajoutons quehjues mots américains.
3. Voyez, sur ce mot, la note de M. H. Gaidoz, Bulletin de la Société de lin-
guistique de Paris, 187.'), p. xlvij.
4. exemple pris du journal Notes and Queries, janvier 1876, p. 23. Ce journal
contient (n" 106, 109, 111, 113 et HT), janvier-mars 1876) une série de mots an-
glais relevés dans des auteurs français, et qui manquent au Dictionnaire de Littré.
A peine doux ou trois de ces mots sont entrés ou entrent dans la langue; les au-
tres mots cités étant anglais n'ont aucun droit à être enregistrés dans un diction-
naire. Peut-on reprocher à M. Littré de n'avoir pas inscrit le mot joint- f'amilxj,
•parce qu'il se trouve dans la phrase suivante : « L'Inde, encore aujourd'hui, nous
offre dans la famille associée, joùti familif, comme disent les Anglais, l'image
exacte du sept celtique de l'Irlande ancienne. » (E. de LaVeleye, Revue des Deux
Mondes, 15 avril IST."), p. 792.)
— 254 —
commune; certaines personnes, dans le peuplej prononcent
bistek; c'est 1'/" qu'elles ont laissé tomber. Cf. horse-steak.
blackbouler, de l'anglais blackball ; ce mot vient du Jockey-
club.
book : « Terme de turf. Livre sur lequel les parieurs in-
scrivent leurs paris. » (Littré, supplém.).
bowl et bol : « Un ample bowl de punch vint nous aider
à finir la soirée. » (Brillât-Savarin, Physiologie du goût, \, 38.)
On écrit maintenant bol.
box : « stalle d'écurie ou compartiment de wagon pour
un cheval seul.» (Littré, supplém.).
boxer, de l'anglais to box : de là boxe, boxeur; cf. plus
haut, p. 51 et 103.
break : a voiture ayant un siège sur le devant et deux
autres derrière, dans le sens de la longueur, se faisant face. »
(Littré, supplém.).
break fast :
Les cloches ont sonné le breakfast dans la plaine.
(E. d'riervilly, à la Louisiane.)
budget :
Là {au Corps législatif), pour le mot budget importé d'Angleterre ,
J'ai vu gronder trente ans une effroyable guerre.
( Viennet, Epître à Boileau. )
bulldog est parfois écrit pour bouledogue [Notes and Que-
ries, janvier 1876, p. 24). De même bull-terrier. «J'ai rapporté
de Londres un bull-terrier avec lequel j'ai organisé des com-
bats de rats. » (H. Malot, l'Auberge du monde, I, 186.)
canter, terme du turf.
carrick : « H adoptait l'hiver le carrick noisette à trois
collets. » (Balzac, les Employés, éd. de 1856, p. 259.)
caviar. Ce mot ainsi que punch a été importé dans le pre-
mier quart de ce siècle; voir Brillât-Savarin, Physiologie du
goût, I, 135;
châle. Le mot est d'origine arabe ; mais il nous est venu
par l'anglais, comme en témoigne l'orthographe première du
tilot : shall (anglais shawl).
chèque, clergymari, clown.
club : « Clubs, associations qu'a fait écldre la notivèilô
constitution, qiii ne veiit pas d'associations. » (Nouveau dic-
tionnaire pour servir à l'intelligence des termes mis en vogue par
— 255 —
la Révolution, dédié aux amis de la Religion, du Roi cl du sens
commun, 1792.) Cf. plus haut, p. 25, note 1.
coaltar^ goudron de houille; on prononce généralement
co-altai\ à tort.
co/ciiej/ (anglais cockney) :
... Ce cokney d'Eglinton et d'Epsom ,
Qui, la main sur son cœur, dit: « Je mens, ergo sum. »
(V. Hugo, Châtiments, vi, 5.)
coke, cold-cream.
comfort, comfortable. On écrit aussi, avec une orthographe
plus française, confort, confortable. Ces mots anglais sont d'o-
rigine française.
convict :
Le juge, au lieu d'arrêts, prononce ses verdicts,
Les bandits condamnés deviennent des convicts.
(Viennet, Epître à Boileau.)
cottage :
Devant le frais cottage au gracieux perron.
(Fr. Coppée^ Jeunes filles, I, V Amazone.)
dandy, debater, détective, derby, dock, (voir plus haut, p. 32), \J
(/ram (d'où drainer, drainage), drawback.
drop : « Machine employée pour le chargement des navires,
dans laquelle l'action de la pesanteur sur un wagon chargé
est utiliséepour le remonter lorsqu'il est vide. »(Littré,su7)j)k%i.).
express, farwest, fashion, fashionable, fellow^
flirter, flirtation : « La flirtation devient entre les mains
de cette fille avisée un puissant auxiliaire de la politique. »
(Th. Bentzon, Revue des Deux Mondes, 15 mars 1875, p. 65.
N. and. Q.). — « Les plus avenantes, les seules promenades sou-
vent des grandes villes (en Syrie] sont leurs champs des morts.
On y cause, on y mange, on y fume, on y flirte. » (E. de Yogiié,
ibid. 1" février 1875, p. 557; N. and. Q.).
gentleman : « En sa qualité de \}Q.TÎii\i gentleman. » (Th. Gau-
tier, Étude sur Baudelaire) , Notre époque de démocratie ne
pouvait conserver le mot gentilhomme ; pour exprimer l'idée
qu'il renferme, on a été chercher au delà de la Manche la tra-
duction anglaise de ce mot.
gentry, gentleman-rider (voir p. 32).
gin,
Fils du genièvre et frère de la bière,
Bacchus du Nord, obscur empoisonneur,
Écoute, ô Gin, un hymne en ton honneur.
(Barbier, ïambes et Poëmes , le Gin.)
— 256 —
grog, groom, :
Et gros comme le poing, au milieu de l'allée,
De sable roux semé de tout petits galets,
Le groom attend et tient les deux chevaux anglais.
(Fr. Coppée, Jeunes filles^ 1, V Amazone.)
gutla et gutta-percha, handicap (voir plus haut, p. 32),
high-life :
Rivière du high-life, à travers un gazon
Ratissé sans relâche, eau flegmatique et noire.
Coule à présent la source....
(E. d'Hervilly, The Park.)
hisser (anglais to hiss, siffler) : « Pardon, voisine, pardon :
certainement ce n'est pas pour vous que je me serais permis
de /lisser comme cela; c'est à mes deux amis que je m'adres-
sais » (P. de Kock, la De7noiselle du cinquième, dans N. and. Q.).
Jiome : « Nous avons préféré le home de notre campement
à l'hospitalité peu séduisante que le Lazaret (d'Hébron) offre
d'ordinaire aux voyageurs. » (Vogué, Rev. des Deux Mondes,
1875, t. I, p. 556.)
horse-steak : « Dès l'an de grâce 1857, je disais... le horse-
steakesi imminent. Le horse-steak esi aujourd'hui devenu une
réalité; le horse-steak est fait. » (Roqueplan, Parisine, p. 274.)
hunter, t. de chasse.
husting : « Les hustings sont des échafauds du haut des-
quels les candidats à la députation parlent aux électeurs. »
(Barbier, ïambes et poésies, les Hustings.)
inexpressihle, jockey, jockey-club, keepsake, leader, lloyd
(anglais Lloyd], mac-farlane.
milord (de my lord] et lord : » Nous disons un mylord,
c'est comme qui dirait un monseigneur; car les Anglais disent
a lord, un lord. Il n'est rien de pis, si ce n'est de dire comme
les journaux : un mylord anglais, sans doute afin de le distin-
guer d'un mylord turc. » (Fr. Wey, Remarques sur la langue
française, II, 63.)
lumps : « Pains de sucre d'une qualité inférieure. » (Littré.)
lunch, d'où luncher: « Il faut au sortir du stade (d'Éphèse),
remonter dans l'odieux wagon après avoir lunché avec du
pale-ale chez un juif anglais. » (Vogué, Rev. des Deux Mondes,
1875, t. I, p. 332.)
match, mess des officiers; miss, mistress,
Rallumer le flambeau du bonheur domestique
Et changer en mistress quelque timide miss.
(Ph. Boyer, Lassitude.)
— 257 —
pale-ale (voir à lunch), pick-pocket.
policeman : « Les émeraudes jouissaient d'une réputation
européenne depuis l'exposition de Londres, où Webster et
Samson les avaient étalées dans une vitrine à part, entre
deux policemen. ->■> (E. About, VInfâme, L)
pa(f (voir Fr. Sarcey, Le Mot et la Chose, Réclame et PulT),
punch. (Voir plus haut à 6ou>^ et à cauiar). Le mot est d'ori-
gine indienne : c'est une corruption du sanscrit panfc/ta, cinq :
cette boisson est formée de cinq ingrédients.
railway, rail :
On n'entend que des mots à déchirer le fer,
Le railway, le tunnel, le ballast, le tender,
Express, trucks et wagons.,..
(Viennet, Epître à Boileau.)
reporter et reportage, revolver, rifle, rout, sandwich,
scalpe, peau du crâne enlevée avec la chevelure sur la tète
de l'ennemi abattu ; de là scalper : l'anglais scalp signitic
peau du crâne.
self-government,
shelling (anglais shilling],
(Il faut) Vendre pour dix shellings nos lèvres et notre âme.
(Barbier, ïambes et Poèmes, le Minotaure.)
sherry,
Fi du porto, du sherry, du madère !
(Barbier, Ïambes et Poèmes, le Gin.)
skating-rink, d'où sont sortis le skating-concert, le skating-
palais, le skating-bal.
snob, snobhisme ou snobisme, de snob, snobbism, mots mis
en vogue par l'auteur du Livre des snobs, Thackeray.
speech : « Ce n'est pas tout, il a dit, car vous savez qu'en
mourant, tous les hommes célèbres font un dernier speech
(mot anglais qui signifie tartine parlementaire), il a dit :...»
(Balzac, les Employés).
sport et sportsman {\oir p. 32), square, steamer, plus usité
que steam-boat, bateau à vapeur, steeple-chase (voir p. 32),
sterling; le vieux français disait esterlin.
stock, mot entièrement entré dans la langue. C'est la môme
racine qu'il faut reconnaître dans «brin tVestoc », dans « frap-
per d'estoc et de taille », quoique ici estoc soit de provenance
allemande.
17
— 258 —
stopper :
Le train stoppa; c'était la station de Sèvres.
(Fr. Goppée, Jeunes filles, V, Dans un train de banlieue.)
studbook : « Registre où l'on écrit et conserve la généalogie
des chevaux de pur sang. » (Littré).
stuffing-box : « se dit, dans les machines à vapeur, des
pièces destinées à intercepter la communication entre deux
milieux dans lesquels se meut une tige. » (Littré).
tender, voir à railway.
ticket :
Il donna son ticket au vieux garde-barrière
Et se laissa par ses fillettes embrasser.
(Fr. Goppée, Jeunes filles, V, Dans un train de banlieue.)
tilbury. L'anglais tilbury vient lui-même de Tilbury, nom
du carrossier qui a le premier fabriqué ce genre de voiture
légère.
toast ou toste, et toaster ou toster,
trade-union et trade-unioniste : « Joshua Davidson (Jésus
fils de David) est démocrate, trade-unioniste. » (Odysse Barrot,
dans N. and. Q. 1876, ibid.).
tramway j tunnel, voir à railway; turf et truc (anglais
truck), voir p. 32; verdict, voir à convict; wagon, voir p. 32.
ivarrant, « certificat d'emmagasinage délivré par les com-
pagnies aux négociants qui leur déposent des marchandises. »
(Sévy, Dict. des termes employés en bourse).
water-closet, waterproof, ivork-house, yankee.
Après l'anglais, vient l'italien, longo sed proximus inter-
vallo. Il nous a bien fourni, depuis un siècle et demi ou deux,
une partie de notre terminologie musicale ; mais de nos
jours, il n'a donné qu'un nombre assez restreint de mots à la
langue générale :
agio, aquarelle, bravo, brio, carbonaro, désinvolture. Au
siècle dernier, on avait pris à l'italien l'adjectif t/ésim'o/fe, qui
était aussi employé substantivement au sens de désinvolture :
« Une facilité de parler admirable et un désinvolte merveil-
leux... » (St- Simon, Mémoires, éd. Ghéruel, t. X , p. 385.)
dilettante, dispache et dispaclieur, fantasia, fantoche. Far-
niente est ancien, Chateaubriand, dans ses Mémoires, l'a tra-
duit par le rien- faire.
~ 259 —
fioriture^ franco^ imprésario, chef d'une entreprise théâ-
trale (de impresa, entreprise, vieux français emprise).
lazarone, lihretto, qui a donné librettiste, maestro (on
commence aussi à dire maestria), malaria, morbidesse :
(Ses yeux) avalent sous leurs longues paupières
Tant de morhidezza.
(Th. Gautier, Premières poésies, Albertus, LXXXIX.)
.... Cette morbidesse et ce laisser-aller
Était chose charmante.
(/d., ibid., la Dive.)
palafitte; villégiature, mot d'introduction récente, et entré
pleinement dans l'usage.
voltain dans bi-voltain ou di-voltain. (Littré, suppL).
L'Espagne et les pays espagnols de l'Amérique nous ont donné
brasero, platine, placer, eldorado, curare, vomito negro, guano.
Le souvenir des luttes politiques delà péninsule ibérique s'est
conservé chez nous dans les mots guérilla, guérillero, pronun-
ciamento. Récemment notre langage s'est enrichi du mot in-
transigeant, reproduction du mot espagnol intransigente, dé-
signant les ultras du parti républicain (1872) opposés à toute
mesure de transaction. Le mot a passé les monts, et, grâce à
sa forme toute française, a été rapidement adopté. Il a donné
le dérivé intransigeance.
Les cigares de la Havane jouissent, auprès des amateurs,
d'une réputation méritée ; ils sont connus sous leur forme
espagnole : des puros, des m,edianitos ; la langue semi-popu-
laire, pour désigner les cigares d'un sou, emploie des épi-
thètes méprisantes qu'elle affuble plaisamment de finales espa-
gnoles : des soutados, des crapulados ou crapulos, des infectados.
L'allemami a fourni quelques éléments à la langue mo-
derne : ils se divisent en deux classes bien distinctes. Les
uns appartiennent à la langue de la philosophie, et sont des
mots latins ou grecs empruntés par l'allemand, et qui nous
sont venus d'outre-Rhin avec la philosophie de Haut; tels
sont subjectif [subjectivité), objectif [objectivité), transcendantal,
-isme, impératif catégorique, etc. Les autres sont proprement
allemands, et appartiennent en général à la langue de la
ripaille : /*nc/i<i de frûhstûck (déjeuner), kirsch, quetsche, bitler^
~ 260 —
vermuth, moss, qui fut à la mode vers 1840, et est détrôné
aujourd'hui par bock\ trink-Iiall, etc.
sabretache paraît avoir été importé par les guerres du pre-
mier empire. (Brillât-Savarin, Physiol. du yoûl, I, 124.)
Un caprice de la mode a fait de nos jours donner le nom de
Bismarck à une couleur fauve : c'était avant la guerre de
1870-71. Il est curieux que cette guerre n'a laissé aucun
mot dans la langue; ni krup}}, ni landwehr, ni lamlstarm
ne se sont maintenus : peut-être %Man a-t-il eu une durée
plus longue; encore aujourd'hui est-il à peu près oublié.
Par quelle étrange ironie la Pologne ne nous a-t-elle donné
que des danses joyeuses : la polka, la redowa, la schottisch,
la mazurka ?
Il n'est pas besoin de demander d'où vient le mot d'ukase,
arrêté arbitraire de l'autorité^ Il porte en lui-même son lieu
d'origine.
Paris sur ses pavés voit neiger les ukases.
(V. Hugo, Châtiments, 111, 1.)
Heyduque, hetman, isba^, kopeck, pacolet, rouble, samo-
var, starost \ et quelques autres, se rencontrent parfois sous
la plume d'écrivains décrivant des scènes russes ; mais ces
mots ne sont pas encore naturalisés ^
A la conquête de l'Algérie on doit un certain nombre de
mots arabes ou berbères que notre armée a répandus dans la
langue commune : razzia, fourbi, gourbi, smala, goum, maza-
1. fioc/c vient de l'allemand bockbier, bière de bouc, nom donné à une espèce de
bière de qualité supérieure, à cause de la marque de fabrique prise par l'industriel
qui la confectionne. Cette marque consiste en un tonneau à droite et à gauche du-
quel se tiennent deux boucs dressés sur les pattes de derrière. L'expression bockbier,
qu'on lit ou lisait sur les brasseries, les boutiques de marchand de vin^ a été im-
portée chez nous par quelque commis- voyageur qui l'expliqua à sa manière, par'
verre, mesure de bière. Et voilà comme un fcottcaété changé en une sorte de chope.
2. Le mot russe signifie seulement : arrêté de l'autorité.
3. Sorte d'auberge. « En sortant de Visba, où elle avait passé la nuit, elle
eut un moment d'effroi lorsqu'elle se vit seule. » (X. de Maistre, La jeune Sibé-
rienne, ch. XV.)
4. « Le slarosl du village examina son passe-port. (Id. ibid., ch. xvii,)
T), Voir la brochure (anonyme) intitulée : De quelques mots slaves passés en
français; avis aux éditeurs de La Fontaine, Alais, in-8, 1877, 12 pages. On
y trouve des additions et des rectifications intéressantes au chapitre que
M. Brachet a écrit dans la préface de son Dictionnaire étymologique (p. lix) sur
l'élément slave dans le français.
— 261 --
ynm\ zouave ou zonzox, turco^ n^'^ro. Ces derniers mots nous
présentent la finale sa6«re 2, celle qui se trouve dans makasch
bono (pas boni, bono bezef (bien bon). Cette finale a donné
dans la langue des troupiers : un seryo pour un sergent^ un
invalo pour un invalide^. On serait tenté d'assimiler à sergo,
invalo, turco, les mots aristo, typo, topo : mais Vo de ces
derniers est grec; celui des premiers est italien. Et c'est ainsi
que des mois d'origines entièrement difi"érentes, ei2 passant
par des voies absolument opposées, arrivent à prendre des
caractères communs.
Avant de finir ce chapitre, nous devons parler de l'action
spéciale que des mots étrangers peuvent exercer sur des mots
français qui présentent aveceuxquelqueanalogie de sensoude
forme : ceux-ci s'enrichissent d'une acception spéciale propre
aux premiers. Exhibition, sous l'influence de l'anglais exhi-
bition, prend le sens d'exposition. C'est ainsi encore que les
mots sélection, attraction, exsertion, incorporer, adresse (terme
politique), entraîner'' &i entraînement (termes de turf), ont pris
les acceptions que ces mots ont en anglais. Contribution, cul-
ture, facteur, s'emploient maintenant au sens de l'allemand
beitrâge, kultur et factor.
1. Exemple curieux des caprices de la mode. Ce nom, qui rappelle à l'historien
des souvenirs si héroïques et si glorieux, ne désigne plus, pour l'habitué des bou-
levards, qu'un verre de café noir !
2. Le sabir ou langue franque, mélange d'italien, de français, de provençal et
d'arabe, parlé par les marins de la Méditerranée.
3. « Amusez-vous, je reste de cœur avec les camaros {camarades), vous sa-
vez. » (E. Zola, V Assommoir , p. 337.)
4. « Carmélita a été élevée, préparée, entraînée pour faire un grand mariage,
exactement comme vous entraînez un cheval spécialement en vue de gagner un
prix. » (H. Malot, V Auberge du monde, t. II, p. 300.)
CONCLUSION.
Arrivé au terme de cette longue et minutieuse statistique,
nous pouvons à présent, jetant nos regards en arrière, em-
brasser l'ensemble des faits que nous avons passés en revue
et nous demander quelles sont les conclusions qui s'en déga-
gent.
Nous avons reconnu dans la langue une série de formation
française, une série de formation latine, une série de forma-
tion grecque, une série d'emprunts aux langues modernes.
Nous n'avons pas à tenir compte des emprunts ; il n'y a pas là
de formation organique. Quelle est la valeur, l'importance
relative des trois autres formations, française, latine et
grecque?
Formation française. — Dans la dérivation, si nous laissons
de côté les procédés d'un caractère secondaire, tels que le
changement de noms propres en noms communs, de sub-
stantifs masculins en féminins et réciproquement, etc., nous
constatons que les procédés suivants sont actuellement en
vigueur.
Dérivation impropre : 1. Création de substantifs tirés d'ad-
jectifs : une balayeuse, un batteur. Cette formation est très-
vivante et en pleine activité*.
2. Création de substantifs verbaux : la chauffe. Cette for-
mation est très-vivante dans la langue populaire; elle tend
à disparaître de la langue commune et littéraire devant la
dérivation latine^.
3. Création de substantifs participiaux : la retombée. Cette
formation est très-vivante dans la langue populaire; elle tend
1. Voy. plus haut, p. 47.
2. Ibidem, p. 50.
— 264 —
h disparaître de la langue commune et littéraire devant la
dérivation latine ^
4. Changement du participe présent en adjectif et en sub-
stantif. Formation très-vivante ^.
Ainsi, dans la dérivation impropre, deux puissants procé-
dés de formation, ceux qui donnent les substantifs verbaux
et les substantifs participiaux, reculent dans la langue com-
mune devant la formation latine. Ajoutons qu'un procédé est
totalement disparu, celui qui consiste à changer l'infinitif en
substantif.
Dérivation propre "* . Dans la dérivation proprement dite des
substantifs et des adjectifs, nous avons reconnu trente-cinq
suffixes encore vivants et présentant divers degrés de vita-
lité : ce sont able, ade, âge, aille, ais aise ou ois aise, al aie ou
el elle, ant mite, ance, {and ande) andier, ard arie, âtre,
aud aude, é ée, ée, eau elle ou ereau ei^elle, ement, erie, esse ise,
esse, et ette wU ot otte, eur, eur euse, eux euse, eux euse, ien
tenue, ier ière, ille, in ine, ine, oir oire, on, [e)té, u, ure.
Ces suffixes peuvent se diviser en trois classes, suivant
qu'ils forment des noms de choses, des noms ou des adjectifs
de personnes, des adjectifs.
A la première classe appartiennent seize suffixes :
ade (bousculade), âge (drainage), ance (attirance), ement
(déraillement), om- (aiguisoir), wre (crêpelure), qui se joignent
généralement à des radicaux de verbes ;
été (citoyenneté), ée (pochetée), esse (grandesse) ou ise (van-
tardise), eur (verdeur), erie (rouerie), aille (radicaille), ille
(coudrille), on (veston), is (cailloutis), ine (brillantine), qui se
joignent à des thèmes de noms ou d'adjectifs.
A la seconde classe appaHiennent dix suffixes :
ais aise (Yorkais) ou ois oise (Bcllevillois), ant ante (abraca-
dabrant), [and ande) andier (dessinandier), eau elle ou ereau
erelle (nuelle, poétereau), ard arde (communard), aud aude
1. Voy. plus haut, p, 57.
2. Ibidem, p. 65.
3. Ibidem, p. 54.
4. Ibidem, p. 79-124,
— 265 —
(pataud), eur euse (blagueur), eiix euse (bonaparteux), esse
(nolairesse), ienienne (normalien), ier ière (parolier).
A la troisième classe appartiennent neuf suffixes :
a6/e (dirigeable), al aie [diuroral) ou el elle (insurrectionnel),
âtre (noirâtre), é ée (vanillé), et elle (mignonnet, -ette), eux
euse (cireux), in ine (ivoirin), u (moustachu).
Quelques-uns de ces suffixes peuvent passer d'une classe à
l'autre : eau ereau peut passer de la deuxième à la première
[fouteau], et ette de la troisième à la seconde [mohlot) ou à la
première [affichette), ier de la deuxième à la troisième [bal-
connier) .
Dans la première classe, nre, esse, ise, eur, is, se stérilisent ;
ille se réduit à un emploi spécial et semble en voie de dispa-
rition; été diparaît devant le latin ité; ance devant le latin
ation; on donne quelques diminutifs; ade, suffixe de création
moderne, est assez populaire ; ée est encore très-nettement
senti et est capable de créations nouvelles; aille, ine, oir,
ement sont très-vivants ; erie, qui a pris la place de te sans le
remplacer, et âge, qui a restreint sa signification primitive à
celle de nom d'action, sont tous deux, dans leurs formations
propres, d'une grande richesse.
Dans la seconde classe, les suffixes les plus vivants sont
ier, ien, eur euse, eux euse, ard arde. Toutefois ear euse est
fortement battu en brèche par le suffixe latin ateur atrice. Les
autres sont d'un emploi spécial ou restreint.
Dans la troisième classe, et, ot, ant,é sont toujours féconds,
able donne de nombreux adjectifs à la langue populaire, mais
dans la langue commune, le suffixe correspondant de forma-
tion savante ible lui fait une redoutable concurrence; on en
peut dire autant de al el; in u sont d'un emploi spécial;
âtre disparaît, ce semble.
La dérivation verbale et celle des adverbes en ment sont
d'une incomparable richesse.
En somme, nos trente-cinq suffixes nominaux sont loin
d'être également vigoureux et féconds ; un certain nombre n'a
qu'une valeur restreinte, ais ois, ille, in, is, ée, u, etc. Mais ne
l'oublions pas, cette délimitation précise de la signification
est un avantage. Quand les suffixes sont aussi nombreux, ils
ne sauraient avoir des significations étendues et générales
sans amener la confusion, l'obscurité et le désordre. Pour
— 266 —
donner leur plein effet, et remplir utilement leur rôle, ils
doivent se restreindre à des fonctions spéciales, mais nette-
ment déterminées. En dérivation comme en économie poli-
tique, la division du travail est la condition de la richesse. Et
quoique amoindrie, privée de suffixes aujourd'hui totalement
éteints*, battue en brèche par la dérivation latine, la dériva-
tion française est encore vigoureuse et abondante.
Composition. Dans la composition, nous constatons l'exis-
tence de la juxtaposition, simple ou avec synecdoque et
métaphore, qui est très-vivante et très-populaire {chemin de
fer, demi-monde^), la composition par apposition [café-concert^),
la composition avec l'impératif (presse-papiers '^j, qui sont d'une
fécondité inépuisable.
La composition par préfixes, à l'aide de particules^, n'uti-
lise plus guère que la moitié des vingt-cinq particules fran-
çaises : à, arrière, avant, contre, dé{s)-, en, entre, re-, sans-
sous, sur, sus, très. Et là même elle recule devant la formation
latine.
Constatons en retour un procédé en voie de formation : la
production de composés de dépendance [timbre-poste^).
Ce rapide examen montre suffisamment que la formation
française, malgré les pertes qu'elle a subies, est encore très-
riche de son propre fonds. L'abondance de la dérivation, la
faculté, moins développée, mais fort remarquable encore et
bien plus considérable qu'on ne le croit, de \â composition,
forment un ensemble qui a une réelle valeur Mais, il faut le
reconnaître, la langue commune, la langue de la bourgeoisie
et des écrivains, dédaigne en partie la formation française
pour recourir à la formation latine ou grecque. De là, dans là
langue commune, l'oblitération de certains suffixes, de cer-
taines compositions qui n'ont pour refuge que la langue
populaire ; celle-ci seule utilise pleinement toutes les res-
sources du français.
Formation latine. — La formation latine a introduit la plu-
part des suffixes et préfixes latins ; mais un certain nombre
1. Aison, ail, eil, etc.
2. Voy. plus haut, p. 124.
3. Ibidem, p. 147.
4. Ibidem, p. 161.
5. Ibidem, p. 128.
6. Ibidem, p. 156.
— 267 —
seulement ont pénétré assez profondément dans la langue
commune pour produire spontanément des formations nou-
velles. Ce sont les douze suffixes :mVe (commissionnaire), «fzon
(généralisation), ateui- (moralisateur), ature (musculature),
atoire (rotatoire), [ar)iat (salariat), cule (théâtricule), <''pn
(marmoréen), esque (moliéresque) , escen^ (azurescent), ilé
(actualité), {at)if (commémoratif), ique (féerique), iswe, iste
(journalisme, fleuriste), tude (vastitude), 2ser (fertiliser)', et les
huit préfixes : extra, ex, in (négatif), inter, quasi, sub, trans.
ultra^.
Formation grecque. — L'imitation grecque a introduit dans
la langue commune deux préfixes qui y sont aujourd'hui
très-vivants, archi et an^i, etdeux autres qui commencent à se
développer, a privatif et hyper ou per^ ; deux suffixes ite, ose *,
et une série de mots composés dont certains éléments com-
posants font maintenant presque partie de la langue com-
mune : -graphe, -graphie, -graphique, -logue, -logie, -logique,
'mètre, -métrie, -métrique, -phile, -philie, -phobe, -phobie,
-crate, -cratie, -cratique, -nome, -nomie, -nomique, etc.,
photo-, hélio-, pseudo-, néo-, etc. ^ De là une formation nou-
velle de mots composés où deux des cléments latins ou fran-
çais se combinent et se soudent à l'aide de la voyelle de liai-
son o (cérébro-spinal, Austro-Hongrois).
Si cette double formation latine et grecque fournit à l'écri-
vain des ressources d'une singulière richesse, qui lui per-
mettent de poursuivre la pensée dans toutes ses nuances et
ses replis, sans jamais être forcé de s'arrêter, trahi par la
langue, d'autre part elle tend à rompre, elle rompt l'unité de
la langue.
Cette formation savante, la latine surtout, a introduit dans
la langue un nombre considérable de mots qui n'ont aucun
rapport avec les mots français simples ou dérivés. Gomment
les gens du peuple reconnaîtront-ils la parenté qui unit faire,
façon à facteur, faction ; chanteur à cantatrice ; sacra/mentel à
serment; lacrymal à larmes; pondérer, pondération à poids,
pesage; hôte à hospitalier, hospitalité? Tous ces mots latins,
1. Voyez plus haut, p. 184-218.
2. Ibidem, p. 218-229.
3. Ibidem, p. 245, 246.
4. Ibidem, p. 235.
o. Ibidem, p. 248.
— 268 —
réintroduits artificiellement au sein de la langue, se trouvent
comme égarés, perdus, au milieu des mots français, sans lien
visible qui les rattache à ces derniers dont ils rappellent ce-
pendant les ancêtres. On a fait remarquer que dans les lan-
gues qui ne connaissent pas cette formation savante, dans
l'allemand par exemple, des dérivés d'un seul et même radi-
cal arrivent, par le seul jeu des lois de la phonétique, à des
formes si divergentes que le sentiment de la parenté qui les
unit s'évanouit. L'observation est juste : gehen (aller) n'a plus
de rapport bien visible avec abgang (départ), oblegenheit (obli-
gation) avec zulage (addition), verderbniss (ruine) avec bedurf-
niss (besoin), mâchtig (puissant) avec môglich (possible); nuhe
(proximité), avec nachher (ensuite) et gnade (grâce; propre-
ment action d'approcher, diCces) , sehend (voyant) ayec sichtlich
(visible), etc. Mais on oublie que tous ces mots sont compris
du peuple, qu'ils vivent dans la pensée populaire. Il importe
peu que le peuple ne saisisse point la parenté d'étymologie
ou de son des mots apparentés par l'étymologie ou la signi-
fication et entre lesquels une différence tout extérieure de
formes met comme un abîme. Mais il importe beaucoup
que ces mots parlent à l'esprit de ceux qui les emploient.
En France, par exemple, le peuple n'est pas embarrassé des
divergences de formes que présente la conjugaison d'aller et
d'être. Il sait parfaitement, et sans peine, passer de je vais
à aUe7', à j'irai, de je suis à tu es, à il fut, à j'étais, à je serai.
Toutes ces formes sont claires pour lui, parce qu'elles vivent
dans sa pensée. Or, dans l'allemand tous ces mots cités ne
sont jamais sortis de l'usage populaire; c'est sur les lèvres
du peuple qu'ils se sont altérés, qu'ils ont pris des formes
diverses.
Dans la formation savante, non-seulement les mots latins
n'ont le plus souvent aucun rapport visible avec les mots
français de la même famille ; mais, chose plus grave, ils ne
sont pas compris. La langue littéraire est une langue nouvelle,
entée sur la langue française, qui la pénètre, et qui s'y sub-
stitue peu à peu, dans une classe de la société K Le fait est
grave et veut qu'on y songe.
Sur trente millions et plus de Français parlant français,
quelques centaines de mille ont reçu une éducation classique,
comprennent plus ou moins bien les mots latins, et parlent
l. Cf. Marty-Laveaux, De renseignement de la langue française, p. 71
— 269 —
OU écrivent la langue commune. Un quarantième à peu près
de la nation désapprend ainsi le français pour parler une
langue dcmi-riançaiso, demi-latine : cette minorité, il est
vrai, est composé de ceux qui écrivent ou qui lisent, c'est-à-
dire de la partie la plus éclairée de la nation, de celle qui
exerce l'influence, aux mains de qui est le pouvoir moral ,
intellectuel, aux mains de qui est l'action.
Ainsi la France est divisée en deux classes : une immense
majorité, le peuple, parlant français; une infime minorité,
mais éclairée et toute-puissante, parlant un mélange de latin
et de français. La langue populaire vit à côté de la langue
commune sans se laisser pénétrer : tout au plus, par le pro-
grès de l'éducation publique, arrive-t-elle à voir diminuer,
mais bien lentement, sa population. Il a fallu neuf siècles
pour que le français^ le dialecte de l'Ile-de-France, fît la con-
quête de tous les autres dialectes parlés sur le territoire de
la Gaule, le picard, le. normand, le bourguignon, le lor-
rain, etc. A peine à présent les a-t-il encore conquis, et, au
sud de la Loire, il reste encore stationnaire. Même dans ce
siècle de la vapeur et de l'électricité où vivants et morts vont
si vite, combien de temps faudra-t-il à la langue commune
pour pénétrer et absorber la langue populaire ? combien de
temps faudra-t-il pour que le latin à son tour fasse la con-
quête du français ?
Quoi que nous réserve l'avenir, actuellement la langue des
gens du monde, la langue commune, le français des livres et
de la bonne conversation est tellement imprégné de latin que
l'organisme latin l'a en partie pénétré, que l'on pense les mots en
latin, qu'on les dérive, les compose d'après les lois de la déri-
vation, de la composition latine *. Ouvrez au hasard un livre
écrit dans la langue des gens du monde, et comptez les mots
latins ; je devrais dire plutôt : comptez les mots français. Je
prends sans choisir un article dans un des derniers numéros
de la Revue des Deux Mondes. En voici le début :
1. En voici un exemple frappant. « Comme de craie on n'a pas fait crayacce
mais crétacée, dit Guylon de Morveau, jai cru (juc pour (jualilier des substances
tirées du suif, des fourmis, de V oseille, etc., il valoit mieux aussi reprendre la
racine étymologique* ou synonymiquc. et dire sébacé, formicien, oxalien, etc.,
au lieu de dire suifacc, fourmieux, oseiUi(juc, ou autres dérivés des noms fran-
(jois, tout aussi malsonnans. » {Mémoires sur les dénominations chimiques,
cf. plus haut, p. 236.)
1 . C'est-à-dire le latin.
— 270 —
« Si la raison est le privilège de l'homme, par une compensa-
tion douloureuse, on en peut dire autant de la Iblie. Il ne sem-
ble pas, en effet, que les humbles facultés de l'animal soient
jamais exposées à cette terrible disgrâce, et dans l'espèce hu-
maine elle-même, ce sont les races supérieures qui fournissent
aux maladies mentales presque toutes leurs victimes. Rare
chez les sauvages, chez les enfants, la folie est d'autant plus
fréquente que, les besoins de l'humanité devenant plus nom-
breux et plus complexes, l'activité cérébrale se surexcite da-
vantage à la poursuite des objets qui peuvent la satisfaire :
la folie est ainsi, pour employer un terme scientifique, fonc-
tion de la civilisation. Triste conséquence, bien digne de
provoquer les méditations du philosophe, du moraliste, de
l'homme d'État ' ! »
Le style de ce passage est certainement très-pur, très-
simple, sans prétention. Les expressions sont si naturelles
qu'elles ne frappent ni n'arrêtent le lecteur : eh bien , sur
cinq%iante-neu f yerhes, adjectifs ou substantifs qu'il renferme,
il y a vingt-neuf mots, la moitié^, qui ne sont pas français
d'origine.
Cette division de la langue en deux idiomes étrangers l'un
à l'autre, la science à tout le moins ne peut s'empêcher de la
regretter. Le philologue, en suivant l'évolution du latin popu-
laire, étudie et retrouve les lois naturelles, inconscientes, qui
sur les lèvres et dans l'esprit des populations gallo-romanes
l'ont graduellement transformé en français. Quel accord har-
monieux entre tous les éléments de cette langue que parlaient
nos pères du onzième au treizième siècle ! Quelle élégante
grammaire, quel système à la fois simple et savant dans la
conjugaison et dans la déclinaison! Quelle harmonie dans ce
balancement des voyelles accentuées et des atones, et dans les
alternances euphoniques qui en résultaient pour la flexion î
Quel accord entre les formes des radicaux et celle des déri-
vés ' 1 C'est bien là la langue d'évolution et de formation spon-
1. La folie au point de vue psychologique, diaprés de récentes recherches^ par
L. Carraud, dans Xa Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1876, p. 348.
2. PriviU'ge, compensation, faculté, animal, exposées, terrible, disgrâce,
espèce, supérieures, mentales, viclimes, rare, fréquente, humanité, complexés,
activité, cérébrale, surexcite, objet, satisfaire, scientifique, fonction, civilisa-
lion, conséquence, provoquer, méditation, philosophe, moraliste, état.
3. La prononciation du français au douzième cl au treizième siècle se rappro-
chait beaucoup de la prononciation actuelle de l'italien : même abondance de
voyelles et de diphthongues sonores, mais avec plus de fermeté dans les cofl-
— 271 —
tanées, telle que pouvait la développer une race bien douée,
et amante du beau langage, comme aux temps de Gaton et
de César.
Aussi la langue française de nos conteurs et de nos trou-
vères était-elle pour l'Europe du moyen Age l'idéal du langage
bumain, et l'admiration qu'elle inspirait aux contemporains
du Dante aujourd'hui encore s'impose à ceux qui à cinq
siècles de distance en écoutent l'écbo lointain*.
Mais ce bel édifice devait se surcharger de constructions
nouvelles qui en allaient détruire l'harmonie. L'importation
des mots latins vint peu à peu transformer, déformer la
langue. Nous avons vu le développement de cette formation
savante, qui, née presque aux origines de notre idiome, gran-
dit peu à peu jusqu'à la vaste invasion du xV siècle.
Cependant, quand, faisant taire les regrets du philologue,
on regarde les choses de plus haut, on arrive à se demander
si un fait aussi grave, et qui a eu une action si puissante sur
la langue, n'a pas sa cause légitime. A quoi sert de regretter
le passé? Ne vaut-il pas mieux, avant tout, comprendre le pré-
sent? Cette formation savante, pour atteindre à de telles pro-
portions, pour se poursuivre avec une telle constance, pour
trouver des complices de siècle en siècle, a dû répondre à des
besoins réels et permanents. Et, en fait, qu'on veuille bien
remarquer qu'elle n'est pas propre au français, mais qu'elle
se rencontre dans toutei^ les langues romanes. L'italien, l'es-
pagnol, le portugais, et même l'ancien provençal, arrêté dès le
quatorzième siècle dans son développement, présentent des
faits analogues. Feuilletez les dictionnaires de ces langues,
vous y trouverez à chaque ligne des mots savants, des mots
latins dans la même proportion que dans la nôtres Nous
sonnes. Les voyelles nasales, si désagréables aujourdliui, se réduisaient à an
et 01%. Pour la grammaire, le trait le plus frappant est le balancement des syllabes
accentuées et atones dans les flexions casuelles, balancement qui amenait une
variété harmonieuse dans les formes des mots. On disait li cas, le càq, li coq,
les côs; on déclinait li emperére, Vempereor, li empereor, les empereors; on
conjuguait je paro/e, lu paroles, il parole, nous parlons, vous parlez, ils
parolent; fempasturc, tu empaslures, il empasture, nous empaistrons, vous
empaistrez, ils empasturent. La facilité de l'inversion donnait une élégance pit-
toresque à la phrase que ne surchargeait pas encore notre encombrant attirail de
particules. L'orthographe enfin reproduisait fidèlement la prononciation.
1. « Le françoisj dit l'Italien Brunctto Latini, est la parleure la plus délilablc
et plus commune à toutes gens. » Sur la popularité de notre vieille langue à
l'étranger, voyez {'Histoire littéraire de la France, t. XXIV, p. 544. Cf. Che-
vallet, I, 39; Litlré, Langue française, l, 187, etc.
2. Voici, par exemple, des mots de formation savante que présente la seule série
— 272 —
sommes donc en présence d'un fait général qu'il faut accep-
ter et expliquer.
La formation savante a commencé sous l'influence de
l'Église; elle a continué sous celle de la scolastique, des lé-
gistes du moyen âge ; elle s'est poursuivie sous l'influence
des classiques latins. Or, énumérer ces quatre agents, l'Église,
la scolastique, le droit romain, la Renaissance, c'est énumérer
les quatre éléments de la civilisation au moyen âge et au
commencement des temps modernes. L'histoire de France,
jusqu'à l'écrasement de la féodalité, et c'est ce qui en fait
l'unité et la grandeur, n'est autre chose que la lutte continue
entre l'élément germanique ou barbare et l'élément romain ou
civilisateur. La marche de notre histoire, depuis Gharlemagne,
le grand Austrasien romanisé, est un combat pour la civilisa-
tion romaine, une tentative de plus en plus heureuse pour
expulser ou pour réduire à l'impuissance l'élément germa-
nique, pour faire triompher l'élément latin, pour raviver
l'étincelle de la civilisation apportée de Rome aux peuples de
l'Occident et étouffée par la main des barbares. Quand la
monarchie triomphe de la féodalité, quand elle institue et or-
ganise l'administration et la justice régulière, elle n'a qu'à
reprendre et continuer l'œuvre de la Rome impériale. La
marche du progrès fut un retour vers le passé ; il arriva né-
cessairement que les écrivains français, pour exprimer les
idées du passé, les idées romaines, recoururent aux expres-
sions du passé, aux expressions latines. La formation savante
était donc inévitable.
Au quinzième siècle vient la renaissance des lettres. La tra-
dition que la monarchie a lentement renouée dans l'admi-
nistration se renoue brusquement dans la philosophie et les
des mots commençant par ab en italien : ahalienare, -nato, -nagione, abanna-
zione, abarticolazione, abbacinare, -natore, abbandonatore, abbassatore, ab-
batlilore, abbecedario , abblandire, abbreviare, -atore, -amento, -azione, abdi-
care, abdicaziotie, abditolarse, abdomine, abduttore, abduzione, abebeo, abella-
gione, aberranti, aberrazione, abiatico, abigealo, abigeatore, abilità, abilitare,
abililativo, abilitazione, abiolico, abiologo, abiolologia, abitabile, abitaeolo,
abitare, abilaziotie, abitatorc, -trice, abiluale, -alniente, abiiualezza, abitua-
zione, abiludinario, abitudine, abjurare, -ratore, ablaqueare, ablaqueazionc,
ablalazione, ablazione, ablcgazione, abluzione, abncgare, abnegazione, aboli-
bile, abolimenlo, abolire, abolitivo, abolilorc, abolizione, abomaso, abomina-
bile, abominamento . abominatore, abominazione, aborigine, abortire, aborti-
cidio, abpatruo, abrasione, abrenunciazione, aérogare, -gatore , -gazione,
abrotanoide, absorbcre, absorsione, abusator-e, abusazione {Dictionnaire de
Sergent, Strambio et Tassi).
— 273 —
lettres. Tous les trésors d'idées élaborées par le génie de Home
et d'Athènes reviennent au jour après plus de dix siècles ;
or, les idées de l'art, de la littérature, de la philosophie an-
tique ne pouvaient trouver d'expressions plus naturelles et
plus propres que celles qu'elles s'étaient créées elles-mêmes :
elles passèrent dans la langue sous la forme qu'elles avaient
prise à Rome.
Enfin, comme les anciens seuls ont su écnre et composer^
seuls ont connu Vart du style, à partir du seizième siècle,
l'imitation des Grecs et surtout des Latins, plus près de nous,
s'est imposée à nos écrivains.
Nous sommes fils des Latins, non par le sang, mais par
l'éducation. Il y a une race germanique, une race slave; il n'y
a pas de race latine, mais une civilisation latine, d'où découle
la civilisation moderne.
Voilà pourquoi chez les peuples de langue latine, dont
l'idiome était si approprié à recevoir la formation savante,
celle-ci a pris un si puissant développement; développement
logique, fatal,. que le philologue peut regretter comme natu-
raliste, qu'il comprend et accepte comme psychologue.
De nos jours donc, quoi que nous puissions faire, la forma-
tion latine est entrée si profondément dans la langue com-
mune, qu'on ne peut tenter de la combattre et de la rejeter.
Mais comme il est d'intérêt général que notre langue fran-
çaise soit française en fait et non-seulement de nom ; comme
il est nécessaire qu'elle soit comprise du plus grand nombre
des Français, il faut que les deux langues se rejoignent, au-
tant que faire se peut. Or deux causes ont' creusé un abîme
entre elles. D'une part, il est toute une série d'idées et de con-
naissances, apanage de l'instruction et de la culture, qui man-
quent à la pensée populaire et par suite à son lexique, et qui,
se rattachant par un lien plus ou moins lointain à la pensée
antique, trouvent leur expression dans la parole antique :
c'est là une cause naturelle et durable qui ne pourra jamais
disparaître, mais qui pourra du moins s'atténuer par le pro-
grès de l'éducation populaire. D'autre part, les écrivains, par
un pédanlisme inconscient, expriment sous les formes anti-
ques des idées et des notions que le peuple conçoit et connaît,
et pour lesquelles la parole française fournit des ressources
d'expression. C'est une cause artificielle, créée par l'écrivain
et l'orateur, et qu'il dépend d'eux de supprimer. La première
s'atténuera quand le peuple ira à l'école et apprendra; la
18
— 274 —
seconde, quand l'écrivain se décidera à exprimer simplement
une idée simple.
Mais ce n'est pas assez de l'influence latine pour désorgani-
ser notre langue ; voici que le grec commence à pénétrer dans
le français et à s'y acclimater. Si le latin déforme le français,
du moins le fait-il remonter vers ses origines; mais avec le
grec, si différent dans son organisme de notre idiome, le dan-
ger est plus redoutable, et, nous le craignons bien, inévita-
ble. Le grec, en effet, par un droit historique et grâce à des
qualités propres, est devenu la langue de la science. Déjà le
latin avait pris un nombre considérable de mots au grec, ou
en avait composé avec des éléments grecs, pour constituer sa
nomenclature médicale, la seule nomenclature scientifique
qu'il connût ^ Cette nomenclature pénétra dans les écoles
du moyen âge, et les savants, à la recherche de mots
nouveaux, continuèrent la tradition en recourant au grec.
D'ailleurs, où trouver une langue plus commode, d'un voca-
bulaire plus riche, qui se prêtât mieux à la dérivation et à la
composition, que cette admirable langue grecque, qui aux
qualités poétiques des idiomes synthétiques joint la clarté, la
précision des idiomes analytiques? Le grec est devenu, par
la force des choses, la langue de la science. Mais voici où est
le péril.
Il y a antinomie entre la science et le langage. Un idiome,
par cela même qu'il appartient à un peuple, est individuel et
restreint en d'étroites limites. La science est universelle,
parce que, poursuivie par les hommes de toutes les nations,
la vérité qui en est l'objet est au-dessus de l'humanité. L'in-
strument dont se sert la science, et qui est le grec, devient
donc une langue universelle qui doit pénétrer tous les idiomes
civilisés. Et en effet, les langues de tous les peuples civilisés
sont atteintes par le grec. Les procédés de formation que nous
signalions précédemment dans le français se retrouvent non-
seulement dans les autres langues romanes, mais dans les
langues germaniques, les langues slaves. Les mêmes mots
composés, les mêmes particules, y prennent racine et y amè-
nent des formations analosrues.
1. Voyez, par exemple, le lexique latin qui se trouve à la lin du Dlclionnairé
de médecine, de MM Robin et Littré. La plupart des termes appartenant à la lati-
nité classique viennent du grec.
— 275
Nous assistons donc au conflil de la science et du langage.
La civilisation moderne, le progrès des sciences, changent les
conditions d'existence des langues. De nouvelles lois naissent,
dont on commence à entrevoir l'action. Quels en seront les
effets? A l'avenir seul de répondre.
INDEX
DES MOTS NOUVEAUX CITÉS DANS CET OUVRAGE.
Les mots précédés d'un * manquent au Dictionnaire et au Supplément
du Dictionnaire de M. Littré '.
* abat-bruit, 163.
* abat-froid, 163.
* abat-poussière, 163.
abattable, 79.
abeille, 93.
abêtissement, 95.
ablactation, 177.
ablaquéation, 177.
abolitionniste, 209.
à-bon-compte, 130.
aborigène, 177.
* abracadabrant, 65.
abri vent, 159.
abrogeable, 79.
* abscons, 177.
* s'absinther, 116.
* absinthisme, 209.
* absoluteur, 200.
absolutisme, 209.
absolutiste, 209.
absorbation, 199.
* ab'jorptivité, 204.
* acalèphe, 234.
* acantnoptérygien, 244.
* acarus, 234.
accélérateur, 200.
accidenté, 93.
acclamateur, 200.
acclimatement, 95
acclimateur, 102.
* accotoirs-dormeuses, 148
accrémentitiel, 191.
accrémentition, 199.
* accrêté, '30.
accusatoire, 201.
acescent, 207.
acétimètre, 243.
* achilléide. 189.
acidulant, 65.
aciérage, 82.
acinaciforme, 2l9.
acquisivité, 204.
* acrisie, 234.
' acrismie, 234.
actinimorphe, 244.
* actinimorphisme, 244.
actinomètre, 243.
* actinométrie, 243.
' actinométrique, 243.
actionnaire, 196.
activant, te, 65.
activer, 116.
* actuaire, 253.
actualiser, 217.
actualité, 204.
aculéiforme, 219.
addenda, 178.
additionnel, 87.
adénite, 235.
adénologie, 243.
adiante, 234.
adjoint, 57.
adjudicateur, 199.
administrant, te, 65.
administratif, 178.
* adorablement, 122.
adresse, 261 .
adscrit, 178.
adultérinité, 204.
adynamie, 234.
aérateur, 200.
* aérifère, 220.
* aéromotion, 248.
aéronef, 248.
aérophobe, 234.
affadissant, te, 65.
affairement, 95.
* affichette, 101.
affouilleraent, 95.
* affouiller, 130.
* affreuseté, 114.
Affreville, 156.
* affriolement, 95.
agalactie, 234.
agenda, 178.
* agérat, 234.
aggloméré, 57.
agglutinant, te, 65.
agio, 258.
agissement, 96.
* agourmandi, 130.
* agrémenter, 116.
agriculteur, 220
ahurissement, 96.
* aide-mémoire, 163.
aiguillage, 82.
aiguilleur, 102.
aiguillonnant, te, 65.
* aiguisoir, 113.
alarmiste, 209.
albuminurie, 245.
alcaloïde, 244.
alcoolimètre, 244.
alcoolisme, 209.
aléa, 178.
* algologie, 243.
* algolcgique, 243.
algologue, 2*,3.
alibilité, 204.
alizarine, 194.
* alizéen, 194-
alléchant, te, 65.
alliés, 46.
allumage, 82.
* alluvionnel, 87-
alluvionnement, 96.
alphabétisme, 209.
•alphos, 234.
altérabilité, 204.
altruisme, 209.
1. Quelques termes scientifiques datent de la seconde moitié du dix-liuitièm» siècle.
— 278 —
altruiste, 209.
aluminium, 186.
amandine, 112.
amativité, 204.
amblyopie, 234.
ambulance, 88.
ambulancier, 106.
* américaniser, 217.
* américanisme, 209.
' amigdaline, 194..
* amincisseur, 102.
amnésie, 2.'^4.
amomacées, 189.
amorphe, 234.
* amour-goût, 153.
* amour- passion, 163.
ampélite, 235.
amplificatif, 206.
amylène, 237.
anabrochisme, 234.
anadrome, 234.
analeptique, 234.
anaphrodisie, 234.
anaplérose, 234.
anchilops, 234.
ancyroïde, 234.
andiotomie, 244.
' anecdotisftr, 217.
anémie, 234.
anémoscope, 244.
anévrysme, 234.
angiologie, 234.
anglicisme, 209.
* anglo-français, 249.
anglomane, 243.
anglomanie, 243.
anglophobe, 244, 248.
* anglophobie, 244.
angularité, 204.
' aniline, 194.
animalier, 106.
animalisable, 79.
animaliser, 217.
* animalisme, 209.
* animal-piante, 153.
animateur, 209.
anisine, 195.
ankyloglosse, 234.
ankylose, 234.
ankyloser, 116.
annexionniste, 209.
annonciateur,. 200.
annuaire, 195.
annulatif, 206.
anonjmat, 203.
anorexie, 234.
antédiluvien, 221.
antéhistorique, 221.
antennule, 192.
anthélix, 234.
anthère, 234.
anthracite, 235.
anlbuix, 234.
anthropographe, 243.
anthropogra})hie,243,238.
antbropographique, 243.
anthropolâtne, 243, 238.
anthropolithe, 238.
anthropologie, 243, 238.
anthropologique, 243.
anthropologue, 243.
anthropologiste, 209.
anthropomorphe,238, 244.
anthropomorphisme, 209.
244.
anthropomorphiste, 209.
anthropopathie, 244.
anthropopathique, 244.
anthropophage, 234.
* anticarie, 245.
* anticrotte, 245.
antidramatiçîue, 245.
antiévangélique, 245.
* antidivin, 245.
* antifeutre, 245.
* antigluant, 245.
antigoutteux, 246.
* antihumain, 246.
* antiméphitique, 246.
* antinature. 245.
* antinaturel, 246.
*antiobésique, 246.
* antiparlementaire, 246.
* antipartenaire, 246.
* antipatriote, 246.
* antirationnel, 246.
antirépublicain^ 246.
*antiscientifique, 246.
antisocial, 246.
' antisystématique, 246.
* anxieusement, 122.
aperceptibilité, 204.
apétalie, 235.
aphonie, 235.
aphylle, 235.
aplatisseur, 103.
aploptère, 244.
apode, 244.
* appâli, 129.
appâlissement, 129.
(les) appelés, 57.
appendicule, 192.
appréhensibilité, 204.
approfondisseur,' 103.
aptère, 235.
aquafortiste, 210.
aquapuncturer, 116.
aquarelle, 258.
aquarelUste, 210.
aquarium, 178.
' arbitragiste, 210.
arborescent, 207.
* arbre-poisson, 153.
arcano-papyro-graphique ,
249.
arcature, 202.
archaïsme, 210.
* archicompétent, 246.
* archiconnu, 246.
* archicrétin, 246.
* archidécidé, 246.
*archi grec, 246.
* archimorale, 246.
* arcométrie, 244.
* aristo, 261.
aristocrates, 243.
aristophanesque, 208.
arrangeant, te, 65.
arrêtiste, 210.
* arrière - appartement ' ,
130.
arrière caution, 130.
arrière-charte, 130.
arrière-chœur, 130.
arrière-fente, 130.
arrière-foin , 130.
arrière-graisse, 130.
arrière-narine, 130.
arrière-nièce, 130.
arrière-paiiage, 130.
arrière-pointeuse, 130.
* arrière-prétention, 130.
arrière-rang, 130.
arrière-sens, 130.
airière-vieillesse, 130.
arrosable, 79.
* arrosion, 199.
artériotomie, 245.
arthrite, 235.
* artisan-poëte, 153.
* artiste-comédien, 152.
* artiste-danseur, 152.
* artiste-ventriloque, 152.
* arti-te-violon, 152.
'artistiquement, 122.
ascenseur, 178.
asine, 110.
aspérule, 192.
* asphalte-planche, 148.
asphyxiant, te, 65,
aspirateur, 200.
asservisseur, 103.
assesseur, 178.
assiniilateur, 200.
assourdissement, 96.
assurable, 79.
assyriologie, -ique , 188,
243.
assyriologue, 243.
asthénie, 235.
* atavisme, 210.
* atermoyeur, 103.
atmidométrie. 244.
atocie, 235.
atomicité, 204.
atonie^ 235.
atrophie, 235.
atropine, 194.
atterrissemeut, 96.
1. Quelques-uns des composés de arrière sont de date douteuse.
— 279 ^
* attirance, 87.
attraction, 261.
•l'au-delà, 59.
audition, 178.
aurantiacées, 189.
•auréolé, 93.
auroral, 86.
autobiographie, 238.
autoclave, 238.
autoclinique, 238.
autographe, -ie, 243.
autographier, 116.
autographique, 243.
automatiquement, 122.
autonomiste, 210.
autoplastie, 238.
* autopsier, 116.
autoritaire, 196.
aval, 130.
avant-bouche', 131.
avant-cale, 131.
avant-courrier, 131.
avant-duc, 131.
avant-fossé, 131.
avant-glaces, 131.
avant-lait, 131.
avant-mur, 131.
avant -pied, 131.
avant-pieu, 131.
avant-poignet, 131.
avant-projet, 131.
* avant-soc, 131.
avant-terrasse, 131.
aveuglant, te, 65.
'aveulir, 130.
"aviateur, 200.
aviation, 198.
avironnier, 106.
azurescent, 207.
azurin, 110.
* azurite, 235.
azygos, 234.
* baby, 253,
* badiniïuiste, 210.
•badouillard, 89.
* baguenaudine, 110.
* baignoirs - dormeuses ,
148.
'baignoire-serre, 148.
* bâillonnement, 96.
bain de pied, 128.
* balade, 50.
* balancier-moteur, 148.
balayeuse, 48.
balconnier. 108.
ballaster, 116.
balles-obus, 148.
•balnéaire, 178.
* balnéatoire, 178.
* balochard, 89.
* bamhoutier, 73, 106,
* bambinat, 203.
banditisme, 210.
'bandoline, 112.
banknote, 253.
banquiste, 210.
baptiseiir. 103.
' bar, 253'.
barathrométrie, 244.
* barboteuse, 48.
barologie, -ique, 238, 243.
barologue, 243.
* baronifier, 221.
baroscope, 244.
barymélrie, 238,
baryum, 186.
baser, 116.
* bas-jarretières, 148.
* basquais, 85.
bassorine, 194.
bateau à vapeur, 127.
* bateau-cloche, 148.
•bateau-mouche, 148.
* bateau-rabot, 148.
•bateau- voiture, 148.
battandier, 88.
batteuse, 48.
bathymétrie, -ique, 188,
244.
* baugé, 93.
' baugeur, 103.
bellevillois, 85.
belligérants, 178.
* bénisseur, 103.
* benoiton, ne, 45,
* benoitonner, 45, 116.
* benoitonnerie, 45.
benzine, 194.
berbéridacées, 189.
berthoUer, 116.
* bête-intelligence, 153.
' bête-sentiment, 153.
betteravier, 108.
beurrerie, 100.
bibasique, 219.
bibliographe, -ie, -ique,
243.
bi-carbooné, 219.
l)i-colore, 219.
* bicorporéité, 219.
* bien-pensants, 131.
bifteck, 253.
* bijoutiers - garnisseurs ,
152.
* bijoutiers - tablettiers ,
152.
* bi-mensuel, 219.
biographie^ 238.
biologie, -ique, 238, 243.
biologue, 243.
biométrie, 244.
bionome, -mie, 238.
bipétalé, 219.
biscuiterie, 100.
biseauter, 73.
bitter, 259.
* bivoie, 219.
bi-voltain, 259.
bixacées, 189.
blackbouler, 254.
* blaguer, 116,
blénorrhagie, 244.
blénorrhée, 244.
blondir, 120.
bobinage, 82.
* bobinoir, 113.
* bock, 260.
bœuf, adj., 62.
bœuvoniiage, 82.
boitage, 82.
* boîtes-livres, 148.
bol, 254.
bollvar, 44.
bombacées, 189.
* bombagisie, 210.
* bonaparteux, 105.
bonapartisme, 210.
bonapartiste, 210.
* bonasserie, 97.
* bondieuzard, 89.
* bondieuzardifier, 221.
* bonhommene, 98.
* bonisseur, 103.
book, 254.
borde-plats, 163.
* bordurer, 117.
* borussianiste, 210.
boston, 44.
botaniser, 217.
* bouche-bouteilles, 163.
* bouche-trou, 166.
* bouchon-tampon, 149.
bouddhisme, 210.
bouddhiste, 210.
' bouée-pompe, 149.
* bougies-chandelles, 149
* boulange, 50.
bouleversant, te, 65.
* boulevardier, ière, 106.
boulier-compteur, 108.
boulot, otte, 101.
boulotter, 121.
* bouquetté, 93.
* bouquinage, 82.
boursicoter, 117.
boursicotier, 106.
* boursicotiérisme, 210.
bous, 51.
* bousculade, 81.
bousingot, 101.
bowl, 254.
box, 254.
boxe, 51.
boxer, 254.
boxeur, 103.
* la Brabançonne, 47.
brachycéphale, 243.
* braillardocratie, 248.
branchocèle, 243.
brasero, 259.
* bras-suçoirs, 153.
1. Quelques-uns des composés de avant sont de date douteuse.
280
bravo, 258.|
break, 254.
* breakfast, 254.
* liréguet, 42.
brevetabilité, 204.
brie^ 44.
* brillantine, 112.
* britidilleur, 47.
brio, 258.
* briquet-lanterne, 149.
* briscard, 89.
brise-glace, 163.
brise-lames, 163.
* brise-raison, 166.
* brochurer, 117.
* brochurier, 107.
* broderie-dentelle, IGO.
bronchite, 235.
* brosse-démêloir, 149.
une bros.sée, 58.
' broyeuse, 48.
* brûle-maison, 166.
* brûle-parfums, 163.
brûIe-tout, 163.
le brutal, 46.
bubelette, 101.
bubonocèle, 243.
budget, 254.
budgétaire, 196.
* budgétivore, 220.
* buffet-commode, 149.
* buffet-étagère, 149.
* bulldog, 254.
* bull-terrier, 254.
* bureau - capharnaùm ,
153.
bureaucratie, 243, 248.
* butylène, 237.
buxine, 194.
byronien, 193.
* bythnériacées, 189.
cabalistiquement, 122.
cachemirien, 193.
* cache-misère, 166.
cache-nez, 163.
cache-peigne, 163.
cache-pot, 163.
* cachotement, 96.
cacographe,243.
cadmium, 186.
caesium, 186.
café-concert, 149, 160.
caféine, 194.
cailloutis, 92.
calcium, 186.
* calembouriste, 210.
* calfeutrant, te, 65.
calorifique, 220.
calorimètre, 244.
calorimélrie, 244.
calorimétrique, 244.
calotter, 117.
calvitie, 178.
camelotte, 62.
camphène, 237.
camphorine, 194.
* canaillerie, 98.
* canapé-sofa-lit, 149.
* candélabres-affiches, 149.
* canne-éventail-écran, 149
cannibalisme, 210.
* canonnement, 96.
canter, s. m., 254.
canlonalisme, 210.
canulant, 65.
caoutchouter, 73.
capharnaùm, 45.
capillarité, 204.
capitalisable, 80.
capitonner, 117.
capitulant, 65.
* capitulard, 89.
caporalisme, 210.
* caprilène, 237.
captage, 82.
* captivant, te, 65.
* capucin - thermomètre.
153.
* caramboleur, 103.
* caramélane, 238,
carbonaro, 258.
*carcère, 178.
cardialgie, 242.
* cardinalesque, 208.
cardiotomie,245.
* caricaturesque, 208.
caricaturier, 107.
caricaturiste, 210.
* carnavalesque, 208.
carottier, 107.
carrick, 254.
carrosserie, 100.
* carte - correspondance ,
159,161.
* carton-cuir, 149.
* carton-paille, 159, 160.
* carton-pierre, 149, 160.
cascadeur, 103.
caséine, 194.
casque à mèche, 128.
* casquettifère, 220.
* cas-régime, 159.
casse, 51.
* cas-sujet, 159.
castorine, 112.
casuel, 191.
catégorique (impér.), 259.
catalographe, 243.
catalographie, 243.
catalographique, 243.
caudal, 190.
cauliflore, 219.
caulobulbe, 220.
causette, 101.
caustiquement, 122.
*cavalle, 51.
caviar, 254.
ceinturonnier, 107.
célérifères, 220.
cellulaire, 196.
cellulose, 238.
cent-gardes, 125.
centiare, 219.
centigramme, 219.
centilitre, 219.
centime, 179.
cenlimètre, 219.
centistère. 219.
centralisation, 199,
centraliser, 217.
centraliste, 210.
centrante, 204.
centre-droit, 125.
* centre-gauche, 107.
centre-gaucher, 107.
centrier, 107.
céphalalgie, 242.
céphalopode, 244.
*cérébration, 198.
cérébrospinal, 248.
cérium, 186.
certificatif, 206.
*cérulé, 178.
* céruléen, 193.
cervico-scapulaire, 248,
césarisme, 210.
cétine, 194.
chahuter, 117.
chalcite, 235.
chalcographe, 243.
chalcographie, 243.
chalcographique, 243.
châle, 254.
*chamarrage, 82.
champagniser, 217.
'champignonniste, 210.
*champlevée, 58.
* chanteronner, 120.
* chaparder, 117.
* chapardeur, 103.
* chapeaux - cachemires,
149.
* charivaresque, 208.
charivarique, 187.
charivariser, 217.
* charrette-semoir, 149.
charronnage, 82.
charronnerie, 100.
* charrue-semoir, 149.
* charte-vérité, 153.
* chasse-navette, 163,
* chasse-neige, 163.
chasse-pierre, 163.
* chassepot, 42.
* chasse-punaises, 163.
* chaudronné, 93.
chauffe, 51.
chauffe-assiettes, 163.
* chaufferette-lanterne, 149
chauvin, 44.
chauvinisme, 210.
chemin de fer, 127.
chemiserie, lÔO.
chemisier, 107.
chèque, 254.
* chéquier, 108.
* chevalesque, 208.
cbeval-vapeurj 149.
les chevelus, 46.
* cheveux-nat:eoires, 153.
* chicard, 89.
chiffonnant, te, 65.
* chiffonville, 157.
* chiffres-taxes. 159.
* chimistei-experls, 152.
* chippfiur, 103.
chlénacées, 189.
* chocolaté, 93.
* chocolaterie, 100.
chocolatier, i07.
'chouchouter, 117.
* chroino-duro-phane,244,
249.
chromolithe, 238.
chromo-lithographie, Î38.
chromophone, 238.
chromurgie, 238.
chronomètre, 238.
chronométrie, 238.
chronométriqiie, 238.
chronoscope, 238.
chrysocarpe, 238, 242.
chrysocéphale, 238.
chrysochlore, 238.
chrysogastrej 238.
* chrysogènej 243.
chrysologie, 238.
chrysomèle, 238.
chrysoptère, 238, 244.
chrysophthâlme, 238.
chylurie, 245.
cimolite, 235.
circonstanciel, 191.
circuleur, 103.
circumaxile, 221.
circumfusa, 178.
circumméridien, 221.
circumnavigateur. 221.
circumzénithal; 221.
' cireux, 105.
cisgangétique, 221.
* cisleithan^ 22 1.
* cisleithanien, 221.
cismontain, 221.
cispadan, 221.
cisrhénan, 221.
* cilé-cadavre, 153.
* cités-squelettes, 153.
* citologie, 248.
* citologique, 248.
* citologue, 248.
ia citoyenne, 47.
* citrène, 237.
ci tri ne, 112.
civilisateur, 200.
civisme, 210.
* clamer, 178.
clapotant, te, 65.
* classe-feuilles, 163.
* classe-valeurs, 163.
claustration, 198.
clavélisateur, 'iOO-
claYicorde. 220.
— 281 —
clayonner, 117.
* cléricaille, 85,
* cléricalisme, 210.
* clergyman,'j254.
cliché, 57.
clicherie, 100.
climatologie, 188.
climatologique, 188.
climature, 202.
cloporte, 166.
clôturer, 117.
clown, 254.
club, 254.
* clysettes-seringues-bou-
teilles, 149.
coagulateur, 200.
coalescence, 207.
-coaltar, 255.
coaptaiion, 222.
coarctant, 222.
coassant, 65.
co-auteur, 222.
co-bourgeois, 222.
* cocassement, 122.
* cocasserie, 98
* cockney, 255.
* cocotterie, 98.
codéine, 194.
co-député, 222.
codétenu, 222.
coéducation, 222.
coélecteur, 222.
coercibilité, 204.
cognac, 44.
* cogne, 51.
* cognarde, 81.
coin de feu, 128.
* coke, 255.
* col-cravate, 144.
* cold-cream, 255.
colichemarde, 42.
colite, 235.
collaboration, 178.
collaborer, 178.
collationnement, 96.
colle, 51.
collecter, 117.
collectionneur, 103.
collectivisme, 210.
collectiviste, 210.
* collectivité, 204.
* colle-fécule, 149.
collinaire. 196.
colloïde, 244.
colonisateur, 200.
* colonnes-affiches, 154,
colorisation, 199.
coltariser, 217.
cométaire, 196.
comfort, 255.
comfortable, 254.
* comic-finance, 157.
commanditer, 117.
commémorer, 178.
commercialiser, 217.
commissariat, 203.
* commissionnaires-entre-
positaires, 152.
* commode-toiletle, 149.
* communalisme, 210.
communaliste, 210.
' communard, 89.
communeux, 104.
communiqué, 57.
communisme, 210.
communiste, 210.
commutateur, 200.
* compas-triangle, 149.
' compatissance, 81.
compatriotisme, 210.
compensationniste, 210.
compréhensibilité, 204.
compromettant, te, t>5.
compromission, 199.
comptabilité, 204.
compte-gouttes, 163.
* compteur-mesureur, 149.
concentrateur, 200.
conceptaclc, 179.
conceptibilité, 204.
conceptible, 192.
* concevabilité, 204.
concordant! el, 191.
concordataire, 196.
concrescibilité, 204.
concrescible, 192.
concrétionnaire, 196.
concurrencer, 117.
concurrentiel, 191.
condensateur, 200.
condenseur, 47, 103, 200.
conduplicable, 222.
conduplicatif, 222.
condupliquer, 222.
confectionner, 117.
confectionneur, 103.
conférencier, 107,216.
conferve, 179.
confessionnalisme, 210.
confinaire. 196.
confilurerie, 100.
confortabilit", 204.
congédiable, 80.
congélabiiilé, 240.
congélateur, 200.
congréganisme, 210.
congréganiste, 210-
congrégalionnulisme, 210.
congrégationnaliste, 210.
conicine, 194.
conicité, 204.
conjonctivite, 235.
connecticule, 192.
connolatif, 222.
connotation, 222.
conscriptible, 192.
conscription, 179.
conscrit, 179.
conservateurs, 46.
conservatisirie, 210.
consonantique, 188.
consonnantisme, 210.
— 282 —
constabulaire, 195.
constituants, 56.
* constitution - consigne ,
154.
constitutionnalisme, 211.
coniagier, 216.
* contagionner, 117.
contractif, 206.
contrastant, te, 66.
contre-alizé ', 131.
contre-appel, 132.
contre-arc, 132.
contre-arêtier, 132.
contre-attaque, 132.
contre-aube, 132.
contre-augment, 132.
contre-aveu, 132.
contre-basson, 132.
contre-biseau, 132.
* contre-bon-sens, 132.
contre-brasser, 131.
contre-brodé, 132.
contre-caniveau, 132.
contre-charge, 132.
contre-claveite, 132.
contre-courbe, 132.
contre-dame, 132.
contre-dater, 131.
contre-déclaration, 132.
contre- dégagement, 132.
contre-dénonciation, 132.
contre-digue, 132.
contre-émail, 132.
contre-empois, 132.
contre-empreinte, 132.
contre-épaulette . 132.
contre-enquête, 132.
contre-estampe, 132.
contre-expertise, 132.
contre-extension, 132.
contre-fenêtre, 132.
contre-fleuré, 131.
contre- fossé, 132.
contre-foulement, 132.
contre-fracture, 132.
contre-frase, 132.
contre-fruit, 132.
contre-harmonique, 131.
contre-heurtoir, 132.
contre-indiquer, 131.
contre-jambage, 132.
contre-jan, 132.
contre-jet, 132.
contre-jumelles, 132.
contre-larmes, 132.
contre-ligne, 132.
contre-lorgner, 131.
contre-maille, 132.
contre-mailler, 131.
contre-mandat, 132.
contre-manœuvre. 132.
contre-marc, 132.'
contre-mission, 132.
*contre-morfil, 132.
contre-mot, 132,
contre-motif, 132.
contre-moule, 132.
contre-opération, 132.
contre-ordre, 132.
contre-panneton, 132.
contre-paroi, 132.
contre-pas, 132.
contre-passation, 132.
contre-pente, 132.
contre-percer, 131.
contre-pilastre, 132.
contre-planche, ]32.
contre-planter, 131.
contre-poinçon, 132.
contre-police, 132.
contre-poser, 131.
contre-potence, 132.
contre-pouce, 132.
contre-pression, 132.
contre- projet, 132.
contre-promesse, 132.
contre-propos, 132.
contre-proposition, 132.
contre-puff, 132.
contre-puits, 132.
* contre-rampe, 132.
coritre-rétable, 132.
contre-rêver, 13).
contre-révolution, 132.
contre- révolutionnaire ,
132.
contre-révolutionner, 131.
contre- ronde, 132.
contre-saison', 132.
contre-sempler, 131.
contre-signal, 132.
contre-signataire, 132.
contre-sol, 132.
contre-sommation, 132.
contre-sommet, 131.
contre-sommier, 132.
contre-sortie, 132.
contre-stimulant, 132.
contre-sujet, 132.
contre-taille, 132.
contre-tailler, 131.
contre-tasseau, 132.
contre-timbre, 132.
contre-timbrer, 131.
contre-tranchée, 132.
contre-valeur, 132.
contre-verge, 132.
contre-voite, 132.
contre-vue, 132.
contribution, 261.
controverser, 1 17.
convertissable, 80.
Convict^ 255.
convictionnel, 87.
convulser, 216.
' cooccupant, 222.
coopératif, 206.
* coordinateur, 200.
copulateur, 200.
corollifère, 220.
* cornéline, 112.
corporaiité, 204.
* corrélativité, 204.
* corsage-fourreau, 149.
corsé, 93.
corset, 43.
* corset-cuirasse, 149.
* cosmétique, 93.
cosmocratie, 238.
cosmomètre, 244.
cosmométrique, 2/)4.
cosmonomie, 238.
* cosmopolisme, 211.
cosmopolitisme^ 211.
cosmorama, 2:h8, 244.
cosmosophie, 238.
* costo pubien, 248.
* cotillonner, 117.
cotonnade, 81.
coton-poudre, 149.
cotrets, 44.
cortage, 255.
* couleuré, 94.
coulissier, 107.
* coupé-cabriolet, 149.
* coupe-cigares, 163.
* coupe-file, 163.
* coupe-mariage, 163.
* coupe-veilleuse, 144.
coupletier, 107.
courbaturer, 117.
courbouillonner, 117.
courtiers-gourmets, 152.
* courtiers-marrons. 15').
couseuses, 48.
couveuses, 48.
* couvre-bouchons, 163.
*couvreurs-entrepreneurs,
152.
* couvreurs-plombiers-zin-
gueurs, 152.
crâne, adj., 62.
crânement, 122.
* crâner, 117.
craniologie, 243.
craniologique, 243,
craniologue, 243.
* crasserie, 98.
* cravate-dentelle , 159,
160,
* cravate-écharpe, 149.
crédirentier, 219.
(Tênié, 94.
créogénie, 238.
créograpliie, 238.
* créolement, 1 22.
créophage, 238.
créophagie, 238.
créophile, 238.
i. Plusieurs des mots composés avec contre sont de date douteuse.
créosote, 238.
crépaudaille, 85.
crépeline, 112.
* crépelure, lia.
' crépidule, 192.
crépuscuiin, 110.
* crespite, 235.
les crevés, 46-
* crible-tarare, 149.
* crino-gaze, 248.
crinoline, 112, 150.
crinolinier, 107.
cristallinité, 204.
cristallomètre, 244.
cristallométrie, 244.
cristallométrique, 244.
critère, 179.
critérium, 179.
croassant, te, 66.
* croiseur-compteur, 149.
* croutéum, 185.
* croutonner, 117.
cruor, 179.
cryptobranche, 238, 242;
cryplocarpe, 238, 242.
cryptocéphaie, 238.
cryptocèle, 243.
cryptocère, 238.
cryptogame, 238.
cryptogastré, 2a8.
cryptogramnie, 238.
cryptographe, 243.
cryptographie, 243.
cryptographique, 243.
cryptologique, 238.
cryptopode, 244, 238.
cryptopore, 238.
cryptorchine, 238,
cryptostémorie, 238.
cténite, 235.
cubébine, 194.
cuite, 58.
cuivrage, 83.
culture, 261.
cumular 1, 90.
curare, 259.
* cuve-grilloir, 150.
cyanocï.rpe, 242 et 239.
cyanocéphaie, 243 et 239.
cyanodémie, 239.
cyanogastre, 239.
cyanogène, 243, 239.
cyanogygne, Î39.
cyanoleuque, 239.
cyanomèle, 239.
cyanomètre, 239.
cyanopathie, 239.
cyanopathique, 244.
cyanophosphore, 239.
cyanopode, 244 et 239.
cyanoptère, 239
cyanopyge, 239.
cyanophthalme, 239.
cyanure, 239.
cyclobranche, 239, 242.
cyclocarpe, 239, 242c
— 283 —
cyclocéphale, 239, 243.
cyclocéphalie, 239.
cyclographe, 239.
cyclolithe, 239.
cycloœorphe, 239.
cyclomètre, 244.
cyclométrie, 244.
cyclométrique, 244.
cycionote, 239.
cyclophore, 239.
cyclophylle, 239.
cycloptère, 239.
cyciosperme, 239.
cyclothèle, 239.
cyclozoaire, 239.
cystaigie, 239.
cysthépatliique, 233.
cistipathie, 239.
cistirrhagie, 239.
cistirrhée, 239, 244.
cystite, 235.
cystitomie, 239, 24.').
cystocèle, 239.
cystodynie, 239.
cystciïde, 249.
cystolithique, 239.
cystoplastie, 239.
cystoplégie, 239.
cystoptose, 239.
cystospastique, 239.
cystostomie, 239.
dacryocyste, 239.
dacryoïde, 239.
dacryopée, 239.
dactylographie, 239.
dactyiogriiphi'iue, 239.
dactyloïde, 239.
dactylolalie, 239.
dactylologie, 243.
dactylologique, 243.
dactylologue, 243.
dactylonome, 244.
dactylonomie , 239 et
2'.4.
daclyloptère, 239 et 244.
dactylolhèque, 239.
dandy, 255.
dandysme, 211.
' dansomane, 243.
* dansomanie, 248.
daphnine, 194.
* darwmisme, 211.
'darwiniste, 211.
dasyanthe, 239.
(iasycarpe, 239.
dasycaule, 239.
dasycéphale, 239.
dasygastre, 239.
dasype, 239.
das'yplèvrej 239.
dasystachié, 239.
dasystémone, 239.
dasyure, 239.
daturine, 194.
daumoQt, 43.
'débater, 255.
débine, 51.
débirentier, 219.
déblai. 51.
débordement, 122.
* déiiourreuse, 48.
* débraillement, 96.
débroussaillement, 9G.
débroussailler, 136.
débutant, te, 56.
décadaire, 196.
décadiser, 217.
décalcomane, 243.
décalcomanie, 243, 248.
décamètre, 244.
décanoniser, 135.
(lécapitaliscr, 136.
décapuchonner, 136
décarbonater, 136.
décarboniser, 135.
décarburateur, 200.
décarburer, 136.
"décembraillard, 90.
décentralisable, 136.
décentraliser, 135,
décheteux, 105.
déciare, 219.
décigramme, 219.
décilitre, 219.
déoimalité, 205.
décime, 179.
décimètre, 219.
décistère, 219.
déciviliser, 135.
les déclassés, 46.
décomposant, te, 66.
décompression, 136.
décomprimer, 135.
déconclu, 136.
décortiquer, 179.
déccrtiqueur, 47.
découpeur, 48.
découpoir, 113.
décravater, 136.
décrépissage, 136.
* décroche -moi ça, 166.
décr(rttei:r, 48.
défectionner, 118.
* déflagorner, 1H5.
déformateur, 200.
défraîchir, 136.
dégalonner, 135.
dégelée, 58.
dégénéraiion, 199.
dégénérescent, 207.
dégommer, 136.
le dégourdi, 58.
*dégoùtation, 199.
dégradant, te, 66.
delaine. 133,
délassant, te, 66.
délinéer, 179.
délisseuse, 48.
démagogisme, 211.
demi-monde, 125.
démissionnaire, 196.
— 284 —
démocratie, 243.
démoder, 136.
démoralisant, te, 66.
démoralisation, 199.
démoraliser, 135.
* dentelle-torchon, 136.
dépailjer, 136.
dépanneauter, 136.
dépensable, 80.
dépiauter, 74, 137.
dépilant, te, 66.
* dépoétiser, 135.
déport, 52.
dépositeur, 179.
dépravant, 66.
déracinable, 80.
dérailable, 80
déraillement, 96.
dérailler, 137.
dérangeur, 10>i.
derby, 255.
dérivable, 80.
dermaptère, 244, 23P.
dermatalgie, 239, 242.
dermatite, 235.
dermatobranche, 239.
dermatodonte, 239.
dermatodynie, 239.
dermatogastre, 239.
dermatographe, 239.
dermatographie, 239.
dermatoïde, 239, 244.
dermatologie, 239, 243.
dermatologique, 243.
derraatologde, 243.
dermatolysie, 239.
dermatopathie, 239.
dermato pathologie, 239.
dermatophide, 239.
dermatophile, 239.
dermatopnonte, 239.
dermatose, 235.
dermatosquelette, 239.
dermatotomie, 239, 245.
dermochélyde, 239.
dermophage, 239.
dermoptère, 239.
dermorrhynque, 239.
désabonnement, 136.
désaffamer, 135.
désaffection, 136.
désaffectionnement, 136.
désaffectionner, 135.
désagrégeable, 80, 136.
désaimanter, 135.
* désappauvrir, 135.
désargentage, 83
désassociation, 136.
descenseur, 200.
déséclusement, 136.
*désencanailler (se), 135.
désencapuchonner, 135.
*désennoblir, 136.
'désentrailler, 137.
désharmoniser, 136.
déshydrater, 136.
déshydrogéner, 136.
desiderata, -tum, 179.
désillusionnement, 136.
désillusionner, 136.
désincrustation, 137.
* désincruster, 137.
désinvolture, 258.
désireur, 103.
* dcsœuvrerie, 98.
désopilant, te, 66.
désoxydant, te, 66.
*dessainissement, 137.
*dessinanriier, 88.
dessouchement, 137.
destructible. 179.
détailliste, 211,
détaxe, 136.
* détective, 255.
déterminisme, 211.
déterministe, 211.
détonnant, 66.
* détourne, 51.
détumescence, 207.
deutéro (voir proto), 239.
déveine, 136.
développant, 66.
déveuver, 137.
déviateur, 200.
devinette, lOl.
*déviiginiser, 137.
dévonien, 193.
dextrine, 194.
diagnostiquer, 118.
*diamantine, 112.
dictatorialement, 122.
didymium, 186.
* dieux-titans, 15^.
digitaline, 194.
dilettante, 258.
dilettantisme, 211.
*dilliniacées, 189.
diluvié, 203.
* dimanche - programme,
157.
* dindonophile, 244.
dinothérium. 245.
diorama, 244.
diorite. 235.
les diplômés, 57.
diptère, 244.
directoire, 179.
* dirigeable, 80.
discontinuité, 222
discutable, 80.
discuteur, 103.
dislocateur, 200.
dispache, 258.
dispacheur, 258.
dispensataire, 195.
dispersif, 206.
disposeur, 103.
disqualifier, 222.
distancer, 118.
district, 129.
dividende, 206.
diviseur. 47.
divisionnaire, 196.
divisoire, 201.
divitiaire, 195.
divoltain, 259.
dock. 255.
doctrinaire, 196.
dolichocéphale, 243.
domestication, 199.
donnée, 58.
* dorchite, 235.
doiiillelte, 101.
draconite. 235.
(liageonnement, 96.
dram, 255.
drainage, 83, 255,
drainer, 118, 255.
dramatiser, 217.
drawback, 255.
* drelindinage, 83.
* droguisterie, 100.
droitier, 107.
drop, 255.
drosé racées, 189.
duodénite. 235.
duodi, 219.
*dupinade, 189.
dynamiser, 217.
dynanométrie, 188.
dynanométrique, 188.
* ébahissant, te, 66.
ébouleux, 105.
ébourffant, te, 66.
ébriété, 179.
ébuliioscope, 244.
éburnéen, 193.
échéancier, 108.
*échotier. 73, 107.
* écœurant, te, 66.
écrasant, te, 66.
édénique. 187.
* édicule, 179.
effarouchant, te, 66.
effluen.ce, 207.
•effranger, 137.
effrénement, 96.
égalitaire. 195, 196.
égilops, 234.
égoïstement, 122.
* égorgiller, 120.
égolisme, 211.
* égreneuse. 48.
égyptologie', 188, 243.
égypto'ogiqûe, 188, 243.
égyptologue, 243.
* élastiques-reàsorts, 1 50
eldorado, 259.
électionner, 118.
électorat. 203.
éiectrisant, te, 66.
électriser, 217.
électro-aimant, 239.
électro-chimie, 239.
électro-chimique, 239.
électro-dynamique, 239.
électro-dynanisme, 239.
électro-galvanisme, 239.
électro-galvanique, 239.
éiectrogène. 239.
électrogenè-e. 239, 243.
électrographe, 239.
électrologie, 239, 243.
électrolysable, 239.
électrolyse, 239.
électrolyser, 239.
électrolyte, 239.
électrolytique, 239.
électromagnétique, 239.
électromagnétisme, 239.
électromètre, 239.
électrométrie, 239.
électromélrique, 239.
électromoteur. 239.
électro-négatii", 239.
électrophore, 239.
électro-physiologie, 239.
électro-polaire, 239.
électro-positif, 239.
électropuncture, 239.
électroscope, 239,244.
électro-statique, 239.
électro-thérapeutique, 239
éiectrothérapie, 239.
* électro-tonisme, 211.
électro-type, 239.
électro-typie, 239.
électro-vital, 239.
électro-vitalisme, 239.
* élémosinaire, 179.
' elléborétine, 194.
elléborine, 194.
élucubrateur, 200.
élucubrer, 179.
éludable, 80.
élytrite, 235.
élytrocèle, 239.
élytroïde, 239.
élytroplastie, 239.
élylroptose, 239.
élytrorrhagie, 239.
élytrorrhapie, 239.
émasculateur, 200.
embander, 138.
embarbolter, 137.
* emballeur, 47.
embourgeoiser, 138.
embryonelle, 95.
émetteur, 103.
émigrant, 179.
émigrés, .57.
*émissibilité, 204.
émissionnaire, 196.
émotionner, 118.
émouvant, te, 66.
emparadiser, 138.
empire, adj., 61.
emplanler, 137.
empoignant, te, 66.
émulsine, 194.
encaissable, 80.
* encanaillement, 96.
* encastorjner, 138.
— 285 —
encellulement, 139.
encéphalocèle, 243.
encotonner, 138.
encravatemenl, 139.
'encrier-filtre, 150.
* endémicité, 205.
endiamanter, 138.
* endimanchement, 96.
endivisionnement, 139.
endos, 138.
endoscope, 244.
endossement, 96.
énervant, te, 66.
enfile-aiguille, 163.
'enfumage. 83.
engainant, ta, 66.
* englauiier, 138.
engloutissement, 96.
engourdissant, te, 66.
enrayeur, 47.
enregistreur, 103.
enrubanné, 138.
enseignant, te, 66.
•ensoleillé, 138.
* ensommeillé, 139.
enlasseur, 103.
enténébrer, 139, 243.
entérite, 235.
entéro-colite, 243.
enlérotomie, 245.
' entomber, 139.
entomogène, 239, 243
entomographe, 239.
enlomographie, 239.
entomoïde. 239.
enlomolithe, 239.
entomologie, 239.
entomologique, 243.
entomologiste, 239.
entomophage, 239.
entomophile, 239.
entomophore, 239.
enlomostome, 239.
entomostracé, 239.
entomozoaire, 239.
en-tout-cas, 138.
entrain, 138.
entraînement, 261.
entraîner, 261.
'entrefilets, 139.
entrepositaire, 195.
entretoises, 139.
entrevoie, 139.
envagonner, 139.
envahissant, te, 66.
envasement, 139.
enveloppant, te, 66.
* envolement, 96.
épalpé, 137.
épatant, 67.
* épate, 51.
épauletier, 107,
* épeutisseuse, 48.
épigraphe, 243.
épigraphie, 243.
épigraphique, 243.
' épileptisante, 218.
épinceteuse, 48.
"ôpinglier-grillageur, 152.
* épiscopalien, 193.
épistolographe, 243.
épistolographie, 243.
épistolographique, 243
* éploienient, 97.
époucé, 137.
éprouveur, 103.
épurateur, 200.
équilibriste, 211.
équipier, 107.
éreiritement, 97.
éreinler, 118.
éreinteur, 103.
ériocalicé, 239.
ériocarpe, 239, 242.
ériocaule, 239.
énocéphale, 239.
ériomètre, 239, 244.
ériopétale, 239,
ériophore, 239.
ériosperme, 239-
ériostémone, 239.
ériostome, 239.
ériostyle, 239.
*erraticité, 205.
érythrocarpe, 239, 243.
érythrocéphaie, 239.
érythrocère, 239.
érythrodactyle, 239.
érythroderme, 239.
érythrogastre, 239.
érythrolophe, 239.
érythrope, 239.
érythrophylle, 239.
érythroptère , 239, 244.
érythrosperme, 239.
érythrostome, 239.
érythrothorax, 239.
érythroxyle, 239.
escargotage, 83.
eschathologie, 243.
eschatologiquc, 243.
*esclavagei, 118.
esclavagisme, 211.
esclavagiste, 211.
* esculence, 207.
* esculent, 179.
* esthéticien, 193.
élanchéité, 234.
* éthylène, 237.
étiologie, 234.
* étire-cambre-tige, 164.
'étrille-cure-pieds, 150.
' européaniser, 217.
* européennement, 122.
évalve, 137.
* évangélisateur, 200.
*évocateur, 179.
* évaluateur, 200.
"exacerber, 179.
excitateur, 180.
exclusivisme, 211.
excursionniste, 211.
— 286 —
eicurvé, 222.
* ex-député, 222.
exécutant, te, 56.
* ex - femme vertueuse ,
222.
exfétation, 222.
exhibition, 261.
* ex-hôtesse, 222.
* ex-instituteur, 222.
explosible, 192.
explosif, 206.
explosionner, 118.
* exportatif, 206.
■ * ex-préfet, 222.
express, 255.
ex-propriétaire, 222.
* ex-prolecteur, 222.
exsertion^ 261,
exteraporané, 180.
extensif, 206.
extérioriser, 217.
" exterminatif, 206.
externat, 203.
extinctif, 206.
extirpateur, 200.
extra (adj. et subst.), 223.
cxtra-axillaire, 222.
' extra-blanc, 222.
extra-budgétaire, 222.
* extra-conjugal, 222.
extrader, 180.
extra-européen, 222.
extra-fin^ 222.
extra-foliacé, 222.
extra-folié, 222.
* extra-fort, 222,
extra-humain, 222.
extra-légal, 222.
'extra-lucide, 222.
* extra-naturel, 222.
extra-oculaire, 222.
* extra-organique, 222.
extra-personnel, 222,
extra-réfractaire, 222.
extra-réglementaire, 222.
extra-statutaire, 222.
* extra-superfin, 223.
extra-utérin, 222.
extra-vertébré, 222.
fabricien, 193.
fac-similer, 118.
factage, 83.
facteur ( t. de philoso-
phie), 261.
facule, 180.
* faiteau, 95.
* fantabosse, 166.
fantaisiste, 211.
fantasia, 258.
fantasmatique, 188.
fantoche, 258
* faradique, 187.
* farwest, 255.
fashion, 255.
fashionable, 255.
* fatuitisme, 211,
faubourien, 106.
faucheuse, 48.
* fauteuils-crapauds, 150,
160.
* fauteuil-lit, 1.50.
* fauteuils - médaillon ,
159, 160.
* faux toupet (adj.), 61.
* favicole, 220.
favoritisme, 211.
fédéraliser, 217.
fédéralisme, 211.
fédéraliste, 211.
fédération, 180.
les fédérés, 46, 57.
féerique, 187.
* fellow, 255.
* fénianisme, 21 1.
* ferme-persiennes, 164.
* ferme-portes, 164.
* ferruginé, 203.
fertilisable, 80.
* festivité, 180.
feuilletonniste, 211.
fibrine, 194.
fibro-cellulaire, 248.
* fiche-ton-camp (le sire
de), 166.
* fichu-coiffure, 150.
* fichu-mantille, 150.
figuriste, 211.
filateur, 200.
* fileterie, 100.
finalité, 205.
* filifère, 220.
filigraniste, 211.
filtre-charbon, 150.
finalité, 205.
finisseuse, 48.
fioriture, 259.
fissipare, 220.
fixateur, 201.
* fixe-serviette, 164.
fixibilité, 205.
* flacourtiacées, 189.
* flagrant, 180,
flambée, .58.
* flâne, 51.
flâner, 103.
flânerie, 98.
* flânocher, 120.
* fleuristes - jardiniers,
152.
* flexionnel, 89.
* flirtation, 255.
* flirter, 255.
* floppée, .58.
floribond, 206.
* foliipare, 220,
foliotage, 74, 83.
folioter, 74.
* folioteur, 47, 74 103.
* fonctionnaires - enton -
noirs, 154.
fonctionnarisme, 211. [
fonctionnel, 81.
fontainebleau (du), 44.
foraminifères, 220.
* force-lumière, 164.
forficule, 180.
formication, 198.
* formidablement, 122.
* formulable, 80.
* formulette, 101.
fossiliser. 217.
* fourbi j '260.
* fourriérisme, 211,
* fourriériste, 211.
* fragrance, 180.
framboisement; 97.
* franc-fileur^ 125.
franco, 259,
' franco-allemand, 249.
* francophobe, 244.
* francophobie, 244.
* frankliniacées, 189.
* franklinite, 135.
* fraxini folié, 219.
frelatation, 199.
fricatif, 206.
* frichti, 259.
* frigide, 180.
frigorifique, 220.
* frileusement, 122.
* friponville, 157,
* frôleur, euse, 103.
fruit sec, 128-
* fuchsiner, 94, 118.
fulgurant, te, 80,
fulgurite, 235.
fulmicoton, 220,
*fulvide, 180.
fumariacées, 189.
* fume-cigares, 164.
fumifuges, 220.
fumivores, 220.
fumivorité, 205.
funambulesque, 208.
fungine, 194.
' fusil-harpon, 150.
gailletterie, 100.
galactagogue, 239.
galactocèle, 239.
galactographie, 239.
galactologie, 239.
galactomètre, ie, 239,244.
galactométrie, ique, 244.
galactopéèse, 239.
galactopéétique, 239.
galactophage, 239.
galactophore, 239.
galactophthisie, 239.
galactoposie, 239.
* galactorrhagie, 244.
galactorrhée, 239, 244.
galactoscope, 239.
galactose, 238-
galacturie, 2'M
' galHum, 186.
galvanique, 187.
galvaniser, 21 7.
galvanoplastie, 244.
galvanoplastiqiie, 244.
* gambettiste, 211.
gaminer, 118.
gandin, 45.
gardes-mobiles, 47.
gardes-nationaux, 47.
garde-notes, 164.
'gardiens delà paix, 127.
gare, b\.
* garibaldien, 193.
garnisaire, lùh.
gastéropode, 239.
gastéroptérygien . 239,
244.
gastérozoaire , 239.
gastralgie, 239, 242.
gastralgiq'ue, 239.
gastroadynamique, 239.
gastro-bronchite, 239
gastrocèle, 243.
gastrodyne, 239.
gastro-colique, 239.
gastro-colite, 239.
gastro conjonctivite, 239.
gastroduodénal, 239.
gastro-duodenité, 239.
gastro-encéphalite, 239.
gastro-entérite, 239.
gastrû-époploïque, 239.
gastro-hépatique, 239.
gastro-hépatite, 239.
gastro-hystérotomie, 239.
gastro-intestinal, 239.
gastro-laryngite, 239.
gastrologie, 239.
gastromalacie, 239.
gastromèle, 239.
gastro-méningite, 239.
gastro-métrite, 240.
gastro-muqueuse, 240.
gastronecte, 240.
gastronome, 2'iO, 244.
gastronomie, 240, 244.
gastro-néphrite, 240.
gastro-péritonite, 240.
gastro-pharyngite, 240.
gastro-pylorijue, 240.
gastrorrliapie, 240.
gastrorrhée, 240.
gaslrose, 235.
gastro-splénique, 240.
gastrosténose. 240.
gastrothèque, 240.
gastro-thoracique, 240.
gastrotome, 240.
gastrotomie, 240, 24.5.
gastro-vasculaire, 240.
gàte-enfants, 167.
gâterie, 98.
* gaudrioler, 118.
gavage, 83.
gaveur, 103.
* gavroche, 45.
gazier, 108.
— 287 —
gélatine, 194.
géline, 194.
* gemmage, 83.
gemmer, 118.
gemmipare, 220.
* gêneur, 103.
' génialité, 205.
génito-urinaire, 248.
*gente, 180.
gentilhommière, 108.
gentleman, 255.
gentleman-rider, 255.
gentry, 255.
* géographier, 118.
géologie, 240.
géologue, 240.
géorama, 240, 244.
géosaure, 240.
géraniacées, 189.
germanisation, 199.
germaniser, 217.
germanisme, 211.
G4ryville, 156.
* gibus, 43.
giffard, 43.
gin, 255.
glaciaire, 195.
* glairidine, 113.
glairine, 194.
glaneuse, 49.
* glanoir, 113.
glissière, 108.
* global, 86.
gloria, 180.
glossographe, 243.
glossograpbie, 243.
glossographique, 243.
glossotomie, 245.
glucynium, 186.
* glycéride, 238.
glycérine, 194.
glycocoUe, 240.
glycogène, 240.
glycogénie, 240.
glycomètre, 240.
* glycosane, 238.
glycose, 238.
glycymètre, 240.
glycyrrhize, 240.
glycyrrhizine, 240.
* gobichonnade, 81.
* godillots, 43.
* gommaline. 194.
* gommeur, 103.
gommeux, 105.
* gouache, 94.
goum, 260.
gourbi, 260.
gouvernemental, 86.
' gouvernementaliste, 21 1,
* gouvernement - caporal,
154.
•graciant, te, 67.
' grainiers-tleuristes, 152.
* grandiosité, 205.
grandissant, te, 67
' granité, 235.
granitoïde, 244.
granuliforme, 219.
graphite, 2-35.
(les) gratifiés, 57.
gratte, 51.
' gratte-moi dans le dos.
166.
* gratteuse, 49.
grelottant, te, 67.
gréviste, 211.
'griffu, 115.
* griserie, 98.
* grisollement, 97.
grog, 256.
grondabie, 80.
* grondée, 58.
groom, 256.
grossissant, te, 44.
gruyère, 44.
guano, 259.
guérilla, 259.
guérillero, 259.
* guide-baguette, 164.
' guide-pied, 164.
guimperie, 100.
*guiiare-basson, 250.
'guitare-harpe, 150.
* guitare-lyre, 150.
gustuel, 191.
gutta-percha, 256.
gymnopédie, 244.
*gypserie, 100.
'hache-viande, 164.
* lialtères, 234.'
handicap, 256.
handicaper, 118.
'hanneton- verrier, 154.
harmonicorde, 220.
harmoniser, 217.
* haschichiens, 193.
haussier, 107.
hautboïste, 211.
haute-cour, 125.
heciomètre, 244.
hégélien, 193.
hélicite, 235.
hélicoïde, 240, 244.
hélicostègue, 240.
hélicotrème, 240.
héliochromie, 240.
héliochromique, 240.
héliocomète, 240.
héliographie, 240, 243.
héliographiquH, 243.
héliomèlre, 240.
hélioscop^, 240, 244.
hélioscopie, 240.
héliostatj 240.
héliostatique, 240.
héliotropie, 240.
héliotropique, 240.
héliotropisme, 240.
hellénisation, 199.
helminlhoïde, 240.
288
helmintholithe, 240.
helminthologie, 240.
helminthologique, 240.
helminthologiste, 240.
hémagogue, 240.
hémastatique, 240.
hématidrose, 240.
hématocarpe, 240, 243.
nématocèle, 240.
hématocéphale, 240.
hématographe, 240, 243.
hématographie, 240, 243.
hématoïde, 240.
hématologie, 240.
hématologique, 240.
hématomphaie, 240.
hémalophylle, 240.
hématorrhachis, 240.
hématose, 234.
hématozoaire, 240.
hématurie, 240.
hémicarde, 240.
hémicarpe, 240, 243.
hémichorée, 240.
hémicrânie, 240.
hémicylindrique, 240.
hémidactyle, 240. :
hémièdre, 240.
hémiédrie, 240.
hémiédriqiie, 240.
hémiencéphale, 240.
hémigamie, 240.
hémigoniaire, 240.
hémimêle, 240.
hémiméroptère, 240, 244.
héminopode, 244.
hémiopie, 240.
hémipage, 240.
hémipalmé, 240.
hémiplégie, 240, 244.
hémipomalostome, 240.
hémiptère, 244.
hémiptéronote, 240.
hémisphéroïde, 240.
hémitérie, 240,
hémitome, 240.
hémophobie, 240.
hémophthalmie, 240.
hémoplanie, 240.
hémoplastique, 240.
hémorrhagie, 234.
hémorrhée, 240.
hémorrhinie, 240.
hémospasis, 240.
hémostase, 240.
* henriquinquiste, 211.
hépatirrhaghie, 244.
hépatirrhée, 244.*
hépatite, 235.
"herniaires - bandagistes,
152.
herse-râteau, 150.
hetman, 260.
hexaptère, 244.
heyduque, 260.
* high-life, 256.
hilarant, 180.
* hilare, 180.
hippocratiacées, 189.
hippophage, 244.
hippophagie, 244.
hirsute, 181.
hirundiniculture, 220.
* hisser, 256.
historicité, 205.
* histrionnerie, 99.
holographe, 243.
home, 2.56.
* homme-affiche. 154.
* homme-autrucne, 154.
* homme-canon, 159.
* homme-chandelle, 159.
* homme-chêne, 154.
homme de peine, 127.
* homme-jocko, l54.
* homme-mémoire, 154.
* homme-mouche, 154.
* homme-perroquét. 154.
* iiomme-poisson, 154.
* homme-squelette, 154.
* homme-vautour, 154.
honorabilité, 205.
honorariat, 203.
hordéine, 194.
*horizonner, 118.
*horlogers-pierristes, 152.
'horripilant, t». 67.
horripiler, 181.
* horse-steak, 256.
hospodarat, 203.
* hugolâtre,243.
*huit-ressorts, 128.
humanitaire, 196.
hiimanitairerie, 99.
humanitarisme, 212.
* humboldtite, 235.
humoriste, 212.
humoristique, 187.
* hunter, 256.
husting, 256.
hyalite, 235.
hydrobie, 249.
hydrobranche, 240, 242.
hydrocarbure, 240.
hydrocele, 243.
hydrocéphale, 243.
hydrocirsocèle, 240.
hydrographe, ie, ique, 243
hydroélectrique, 240.
hydromel re. 240.
hydropathe, 240.
hydrophane, 240.
hydrophthalmie, 240.
hydrophyte, 240.
hydropote, 240.
hydrorachis, 240.
hydrorama, 244.
hydrorrhée, 240.
hydrothérapie, 240.
hydrothérapeuiique, 240.
hydrothorax, 240.
hydrotomie, 240, 245.
hygrologie, 240.
hygrophobie, 240.
hygroscope, 240, 244.
hygroscopie, 240.
hygroscopique, 240.
hyménéen, 193.
hyménocarpe, 240, 243.
hyméno2raphe, ie, ique,
240, 243.
hyménolépidoptère, 240.
hyménologie, 240, 243.
hyménophore, 240.
hyménophyllées, 240.
hyménopode. 240.
hyménorrhize, 240.
hyménotomie, 240.
hypnotiser, 2i7.
hystérocèle, 243.
* hystérogène, 243.
hystérotomie, 245.
ichtyocolle,240.
ichthyo(lonte,240.
ichtyhodcrylithe, 240.
ichthyographe, 240.
ichthyographie, 243.
ichthyomorphe, 240.
ichthyophagie, 2^*0, 2'i4.
ichthyophile, 244.
ichlhyo.saure, 240, 244.
idéalisation, 199.
idéaliser, 217.
idéalité, 205.
* idémiste, 212.
idéogénie, 240.
idéogramme, 240.
idéographie, 188, 240.
idéographique, 188.
ideographisme, 188.
idéologue, 240, 243.
idéologie, 240, 243.
idéologique, 243.
*idéomûrphe, 244.
* idéomorphisme, 2'i4.
idéo-électrique, 240.
idiogyne, 240.
idio-métallique, 240.
idiomorphe, 240.
idiopathie, 240, 244.
idiopathique, 24 'i.
idiosyncrasie, 240.
ignorantisme, 212.
iléite, 235
inimitable, 224.
illitérature. 224.
illogique, 224.
illusionner, 118.
imagé,-er, 93.
imbrûlable, 224.
immarcessible, 181.
immémorable. 181.
immémoré, 181.
immérite, 224.
immésiréconlieux, 224.
i m mesuré, 224.
imméthodique, 224. '
— 289
immobilisme, 212.
immobiliste, 212.
immodulé, 224.
impalpabilité, 205.
impardonné, 224.
impartageable, 224.
* impatriote, 224.
impératifcatégorique, 259
imperfectible, 224.
impériale, 46.
impérialisme, 212.
impérialiste, 212.
impermanence, 224.
un imperméable, 46.
'imperméabilisation, 198.
impermutable, 224.
impersévérance, 224.
impesé, 224.
impeuplé, 224.
* impleuré, 224.
impliable, 224.
impondérable, 224.
impopulaire, 224.
impopularité, 224.
impotable, 224.
impraticabilité, 205.
impratiqué, 224.
imprésario, 259.
*impressible, 192.
impressionnable, 80.
impressionnabilité, 205.
impressionner, 1 18.
improbité, 181,224.
improductif, 224.
improduit, 224.
improfitable, 224.
improtégé, 224.
impudeur, 22t.
impurifié, 224.
imputrescible, 224.
inabrité, 224.
inabrogé, 224.
inaccessibilité, 20.5.
inacclimatable, 224.
inaccompagné, 224.
inaccord, 224.
inacheté, 224.
'inachèvement, 224.
inactif, 225.
inadhérent, 225.
inadmis-sion, 225.
inaffecté, 225.
inaffligé, 225.
inajournable, 225.
inalpage-er, 223.
inaltération, 225.
inaltéré, 225.
inamical, 225.
inamovibilité, 225.
inapaisable, 225.
inaperçu, 225.
inapparent, 22o.
inappauvri, 225."
inapprécié, 225.
inapprouvé, 225.
inapte, 225.
inassiduité, 225.
inassignable, 225.
inassimilable, 225.
inassociation, 225.
inassorti, 225.
inassoupi, 225.
inassouvi, 225.
inauriculé, 225.
inauthenticité, 225.
inautorisé, 225.
inavouable, 225.
incalcinable, 225.
incalculé, 225.
incalomniable, 225.
incandeur, 225.
incassable, 225.
incélébré, 225.
inchangé. 225.
inchavirable, 225.
inchrétien, 225.
incivilisable, 225-
incivisme, 212.
inclassable, 225.
incoagulable, 225.
incoction, 225.
incoercition, 225.
incommençable, 225.
incoramisération, 225.
incompacité, 225.
incompassion, 225.
incompatissant, 225.
incompensabljr , 225.
incompréhensibilité, 205.
incomprimé, 225.
inconcevabilité, 205.
inconciliant, 225.
inconcluant, 225.
inconcrescible, 225.
inconçu, 225.
inconditionné, 225.
inconditionnel, 225.
inconducteur, 225.
inconfessé, 225.
inconfiant, 225.
incongelé, 225.
inconjugal, 225.
inconnaissable, 225.
inconnexité, 225.
inconquis, 225.
inconscience, 225.
inconservable, 225.
inconsistance, 225.
inconsolé, 225.
inconsommable, 225.^
inconstitutionnel, 225.
inconsumé, 225.
incontinuité. 225.
* incontractile, 225.
incontrit 225.
incontrôlable, 225.
incontroverse, 225-
inconvaincu, 225.
inconvenablemenl, 122.
inconversible, 225.
inconviction, 225.
inconvié, 225.
incoordination, 225.
incorporer, 261.
incourbé, 225.
incrassant, 181.
mcriminel, 225.
incritiquable, 225.
incrochetable, 225.
incroyant, 225.
incuit, 225.
inculture, 225.
incuriosité, 181.
incurvation, 223.
indébrouillable, 225.
indébrouillé, 22.5.
indécachetable, 225.
indéchiré, 225.
indécisif, 225.
indécliné, 225.
iridécomposé,225.
*indécousable, 225.
indécrit, 225.
indéfié, 225.
indéfiguré, 225.
indéfrichable, 225.
*indégonflable, 225.
indéguisé, 225.
indéhiscent, 225.
indélégable, 225.
* indélégation, 225.
indélicat, 225.
indemandé, 225.
indémontré, 225.
indéniable, 225.
indénoncé, 225.
indénouable, 225.
indenté, 225.
indépouillé, 225.
Indéracinable, 225.
indescriptible, 225.
* indiamsant, 218.
indianiste, 212.
* indiennerie, 100.
indigérer, 225.
indigotine, 194.
indine, 194.
indirection, 225.
indiscutable, 225.
indiscutabilité, 205.
indispensabilité, 205.
indispersé, 225.
indisputé, 225.
indistinction, 225.
indium, 186.
industriellement, 122.
inéclairci, 225.
ineffacé, 225.
ineffablement, 122.
inéligibilité, 205.
inéluctable, 181.
inemployé, 225.
inenvié, 225.
inépanoui, 225.
inéprouvé, 225.
inépuisé, 225.
inéquitable, 225.
inérudition, 226.
là
inescomptable, 226.
ineffrayé, 226.
inestimé, 226.
inétudié, 226.
inévitabilité, 205.
inévité, 226.
inexaucé, 226.
inexcusé, 226.
inexigé, 226.
inexorabilitë, 205.
ineipié, 181.
inexploité, 226.
inexploré, 226.
inexplosible, 226.
inexpressible, 226, 256.
inexprimé, 226.
inextinguibilité, 205.
inextricabilité, 205.
iafatigabilité, 205.
* infernalité, 205.
infertilisable, 226.
* inflétrissable, 226.
influencer, 118.
influent, 181.
infrajurassique, 226.
* infumable, 226.
ingagnable, 226.
ingaranti, 226.
ingéniosité, 205.
ingestion, 181.
inglorifié, 226.
inharmonie, 226.
inharmonieux, 226.
inhumecté, 226.
inimité, 226.
inimprimable, 226.
inindustrieux, 226.
ininflammable, 226.
inintelligent, 226.
inintelligence, 226.
inintelligemment, 226.
initiateur, 181.
injecter, 216.
injecteur, 200.
ininterruption, 226.
injustifiable, 226.
innégociable, 226.
innovateur, 182.
innumérabilité, 205.
inofficiel, 226.
inopérable, 226.
inopportun, 226.
inopportuniste, 226-
inorganisable, 226.
inorné^ 226.
inoubliable, 226.
inovulé, 226.
inoxydable. 226.
inqualifiable, 226.
' inracontable, 226.
insapide, 226.
insaponifiable, 226.
insaturable, 226.
insecticide, 220.
insectivore, 220.
insécurité, 226
— 290 —
insermenté, 226.
inservilité, 226.
* insincérité, 226.
insociabilité, 205.
insolidarité, 226.
insouci, 226.
insoucieux, 226.
insoupçonnable, 226.
inspectorat, 203.
instable, 182.
instinctivité, 205.
institut, 182.
* instrumentaliste, 212.
insubmersible, 226.
insuccès, 226.
insufflateur, 201.
insuivi, 226.
insulteur, 104.
les insurgés, 57.
insurgence, 207.
insurrection, 182.
insurrectionnel, 87.
insurrectionnel le
ment, 122.
interambulacral, 227.
interantennaire, 227.
interars, 227.
intercellulaire, 227.
interclaviculaire, 227.
intercolumnaire. 227.
intercommunication, 227
intercontinental, 227.
intercourse, 227.
intercutané, 227.
interdépendance, 227.
interdigital. 227.
interépineux, 227.
interfibrillaire, 2'yi.
interférentiel, 191.
interfoliacé, 227.
interfrontal, 227.
intermaxillaire, 227.
intermédiarité, 205.
internat, 203.
international, 227,
internationale, 47, 227.
interocéanique, 227.
interoculaire, 227.
interpariétal, 227.
interpétiolaire, 227.
'interplanétaire, 227.
* intersessions, 227.
intersticiel, 191.
intracrenien, 227.
intrafoliacé, 227.
intramarginal, 227.
intramédullaire, 227.
intramercuriei, 227.
intransférable, 226.
intransparent, 226.
intransportable, 226.
intrapétiolaire, 227.
intrapulmonaire, 227.
intratropical, 227.
intratubaire, 2Î7.
intrautérin, 227.
intravasculaire, 227.
intraverlébré, 227.
intrigailler, 120.
intropelvi mètre, f 227.
inusable, 226.
* invalo, 261.
inventorier, 216.
inversable, 226.
* invérification, 226.
inviolabilité, 205.
iranisant, 218.
iridescent, 207.
iridium, 186.
iridocèle, 240.
iridocolobome, 240.
iridodialyse, 240.
iridopto?e, 240.
iridoscope, 240, 245.
iridotomie, 240, 245.
irisation, 199.
irraisonnable, 226.
irraisonnabilité, 205.
irraisonné, 226.
irrassasié, 226.
irratifiable, 226.
irrecevabilité, 205.
irrecherchable, 226.
irréformabilité, 205.
irréfuté,^ 226.
irrégénérable, 226.
irrelatif, 226.
irremboursable, 226.
irreproductif, 226.
* irrespect, 226.
irrespirable, 226.
irresponsable, 226.
irrévérencieux, 226.
isatine, 194.
* isba, 260.
ischiocèle, 243.
ischurie, 245.
* isobare, 188, 240.
isobarique, 188.
isotrope, 240.
isotherrne, 240.
ivoirerie, 100.
ivoirin, 110.
*jacobinéide, 189.
jacobinisme, 212.
jambonique, 187.
jappe, 51.
* jardinier-fleuriste, 152,
ja,rdiniste, 212.
jésuitisme, 212.
•joachimisme^ 212.
* joaillier-sertisseur, 1.52.
jockey, 256.
jockey-club, 256.
jointemcnt, 97.
journalisme, 212.
journaliste, 212.
juge de paix, 127.
'jugeotte, 102.
juglandine, 194.
'jugulateur, 200.
291 —
* jupe-cage, 150.
jupitérien, 193.
* justificat.- typographes ,
152.
kaléidoscope, 245.
kantien, 193.
keepsake, 256.
kilomètre, 244, 247.
kilométré, 95.
kirsch, 259.
kopeck, 260.
labradoriste, 235.
lâcheur, 104.
lactide, 238.
lactifique, 220.
lactine, 194.
lactoline, 194.
lacto-protéine, 248.
là-haut (subst.), 59.
laineuse, 49.
laitonné, 94.
* laitue-chêne, 159.
laïus, 45.
lamellibranche, 219.
lamellicorne, 219.
lamellipède, 219.
lamellirostre, 219.
* lampe-bocal, 150.
lampe-modérateur, 150.
* lampe-théière, 150.
lampisterie, 100.
* lanterne-fonte, 150.
lapathine, 194.
lapidescent, 207.
lapilli, 182.'
laryngalgie, 240, 242.
laryngisme, 212.
laryngite, 235
laryngogfaphie, 240.
laryngoscope, 240, 245.
laryngoscopie, 240.
laryngostome, 240, 245.
laryngostomie, 240.
laryngo-typhus, 240.
* latitudinal^ 190.
'lavabos-toilettes, 150.
laveuse, 49.
layetiers-emballeurs, 152.
lazarone, 259.
* leader, 256.
légalisme, 212.
législative, 182.
lénité, 182.
lenticule, 182.
lépidoptère, 244.
lésionnaire, 196.
leucines, 194.
* levier-irein, 150.
* lévulosane, 238.
* lévulose, 238.
'lézards-poissons, 154.
* lézard-violon, 154.
libellule, 192.
libérable, 80.
libéralisme, 212.
libérien, 193.
liberticide, 220.
libidinosité, 205.
libraires-éditeurs, 152.
libre-échangiste, 212.
libre-penseur, 125.
librettiste, 212.
libretto, 259.
* lignard, 90.
lignite^ 235.
* ligurien, 193.
* lilial, 190.
* limousineur, 104.
* limousinier, 107.
linacées, 189.
liparocèles, 243.
liquidatif, 206.
* lit-canapé, 150.
* lit-divan, 150.
* lit-fauteuil , 150.
lithium, 186.
lithocarpe, 240, 243.
lithochrome, 240.
lithochromiste, 212, 214.
lithoclaste, 240.
lithoclastie, 240.
lithodialyse, 240.
lithoglyphe, 240.
lithoglyphie, 240
lithoglyphique, 240.
lithoïde, 240.
litholabe, 240.
litholysie, 240.
lithophane, 244.
lithophanie, 240.
lithophylle, 240.
lithosperme, 240.
lithotritie, 240.
lithotriteur, 240.
lithotypographe, 240.
littéralisme, 212.
* lit-toilette, 150.
* livret-police, 161.
lloyd, 216.
localisation, 199.
localiserj 217.
locomobile, 220.
locomoteur, 220.
locomotive, 220.
loculicide, 220.
logorrhée, 244-
lord, 256.
lotissage, 83.
lotisseur, 104.
* loue, 51.
'louisine, 112.
* loup-batteur, 150.
louviers, 44.
'louxorien, 193.
* luisance, 87.
lumps, 256.
' lunch, 256.
luncher, 118, 256.
lundiste, 213.
* lunetterie, 100.
Mustraline, 112.
■ luto-gallique, 248.
luxueux, 202.
lycéen, 194.
lypémanie, 243.
macérateur, 47.
machine à coudre, 127.
machine à vapeur, 127.
machiniste, 213.
macrocéphale, 240, 243.
macrocère, 240.
macrocerque, 240.
macrochire. 240.
macrodactyle, 240.
macroglosse, 240.
macropétale, 240.
macrophylle, 240.
macropode, 240, 244.
macroptère, 240, 244.
macrorrhize, 240.
macroscélide, 240.
macrure, 240.
' maestria, 259.
maestro, 2.59.
magnésium, 186.
magnoliacées, 189.
maillechort, 43.
"maisons-tanières, 155.
maîtrisable, 80.
majoration. 199.
majorer, 182.
malaria, 259.
malacoptérygien, 244.
* malflairants, 140.
malle-poste, 159.
malpighiacées, 189-
malvacées, 189.
mandarinat, 203.
mandatement, 97.
mandats-poste, 1.59, 161.
* mange-avoine, 164.
' mange-foin, 164.
"maniérisme, 213.
maniériste, 213.
manifestants, 46, 56.
* manilure. 220.
* maquereautin, 110.
* marbrier-sculpteur, 152.
marchandage, 83.
margarine, 194.
' margraviacées, 189.
' marmitonnerie, 99.
marmoréen, 193.
la Marseillaise, 47.
marsupialité, 205.
massicot, 43.
* match, 256.
matriciel, 191.
* mazagran, 260.
mazurka, 260.
* méchoir, 1 13.
méconine, 194.
les médaillés (de Sainte-
Hélène), 57.
* médianimitc, 219.
292 —
*médianimique, 2l9.
* médiéviste, 213.
médium, 182.
* médiumnat, 203.
* médiumnite, 205.
mégalooèle, 243.
mégathérium, 244.
méjuger, 140.
mélanite, 235.
mélasse, 94.
méliacées, 189.
mélitose, 238.
mellifique, 182.
mélomane, 243.
méiomanie, 243.
méningite, 235.
ménispermacées, 189.
menotter, 119.
mensurateur, 200.
* menuisiers - modeleurs ,
152.
* menuisiers-parqueteurs,
152.
* menuisiers - rampistes ,
152.
* menuisiers-treillageurs,
152.
mercantilisme, 215.
meringué, 94.
mésentérite, 235.
* mésestimation, 140.
mésocarpe, 240, 243.
mésocôlon, 240.
mésocrane, 240.
mésodiscal, 240.
mésogastre, 240.
mésolobe, 241.
mésologie, 243.
mésomérie, 241.
mésophragme, 241.
mésophryon, 241.
mésophylle, 241.
mésophyte, 241.
mésorectum, 241.
mésothérium, 244.
mess, 256.
messianité, 205.
métagenèse, 243.
métalloïde, 244.
métamorphisme, 213.
métapliysiquer, 119.
* métreurs - vérificateurs,
1.53.
métrite, 235.
métronome, 244.
métronomie, 244.
* meurt-de-soif, 167.
michel-angelesque, 208.
militariser, 217.
militarisme, 213.
milord, 256.
millénariste, 213?
milligramme, 219.
millimètre, 219.
mimographe, 243.
mimographie, 243.
mimographique, 243.
miss, 256.
mistriss, 256.
mitrailleuse, 49.
mnémoniser, 217.
* moblot, 102.
modérantisme, 213.
moins-value, 140.
moissonneuse, 49.
moleskine, 112.
* moliéresque, 208.
* molletonner, 119.
* mômerie, 99.
*mômesse, 101.
momificateur, 201.
momification, 199.
momifier, 221.
mono-atomique, 241.
monobase, 241.
monocarpe, 241, 243.
monocéphale, 241.
monocéphalien, 241.
monocére, 241 .
monocéros, 241.
monochire, 241.
monocline, 241.
monodactyle, 241,
monodelphe, 241.
monodyname, 241.
monogenèse, 241 , 243.
monogénisme, 241, 243.
monogéniste, 241,243.
monogrammiste, 243.
monographie, 241.
monogyne, 241.
monopodie, 241.
monopolisateur, 201.
monopoliser, 217.
monorime, 241.
monosperme, 241.
monostyle, 241.
monosyllabisme, 241,213.
monothéisme, 241, 213.
monothéiste, 213.
monotrème, 241.
monoxyle, 241.
monstre, adj., 62.
* monte-charges, 164.
* monte-ressorts, 164.
montmorency, 44.
morbidement, 122.
morbidesse, 259.
mormonisme, 213.
morphine, 194.
morphologie, 243.
morphologique, 243»
morphologue, 243.
* moss, 260.
* motionner, 218.
motricité, 205.
* mouille, 52.
* mouleurs-figuristes, 153.
* moussaillon, 114.
mouvementé, 94.
mouvementer, 119.
muco-pus, 248.
mucoso-sucré, 248. ^
mulasier, 108. /
*mulhousine, 112.
multicolore, 219.
multifide, 219.
multiforme, 182. 219.
* multiformité, 219.
multipare, 220.
*municipaliser, 217, 218.
municipalisme, 213.
mureux, 105.
*murillos, 44.
musculature, 202.
myriamètre, 244.
myriopode, 244.
mysticisme, 213.
mythe, 188.
mythique, 188.
mythisme, 188.
mythographe, 241.
mythographie, 241.
mythologie, 241.
mythologiste, 213, 241.
*nacrure, 115.
* nageoires-mains, 155.
un napoléon, 44-
* napoléonides, 189.
napoléonien, 193.
narcéine, 194.
narcotine, 194.
*narquoiserie, 99.
* nationalisme, 213.
naturaliser, 217.
nauséabonde (masc), 206.
négro, 259, 261.
négrophile; 244.
néo-catholîcisme, 241.
néo-catholique, 241.
néo-chrétien, 241, 248.
néo-christianisme, 241.
néogène, 247.
néographe, 247-
néographie, 241, 243.
néolatin, 241.
* néolithique, 241.
néoraembrane, 241.
néoplasme, 241.
ncoplastie, 241.
néorama, 244.
néozoïque, 241.
néphrotomie, 245.
neptunien, 193.
*nérésine, 194.
nervosité, 205.
neufchâtel, 44.
névragmie, 241.
névralgie, 242.
névraxe, 241.
névrilème, 241.
névrographie, 241.
névropathie, 241.
névrose, 235.
névrosthénie, 241.
névrotome, 241.
new-yorkais, 85.
— 293 —
nicotine, 195.
nihilisme, 213.
nihiliste, 213.
•noblifier, 221.
non-être, 140.
nonidi, 219.
non-moi, 140.
*non-opportunisles, 140.
* non-payement, 140.
* non-penseurs, 140.
* non-velus, 140.
'nord-américains, 157.
'nordiste, 213.
normalien, 193.
normatif, 206.
nosencéphales, 241.
nosogénie, 241.
nosographie, 241.
nosologiste, 213.
notage, 83.
* notairesse. 101.
nucelle, 206.
nuelle, 95.
numérotage, 74, 83.
numérotation, 199.
numéroter, 74, 119.
numéroteur, 47, 74, 104.
nyctanthe, 241.
nyctéiibies, 241.
nyctobate, 241.
nyctographe, 241.
nyctotyphlose, 241.
'nympnacées, 189.
*obéliscal, 86.
objectif, 259.
objectivité, 259.
obligataire, 196.
obscurantisme, 213.
obscurantiste, 213.
obsidional. 182.
occulter, 182.
ochnacées, 189.
octidi, 219.
cculariste, 213.
oculo-palpébral, 248.
odontalgie, 241, 242.
odontoderme, 241.
odontogénie, 241.
odontogenèse, 243.
odontognathe, 241.
odontograpbie, 241.
odontolithe, 241.
odontologie, 241.
odontologiste, 241.
odontostyle, 241.
odontotechnie, 241.
odontothèque, 241.
œnométrie, 241.
œnophile, 241, 244.
œnothère, 241.
œufrerie, 100.
œufrier, 108.
officiosilé, 205.
ogivo-cylindrique, 248.
oléidine, 194.
oléine, 194.
omnibus, 182.
omriiconvenance, 219.
omniscience, 219.
onguline, 112.
onomatologie, 243.
'onychite, 235.
'opalescent, 207.
opaliser, 210, 217.
ophiodonie, 241.
ophioglosse, 241.
ophiographie, 241.
ophiographique, 241
ophiolithe, 241.
ophiolithique, 241.
ophiologie, 241, 243.
ophiophage, 241.
ophiostome, 241.
ophiosure, 241.
ophthaimoblennorrhée ,
241.
ophthalmocèle, 241,243.
ophthalmocopée, 241.
ophthalmodynie, 241.
ophthalmographie, 241.
ophthalmolithe, 241.
ophthaîmologie, 241, 243.
ophthalmomètie, 241.
ophthalmorrhagie,241,245
ophthalmoscope, 241.
ophthalmothèque, 241.
ophthalmotomie, 241.
'opportunisme (non), 213
opportuniste (non), 213.
'orchestral, 86.
un ordinaire, 46.
ordonnancement, 97.
Madame J'ordonne, 121.
'ordre-moralier, 107.
* organicien, J 93.
organiciste, 213.
organisable, 80.
organiser, 218.
organologie, 243.
organologiaue, 243.
'orgue-orcnestre, 150.
'orientalement, 123.
orléanisrae, 213.
orléaniste, 213.
Orléansville, 156.
ornemaniste, 213.
ornemenlation, 199.
ornementé, 94.
ornementer, 119.
ornithoglosse, 241.
ornitholithe, 241.
ornithomyze, 24 1.
ornithoscopie , 441.
ornithotrophie , 241.
orphelinat, 203.
orphéonique, 187.
orphéoniste, 213.
oithobasique, 241.
orthocère, 241.
orthodactyle, 241.
orthodonte, 241.
orthodromie, 241.
orthoépie, 241.
orthognathe, 241.
ortholexie, 241.
orthologie, 241.
orthomorphie, 241.
orthopédique, 244.
orthopédiste, 213.
orthopnoïque, 241.
orthoptère, 241, 244.
orthorhombique. 241.
orthorrhynque, 241.
orthosperme, 241.
orthotrope, 241.
oryctogéologie, 241.
oryctûgnosie, 241.
oryctographe, 243.
oryctographie, 241, 243.
oryctographique, 241,243.
oryctologie, 243.
oryctologique, 241 , 243.
oryctologiste, 241.
oryctologue, 243.
oryctotechnie, 241.
osmium, 186.
ossature, 202.
'ossellerie, 100.
ossianiser, 218.
ossianisme, 213.
'ostéocèle, 243.
ostéogène, 241.
ostéographe, 241.
ostéographie, 241-
ostéologie, 241.
ostéolyse, 241.
ostéomalacie, 241.
ostéopiaste, 241.
ostéoplastie, 241.
ostéoporose, 241.
ostéosarcome, 241.
ostéosclérose, 241.
ostéostéatome, 241.
ostéostome, 241.
ostéotomie, 241.
ostéotomiste, 241,
ostéozoaire, 241.
ostréiculture, 220.
otorrhée, 244.
*ouate-laine, 150.
'ouest-factage, 157.
'ourdissoir-dévidoir, 150
'ourdissoir-piieur, 150.
outillage, 83.
'outrancier, 107.
ovaliste, 213.
ovovivipare, 220.
ovule, 192.
pacolet, 260.
palafitte, 259.
palalite, 235.
* pale-ale, 257.
paléographe, 241, 243.
paléontographie, 241 ,243.
paléontologie, 241.
paléontologique, 241.
paléontologue, 241.
paléothérien, 241.
paléothérium, 241 , 244.
paléozoïque, 241.
paléozoologie, 241.
paletot-sac, 150.
* paliers-graisseurs, 150.
palladium, 186.
palpitant, te, 67.
panade, adj., 62.
* Pandore, 45.
pangermanisme, 241.
paniconographique, 241.
paniiicateur, 200.
panlexique, 241.
panneauter, 74, 119.
panorama, 244.
*pantriteur, 241.
'les pantalons rouges. 128.
pantographe, 243.
pantographie, 243.
pantographique, 243.
papavéracées, 189.
papier-granit, 150.
papier-marbre, 150.
papier-monnaie, 150.
papier tenture, 150.
* pipier tube, 150.
* papillonnant, te^ 67
parabolicité . 205.
paraboliser, 218.
paracrotte, 164, 245.
parafeu, 164.
paraffine, 227.
paraffiné, 94.
parafoudre, 164.
paraglace, 164.
paragrêle, 164.
paralysant, te, 67.
* un par à peu près, 140.
parasitaire, 196.
* parasol-ombrelle, 150.
* un par contre, 140,
le parcours, 58^
pardessus, 140.
* Paris-Architecte, 157.
* Paris-Caprice, 157.
* Paris-Exposition, 157.
*Parisine, 195.
* Paris-Journal, 157.
* Paris-Programme, 157.
* Paris-Spectacle. 157.
* Paris-Théâtre, 157.
parlementairement, 123.
parlementarisme, 213.
parlementariste, 213.
parlottej 102.
Parnassiens, 46, 93.
parolier, 108.
* parsisme, 214.
partageux, 104.
' parthétomie, 245.
parthénogenèse, 243.
particulaire, 196.
particularisme, 214.
particulariste, 214.
— 294 —
passionnel, 87.
pastelliste, 214.
pasticher, 119.
* pastilleurs-figuristes, 1 53.
pathologie, 243.
pathologique, 243.
* patins-souliers, 153.
* patrioterie, 99.
patronat, 203.
patronner, 119.
paupérisme, 214.
* paysanesque, 208.
pectine, 194.
pédantocralie, 243.
pédiluve, 220.
peignée, 58.
*peignées-filées, 150.
* peignes-parures, 150.
Pékins, 44.
'pèle-légumes, 164.
* pelotonnement, 97.
* pensotter, 120.
pépiement, 97.
percolateur, 200.
périodique, 46.
péritonite, 235.
perquisitionner, 119.
perruque adj., 61.
* pèse-lettres, 164.
pèse-nitre, 164.
pessimisme, 214.
pessimiste, 214.
pétitionnaire, 196.
' petits-crevés, 46, 125.
' petit-fournier, 108.
pétrisse ur, 48.
pétrolène, 237.
pétroler, 119.
pétroleur, 104.
" peuple-jury, 155.
peuple-roi, 155.
Peyronéide, 189,
phalanstère, 248,
phalanstérien, 193.
pharyngite, 235.
phénoménal, 86.
' Philippeville, 157.
* Philippides, 189.
* philippine, 112.
*philocome, 241.
philomatique, 241.
philosophailler, 120.
* philosophiser, 218.
philotechnique, 241.
phlébographie, 241.
phlcbolithe, 241.
phlébomalacie, 241.
phléboptère, 241.
phléborrhagie, 241.
phonologie, 243.
phonologique, 243.
phosphoriquement, 123.
photochromatique, 241.
photochromatiquement,
241.
photo-électrique, 241.
photogène, 241, 243.
photoglyptique, 248.
photographe, 241, 243.
photographie, 188, 241,
243, 248.
* photographie-carte, 150.
* photographie - vignette,
150
photographique, 188, 243.
photographiquement,241 .
' photogravure, 241.
photolithographie, 241.
photologie, 243.
photomètre, 241.
photométrie, 241.
* photoniellure, 241, 248.
pbotophobe, 241.
photophobie, 241.
photopsie, 241.
photoscopique, 241.
photosculpture, 241, 248.
photosphère, 241.
phylloxéré, 94.
* piano-lyre, 150.
'pictural, 190.
* pied-bleu, 128.
pierriste, 214.
* pincez-moi ça, 166,
pinceautage, 74.
pinceauter, 74.
* pipelet, 44.
* pique-feu, 164.
piriforme, 219. (
piscatorial, 194.
pisciculture, 220.
' pissatoire, 201.
pisseux, 105.
* pistolets-tabatières, 151 .
* pistonner, 119.
placer (s. masc), 259.
* plagier, 217.
* plaine-paradis, 155.
planimctrie, 243.
'plante-animal, 153.
plantule, 192.
platine, 2.59.
plèbe. 182.
* plébiscitaire, 196.
plésiosaure, 244.
*ploqueuse, 49.
plumier, 107.
* pneumatocèle, 243.
* pneumatographe, 243.
* pneumatographie, 243.
pochard, 90.
*pocharderie, 99.
* pochetée, 94.
podobranche, 242, 243.
podocarpe, 242, 243.
podogyne, 242.
podolachnite, 242.
podologie, 242, 243.
podomètre, 242, 244.
podophthalmaire, 242.
podophylleux, 242.
podosperme, 242.
podurc, 242.
poêliers-fumistes, 1;)3.
f oint-arrière, 130.
3 pointé, 58.
polémiste, 214.
policeman, 237.
policier, 108.
polisso-séri-tisseur , 249
polka, 260.
polonisme, 214.
polyatomique, 242.
polybasique, 242.
polycarpien, 242.
polycéphale, 242.
polycliolie, 242.
polychroïsme, 242.
polycladie, 242.
polycotylaire, 242.
poiydactyle, 242.
polydipsie, 242.
polygalactie, 242.
polygamique 242.
polyginglyme, 242,
polygnatien, 242.
polygraphique, 242.
polylimphie, 242.
polymathique, 242.
polymélien, 242.
polymère, 242.
polymorphe, 242, 244.
polymorphisme, 242, 244.
polyorama, 242, 244.
polypétalie, 242.
polyphonie, 242.
polypore, 242.
polyrrhize, 242.
polysarcie, 242.
polyscope, 242, 245
polystome. 242.
polystyle, 242.
polytechnicien, 193.
ponceux, 105.
* poncine, 112.
ponctulé, 203.
pondérateur, 182.
pondéreux, 182.
pbndérosité, 205.
pont-bascule, 151.
' pontifiant, 56.
popote (adj.), 62.
* popularisme, 214.
portabilité. 205.
porte-allumettes, 164.
porte-amarres, 165.
' porte-amorces, 165.
'porte-bonheur, 165.
* porte-bouquets, 165.
* porte-bouteilles, 165,
'porte-cartes, 165.
'porte-chapeaux, 165.
'porte-charge, 165.
'porte-couronnes, 167.
portefeuilles, 165^
'porte-huiliers, 165.
* porte-mesure, 165.
* porte-mine, 165.
— 295 —
porte-monnaie, 165.
porte mousqueton, 165,
porte-plumes, 165.
porte-voix, 165.
'portraits-carte, 159.
'portrait-dépêche, 151.
portraitiste^, 214.
* portraitunste, 214.
positivisme, 214.
positiviste, 214.
postabdomen, 227.
postal, 86.
postfloraison, 227.
posthétomiste, 214,
post-oculaire, 227.
post-pectoral, 227.
post-pliocène, 227.
post-positif, 227.
post-position, 227.
pot-au-feu (adj.), 62.
'potichomanie, 248.
potassium, 186.
pouler, 119.
' poulies - mains - douces ,
150.
' pouponnât, 203.
'pourcent, 140.
pourcentage, 140.
'pousse, 52.
pousse -café, 166.
pousse-cailloux, 166.
* poussiéreux, 105.
' prâcritisme, 214.
' prâcri lisante, 218.
préabdomen, 227.
préachat, 227.
préaddition, 227.
préaryen, 228.
prébalancier, 227.
prébuccal, 228.
précautionneux, 105.
* précautionneusement,
123.
préceltique, 228.
précipitueux. 202.
précompte, 227.
prédénommé, 227.
prédenté, 227.
prédigestion, 227.
prédisposer, 227.
prédisoosant, 227,
prédisposition, 227.
préfloraison, 227.
préfoliation, 227.
préhanchial, 228.
préliber, 183.
prélombaire, 228.
premiers-Paris, 159,
préoculaire, 228.
préromain, 228.
'presque certitude, 141,
'presque éternité, 141.
* presque totalité, 141 .
' presque unanimité, 141.
présidentiel, 191.
presse»papiers, 165.
prestidigitateur, 183
presligiateur, 183.
présurier, 108.
prétibial, 228.
prétrophobe, 244.
principicule, 192.
primer, 119.
primidi, 219.
primeuriste, 214.
priser, 119.
priseur, 104,
processuSj 183.
'procrastination, 183.
' procrastiner, 183.
prodigueur, 104.
professionnel, 87.
progresser, 119.
progressiste, 214.
'prohibitionniste, 214.
prolétariat, 203.'
promeneuse, 49.
pronunciamento, 259.
propagandiste, 214.
propylène, 237.
prosaïsme, 214.
prostitueur, 104.
'protégeant, te, 67.
protéine, 194,
protêt, 52.
protobromure, 242.
protocarbure, 242,
protochlorure, 242,
protocyanure, 242.
protofluorure, 242,
protoiodure, 242.
protopathie, 242.
protophosphure, 242»
protophyte, 242.
proto-plasma, 242.
protosel, 242.
protoséléniure, 242.
protosulfure, 242.
protoxyde, 242.
protubéranciel, 191.
providentiellement, 123.
provisorat, 203.
proxénétisme, 214.
'prudhomme, 45.
* prunelle-étoile, 155.
' prunelle-ombre, 155.
' prussification, 199.
'prussifier, 221.
* prussophile, 248.
' prusso-slave. 249.
pseudencéphale, 242.
pseudépigraphique, 242.
pseudérythrine, 242.
pseudesthésie, 242.
pseudo-agate. 242.
pseudo-alcool, 242.
pseudo-améthyste. 242.
pscudo-asbeste, 242.
pseudo-basalte, 242.
pseudo-béryl, 242.
pseudoblepsie, 242.
pseudocarpe, 242,
— 296
pseudochrysolithe, 242,
pseudo-cobalt, 242.
pseudo-continu, 242.
pseudo-continuité, 242.
pseudo-cristal, 242.
pseudo-émeraude, 242.
pseudo-grec, 248.
pseudo-grenat, 242.
pseudo-iris, 242.
pseudo-kinîque, 242.
pseudo-malachite, 242.
pseudo-martyr, 242.
pseudo-médecin, 242.
pseudo-membrane, 242.
pseudo-membraneux, 242.
pseudomorphique, 242.
pseudomorphisme, 242.
pseudomorphose, 242.
pseudomorphosé, 242.
pseudonéphéline, 242.
pseudopériptère, 242.
pseudopiasme, 242.
pseudopleurésie, 242.
pseudo-révolutionnaire.
242.
pseudo-rubis, 242.
pseudo-saphir, 242.
pseudo-science, 242.
pseudoscope, 242.
pseudosperme, 242.
pseudo-topaze, 242.
pseudo-volcanique, 242.
•psychisme, 214.
* psychographe, 243.
*psychographi,que, 243.
* pubio-caverneux, 248.
* publicataur, 183.
*pudibarderie, 99.
* pudibard, 90.
•puériculture, 220.
'puff, 257.
'pugilisme, 214.
pugnacité, 183.
punch, 251.
'pupitre-chevalet, 151.
puritanisme, 214.
pyramidal, 86.
pyrénéine, 194.
pyroélectrique, 242.
pyrogène, 242. ~
pyrogenèse, 242,243.
pyronomie, 242.
pyroïde, 242.
pyrophajiie, 242.
. pyrophosphate, 242.
pyrophyllite, 242.
pyroscophe, v42.
pyroscope, 242, 245.
pyrosphère, 242.
pyrostat, 242.
pyrostéarine, 242.
pyroscanihine, 242.
pyrosyle, 242.
pyurie, 245.
pyxidule, 192.
quartidi, 219.
* quasi-droit, 228.
* quasi -extermité, 228.
* quasi-évidence, 228.
* quasi-insoumission, 228.
quasi-légitimisé, 141.
*un quatre-coins, 128.
* quatre-vingt-neuviste,
214.
quessoy, 44.
quetsche, 259.
* quidditatif, 206.
quinine. 195.
quintidi, 219.
* un quinze cents francs,
128.
rabatteur, 104.
rabbiniser, 218.
racineur, 104.
raclée, 58.
racontage, 83.
*radiance, 183.
radiation, 183.
*radicaille, 85.
radiométre, 244.
rageur, 104.
rail, 257.
* rail-digue, 151.
railway, 257.
* un rambuteau, 43.
rampiste, 214.
raphaélesque, 208.
un raspail, 43.
raticide, 220.
rateauier, 74.
rayée, 58.
razzia, 260.
réacteur, 200.
réactionnaire, 196.
réadopter, 141.
* réagenouiller, 141.
réarmer, 141.
rebadigeonner, 141.
rebannir, 141.
rebeUionner, 119.
recalculer, 141.
recarboniser, 141.
récidiviste, 214.
réclame, 52.
•reclasser, 141.
redébattre, 141.
* redéployer, 141.
rediviser, 141.
redormir, 141.
redowa, 260.
réducteur, 48.
* reémboiter, 141.
réépouser, 142.
réescompte,-er, 141.
réexposition, 142.
référence, 94.
refrènement, 97 .
*regalonner, 142.
régentin, 10.
réglementa tion, 199.
réglementaire, 196.
réglementarisme, 214.
réglementairement, 123.
ré^îlementer, 119.
régnicole, 220.
régulateur, 201.
* réincarcération, 142.
* réincarcérer, 142.
*rcincarnation, 142.
renfrognement, 97.
reinventer, 142.
relationnaire, 196.
relaxe, 52.
remblai, 51, 52.
remisage, 83.
renflouer, 142.
rentoileurs, 104.
renonculacees, 189.
renversant, 67.
réorganisateur, 201.
réorganisation, 199.
réorganiser, 142.
réouverture, 142.
repêche, 52.
repêcheur, 104.
report, 52.
* repas-illusion, 155.
répélible, 192.
reptation, 183.
•reportage, 2.57.
reporter, 257.
•repousse, 52.
réquisitionnaire, 196.
résédacées, 189.
respectabilité, 205.
ressalueFj 142.
retardataire, 196.
retardateur, 201.
retombée, 58.
' retombement, 97.
•retransplanter, 142.
retraverser, 142.
revaccination, i99.
réversibilité, 205.
'rêveusement, 123.
revient, 52.
* révisionniste, 214.
révocabilité, 205.
révolutionnaire, 46.
révolutionner, 119.
revolver, 257.
rhéilonite, 235.
rhinalgie, 242.
rhinoptie, 242.
rhinoplastie. 242, 244.
rhinorrhagié, 242.
rhinorrhée, 242.
rhinothèque, 242.
rhizanthe, 242.
rhizoblaste, 242.
rhizocarpe, 242, 243.
rhizographe, -ie, -ique
242, 243.
rhizolilhe, 242.
rhizonychion, 242.
rhizopnage, -gie. 242, ;i44.
— 297 —
rhizophore, 242.
rhizopode, 242, 244.
rhizotome, 242.
rhodanien, 193.
rhodium, 186.
riflard, 44.
rine, 257.
' rigolade. 82.
' rigollot,'43.
rincée, 58.
risette, 101.
rivulaire, 196.
* robes-fourreaux, 151.
robustesse, 100.
rodage, 83.
* Roi-Citoyen, 155.
*Rolandéide, 181.
rotifère, 220.
* roman-feuilleton, 155.
* romanisation, 199.
romaniser, 217.
romantiser, 218.
romantisme, 212.
romantique, 46.
* ronsardiser, 218.
rossée, 58.
rout, 257.
routinièrement, 123.
roublard, 90.
* roublardise, 100.
rouble, 260.
roulée, 58.
* roue-moteur, 151.
* rouet-moissonneur, 151.
rouerie, 99.
rougissant, 67.
* roulageur, 104.
rubescent, 207.
rubidium, 186.
* ruine-maison, 167.
ruolz, 43.
*les ruraux, 46.
russifier, 220-
*russopiiile, 244.
rutacées, 189.
ruthénium, 186.
rutilance, 207.
rutilant, 183.
sabotage, 84.
* sabot-brodequin, 151-
* sabot-galoche, loi.
*sabotine, 110.
salle d'asile, 127.
salonnier, 108.
* sanguinairement, 123.
* sataniquement, 123.
sabretache, 2ti0.
saccharides, 238.
* sacerdotalisme, 214.
sacrislains-bedeaux-chan-
tres - fossoyeurs - son-
neurs-suisses, 155.
salariat, 203.
salarié, 203.
saliciue, 194.
salinité, 205.
salpindacées, 189.
saluter, 119.
* samovar, 260.
sandwich, 257.
sanitaire, 196.
* sanscritisant, 218.
sanscritisme, 214.
sanscritiste, 214.
sapineau, 95.
sarcocèle, 243.
'sataniser, 218.
sauvegarder, 119.
sauvetage, 84.
sauveteur, 104.
saucée, 58.
scalpe, 257.
* scandinavisant, 218.
scarificateur, 201.
schottisch, 260.
scrotocèle, 243.
* sculpteurs - marbriers,
153.
* sculpteurs-ornemanistes,
153.
'sculpteurs - statuaires,
153.
sécession, l83.
sécessionniste, 214.
secrétaire, 201.
sélectif, 206.
* sélectivement, 123.
sélection, 183.
sélénite, 236.
sélénium, 186.
* self-government, 2.')7.
* semailler, 120.
sémillance, 88.
sémitisme, 214.
sémitiste, 214.
* semoir-plantoir, 151.
* sempiternellement, 123.
séniorat, 203.
sensibiliser, 217.
sensoriel, 191.
* sentimentalisme, 214.
* sentimentalisie, 214.
* septembriser, 218.
septembriseur, 104.
septennat, 203.
septidi, 219.
* sépulcre-enfer. 155.
*sépulcrologie, 243.
sergent de ville, 127.
* sergo, 261.
'sériel, 191.
séro-sanguin, 248.
' serre-bois, 165.
serre-bras, 165.
* serre-rails, 165.
serre-tête, 159.
*servantisme, 215.
* shakespearien, 193.
shall, 257.
shelling, 257.
* sherry, 257.
sidérographie, 242.
sidérolithique, 242.
sidérotechnie, 242.
* sidiennes, 194.
* .signale-écueil, 165.
* silencieuse-expédilive ,
151.
silicium, 186.
silicule, 192.
siliginosité, 205.
silurien, 193.
.simiesque, 208.
similor, 218.
simplifiable, 80.
sinombre, 228.
* siphoïde, 244.
* skating-bal, 257.
* skating-concert, 257.
* skaling-palais, 257.
* skating-rink, 257.
smala, 260.
snob, 257.
snobbisme, 257.
sociabiliser, 217.
* socialiser, 218.
socialisme, 215.
socialiste, 215.
sociétairement, 123.
sociologie, — gique, 188.
sodium, 186.
solénoïde, 244.
* solidarisation, 199.
solidariser, 218.
soliste, 215.
solution, 261.
* sommeillant, te, 67.
somnambulique, 187.
songerie, 99.
* sonnettiste, 215.
* soque-agrafe, 151.
* soucieusement, 123.
' soudrillard, 90.
* souillant, te, 67.
* souliers-chaussons, 151.
* soulographie. 248.
soumissionnaire, 196.
* soupatoire, 201.
* souricicole, 220.
sous-amender, 144.
sous-arrondissement, 14^1.
* sous-azotate, 144.
sous-bois, 144.
* sous-centre, 144.
sous -chef, 144.
sous-classe, 144.
* sous-colline, 144.
sous-déléguer, 144.
sous-direcieur, 144.
sous-diviser, 144.
sous-genre, 144.
sous-interpréter, J44.
sous-jupe, 144.
sous-limiter. 144.
sous-main, 144.
sous-préfecture, 144.
sou8-préfet, 144.
298
sous-pression, 144.
sous-sol, 144.
sous-titre, 144.
soutacher, 119.
spécialiste, 215.
spécialité, 205.
spectral, 86,
speech, 257.
spermatocèle, 243.
spermatorrhée , 244.
* sphère-horloge, 151.
*.spication, 199.
spiritisme, 215.
* spiritiste, 215.
spiritualiser, 217.
splénétique, 188.
*spongille,"206.
spongine, 194.
spontépariste, 215.
spontéparité, 220.
sporadicité, 205.
sportsman, 257.
* squalidité, 205.
* squalide, 183.
square, 217.
starost, 260.
* steam-boat, 257.
steamer, 257.
stéarine, 194.
steeple-chase, 257.
sléganographe, 243.
stéganographie, 243.
sléganographique, 243.
stéréométrie, 244.
stéréoscope, 245.
.stériliser, 218.
sterling, 257.
stock, 257.
stopper, 258.
* stores-annonces, 151.
slranguler, 183.
strangurie, 245.
strontium, 186.
strychnine, 194, 195.
studbook, 258.
stuffing-hox, 258.
stupéfaction, 183.
stupéfier, 183.
styliste, 215.
* styralène, 238.
subabdominal, 228.
subaciculaire, 228.
subagrégé, 228.
subalpin, 228.
* subalternéité, 205.
subapennin, '.j28.
subapiculaire, 228.
subnquatique, 228.
subbranchien, 228.
subcalcaire, 228.
subcaréné, 228.
subcaudal, 2'28.
subcomprimé, 228.
subconique, 228.
subcordiforme, 228.
subcortical; 228.
subcylindrique, 228.
subdécurrent, 228.
subdéprimé, 228.
subfossile, 228.
subfusiforme, 228.
subglobuleux, 228.
subimbriqué, 228.
subinflammation, 228.
subjectif, 259.
subjectivité, 259.
bubïuxatjon, 228.
sublyré, 228.
subociilaire, 228.
* subombilical, 228.
subostracé, 228.
subovale, 228.
subparasite, 228.
subpentamère, 228.
subpétiolé, 228.
sub.sessile, 228.
subsphérique, 228.
suburbain, 183.
subventionner, 119.
* sud-américain, 157.
sudiste, 215.
* suggestif, 206.
suicider, 119.
suivez-moi jeune homme,
166.
* suppéditer, 183.
super-axillaire, 229.
* super-connu, 229, 246.
supercrétacé, 229.
* superéquatorial, 229.
superficialité, 205.
superfin, 229.
supernaturalisme, 229.
superovaire, 229.
superstructure, 229.
supra-axillairej 229.
suprajurassique, 229.
supramondain, 229.
supranaturalisme, 215.
suprasensible, 229.
* surchauffe, 145.
surchauffer, 145.
surcostal, 146.
surcroissance, 145.
surélévation, 145.
surélever, 145.
surenchère, 145.
surépaisseur, 145.
surépineux, 146.
surexciter, 145.
* surexhausser, 145.
surfusion, 145.
surincomber, 145.
surlaryngien, 146.
* suroffre, 145.
* surplombant, 67.
sursaturer, 145.
survaleur, 145.
sus-carpien, 146.
sus-coccygien, 146.
sus-épineux, 146.
sus-hépatique, 146.
sus-hyoïdien, 146.
sus-maxillaire, 146.
sus-métatarsien, 145.
sus-nasal, 146.
sus-orbitaire, 146.
suspensoir, 113.
sus-pubien, 146.
sus-scapulaire, 146.
sus-sphénoïdal, 146.
* susurrement, 207.
sextidi, 219.
sylvicole, 184.
sylviculture, 220.
syndicat, 203.
* tableautier, 108.
tableautin, 74, 111.
* tables-consoles, 151.
* table de nuit-chiffonnier,
151.
* table de nuit-vide-poche,
151.
tachygraphe, 243.
tachygraphie, 243.
tachygraphique, 243.
* taconnet, 43.
tailladin, 111.
taille-crayon, 165.
taille-plume, 165.
*tamis-bluteau, 151.
tapée, 58.
*taquinage, 84.
* tardivité, 206.
* tartaline, 112.
télégramme, 242.
télégraphe, 242, 243.
télégraphie, 242, 243.
télégraphique, 242, 243.
télégraphiste, 215.
téléiconographie, 242
télémètre, 242, 244.
télémétrie, 242.
télémétrique, 242.
téléologie, 243.
téléologique, 243.
téléphonie, 242.
tempêtueusement, 123.
tender, 258.
* tente-abri, 151.
ternstrœmiacées, 189.
terrifier, 221.
* territoriaux, 47.
terroriser, 217.
terrorisme, 215.
terroriste, 215.
thallium, 186,
'thcAtricuie, 192.
* thcâtromane, 243.
* théâtromanie, 243.
* thermaline, 194.
* thermochimie, 242.
thermochrose, 242.
thermodynamique, 242.
thermo-électrique, 242.
thermo-électricité, 242.
thermographe, 242.
— 299 —
thermomagnétique, 2'i2.
thermomécanique, 242.
thermoneutralité, 242.
thermopathologique, 242.
thermoscope, 242, 245.
" thiériste, 215,
thorium, 186.
thuyine, 194.
tibio-tarsien, 249.
* ticket, 258.
tigline, 194.
tilbury, 258.
tiliacées, 189.
timbre-cachet, 160.
timbre-poste, 160-
* timbre-quittance, 161.
" tintinnabuler, 217.
tiré, 57.
tire-boutons, 165.
tire-fonds, 165.
* tire-jus, 166.
tire-moelle, 166.
' tissu-filet, 151.
toast, 258.
toaster, 258.
■ toilette-commode, 151.
tonalité, 205.
* tonitruant, 207.
•topo, 261.
topographe, 243.
topographie, 243.
topographique, 243.
toquade, 82.
tord-boyaux, 166.
' tordoir-ourdissoir, 151.
* torpillard, 90.
torrentueux, 203.
tortillard, 90.
lortoir, 113.
torturant, 67.
tost. V. toast,
tester. V. toaster.
* touristicule, 192.
* tourne-écrous, 165.
tournerie, 100.
tourne-oreille, 165.
" tourneurs - décolteurs ,
1.53.
' toussailler, 120.
' toussoter, 120.
toxicologie, 243.
texicologique, 243.
toxicologue, 243.
tracé (le), 58.
trachélipode, 242.
trachélobranche, 242.
trachélo - diaphragmati-
que, 242.
trachélo-dorsal, 242.
trachéocèle, 242.
trachéosténose, 242.
traditionaliste, 215.
* traîneau-barque. 155.
* traîneuse, 49.
trains-poste, 159.
tramway, 258.
tranche-montagne, 165.
transandin, 229.
transatlantique, 229.
transcendantai, 86, 259.
transcendantalisme, 2.59.
transcontinental, 229.
transdanubien, 229.
transformisme, 215.
transformiste, 215.
* transfuger, 215.
transgangétique, 229.
transhumance, 88.
transmarin, 229.
transmetteur, 104.
transporteur, 104.
transocéanien, 229.
transocéanique, 229.
transpacifique, 229.
transpadan, 229.
transpontin, 229.
transuranien, 229.
transvaseur, 104.
transvider, 229.
* traversai, 86.
trempée. 58.
* un trente-sous, 128.
triatomique, 219.
triaurique, 219.
tribun, 46.
tricapsulaiie, 219.
tricobaltique, 219.
tricolore, 184.
tri colorer, 119.
tricorne, 219.
tricosté, 219.
tricycle, 219.
tridi, 219.
*tridienne, 194,
trieuse, 49.
trifolié, 219.
triforme, 219.
* trimandracées, 189.
* trimbalement, 97.
* tringlot, 102.
* trink-hall, 260.
tripotée, 58.
' triturateur, 201.
trois-six, 128.
trôner, 119.
* trottoirs-ruisseaux, 151.
*troubade, 82.
troublant,'68.
* trucider, 184.
* truculent, 184.
* truquer, 119.
tue-mouches, 165.
tunnel, 258.
turalène, 238.
■ turbine-hélice, 151.
turbiner. 119.
turbo, 184.
turbulence, 184.
lurco, 261.
turcophile, ?48.
turf, 258.
turgescence, 207.
* turpe, 184.
tuyau de poêle, 128.
tuyauter, 120.
typé, 94.
" typo, 46, 261.
typocliromie, 242.
typolithe, 242.
typolithographie, 242.
typophonie, 242.
* typotes, 46.
typotone, 242.
typiologie. 243.
typtologique, 243.
typtologue, 243.
tyrannicide, 220.
ultra, adj. et subst.. 229.
ultra-chimique, 229.
ultra-libéral, 229.
ultra-pontin, 229.
ultra-réglementaire. 229.
* ultia-radical, 229.
ultra-révolutionnaire, 229.
ultra-royaliste, 229.
ultra-violet, 229.
ultra-zodiacal, 229.
ululation. 184.
unification, 199.
uniloculaire, 219.
unipare, 219.
uniréfringent, 219.
* unisonance, 87.
unitarisme, -iste, 215.
uranile, 236.
uranium. 186.
* uréide,\>38.
utiliser, 218.
utilitaire, 196.
vagonnet, -ette, 101.
valence, 44.
valser, 120.
vallonner, 120.
vanadium, 186.
vandalisme, 215.
vanillé, 94.
vanilline, 194.
vantardise, 100.
varicocèle, 2^3.
vastitude, Î90.
* vat-amont, 165.
* va-te laver, 166.
vauquelinite, 236.
* védisme, 215.
végétant, 68.
veinard, 90.
vélocifères, 220.
vélocipède, 219.
vélocipédiste, 215.
' vélocipiqueijse, 221.
* vélo-sport, 249.
* veloutine, 112.
* vélovoile, 248.
vendémiaire, 196.
ver rongeur, 128.
vératriue, 194.
300 —
verbosité, 205.
verdict, 258.
véridicité, 205.
vérificateur, 48.
vermuth, 260.
* verre-marbre, 151.
* verre-vitre, 151.
*verritioi], 199.
' les Versaillais, 46.
* verseuse, 49.
vertigineux, 184.
vesp;i?iennes. 43.
* vestimental, 190.
vexant, 68.
viaduc, 220.
victimer, 120.
victorias, 44.
vide-bouteilles, 165.
vide-poches, 165.
vignicole, 220.
villégiature, 259.
*villéliade, 189.
violacées, 189.
* violettiije, 112.
viridine, 194.
* vivacement, 124.
viveur, 104.
vivoter, 120.
vocalique, 187.
voiture de place, 127.
'voiture-guérite, 151.
* voiture-nacelle, 151.
* voitures-salons, 152.
volateur, 201.
volontariat, 203.
voltaïque, 187.
* voltairianiser, 218.
voltairianisme, 215.
voltairien. 193.
volvoce, 184.
* vomito negro, 259.
voyou, 105.
* voyoucratie, 243, 248.
vulgarisateur, 201.
vulgarisation, 199.
vulgariser, 217.
wagon, 258.
* wagon-cuisine, 152.
* wagon-frein, 152.
* wagon-glacière , 1.52
* wagon-imprimerie, 152.
wagonnet, 101.
* wagon-table d'hôte, 152.
warrant, 258.
* water-closet, 258.
waterproof, 258.
' work-house, 258.
yankee, 258.
zéine, 194.
zéphyrien, 193.
* zéphirinej 110.
* zirconium, 186
* zoïdium, 194.
zoobie, 242.
zoobiologie, 242.
zoochimie, 242.
zooglyphite, 242.
zoomagnétisme, 242.
zoomorphe, 244.
zoomorphisme, 242.
zoonomie, 242. '
zoonosologie, 242.
zoophage, 242.
zoophagie, 244.
zoophorique, 242.
zoophyte, 242.
zoophy tique, 242.
zoophytographie, 242.
zoosperme, 242.)
zoospore, 242.
zootaxie, 242.
zootoraie, 242.
zouave, 261.
* zouzou, 261.
zut, 68.
FIN DE L INDEX.
CORRECTIONS.
Page 08, I. 2, parcours au sens général est ancien.
P. 105, I. 25, supprimer /)isscita;.
P. 108, 1. 22, sappr\mer gentilhommière.
P. 112, I. 9, supprimer levantine.
P. 159. A la liste des composés de dépendance on peut ajouter un certain nombre
d'expressions qu'on peut entendre dans les restaurants et les cafés. Ces ex-
pressions ont ce caractère particulier de présenter l'ellipse de la préposition, ad
libitum. Ainsi: un bifteck aux pommes ou un bifteck-pommes; une absinthe
à la gomme, ou une absinthe-gomme, et les analogues.
P. 182, 1. 27, supprimer obsidional.
P. 184, 1. 12, supprimer turbulence.
P. 205, supprimer inaccessibilité, infatigahilité, insociabilité, libidinosité, prio-
rité.
P. 216, 1. 27, supprimer inventorier.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES.
INTRODUCTION.
(Pages 1-40.)
I. Nécessité d'étudier scientiflquement lo. langue contemporainej dans sa pho-
nétique, dans ses formes grammaticales, dans sa syntaxe, dans les trans-
formations de sens des mots, dans la création des mots nouveaux. — Cette
étude a pour objet la création des mots nouveaux 1
II. Du néologisme. Théories sur le néologisme au dix-septième, au dix-hui-
tième et au dix-neuvième siècle 7
III. Deux sortes de néologismes, les uns désignant des faits nouveaux, les
autres désignant autrement des faits anciens. Les premiers sont nécessai-
res ; les seconds relèvent de la critique, s'ils sont l'œuvre des écrivains,
doivent être expliqués par la science, s'ils sont l'œuvre du peuple. Dans
quelle mesure la langue littéraire doit combattre les néologismes popu-
laires 32
IV. Les procédés de création de mots nouveaux sont au noriîbre de trois :
1. Formation française; 2. formation sauvante, latine et grecquej 3. emprunts
aux langues modernes. De la la triple divisîôirdè' cet ouvrage. — Divi-
sion de la langue française en langue écrite ou langue commune et en
langue populaire. Distinction de la langue populaire et de l'argot 37
PREMIÈRE PARTIE. — FORMATION FRANÇAISE.
(Pages 41-167.)
PREMIÈRE SECTION. — DÉRIVATION IMPROPRE.
(Pages 41-68.)
Chapitre premieb. Substantifs 41
§ 1, Noms communs tirés de noms propres 42
§ 2. Noms communs tirés de noms communs 45
5^ 3. Noms communs tirés d'adjectifs 46
5^ 4. Noms communs tirés de déterminatifs et de pronoms 49
4^ 5. Noms communs tirés de verbes 49
1 . Présent de l'indicatif 50
2. Impératif. 54
3. Infmitif. ^
4. Participe présent 56
5. Participe passé ^6
*î 6. Noms communs tirés de mots invariables 59
— 304 --
Chapitre ii. Adjectifs 59
§ 1 . Adjectifs tirés de substantifs 59
§ 2. Adjectifs tirés de participes 62
1 . Participes passés 62
2. Participes présents 63
Chapitre m. Pronoms, verbes, mots invariables 68
DEUXIÈME SECTION. — DÉRIVATION PROPRE. .
(Pages 68-124.)
Chapitre iv. Observations générales sur la dérivation 69
§ 1. Quelles conditions faut-il pour qu'un suffixe soit vivant 69
§ 2. Extension dans l'application des suffixes aux thèmes 70
-^-^ 3. Intercalation d'un ç, dun r ou d'un t entre le thème et le suffixe. . 72
§ 4. Intercalation d'un suffixe secondaire entre le thème et le suffixe. .. 75
§ 5. Influence exercée par les suffixes de la première conjugaison sur
ceux des autres conjugaisons 76
Chapitre y. Suffixes nominaux 78
able 79
ade 81
âge 82
aille 84
ais, aise ou ois, oise ; aison 85
al, el 86
ant (and), ance 87
and, ande, andier ; ard, arde 88
as, asse, ace, ache ; is, isse, iche ; oche ; uche 91
âlre ; aud ; é, ée ; ée 92
eau, elle : ereau, erelle ; ement 95
erie 97
esse, ise ; esse 100
et, ettc; ot, otte 101
cur; eur, euse; eux, euse 102
eux, euse; ien, ienne 105
ier, ière 106
ille 109
in, ine ; ine 110
oir, oire 112
on 113
té; u 114
ure 115
Chapitre vi. Suffixes verbaux 115
er 115
ailler, iller, eronner, ocher, oter otter 120
Chapitre vu. Suffixe adverbial (en ment) 121
TROISIÈME SECTION. - COMPOSITION.
(Pages 124-167.)
Chapitre vui. Juxtaposition 124
A quoi reconnaît-on un juxtaposé? 124
§ 1. Juxtaposés formés d'adjectifs et substantifs (l'un qualifiant l'autre). 125
Particularités que présentent les mots monsieur, madame et mademoi-
selle 125
— 305 —
§ 2. Juxtaposés formés de substantifs et substantifs (ou verbes: l'un ré-
gissant l'autre) 127
§ 3. Locutions par juxtaposition, avec synecdoque ou métapiiore 127
r.riAt'iTRE IX. Composition à l'aide des particules ]28
à 129
après, arrière, avant 130
bien, contre 131
de, dé (dès) 133
é (es), en (em) 137
entre 139
mal, mes, moins, non, outrç. par, pour, plus 140
presque, re 141
sans, sous 144
sur 145
sus, très 146
( iHAi'iTRE X. Composition proprement dite *. 146
§ 1 . Composition par apposition 1 47
§ 2. Composition avec génitif ou datif (composés de dépendance) 156
§ 3. Composition avec l'impératif 161
UEUXIEME PARTIE.- FORMATION LATINE ET GRECQUE.
(Pages 169-249.)
PREMIÈRE SECTION. — FORMATION L.\TINE.
(Pages 169-229.)
Chapitre xi. Vues générales sur la formation latine 169
Histoire de la formation latine 169
La formation latine et la langue de nos classiques 174
La formation latine et la langue commune 17Jj
, î.a formation latine et la langue populaire ju^U^^
(Chapitre xii. Emprunts faits au latin 177
Chapitre xiii. Dérivation latme 184
§ 1 . Suffixes nominaux formés de voyelles 185
eus ea eum (œum), lus. . . ; 185
ia ium, uns ... 186
§ 2. Suffixes nominaux formés de consonnes simples 186
G : acus, Icus ica 186
ïcus ïca 187
aceus 188
D : as adis, eis eidis, idœ 189
tudo 190
L : alis 190
olus ola olum 191
ulus ula ulum 192
ibilis 192
N : anus ana 192
inusina 194
tionem sionem". 193
R : aris 195
ator sor, atura sura, alorius sorius, ationcm sionem (noms en
ateur seur, ature sure, atoire, toirc, ature) 19
20
— 306 —
S : osiis 'i02
T : atus (é, at, ate) 203
ilatem 204
V' : ivus 205
§ 3. Suffixes nominaux formés de deu.v consonnes combinées. 206
LL : ellus, illus 206
ND : andus endus, bondus 206
NT:ant(em) ant(iam), enl(em) ent(iam), esc-enl(em) esc-ent(iam)
mentum 207
se : iscus 207
SM, Sï : ismus, ista ^ 208
§ 4. Suffixes verljaux : er, iser 216
Chapitre xiv. Composition latine 218
Composés synlactiques et asyntactiques . 218
^ Composés avec particules : 221
ab, ad, anle, circum, cis 221
cum, contra, dis, ex, extra 222
in (préposition), in (négation) .•. . 223
infra, inter 226
intra, intro, ob, paene, per, parum, post, prœ 227
prœter, pro, quasi, re, sine, sub 228
super^ supra, trans, ultra 22,9
DEUXIÈME SECTION. — FORMATION GRECQUE.
(Pages 230-249.)
Chapitre xv. Vues générales sur la formation grecque, dérivation, composi-
tion 230
§ 1. Historique et caractères généraux de la formation grecque 230
§ 2. Dérivation : suffixes ie, ose, ite ; nomenclature chimique 235
§ 3. Composition grecque 238
§ 4. Abus de la formation grecque 246
TROISIEME PARTIE. — EMPRUNTS AUX LANGUES
MODERNES.
(Pages 25C-261.)
Chapitre xvi et dernier 251
Vues générales 251
Emprunts à l'anglais 253
Emprunts à l'italien 258
Emprunts à l'espagnol, au portugais, à l'allemand 259
Emprunts aux langues slaves, aux langues de l'Afrique 260
CONCLUSION.
(Pages 263-277.)
Statistique des procédés de formation français, latins et grecs 263
La langue de formation savante constitue une langue étrangère au milieu de
la langue française. Danger qui résulte pour le français de cet état de
choses 267
— 307 —
l,;i ruriimlioii latine tepcmliuil a été légitime et nécessaire 'i7'i
l'oiit-on en altcniier les eflcts et comment? 'J7Ii
La formation grecqne est amenée par le ticveloppcmcnt des sciences 274
Antinomie entre la science et le langage 275
Index des mois nonv(îanx cites dans l'ouvrage 277
COBBECTIONS 301
KIN ])K LA TABLE DES MATIERES.
■|'y|)Of.Ta[)hie Laliin'<>, ruo <io Fli-iiriis, <), ii Paris-
BINDING SECT. OCT \ 4 1980
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Darmesteter, Arsène
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